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Sirène muette
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Livre électronique158 pages1 heure

Sirène muette

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À propos de ce livre électronique

La narratrice raconte son unique amour. Ce récit écrit à la première personne garde le mystère de l'héroïne dont on ne saura jamais le nom. Cette histoire tragi-comique est le chant silencieux d'un regard sur le monde. La tendresse et la bonté de son regard donnent aux personnages une dimension particulière, chargée d'émotion, mais pudique. Entre le rire et les larmes on ne s'ennuie jamais.
LangueFrançais
Date de sortie19 déc. 2013
ISBN9782312015323
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    Sirène muette - Félicité Chauve

    img1

    Sirène muette

    Félicité Chauve

    Sirène muette

    LES ÉDITIONS DU NET

    22, rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes

    © Les Éditions du Net, 2013

    ISBN : 978-2-312-01532-3

    1

    Je suis née en septembre et par erreur.

    Dès le premier vagissement, j’ai senti que j’avais commis une bourde. J’ignorais laquelle.

    Maintenant, je sais. Mais j’ai gardé le tic. Tout mon être cherche sa bévue. Je m’excuse pour un rien, engluée dans le repentir et la gratitude, avec des courbettes mécaniques qui me donnent l’air d’un pantin obséquieux.

    J’ai le manie de tout réparer, les choses brisées mes blessent. Je n’ai jamais réussi à fermer convenablement les chemises ni les gilets. Arrivée au bout, j’ai l’air tordue, avec un faux pli dans le milieu. Je pense que c’est ma façon de dire que j’ai mal commencé.

    Maintenant que je connais les choses de la vie, je me dis que là-bas, dans les limbes, je devais aimer la rigolade. Sinon, comment expliquer le fait que, née dans la tragédie, après avoir jeté l’opprobre sur les miens, par le seul fait d’être en vie, je traverse le monde nantie d’une figure aussi hilare ? Au lieu de réparer le péché de ma naissance, de porter cette vie comme une pénitence, j’existe ostensiblement. Je lance à la cantonade des rires tonitruants aussi inévitables qu’un urticaire.

    Et pourtant… Comme je me repens ! La culpabilité m’étouffe. Je suis vraiment gênée de m’être ainsi imposée, semant à jamais le doute, des susceptibilités éternelles et quelques piques acides dans les disputes familiales. Sans compter tous les gâchis collatéraux. Les réputations détruites, les rêves virginaux brisés et j’en passe. Mais cela ne m’empêche pas de m’esclaffer sans cesse. Ce doit être génétique, comme le grain de beauté ou les taches de rousseur.

    Cette joie inévitable m’a toujours miné le quotidien. S’il existait un médicament contre le rire, j’en avalerais par poignées. Les manifestations intempestives surgissent surtout lorsque tout va mal. Dans les circonstance où une sinistre mine, un œil éteint et quelques soupirs à fendre l’âme seraient de bon ton, mon air réjoui détonne. Ainsi, je n’ai jamais pu faire pitié. Le désespoir me tétanise, et toute façon, je souris toujours par politesse. Mes tempes semblent munies de bretelles autonomes Ne parlons pas de fous rires survenus lors des disputes, enterrements, annonces de mauvaises nouvelles et chagrins divers. La moindre émotion me tiraille la figure. Là, c’est certain, le rire monte comme une envie d’éternuer. Les petits détails comiques prennent un relief inattendu, d’infâmes jeux de mots me viennent à l’esprit, quelqu’un se prend les pieds dans le tapis et j’explose. L’hilarité honteuse m’envahit, secoue tout mon corps, malgré la honte. Et même lorsque le désespoir me prend, soudain, au détour d’une pirouette, je ris. Les larmes explosent et je ris.

    Le rire déborde. Et pourtant, je souffre. Mais il n’y a rien à faire, je sui née victime d’une joie maladive, ma douleur elle même se tord de rire. Je suis incapable de tristesse. J’ai quelque part, un fil qui m’attache au ciel, l’azur m’enivre et je ris.

    Maintenant, je sais à quel point c’est une tare. La pire de toutes, car, jusqu’au bout de sa vie on doit la payer très cher. C’est comme d’avoir des ailes pour marcher dans un couloir. A quoi bon voler dans un monde qui marche ? Dès le moindre geste vers les sommets, le plafond vous gifle.

    Sans compter qu’avec toute cette allégresse dedans, on doit payer dehors.

    C’est pour ça, que j’ai peur du bonheur.

    Une peur qui me plie en deux, comme si tout allait exploser. Les bonheurs des autres me sont interdits. Je ne supporte pas les déclarations d’amour et même d’amitié, j’ai horreur des compliments, des événements heureux, de la moindre joie offerte par la vie. Surtout, parce que dans ces moments là, on baisse les poings et le coup vous renverse.

    Il y a une chose, aussi, que j’ai su avant même de savoir toutes les autres. Le meilleur moment, c’est quand la gifle vient juste de tomber. On n’a plus à l’attendre, ni à chercher d’où elle va venir. C’est le seul moment de répit. Oh oui, le seul moment de paix. Sinon il faut rester sur le qui-vive. Ne jamais baisser la garde. J’ai appris la prudence, la tête rentrée, la joue fuyante et l’œil aux aguets. Cette position dans la vie, m’a valu une bonne scoliose, un léger strabisme et des tics bizarres. Mais j’ai paré les coups.

    Presque tous les coups.

    Jusqu’au jour où j’ai aimé Max.

    Quand j’aimais Max., la peur me donnait envie de hurler, j’étouffais. Des sursauts m’arrachaient au sommeil. Je me réveillais en claquant des dents. Je l’attendais, le malheur. Je l’attendais. D’où me viendrait le coup ?

    Max réchauffait mes doigts glacés entre les siens, me disait de respirer. « Respire ma petite ombre, respire, le ciel ne va pas te tomber dessus ! » Pauvre fou. Pour lui faire plaisir, je me remplissais l’estomac et les poumons jusqu’à la dernière limite mais une terreur sans nom de serrait les côtes. Dans mon étau, je n’avais pas assez de place pour cet air aspiré goulûment. Je me vidais comme un vieux pneu tandis qu’il riait aux éclats.

    J’ai tellement fait rire Max.

    2

    Comme toutes les bêtes épouvantées, j’ai ma grotte ancestrale. Il n’y a qu’un lieu où je me sente en sécurité. Un lieu magique, mon havre à moi. Des formules anciennes et secrètes gardent l’entrée de ma tanière. Au premier danger, je vais m’y terrer, bardées de grigris, derrière une barricade de bocaux, avec ma réserve café, de romans à deux sous et de sandwiches. Je n’en sors que lorsque mon estomac commence réclamer autre chose.

    C’est la Radeau de la Méduse, le cadeau du premier homme bon de ma vie.

    Il s’appelait Hans, connaissait tous les métiers, magicien illusionniste, montreur de marionnettes vivantes et parfois devin. Cet homme si doué, avait à l’époque, trois fois mon âge, des yeux de gamin stupéfait, une masse de boucles blanches et une indécrottable distinction, malgré tous les gros mots qu’il se plaisait à claironner dans les lieux où cela ne se fait surtout pas.

    Hans m’a sauvée alors que je me suicidais pour la cinquième fois.

    C’est certainement lié à ma nature contradictoire. Je suis increvable. Aucune maladie ne me résiste, les accidents m’épargnent et malgré toutes les tentatives, je n’ai jamais réussi à couper le fil de mes jours. J’ai honte d’être là. Mais profondément quelque chose s’incruste. La politesse la plus élémentaire exigeait que je meure dès la première goulée d’air. Hélas, malgré moi j’ai tout de suite débordé d’une vitalité à toute épreuve. Mon appétit faisait plaisir à voir. J’ai résisté à toutes les maladies infantiles et même à une épidémie de poliomyélite qui a décimé la moitié de mon école. Je suis vraiment increvable. La mort aux rats me laisse de pierre, les somnifères me réveillent, j’ai peur des revolvers, les lames de rasoir me font horreur. Je ne sais pas bien faire les nœuds coulants et le poison est sans aucun effet sur mon organisme. Des toutes façons, les poisons valables ne se trouvent pas très facilement.

    Ce soir là, j’avais en désespoir de cause, opté pour le train. A moins d’un déraillement intempestif, d’une panne soudaine ou d’une grève imprévue, j’étais sure d’une finir une fois pour toutes pour toutes. Une petite pluie froide tombait sur l’ombre du pont, j’étais immobile contre le parapet et j’attendais le rapide de Versailles. A cette heure, les rues étaient vides. Seules quelques rares voitures troublaient le silence, d’ans une espèce de chuintement mouillé. Debout sur le pont, je surveillais les rails, le cœur battant.

    Quand le grondement du train est venu, le bruit d’une grande vague de mort, j’ai enjambé la rambarde et, dans un mouvement de bras, j’ai esquissé le mortel envol, droit vers les phares jaunes.

    Soudain, une poigne de fer a suspendu ma chute et je me suis retrouvée assise dans une flaque d’eau, devant un grand homme hirsute qui soufflait de soulagement.

    – Nom de Dieu ! Se foutre en l’air à cet âge ! dis donc, tu crois pouvoir éviter ta dose d’emmerdes ? Laisse donc faire la nature. Tu finiras par claquer, comme nous tous. Zigouiller son destin comme ça… Nom de nom de nom. Si je n’avais pas eu l’idée de regarder par la fenêtre, tu serais en morceaux ! Des claques, j’ai envie de lui donner des baffes à cette greluche. Il va falloir que je boive un nom de Dieu de truc puissant sinon, je vais tomber raide et claquer à ta place. Allez ! Espèce de canard, debout et marche ! Si tu fais seulement mine de vouloir mourir, je te botte le cul jusqu’à ce que mes rhumatismes se réveillent !

    Abasourdie, je me suis laissée trainer comme un vieux sac. J’ai bu trois verres de prune et je n’ai plus quitté Hans.

    Je n’avais pas le choix. Il ne me lâchait pas d’une semelle. Et puis, c’était extraordinaire de vivre en sa compagnie. Moi, qui avais toujours rasé les murs, ravagée par la honte, à tenter vainement de passer inaperçue, je découvrais la vie avec quelqu’un qui faisait juste le contraire.

    Sa grande carcasse dégingandée et rigolarde était connue dans le quartier et tout le monde le saluait, certains avec la peur d’essuyer une répartie bien sentie. Partout où nous allions, il dépensait sans compter, se conduisait à sa manière, totalement indifférent à l’opinion des autres.

    Hans était un magicien célèbre. Personne n’a jamais réussi à découvrir le mystère de ses tours. Le plus spectaculaire me laissait toujours un peu haletante. Il disparaissait soudain, sans fumée, sans voiles, sans rien. Il s’évanouissait dans l’espace d’un seul coup et à sa place, surgissait un fauve.

    Ca le faisait rire.

    – Tu vois, Le Canard, je suis sur que toute ma famille s’arrache les cheveux à chaque fois que je file dans l’espace ! Si je ne reviens pas,

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