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Peau de marbre: Un cadavre angevin
Peau de marbre: Un cadavre angevin
Peau de marbre: Un cadavre angevin
Livre électronique269 pages3 heures

Peau de marbre: Un cadavre angevin

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À propos de ce livre électronique

Un polar mêlant crime et art !

Traumatisée par la disparition tragique de sa mère et de son grand-père paternel, Anaïs s’adonne à la sculpture dans l’ancien pavillon de chasse du domaine familial du Valdoré, près d’Angers. La jeune fille n’accepte pas le remariage de son père, mais elle sympathise avec le nouveau compagnon de sa grand-mère, un ancien policier grièvement blessé en service. En faisant la connaissance d’un sculpteur proche de la famille, ce dernier a un pressentiment qui le pousse à mener sa propre enquête. Anaïs connaît très bien cet artiste réputé, mais secret, qui est son professeur et avec lequel elle entretient une relation trouble. Il lui confie la recette de sa « peau de marbre » qui permet de protéger des intempéries les sculptures de plâtre. L’élève va faire un usage diabolique des ingrédients qu’il lui fournit pour que sa dernière oeuvre puisse être installée dans le parc du château.

Découvrez une enquête passionnante au sein d'une famille nouvellement recomposée !

EXTRAIT

En définitive, l’enquêteur n’est pas mécontent de cet entretien infructueux qui semble confirmer ses soupçons. Il est aussi assuré de pouvoir opérer en toute tranquillité dans les prochaines heures. Cependant, pour plus de précautions, il décide de faire une promenade à pied afin de repérer plusieurs voies de fuite en cas de problèmes. Il veut se montrer prudent, car, si ses soupçons sont avérés, il sait qu’il n’a pas affaire à des enfants de chœur.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Christian Dureau, dit Élie Durel, est né à Saumur (Maine-et-Loire) en 1946. Il est diplômé de l’École supérieure de l’armement et du Conservatoire national des arts et métiers. Passionné d’histoire et attaché au patrimoine de la France, Élie Durel axe son travail d’écrivain vers ces deux domaines. Il est ainsi l’auteur d’ouvrages à caractère historique et de beaux livres. Il est distingué de l’Ordre national du mérite.
LangueFrançais
Date de sortie22 juin 2018
ISBN9791035301637
Peau de marbre: Un cadavre angevin

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    Aperçu du livre

    Peau de marbre - Elie Durel

    CHAPITRE 1

    « Madame la comtesse, madame la comtesse ! hèle le jardinier par la porte entrebâillée du salon vert qui ouvre sur le vestibule d’entrée du château. Il réitère plusieurs fois son appel avant que la comtesse fasse irruption.

    – Allons, Auguste, ne criez pas ainsi ! Que se passe-t-il donc ?

    – Madame la comtesse, c’est au sujet de mademoiselle.

    – Eh bien ! Qui y a-t-il ?

    – C’est que mademoiselle fait la statue dans le parc.

    – Comment ? Que voulez-vous dire par là ?

    – Je veux dire que mademoiselle se promène nue comme le marbre des statuts, confie le vieil homme au corps sec et au profil de momie en baissant la voix.

    – Ça alors ! Ne lui avez-vous pas conseillé de se rhabiller ? demande Cécile de Lavalette interloquée.

    – Je me suis permis, mais mademoiselle n’en a fait que rire. En ces premiers jours du mois de juin, le temps est anormalement frais. Aussi, je suis accouru vers vous, car il est sûr que mademoiselle va attraper du mal. Et puis, elle risque d’être vue.

    – Cette petite me cause décidément bien du souci. Dire que le groupe de séminaristes ne va plus tarder à rentrer de son excursion pastorale, observe Cécile après s’être retournée pour regarder l’heure affichée au cadran d’une pendule dorée posée sur un guéridon. Où se trouvait-elle lorsque vous l’avez quittée ?

    – Justement, dans l’allée des statues qui mène à l’ancien pavillon de chasse.

    – Bon, je vais y aller tout de suite. Savez-vous où elle a laissé ses vêtements ?

    – Dans son logement ou son atelier, je pense.

    – Je vais prendre quelque chose avec moi. Auguste, je vous remercie de m’avoir prévenue. À présent, vous pouvez retourner à vos occupations. »

    Cécile monte rapidement à l’étage où se trouvent ses appartements privés. Elle les a fait aménager depuis son mariage récent avec le comte Xavier de Lavalette. Empressée, elle descend bientôt dans la cour du château avec un peignoir de bain au bras. Elle franchit l’antique portail de fer forgé et emprunte le pont qui enjambe les douves où des carpes nonchalantes affleurent à la surface de l’eau trouble et jaunâtre. Après avoir contourné des dépendances de briques plutôt vétustes, elle traverse le jardin à la française et aborde l’allée du parc jalonnée de statues. Effarée, elle ne tarde pas à découvrir sa jeune belle-fille dont la nudité diaphane se confond étrangement avec celle de l’Apollon qu’elle enlace. Manifestement, elle lui fait l’amour.

    « Anaïs, mais que faites-vous ainsi dévêtue et dans cette posture ? Vous ne craignez donc pas cette fraîcheur qui commence à tomber après la pluie, et en étreignant du marbre ?

    – Belle-maman, je me sens parfaitement bien comme je suis, et j’ai besoin de ces sensations pour les exprimer dans la sculpture sur laquelle je travaille actuellement. Vous ne pouvez pas comprendre cela, vous qui n’entendez rien à l’art, répond la jeune fille sur un ton résolument effronté.

    – Allons, ne soyez pas désagréable et ne faites pas l’enfant. Si votre grand-mère était présente, vous ne vous permettriez pas ces extravagances. Vous n’ignorez pas que les séminaristes qu’elle a l’habitude d’héberger à cette période de l’année ne vont plus tarder à rentrer et qu’ils viennent souvent méditer dans le parc.

    – Mais ne suis-je pas une créature de Dieu ? Je suis Ève et il est Adam, affirme la jeune fille en caressant la sculpture.

    – Bon, allez-vous bientôt cesser vos gamineries ? Votre père se montre bien trop indulgent avec vous en acceptant toutes vos fantaisies et tous vos caprices. Et puis, avez-vous pensé qu’il y a cinq ans jour pour jour, votre mère…

    – Je vous interdis de parler de ma mère, vous n’en avez pas le droit. Sur moi, vous n’avez aucun droit », hurle Anaïs en arrachant le peignoir du bras de Cécile pour l’enfiler tout en s’enfuyant vers son refuge.

    À dix-huit ans depuis le 3 mars dernier, Anaïs est une sauvageonne psychologiquement anéantie par la disparition tragique de sa mère adorée et de son grand-père chéri. De surcroît, elle n’a pas accepté le remariage de son père, et elle déteste sa nouvelle épouse. Ni l’une ni l’autre ne semblent manifester la volonté de construire une relation apaisée. Il y a un peu plus d’un an, lorsque Cécile est devenue comtesse de Lavalette, l’adolescente a fait une fugue. Elle a trouvé refuge chez Thomas Préhanic, un sculpteur de talent, son professeur d’art sculptural, et l’un des meilleurs amis de son père. Il l’avait hébergée chez lui durant une nuit, avant de la ramener au château familial du Valdoré. L’adolescente avait alors mieux fait connaissance avec la gentilhommière de l’artiste où ses parents l’avaient emmenée une fois. Par contre, elle n’a eu qu’un aperçu extérieur de son atelier extraordinaire aménagé dans une ancienne ferme troglodyte récemment restaurée, à Rochemenier, près de Doué-la-Fontaine, en Anjou. Anaïs a été quelque peu vexée de ne pas avoir pu découvrir ce mystérieux lieu de création. De cette rencontre personnelle, Anaïs en a conçu un attachement trouble pour Thomas qui, jusqu’alors, lui avait dispensé des conseils artistiques lors de ses visites au château du Valdoré. Elle s’est alors promis de travailler avec acharnement pour l’éblouir en exécutant une œuvre majeure.

    Anaïs verrouille soigneusement la porte du pavillon de chasse qui constitue sa demeure et le lieu où elle exerce son art. Elle se précipite vers sa chambre aux murs lourdement chargés de tentures à dominante mauve, puis se laisse tomber à la renverse sur son lit, le peignoir ouvert. Allongée sur le dos, la jeune fille fixe le plafond bleu clair où elle a peint une scène bucolique représentant des angelots entourant une femme alanguie drapée de voiles pastel : sa mère ? Ses yeux d’un bleu profond s’emplissent de larmes qui troublent un moment sa vue. Pourtant, elle ne sanglote pas et l’épanchement se tarit rapidement après avoir coulé sur ses joues pâles. Son corps semble translucide et d’une grande fragilité. Sa plastique tout en courbes et en rondeurs est aussi caressante que ses cheveux fins et bouclés dont le négligé s’accorde parfaitement à l’air boudeur qu’elle affiche habituellement.

    En cinq ans, le mental d’Anaïs n’a pratiquement pas changé depuis ce jour de juin où elle a appris la mort de deux êtres adorés : sa mère Christine et son grand-père Hubert disparus mystérieusement quelques mois plus tôt. Jusqu’au dénouement tragique, elle avait échafaudé des hypothèses aussi incroyables que rassurantes sur leur absence inexpliquée. Ainsi, durant ces années, seul le corps de la jeune fille s’est métamorphosé, alors que son esprit est resté immature. Ses seins fermes et bien développés pointent leur petite aréole rose et le pubis est souligné, comme à regret, d’une discrète pilosité. Depuis qu’elle est nubile, la nudité est pour elle une pratique courante, mais jusqu’alors intime. Cela a commencé par ce qui est devenu une véritable obsession : observer régulièrement les transformations de son anatomie dans un miroir. Cette habitude lui a donné l’idée d’utiliser sa plastique parfaite comme modèle photographique pour réaliser ses premières épreuves de sculpture en argile. Dans les mois qui ont suivi la mort étrange de sa mère, un autre besoin s’est imposé à elle, comme une réminiscence des caresses maternelles. Christine était une adepte des tendres câlineries et des bécots qu’elle dispensait éperdument à son unique petite fille : elle ne pouvait plus avoir d’enfant. Un peu plus tard et jusque vers six ans, Anaïs a reproduit ces gestes d’affection sur sa mère. Les yeux fermés, elle effleurait du bout de ses petits doigts le visage maternel dont elle a ainsi mémorisé tous les reliefs et la texture veloutée. L’enfant cherchait même dans l’échancrure du corsage ou sous le pullover un sein libre que le doux toucher apaisait. Ces caresses ont développé chez elle une perception et une mémoire tactiles extraordinaires dont elle se sert pour modeler la terre ou le plâtre. Par l’extrémité de ses doigts, elle est capable de mémoriser très précisément le corps des modèles vivants qui posent pour elle, puis elle les reproduit comme le musicien interprète de mémoire une partition. Il n’est pas étonnant qu’elle conçoive la sculpture comme un pétrissage charnel. Thomas, son maître, partage généralement cette préférence, mais pour une raison moins avouable, quoique tout aussi sensuelle.

    Totalement inerte, Anaïs garde ses yeux grands ouverts sur le vide. En réalité, elle ne voit plus, mais elle entend comme une mélopée qui la réconforte. Des voix énigmatiques interviennent sans qu’elle puisse les interpréter. Des souvenirs heureux et malheureux se mêlent dans ses pensées. Elle se remémore la volatilisation, plusieurs mois durant, de sa mère et de son grand-père Hubert partis tous les deux vers Nantes en voiture. Ce n’est que trois mois après leur disparition que des gendarmes sont venus apporter une tragique nouvelle au château. À présent, elle se revoit assise sur un banc avec sa douce et jolie maman dont elle est le sosie. Sous un tilleul parfumé, elle lui chuchote des petits secrets de femme, et en particulier celui qui vient de faire d’elle une jeune fille. Elle se souvient de ses grands-parents paternels au premier rang des quelques spectateurs venus assister à un spectacle organisé avec des camarades d’école. Sur l’estrade installée dans la grande salle du pavillon de chasse devenu son atelier, les enfants interprétaient parfois des petites pièces de théâtre dont ils étaient souvent les auteurs. Désormais, ce sont des jeunes filles qui posent là pour des séances de sculpture ou de photographie.

    Anaïs imagine… Non, elle rêve. Épuisée par le trouble psychique qui mine sournoisement son esprit, elle s’est endormie.

    ***

    De retour dans son bureau, Cécile est plus préoccupée par le scandale que peut provoquer sa belle-fille que par sa détresse psychologique. Elle sait que son mari refusera de l’entendre lorsqu’elle lui exposera les faits en lui demandant une fois encore de la faire suivre par un psychiatre. Il l’accusera de vouloir se débarrasser d’Anaïs et elle se verra reprocher de ne pas vouloir se comporter maternellement avec la jeune orpheline. En réalité, Xavier est incapable de concevoir que sa fille adorée puisse souffrir de troubles psychiques. Il est aveuglé par le transfert amoureux qu’il a reporté sur elle. Indépendamment du lien affectif qui les unit, la ressemblance physique de sa fille avec sa mère est tellement troublante qu’il n’a pas fait le deuil de la femme qu’il aimait éperdument. Pour couper court à la discussion, il réaffirmera qu’elle est une grande artiste et qu’il est normal que son génie lui inspire des comportements quelque peu fantasques. Du côté d’Anaïs, la relation avec son père est sous l’emprise d’un Œdipe qui exacerbe la haine qu’elle porte à celle qui a pris la place de sa mère vénérée.

    Le comte Xavier de Lavalette ne sera pas de retour avant une quinzaine de jours. Il se trouve actuellement en Afrique du Sud pour des affaires liées à sa société d’embouteillage. Indépendamment de cette importante entreprise, depuis la mort de son père il s’investit aussi dans la commercialisation de la production du domaine viticole de Saint-Ellier. Réparti sur des coteaux de la rivière Aubance, au sud d’Angers, il est constitué d’une quarantaine d’hectares de vignes sur les 180 que compte l’AOC. D’expositions variées et parfaitement ventilées, les petits coteaux au sol schisteux favorisent la précocité de la végétation du cépage, le chenin blanc. Il fournit un vin blanc moelleux à la robe jaune or avec des reflets verts. Les vendanges manuelles s’effectuent par tries successives, lorsque les grains de raisin sont parvenus à surmaturité.

    De cela, Cécile se désintéresse totalement ; par contre, elle s’investit de son mieux dans les visites du château, les locations et l’organisation de manifestations culturelles et artistiques. Avec le printemps, la nouvelle saison touristique a été marquée par l’éclosion des premiers papillons exotiques dans la nurserie de la grande volière vitrée. Un écosystème y est reconstitué pour que ces magnifiques insectes à la vie éphémère retrouvent au mieux leur environnement naturel. Ils arrivent des quatre coins du monde à l’état de chrysalide et les naissances s’échelonnent pour qu’ils soient toujours plus d’une centaine à émerveiller les visiteurs. Depuis la mort du comte Hubert, c’est Auguste Pichard, le jardinier, qui prend soin de cet éden, sous le contrôle d’Anaïs.

    Si la formation comptable de Cécile est un atout, elle n’a pas le charisme et le tact de celle qui la précédait dans cette tâche. Elle se montre directive et parfois brusque avec les employés et les guides, ce qui crée une ambiance délétère que Nadège, la mère du comte, s’efforce d’apaiser. Actuellement, cette dernière soigne son chagrin et une maladie neurologique, qui n’est fort heureusement pas évolutive, en faisant une cure durant les trois premières semaines du mois de juin à la station thermale de Néris-les-Bains, dans l’Allier. Elle a choisi cette période afin d’être disponible en juillet et août, mois durant lesquels le château est ouvert à la visite tous les jours, le matin et l’après-midi, alors que, depuis le 1er avril, il ne l’est, comme pour le mois de septembre, que les après-midi des week-ends, des mercredis, des vacances scolaires et des jours fériés. Au cours de ces deux mois, c’est elle qui coordonne l’activité des trois ou quatre guides et qui les supplée si nécessaire.

    Cécile est très contrariée par les frasques de sa jeune belle-fille qui peuvent prendre des proportions incontrôlables en l’absence de son père et de sa grand-mère. Elle décide de téléphoner à sa belle-mère pour lui demander d’appeler Anaïs afin de la raisonner.

    « Allo ! Nadège ? C’est Cécile. Comment allez-vous ?

    – Bonjour Cécile. Je ne vais pas trop mal, mais les soins me fatiguent beaucoup dans les premiers jours. Encore deux semaines avant de vous retrouver. Que se passe-t-il ? Auriez-vous des soucis en l’absence de Xavier ?

    – C’est seulement Anaïs qui me préoccupe. Comme à son habitude, lorsque vous êtes absents l’un et l’autre, elle se permet quelques fantaisies. Cette fois, elle est allée un peu loin en…

    – Qu’a donc fait cette petite ? interrompt la comtesse douairière sur un ton un peu agacé.

    – Eh bien ! Auguste est venu me prévenir qu’elle se promenait nue dans l’allée du parc. Avec les visites du week-end prochain, je crains le pire.

    – L’avez-vous vue et raisonnée ?

    – Oui, j’ai bien essayé, mais, comme vous le savez, elle m’a répété que je n’ai aucun droit sur elle.

    – A-t-elle été vue par mes séminaristes ?

    – Non, madame, mais il s’en est fallu de peu.

    – Bon, je vais lui parler lors de notre entretien téléphonique dominical. Pour ne pas la braquer contre vous en lui laissant penser que vous m’avez informé, je vais attendre dimanche pour l’appeler. Pour le reste, tout va bien, au château ?

    – Oui, nous sommes prêts pour faire face à l’afflux de visiteurs au début du mois prochain.

    – En parlant de visiteurs, il n’est pas impossible que je vous en amène un que j’ai de nouveau retrouvé cette année. Cécile, je vous remercie de votre appel et je vous souhaite bon courage », conclut Nadège qui entretient des relations courtoises, mais assez distantes, avec sa nouvelle belle-fille.

    Dans une modeste suite de l’hôtel Albert-Ier de Néris-les-Bains, la veuve du comte Hubert prend le thé en compagnie d’un homme distingué d’une belle apparence physique. Âgé de cinquante-huit ans, il a été placé en invalidité il y a deux ans après voir été gravement blessé en service.

    Nadège a été ennuyée par la communication téléphonique de Cécile qui a interrompu les confidences de Bernard Klein, un ancien policier dont elle a fait connaissance lors de sa cure de l’an passé. Cette année, il a retenu la même période qu’elle afin de retrouver sa compagnie.

    Depuis la mort mystérieuse de son mari, Nadège de Lavalette est souvent saisie d’angoisses, surtout lorsqu’elle se retrouve seule dans l’appartement qu’elle occupe au château et ici dans sa chambre d’hôtel. Cet état d’anxiété et de légères difficultés déambulatoires liées à sa maladie neurologique ont amené son médecin traitant à lui prescrire des soins de thermalisme qui produisent des effets bénéfiques. De plus, la comtesse apprécie beaucoup cette petite station thermale de l’Allier où elle a noué des relations de sympathie, tant avec des curistes qu’avec des commerçants, surtout un antiquaire, puisqu’elle a la passion des objets anciens. Sensible au charme et à la galanterie de Bernard, la veuve du comte cherche à mieux le connaître pour apprécier si elle peut envisager une relation amicale durable avec lui.

    « Voyons, où en étions-nous ? Cet appel téléphonique m’a un peu contrarié. Ce téléphone portable est un bien comme un mal. Oui, vous commenciez à m’expliquer les conditions dans lesquelles vous avez eu un accident de service à Nantes, reprend Nadège.

    – En réalité, il ne s’agit pas vraiment d’un accident. Comme je vous le disais, nous avions reçu une information anonyme selon laquelle un trafic illégal de bois exotique avait lieu au parc de stockage de Cheviré, sur la rive sud de la Loire. Le commissaire nous a chargés, un jeune collègue et moi-même, de vérifier cette histoire qui nous paraissait plutôt insolite. Nous l’avions cependant prise au sérieux, car il était dit que des manutentions avaient lieu en dehors des heures habituelles d’activité, et en particulier la nuit. Nous avons donc décidé de faire des planques à partir de la fin de soirée, sans interroger les exploitants dans un premier temps afin de ne pas donner l’alerte. C’est à la quatrième surveillance que tout est arrivé. »

    ***

    Trois ans plus tôt, à la fin d’une journée du mois d’octobre, une voiture de police banalisée franchit le pont de Cheviré. Elle rejoint le port autonome de Nantes-Saint-Nazaire, sur la rive gauche de la Loire. Au terminal de produits forestiers, des cargos déchargent leurs cargaisons en provenance d’Afrique, d’Amérique du Sud et d’Asie. Sur la petite route qui mène à l’importante aire de stockage, Bernard Klein conduit une Peugeot blanche banalisée. Il gare le véhicule à l’endroit habituel de la planque pour observer, jusqu’à la tombée de la nuit, d’éventuels mouvements suspects, mais n’a rien remarqué d’anormal au cours de plusieurs surveillances consécutives, aussi son supérieur a-t-il décidé que ce serait la dernière. Ensuite, une enquête de routine serait effectuée auprès des responsables et des usagers du port, surtout ceux de la plate-forme où sont entreposées des grumes de bois exotique.

    Discrètement garés à proximité de la rue de l’Île-Sainte-Hélène qui constitue un passage obligé, les deux policiers observent les passages de camions de plus ou moins fort tonnage. Ils notent leur immatriculation, l’heure précise et s’ils sont chargés ou non. Plus tard, ils vérifieront la concordance de ces mouvements avec les registres des entreprises. Ils attendent surtout la fin de l’activité journalière pour voir si l’information relative à un trafic occulte a un début de réalité.

    Bernard et Michel tuent le temps en parlant de tout et de rien. Ils se racontent même des histoires graveleuses. « Quéquette et Foufoune sont en voiture sur le périph’ de Nantes, ils se font arrêter par des flics pour excès de vitesse. Qui va payer l’amende ? demande Michel.

    – Toi et tes histoires à la con. Je n’en sais rien : là ! répond Bernard, agacé.

    – Eh bien ! c’est Quéquette, parce que Foufoune est en règle.

    – T’es vraiment un obsédé avec tes histoires de cul. T’es sevré ou quoi ?

    – Pas vraiment, mais je sais que ça te fait chier, alors je te charge un peu.

    – Bon, maintenant tu arrêtes. On voit que tu es célibataire et que tu n’as pas encore eu de gosses. Penses-y, ça te changera les idées.

    – Ce n’est pas parce que tu pourrais être mon père qu’il faut te sentir obligé de me faire la morale. T’es vraiment pas marrant, on ne peut même plus déconner un peu pendant qu’on s’emmerde pour

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