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Le royaume oublié: Roman
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Livre électronique324 pages4 heures

Le royaume oublié: Roman

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À propos de ce livre électronique

Jérusalem, 640 av. J.-C.. Alors que la dynastie issue de David attend un héritier avec anxiété, la princesse Jedida donne naissance à deux fils. Le pays, déjà menacé par l’Égypte et l’Assyrie qui s’affrontent dorénavant, risque de sombrer dans la division… Afin de le sauver, un jeune prêtre idéaliste et une vieille servante en mal de maternité décident de fuir vers l’Égypte avec l’enfant royal. Mais la route qui mène à Memphis est semée d’embûches et le nouveau-né est kidnappé dans le désert. Dans le même temps, à faible distance, le Pharaon Psammétique affronte les Assyriens. Mais, au moment où il s’apprête à prendre d’assaut Ashdod et à bouleverser le cours de l’Histoire, un jeune couple qui voyage avec un nouveau-né est capturé par les soldats. Qui sont-ils ? Qui est réellement l’enfant qui les accompagne ? Et si cet enfant était le fils d’Amon, descendant de David ? Psammétique croit y voir un signe. Amon-Rê a-t-il décidé de placer le destin de Juda entre ses mains ? Lui offre-t-il enfin le pouvoir de faire renaître l’empire et de faire de son pays la plus grande puissance de la région ? Intrigue à mystère, quête d’absolu et de transcendance, régicide provoquant l'arrivée d'un enfant roi qui deviendra "Messie", guerre civile fratricide entre héritiers, amours inconsolables, personnages hors du commun en butte contre l'adversité. Avec patience, Sarah traduit et reconstitue les derniers moments d'une dynastie exceptionnelle, celle de David, jusqu’à la bataille finale et décisive de Tel Megiddo (Armagedon) où se décide l’avenir du monde…  

À PROPOS DE L'AUTEUR

Serge CALVO : Né à Paris en en 1960. [...] Alors, parce que son père, OS chez Renault, ambitionne de voir son fils porter une "blouse blanche", il accepte de renoncer à ses projets et devient, à 18 ans, dessinateur industriel. Onze ans plus tard, un BTS en poche, il quitte son emploi de professeur de dessin technique  afin d'assumer ses nouveaux  choix d'homme qui résultent de ses nouveaux amis,  et il réussit le concours d'Instituteur. Les années passent, il vient de franchir le cap délicat des cinquante ans, devenu directeur d'école en ZEP, un premier "accident de santé" l'amène à se remettre totalement en question. Pour tromper l'ennui dû à son arrêt,  il commence à écrire… et c'est le choc, celui de l'émotion suscitée par la création artistique qui puise son inspiration dans les tréfonds tumultueux de son univers intérieur. Un premier texte émerge, le scénario d'un téléfilm qui relate (dans un décor de tragédie antique qui ressemble fortement à celui de l'Espagne du Front populaire) les derniers instants magnifiques et sublimes du grand Pablo Neruda. Mais celui-ci est refusé par Arte. Il commence à douter… A-t-il sa place, lui qui n'a pas connu les bancs de la faculté ?. La rencontre de Pierre Tré-Hardy,  à l'occasion de la sortie de son nouveau spectacle,  sera décisive, car en artiste qui "ne voit qu'avec son cœur", celui-ci le convainc, à la lecture des quelques lettres qu'il a reçues, que ses doutes sont vains puisque, dorénavant, il se doit de livrer au public l'univers imaginaire qu'il porte en lui. La suite ? Et bien, elle vous appartient, puisqu'un auteur ne peut exister vraiment qu'à travers les émotions qu'il provoque chez les autres. Un grand Merci surtout à "LE PHÉNIX D'AZUR" Éditions généraliste et indépendante qui a bien voulu, à l'issue d'un long chemin semé de désillusions, prendre en charge cette "Histoire" incroyable qui ne fait, je l'espère du moins, que commencer…  
LangueFrançais
Date de sortie1 juin 2020
ISBN9782379880506
Le royaume oublié: Roman

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    Le royaume oublié - Serge Calvo

    Halter

    LA DAME DU DJEBEL

    « Une fois par an, la Dame du Djebel révèle sa beauté, mais pas son secret. Pour toi, mon amour, je découvrirai ce qu’elle cache… mais, sauras-tu attendre ? »

    Mars 1983, Soudan, bords du Nil. Chantier de fouilles du professeur Ibanez.

    — Debout, debout les enfants c’est l’heure !

    C’est par ces quelques mots, lancés d’une voix joyeuse que débuta ce beau dimanche de printemps. Bien qu’éreinté par une longue nuit passée à éviter les piqûres de moustiques, à entendre les croassements des crapauds et autres bruits incroyables de la palmeraie, je ne mis que quelques minutes à me préparer silencieusement et à sortir de la tente. Au-dehors, un ciel d’une profondeur inouïe constellé de milliers de points lumineux que ne parvenaient pourtant pas à masquer les feuillages des palmiers commençait lentement à blanchir. Une clarté douce provenant de la lampe tempête que portait en permanence celui qui nous avait réveillés me permit d’aller facilement jusqu’à lui. 

    Lui, c’était Malek, une sorte de géant jovial qui était notre guide et l’homme de confiance de notre expédition. Une personnalité importante en vérité, un notable. Un homme sans qui rien ne pouvait se faire dans la région et tout particulièrement dans la ville, sorte de gros bourg endormi où nous nous trouvions. Il me salua comme d’habitude avec un large sourire, une tape sur le dos et non sans m’avoir au préalable taquiné.

    — Je viens de préparer le petit déjeuner. Nous le prendrons tout à l’heure, une fois que nous serons arrivés, déclara mon Hercule alors qu’il attelait à son âne préféré une carriole bricolée avec un essieu d’automobile.

    Au loin, provenant de la mosquée de Karima, l’appel à la prière démultiplié par les amplificateurs se faisait déjà entendre. Alors, d’un geste lent, Malek étala un petit tapis sur le sol, non sans l’avoir au préalable précautionneusement orienté comme il convenait. Puis, l’expression de son visage étant redevenu grave, il commença à prier.

    — On ne plaisante pas avec la religion du prophète, pensai-je immédiatement tandis que mon estomac me lançait des appels désespérés. Néanmoins, puisqu’il me fallait patienter, je fis donc quelques pas afin d’observer, le plus commodément possible, le fleuve majestueux auprès duquel cet « imbécile » d’Ibanez nous avait installés. 

    Comme nous étions sur sa rive droite et que celui-ci après avoir réalisé un large méandre s’écoulait calmement selon une orientation sud-ouest, j’eus la chance, une nouvelle fois, car je ne m’en lassais jamais, d’assister au prodigieux spectacle des flamboiements occasionnés par les premières lueurs de l’aube que reflétait le Nil. 

    Se découpant à contre-jour, quelques pêcheurs, déjà, lançaient leurs filets du haut de leurs pirogues chaudronnées et martelées à partir de bidons de fer blanc.

    — Comme tout est simple et beau, me dis-je naïvement…

    Mais qu’est-ce qu’elle fait bon sang, rajoutai-je aussitôt en regardant Malek !

    — Shut, fit-il avec un doigt posé sur ses lèvres.

    Apprends, petit, qu’elles sont toujours longues à se préparer. J’en sais quelque chose, dit-il en souriant, j’en ai trois !

    Brusquement, des doigts fins et frais, venant de derrière moi, se posèrent sur mes yeux.

    — Holà, j’espère ne pas avoir été trop longue. Je n’y voyais rien pour choisir mes vêtements.

    Ma mauvaise humeur se dissipa immédiatement, faisant place à de l’admiration. 

    — Incroyable, dorénavant cette gamine parle mieux l’espagnol que moi. Elle n’a quasiment plus d’accent, me dis-je en me retournant et en tentant de lui donner un baiser qu’elle esquiva. 

    Elle se dressait maintenant face à moi avec son joli sourire. Ses yeux magnifiques qu’encadrait une chevelure courte, mais d’un noir de jais, me regardaient avec leur intensité habituelle.

    — Nous n’avons plus une minute à perdre !

    — J’ai faim Sarah, lui répondis-je !

    Nous commençâmes alors notre marche. L’endroit où nous devions aller n’était qu’à deux kilomètres et il nous suffisait de traverser complètement la palmeraie qui bordait les berges du fleuve pour y parvenir. Une lumière diaphane non encore agressive s’était peu à peu établie. 

    Provenant des nombreux palmiers d’Oum qui suivaient la piste sablonneuse que nous empruntions, une multitude de chants d’oiseaux aussi variés que surprenants parvenaient jusqu’à nous. Attelées d’ânes de toutes les couleurs, de nombreuses carrioles, identiques à la nôtre, venaient d’ores et déjà de nous croiser lorsque nous atteignîmes la limite des plantations. La lumière, soudain, devint aveuglante. Hélas, comble de misère, je m’aperçus alors que j’avais oublié mes lunettes de soleil. C’est donc à travers mes doigts légèrement écartés, posés sur mes fragiles yeux que je le découvris pour la première fois.

    Se dressant de façon spectaculaire au milieu du ciel azuréen, une sorte de falaise imposante nous faisait face.

    — C’est le Djebel Barkal, nous lança Malek. J’le connais comme ma poche…

    — La montagne « pure », poursuivit Sarah, habitée jadis par le dieu Amon…

    Un lieu sacré pour les anciens Égyptiens.

    — Et alors ? 

    Répondis-je, nullement impressionné par cet amoncellement de roches.

    Je te signale seulement qu’il n’y a pas un arbre et donc pas une ombre. À part celle de quelques tas de pierres répartis ici et là…

    Elle me prit alors par la main et s’écria joyeusement :

    — En vérité, ces tas de pierres sont des vestiges archéologiques. Courage !

    Du courage il en fallait, pour supporter la chaleur dans un tel endroit morne et désolé. 

    Mais, comme j’étais sérieusement mordu, je l’aurai suivi en enfer si elle me l’avait demandé… alors du courage, j’en avais à revendre. 

    — Ça y est, nous sommes presque arrivés, nous expliqua notre guide pendant que nous approchions du versant de la falaise qui pour le moment était à l’ombre. 

    Le djebel en question n’était qu’une colline tabulaire ayant environ 200 à 300 m de large.

    — Voilà, installez-vous les enfants. Nous allons prendre un solide petit déjeuner. Mais il ne faut pas perdre de temps.

    — Pour quelle raison ? demandai-je.

    — Parce que ça va bientôt être l’heure !

    — Mais l’heure de quoi enfin ? répliquai-je sèchement.

    — L’heure du cadeau, ça sera mon cadeau d’adieu pour vous remercier de votre gentillesse, répondit Malek avec son éternel sourire tandis qu’il lançait un clin d’œil complice à Sarah.

    Une fois le déjeuner avalé, nous dételâmes la carriole après l’avoir placée contre la paroi qui était à contre-jour et nous laissâmes l’âne vagabonder tout à son aise. Apparemment habitué, notre courageux petit quadrupède s’empressa d’aller se poster face à un arbuste qui malgré l’inclémence du temps était couvert de feuilles vertes.

    Un enfant vint alors à notre rencontre. Il nous salua et nous offrit un magnifique sourire. Il portait un agneau sur ses frêles épaules. Nous répondîmes d’un signe au petit pâtre.

    — C’est le métier qui rentre, s’exclama Malek. J’ai débuté comme lui moi aussi…

    Nous poursuivîmes notre chemin. Nous venions de gravir une pente assez sévère qui nous emmenait jusqu’à mi-hauteur approximativement de la falaise, lorsque nous nous arrêtâmes devant une gigantesque lézarde qui striait la montagne.

    — C’est ici, déclara, tout excité, notre Hercule.

    Sarah, viens ma petite, tu vas pouvoir la contempler en premier. Il suffit de te glisser à l’intérieur. Tu vas voir, il y a de la place.

    Se courbant comme il fallait, Sarah se glissa alors dans cette sorte d’abri sous roche que masquait une avancée rocheuse. Malek regarda aussitôt la limite de la lumière projetée sur la paroi. Celle-ci se déplaçait lentement vers le lieu où avait pénétré celle, qui à ce moment de mon existence, hantait constamment mes nuits.

    — Une fois par an, les rayons du soleil pénètrent et éclairent totalement l’intérieur de la grotte et on peut la voir !

    Soudain, j’entendis Sarah : 

    — Oh, comme elle est belle, lança-t-elle avec émotion.

    — Je connais cette gravure par cœur. Je l’ai observée depuis mon enfance sous tous les angles à l’aide de ma torche électrique. Avant, c’était facile, me dit joyeusement Malek, j’étais maigre !

    Maintenant, ce n’est pas la peine d’essayer, conclut-il dans un éclat de rire.

    Je commençais à m’inquiéter. Sarah restait trop longtemps à l’intérieur à mon goût…

    Enfin, elle finit par sortir, paraissant profondément affectée par ce qu’elle venait de voir.

    — Alors, lui demandai-je anxieux ?

    — Elle m’a émue. Elle est très belle… C’est une simple gravure.

    — Mais encore...

    — Une dame, ayant un visage d’une grande douceur. Elle porte un enfant. Au-dessus, vers la droite il y a une étoile à cinq branches. À gauche, des triangles. Probablement les pyramides…

    — Bon, pas de quoi fouetter un chat finalement, dis-je bêtement.

    — Si ! Rajouta-t-elle avec un sanglot dans la voix. 

    Je t’en supplie, viens avec moi ! Glissons-nous ensemble dans l’abri !

    Malek me regarda avec malice et il ne put s’empêcher de rajouter :

    — Ah, ah, ensemble !

    Vas-y gamin, c’est facile puisque vous êtes gros comme deux crevettes !

    Après bien des difficultés dues au fait que Sarah n’osait pas se serrer contre moi en présence du guide, nous parvînmes quand même à nous introduire à l’intérieur.

    Je me rappelle parfaitement que j’étais alors en sueur et que mon cœur battait la chamade…

    Mais, j’étais ivre de joie, car je sentais le souffle chaud de Sarah sur mon visage et son petit corps svelte était collé contre le mien.

    Profitant de l’occasion, je fis une nouvelle tentative pour l’embrasser. Elle me repoussa. Dépité, j’avais alors décidé de ressortir et je m’écartais d’elle, lorsque je sentis sa main prendre nerveusement la mienne. Malgré l’étroitesse du réduit, elle réussit à la soulever. Puis, elle la plaqua contre la gravure.

    — Faisons un vœu, m’ordonna-t-elle d’une voix lasse alors qu’elle posait ses lèvres sur mon cou. 

    ÉZÉCHIEL

    LE PRÉSAGE DE L’ÉTOILE

    Tablettes en argile cuite retrouvées par Sarah dans la grotte du Djebel Barkal. Leur traduction permit d’établir qu’elles avaient deux auteurs distincts, Ézéchiel, qui deviendra un grand prêtre et se fera connaître dans la bible et Aménakhté, illustre inconnu, qui sera le grand témoin de la renaissance égyptienne sous le règne de Psammétique.

    Cet hiver-là, durant la trente neuvième année du règne de Ménashé, il neigeait sur les hautes terres du royaume. L’obscurité était tombée sur la cité où se dressait le Temple et l’air glacial était devenu irrespirable pour mon Maître qui observait les constellations aux formes bizarres tout en marchant d’un pas lent dans une des ruelles de l’antique cité.

    Soudain, son attention fût attirée par un astre dont la luminosité et l’intensité venaient de s’accroître d’une façon extraordinaire...

    Il chercha dans sa mémoire des souvenirs qui puissent lui rappeler et expliquer le spectaculaire événement auquel il assistait. Mais, celle-ci s’apparentait plutôt à un puits sec.

    — Est-ce un signe, un message envoyé par le très haut, finit-il par se dire avec inquiétude ?

    Il n’eut pas le temps de répondre que déjà les hautes murailles du palais royal lui apparurent au milieu de l’obscurité ambiante. Puis, à quelques pas, il distingua nettement les gardes, spécialement équipés pour affronter les rigueurs de la saison, près de l’entrée principale.

    À la vue d’Hilkiya, mon maître, ceux-ci s’inclinèrent avec humilité, puis ils lui ouvrirent une porte d’allure cyclopéenne.

    Dans le palais royal situé en contrebas de l’esplanade des cérémonies, il y avait de la lumière. Une certaine ambiance mêlée d’inquiétude et de joie fiévreuse s’était emparée des esprits des hommes et des femmes qui y résidaient et y travaillaient.

    Roi, épouses royales, princes, mages, esclaves, tous attendaient un événement avec ferveur. Néanmoins, nulle femme et surtout nul mâle n’eut osé s’approcher du lieu d’où viendrait la nouvelle de peur de commettre un acte impie.

    Dans la chambre de la princesse, des femmes expérimentées s’appliquaient auprès d’une jeune femme qui demeurait alitée, à faire les gestes que leurs mères et les mères de leurs mères leur avaient enseignés. Le moment était proche, tous les indices concordaient, se disaient-elles pleines de sagesse et d’autorité.

    Malgré le froid glacial qui régnait sur le palais, la princesse était en sueur. Était-ce l’effet des couvertures qui la recouvraient et de celui des nombreux braseros que l’on avait installés auprès d’elle, ou bien était-ce le sentiment de responsabilité vis-à-vis de l’acte qui allait advenir après une longue attente de neuf mois ?

    Cela elle l’ignorait, mais par-delà la souffrance physique qu’elle ressentait et que nul homme au monde n’aurait pu supporter, un intense sentiment d’accomplissement s’était emparé d’elle et la remplissait d’une force qu’elle n’aurait jamais pu imaginer.

    Soudain, elle ressentit une bouffée de douleur d’une intensité inouïe, puis une autre. Elle cria et eut l’impression qu’elle allait s’évanouir. Mais la femme la plus âgée, celle qui avait un teint sombre, attentive à lire les moindres signes sur son visage s’approcha d’elle et tout en la réconfortant et en essuyant les perles de sueurs qui ruisselaient sur son front, lui proposa un petit morceau de tissu roulé, imprégné de lait et de miel.

    La princesse accepta, mais tout en ouvrant la bouche, elle eut l’impression, subitement qu’une source fraîche sortait de son ventre et commençait à la recouvrir.

    Alors elle sut, comme une évidence, que celui qu’elle attendait depuis sa première nuit avec Amon était sur le point de venir au monde.

    De nouvelles femmes s’approchèrent de la princesse et soulevèrent ses couvertures. Elle sentit leurs mains fraîches aux gestes experts sur son ventre. Un sentiment de satisfaction se lisait sur leurs visages qui semblaient dire que tout se déroulait selon ce qu’elles avaient prévu. À la vue de leurs figures, la jeune femme redoubla de courage et s’appliqua avec une force et une énergie décuplée à réaliser l’acte pour lequel elle savait qu’elle était destinée depuis sa plus tendre enfance.

    De longues heures s’écoulèrent, rythmées seulement par les cris et les pleurs de la future mère.

    Une sensation d’éternité, mêlée de douleur et de fatigue, commençait à s’emparer de son corps. À travers les interstices des rideaux, elle s’aperçut soudain que le ciel commençait à blanchir. Elle entendit distinctement un coq chanter.

    Alors une idée terrible mêlée à une sorte de désespoir lui vint à l’esprit :

    — Se peut-il que je ne sois pas capable de donner la vie à cet enfant ?

    À l’extérieur de la chambre princière, l’excitation initiale était retombée. On entendait les lourdes respirations et les ronflements des serviteurs, des esclaves et des officiers de la garde royale qui dormaient, enroulés dans leurs longues capes d’hiver, sur des tapis qui avaient été étalés dans l’attente de l’événement.

    Seules quelques personnes demeuraient assises et semblaient avoir trouvé les ressources qui leur permettaient de se tenir éveillées. Parmi ces individus, dont les rides et la couleur de leurs barbes révélaient la maturité, il y en avait un, tout juste sortit de l’adolescence, au front soucieux et à la mine grave qui était un descendant du fondateur de la dynastie.

    Le jeune homme ne dormait pas et pour cause. L’enjeu lui semblait d’importance, car il ne s’agissait, ni plus ni moins, que de l’avenir de son peuple :

    Une nation minuscule et pauvre perdue au milieu de hautes collines, faite des débris épars de ce qui restait des douze tribus. Un petit royaume dont les ressources et les possibilités de survie lui paraissaient compromises au regard de la puissance démesurée des deux empires qui s’affrontaient désormais à proximité.

    Soudain, tandis que les idées sombres qui occupaient son esprit étaient sur le point de se dissoudre dans son sommeil, il perçut distinctement une forte agitation dans la chambre de son épouse. Les cris de la parturiente mêlés aux vives paroles des sages-femmes venaient de s’accentuer lorsque, soudain, ils furent recouverts par l’intensité et la force d’un vagissement de nouveau-né.

    Il se leva avec précipitation, écarta avec autorité les hommes et les femmes qui s’agglutinaient déjà devant la porte de la chambre princière et y pénétra.

    Devant le lit de son épouse, alors que la vieille femme au teint sombre, exténuée et tremblante, offrait à son regard, sans dissimuler sa fierté, le fruit de son union avec elle, le jeune prince fut submergé par une joie qu’il n’avait jamais ressentie jusqu’à présent.

    L’Égypte et l’Assyrie pouvaient bien continuer à s’affronter et à se déchirer pensa-t-il. Désormais, il en avait l’intime conviction, son peuple serait sauvé, car sa femme venait de lui offrir un fils et sans nul doute, celui-ci deviendrait un grand roi.

    Puis, son regard fut attiré par l’éclat de la lumière qui perçait les lourdes étoffes disposées sur les ouvertures. Au-dehors, le soleil brillait et la neige commençait à fondre. Il ressortit sans avoir réconforté celle pour qui il éprouvait, désormais, un intense sentiment de reconnaissance, car des hommes aux mines graves et sévères venaient de l’accaparer et l’entraînaient déjà vers un vestibule. Il lui fut difficile de se frayer un passage, tant l’excitation était à son comble. Certaines personnes pleuraient, d’autres chantaient. D’autres encore, agenouillées et se balançant en avant et en arrière, les paumes de leurs mains ouvertes et tournées vers le ciel, psalmodiaient des prières.

    Tout en marchant, l’âme pleine d’exaltation, et bien qu’il prenne soin de suivre la conversation de tous ceux qui s’adressaient à lui, le prince héritier remarqua que son épouse continuait à crier et à pleurer. Dans les instants qui suivirent, il s’aperçut qu’un soupçon d’inquiétude venait de s’insérer insidieusement dans son esprit.

    À quelque pas de lui, il croisa le regard plein d’allégresse d’un homme majestueux qui se dirigeait vers lui les bras ouverts. Il ne parvint pas à supporter son regard et ne put s’empêcher de détourner son visage lorsque celui-ci, arrivé auprès de lui, l’embrassa avec vigueur.

    — Que les dieux, bénissent ton fils, finit-il par lui dire.

    Le prince s’apprêtait à remercier son Roi, lorsqu’un autre vagissement, dont l’intensité et la force surpassaient le premier, couvrit tout l’espace sonore et provoqua des cris de stupeur de son entourage. Son cœur s’accéléra soudainement, tandis que son dos, sa nuque et ses cheveux se couvraient déjà d’une sueur gelée.

    Face à son père, il demeura sans voix.

    Les derniers rayons du soleil s’échappaient encore derrière la ligne de crête des hautes terres et l’azur du ciel semblait lentement se diluer en de subtiles nuances de rose, lorsque là-bas, vers le couchant, Hilkiya, mon Maître, parvint à distinguer de-ci de-là sur les versants rocailleux des collines et parmi les touffes vertes de la végétation qui se renouvelait, des bouquets d’un jaune intense. Il reconnut ces plantes et son âme se remplit d’allégresse à la vue du spectacle majestueux offert par la nature qui lui indiquait l’approche de la belle saison.

    Par la suite, il songea avec aigreur aux hommes emmêlés dans des actions vaines, incapables de se satisfaire des joies simples qui leur étaient offerts cependant qu’un visage de femme finissait par occuper son esprit. Alors, il eut une pensée remplie de compassion pour elle. Elle, qu’il connaissait depuis l’enfance et qui était devenue mère. Et cette pensée ainsi que l’image de son doux visage lui donnèrent la force de se diriger vers le lieu où devait se tenir le conseil et où allait se prendre la décision.

    En pénétrant dans la salle, mon Maître distingua en premier le prince, l’air grave et le visage triste assis, à la droite du roi. Celui-ci, assis avec dignité sur son trône, affectait ce soir-là une mine sombre et indécise. Il lui sembla que le reste de l’assemblée le regardait avec dureté. La discussion qui allait se tenir serait probablement déterminante pour l’avenir, songea-t-il avec inquiétude.

    Baruch, le mage qui avait en ce temps-là les faveurs du souverain fut le premier à prendre la parole :

    — Votre Majesté,

    La malédiction du ciel s’est abattue sur notre nation, notre race est désormais condamnée puisque la division s’est introduite au sein même de votre descendance !

    Or, notre pays est menacé par les grandes puissances qui nous entourent et nous observent comme le faucon guette sa proie. Notre faiblesse éventuelle, en une pareille circonstance, ne nous serait pas pardonnée par nos fils !

    En conséquence, ô puissant souverain, vous devez agir comme la foudre qui s’abat sur le chêne et avoir la force d’éradiquer le mal à son commencement !

    À l’écoute de ces paroles, le visage du prince blêmit. Le Roi observa le visage de son fils et malgré les terribles actions que la conduite de son pays l’avait amené à réaliser il en fut affecté.

    — Que conseilles — tu mage, aurais-tu lu un signe dans les astres ? demanda-t-il.

    — Oui, répondit avec autorité le mage.

    Les signes ne trompent pas ceux qui ont le courage de bien vouloir les lire. La nuit même qui a précédé la naissance des enfants, une étoile s’est mise subitement à luire avec un éclat démesuré !

    On entendit alors un murmure mêlé de peur et d’étonnement parmi les participants. À voix basse, des conversations débutèrent.

    — Et alors, où veux-tu en venir, demanda le Roi avec agacement ?

    — Je déclare que le principe d’unité a été réaffirmé par les puissances tutélaires qui gouvernent le monde et que le respect scrupuleux de ce principe préservera l’autorité de tes descendants. Il faut donc au préalable les apaiser, car elles exigent qu’on les honore, quel qu’en soit le prix !

    Je rajoute, afin de me faire parfaitement comprendre qu’il est indispensable de soustraire le deuxième enfant à sa mère !

    — Et pour quelle raison ?

    — Votre Majesté,

    Si vous n’agissez pas, une guerre civile opposera inéluctablement les deux prétendants. Et celle-ci provoquera la ruine, la destruction de notre pays et la fin de la dynastie de David !

    Un silence pesant se fit dans l’auditoire. Le prince semblait s’enfoncer lentement sur son siège alors que le regard de son père indiquait

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