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Le mystère d'Ilbaritz: La cité interdite basque
Le mystère d'Ilbaritz: La cité interdite basque
Le mystère d'Ilbaritz: La cité interdite basque
Livre électronique243 pages3 heures

Le mystère d'Ilbaritz: La cité interdite basque

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À propos de ce livre électronique

Pénétrez dans l'ombre du château d’Ilbarritz et découvrez sa sombre histoire !

Au sommet de la colline de Handia, entre Bidart et Biarritz, trône le mystérieux château d’Ilbarritz construit à la fin du XIXe siècle par le richissime baron Albert de l’Espée. Cette surprenante demeure et les multiples bâtisses qui couvraient le relief constituaient une véritable cité interdite sur un domaine de plus de 60 ha. Misanthrope et pervers narcissique, le propriétaire des lieux a fait l’objet des rumeurs les plus folles et les plus inquiétantes au point d’être comparé à Barbe bleue. Depuis les années 1920, de la cité interdite d’Ilbarritz il ne reste plus que le château qui a connu bien des vicissitudes, avec les heures sombres de la Seconde Guerre mondiale et son cortège de drames. Dans les années 1950, il a été squatté par une bande de marginaux cosmopolites impliqués dans les meurtres d’un officier américain de l’US Air Force et de sa maîtresse française. Dans un contexte de guerre froide entre l’URSS et les États-Unis, l’intervention d’un espion soviétique et de son « arme fatale » était de nature à aggraver les tensions déjà vives entre les deux Blocs.

Suivez, le long de ce récit historique passionnant et empli de mystères, les destins de ceux qui occupèrent le château d'Ilbarritz.

EXTRAIT

Elle a appris que l’un des survivants du terrible naufrage vécu en direct est un concitoyen hongrois, natif de Fiume où a été construit le Padosa. Elle rapporte aussi au baron que les marins auraient été trompés dans leur périlleuse manœuvre d’approche de la côte, par un feu qui s’est avéré n’être ni celui de Socoa ni celui de Biarritz. Curieusement, Albert de l’Espée, décidément bien libéral, propose à sa compagne d’aller rencontrer son compatriote survivant, afin qu’elle fasse sa connaissance et qu’il lui raconte le naufrage tel qu’il l’a vécu. Le baron de l’Espée aimerait bien naviguer à bord d’un voilier, mais il y a renoncé par peur de la mer. Cependant, il a une réelle admiration pour les marins.
Hier soir, alors qu’un drame se nouait devant la Grande plage de Biarritz, le maître de la cité interdite d’Ilbarritz a décidé d’affronter, à sa façon, les éléments déchaînés en faisant donner de la voix à son orgue instrumental pour livrer un formidable combat symphonique. En ouvrant les fenêtres donnant sur l’océan, il a cru apercevoir des lumières au large. Intrigué, il est monté au belvédère du château. Il a allumé l’énorme projecteur qu’il n’utilise plus que pour s’assurer que des intrus ne tentent pas de pénétrer sur son domaine par la plage d’Ilbarritz, en particulier lorsque ses chiens aboient. Il a balayé la côte et le large avec le puissant faisceau lumineux qu’il a laissé braqué vers le large, ayant décelé de faibles lumières en mer. Puis, il est allé chercher sa lunette astronomique d’observation. Il a alors compris qu’un bateau était en perdition. Il a pu suivre en partie les péripéties du naufrage et les opérations de secours. Par contre, sur le moment, il n’a pas réalisé qu’une fois encore son projecteur a pu être la cause d’un accident. Ce sont les informations fournies par Lisa qui lui laisse à penser qu’il peut avoir une part responsabilité dans ce tragique naufrage.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Christian Dureau, dit Élie Durel, est né à Saumur (Maine-et-Loire) en 1946. Il est diplômé de l’École supérieure de l’armement et du Conservatoire national des arts et métiers. Passionné d’histoire et attaché au patrimoine de la France, Élie Durel axe son travail d’écrivain vers ces deux domaines. Il est ainsi l’auteur d’ouvrages à caractère historique et de beaux livres. Il est distingué de l’Ordre national du mérite.
LangueFrançais
Date de sortie23 août 2019
ISBN9791035305642
Le mystère d'Ilbaritz: La cité interdite basque

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    Aperçu du livre

    Le mystère d'Ilbaritz - Elie Durel

    LESMYSTERESDILBARRITZ.jpg

    les mystères

    d’ilbarritz

    La cité interdite basque

    Collection dirigée par Thierry Lucas

    © 2019 – – 79260 La Crèche

    Tous droits réservés pour tous pays

    www.gesteditions.com

    élie DUREL

    les mystères

    d’ilbarritz

    La cité interdite basque

    Du même auteur

    Mémoire d’un résistant (Geste éditions) 2007

    Les amants du Val de Loire (Geste éditions) 2008

    L’histoire d’un conscrit de 1913 (éditions Ouest-France - Édilarge) 2008

    L’autre fin des Romanof et le prince de l’ombre (Éditions Lanore) 2009

    Jeanne de Belleville, corsaire par amour (Geste édition) 2010

    La Loire photographiée du ciel (Geste édition) 2011

    Le grand almanach de la France 2013 (Geste éditions)

    Le Pays de Retz photographié du ciel (Geste éditions) 2013

    Se souvenir de la vallée de la Loire (Geste éditions) 2013

    Le grand almanach de la France 2014 (Geste éditions)

    Almanachs de région 2014 (Geste éditions)

    L’Erdre photographiée du ciel (Geste éditions) 2014

    Le grand almanach de la France 2015 (Éditions Métive)

    Héloïse et Abélard, la gloire, l’amour et la spiritualité (Geste éditions) 2015

    Le plus grand venait de Nantes… Jacques Cassard, le corsaire oublié ((éditions l’Ancre de Marine) 2015

    Yolande d’Aragon, la reine qui guida la Pucelle (Éditions Opéra) 2016

    Robinsonnades en Loire (Geste éditions) 2016

    Le manoir des cœurs perdus (Éditions du Petit Pavé) 2016

    Un cadavre angevin. Une peau de marbre (Geste éditions) 2017

    À Monique

    En mêlant réalité et fiction, ce roman évoque des faits historiques authentiques et retrace la vie mystérieuse du baron Albert de l’Espée en son incroyable domaine d’Ilbarritz.

    Première partie :
    Le baron pervers

    Préambule

    Orphelin à trois ans, Albert de Lespée hérite d’un titre, baron, et surtout d’une colossale fortune. Rentier, il ne mettra pas ses compétences et sa richesse au service de ses testateurs : la famille de Wendel, une dynastie industrielle de maîtres de forges lorrains. Non, il en jouira égoïstement pour son bien-être et son bon plaisir.

    Sa réalisation architecturale la plus incroyable sera le mystérieux complexe hydrothermal d’Ilbarritz situé sur la commune de Bidart, près de Biarritz. Le baron l’a imaginé pour répondre à ses problèmes de santé, mais aussi à ses passions et à sa perversité liée à son enfance malheureuse.

    Dans ce domaine clos d’une soixantaine d’hectares, un peu comparable à celui de la Cité interdite des empereurs chinois à Pékin, il y fera des séjours épisodiques en compagnie de proies féminines qu’il aura séduites grâce à sa fortune, et ce, malgré un physique plutôt ingrat.

    Albert de l’Espée

    Entre Bidart, au sud, et Biarritz, au nord, telle une pieuvre géante, le château d’Ilbarritz et ses annexes coiffent la colline aride de Handia qui domine le golfe de Gascogne. De ses terrasses, l’on découvre un panorama admirable à 360 degrés, avec une vue imprenable sur la côte basque et ses baies, ainsi que sur la chaîne montagneuse des Pyrénées.

    Comme pour ne pas être délogée par le souffle puissant de l’océan, cette chose étrange déploie, sur les flancs de la lande sauvage balayée par le vent, des tentacules jalonnés d’excroissances qui cherchent visiblement à atteindre la mer. De jour, la construction tentaculaire intrigue ; de nuit, elle inquiète. Elle intrigue et inquiète d’autant plus que le maître des lieux vit là en ermite invisible. Quel est donc ce personnage sur lequel courent les rumeurs les plus folles qui vont alimenter sa légende ?

    ______

    Albert de l’Espée est né en 1852 à Metz. Par sa grand-mère maternelle, il est un descendant de la puissante famille de Wendel propriétaire d’usines sidérurgiques dans l’Est de la France. Par son père, il est issu d’une famille de militaires et de baronnie féodale qui lui vaudra le titre de baron.

    En 1855, son père, Édouard de l’Espée, tombe de son cheval la tête la première sur le pavé. À trente-cinq ans, il décède des suites de cette chute, sans avoir repris connaissance.

    Les médecins impuissants n’annoncent pas immédiatement l’issue tragique à son épouse, Marie, qui est dans le huitième mois de grossesse de son troisième enfant. Deux jours plus tard, en apprenant la mort de son bien aimé époux, elle donne naissance à un garçon qui se verra attribuer le prénom de feu son père, comme pour conjurer le sort.

    Marie de l’Espée ne se remettra jamais de la disparition prématurée de son mari. Inconsolable, elle prodigue avec beaucoup de parcimonie son affection à ses enfants. Ce manque d’attachement maternel aura de graves conséquences sur le psychisme et l’affect d’Albert, l’aîné, qui ne sera jamais très proche de sa sœur et de son frère, ainsi que de ses cousins. Très tôt, il est un solitaire en souffrance psychologique.

    Les années qui suivent voient évoluer et grandir le jeune Albert enveloppé par la tristesse maladive d’une mère inconsolable drapée dans la douleur de son deuil et à la santé mentale déficiente. L’austérité de Marie est accentuée par le noir qu’elle portera jusqu’à la fin de sa vie. Ajouter à cela un cercle familial empreint d’une piété rigoureuse, on comprend que l’enfance d’Albert de L’Espée n’a pas été heureuse et plutôt traumatisante.

    De surcroît, à dix ans, Albert contracte une sévère bronchite après un mauvais coup de froid. Mal soignée, elle devient une affection chronique qui va le condamner à une vie sans effort physique et à un changement climatique saisonnier : la campagne l’été, le soleil l’hiver. Pour soulager le mal qui mine son fils, sa mère l’emmène passer l’hiver à Cannes où elle achète une villa qu’il gardera jusqu’à sa mort.

    À onze ans, il se passionne pour le piano et l’harmonium de l’abbé Scadot, le curé de Froville. Il suit une scolarité avec l’abbé Wendling, un précepteur instruit et sévère : grec, latin, mathématiques, histoire, lettres doivent passer avant la musique et les rêveries que le jeune garçon affectionne pour s’évader d’un milieu pesant.

    ______

    Contrairement à la tradition familiale, Albert de l’Espée ne fait ni Polytechnique ni Saint-Cyr, il n’en est pas moins un excellent ingénieur et architecte. Dilettante, il met ses aptitudes techniques à son service exclusif. Il se passionne pour les projets de rénovation et de construction des nombreuses demeures dont il dispose. Il sait parfaitement utiliser les progrès technologiques de son époque pour s’aménager un cadre de vie original et protéger sa santé précaire. Grâce à la rente mensuelle perçue sur ses parts des affaires de Wendel, il peut se permettre bien des fantaisies.

    En 1883, la sœur d’Albert de l’Espée lui fait rencontrer la Bretonne Delphine de Bongars qu’il va épouser. Née en 1863 au château de Kéroser en Saint-Avé dans le Morbihan, elle est la fille unique du marquis Edmond de Bongars.

    Albert a trente et un ans, elle en a vingt. La jeune femme paraît bien fragile à côté de la stature imposante de son mari qui semble amoureux. Semble seulement, car il est totalement dépourvu de sentiments et d’empathie, ce qu’il masque par son pouvoir de séduction, le propre du pervers narcissique. Il n’éprouve aucun respect pour les autres qu’il considère comme des objets utiles à ses besoins d’emprise et d’autorité. Il lui faut écraser pour exister. D’ailleurs, il terrorise ses domestiques.

    La vie du couple s’organise à Paris, mais cette union ne change rien aux habitudes du solitaire qui part fréquemment seul dans l’une de ses résidences, abandonnant sa jeune épouse dans son appartement parisien.

    ______

    En cette fin de siècle, tout le gotha européen vante les mérites de Biarritz, la station balnéaire mondaine où ont séjourné l’empereur Napoléon III et l’impératrice Eugénie. En faisant leur lieu de villégiature de cet ancien petit port de pêche à la baleine, ils ont fait le succès de la ville devenue « la reine des plages et la plage des rois ».

    Âgée de soixante-dix ans, en cette année 1889 la Reine Victoria d’Angleterre est arrivée à Biarritz en gare de La Négresse (surnom donné par des soldats de Napoléon à une belle serveuse mulâtre) par train spécial, avec une suite de 57 personnes, son lit en acajou massif, son fauteuil en bois doré, et… son âne gris qui tracte une carriole de promenade à quatre roues.

    À cette occasion, les réverbères de l’époque impériale aux initiales « N E » ont été ressortis pour éclairer la nouvelle avenue Victoria. Mais, le vent qui s’est invité à la fête souffle les lampes à gaz et fait valser les lanternes vénitiennes.

    Après la mort de son époux en 1861, la grande reine a sombré dans une profonde tristesse et s’est retirée de la vie officielle. C’est en grand deuil qu’elle traverse la ville. Les hindous de sa garde d’honneur font sensation avec leurs riches costumes orientaux et leurs barbes de jais.

    Albert de Lespée, le mégalomane, jalouse le déploiement de moyens et le faste royal, mais il n’apprécie pas cette démonstration publique : il est plutôt du genre empereur chinois confiné dans la Cité impériale de Pékin.

    La reine Victoria descend au pavillon La Rochefoucauld dont le propriétaire lui remet la clé en or, ciselée pour la circonstance par la bijouterie Artéon de Bayonne.

    La souveraine adore se promener avec sa petite voiture à âne ou en landau sur les plages et dans les environs de Biarritz. Elle a une prédilection pour le Rocher de la Vierge d’où l’on peut s’émerveiller de la beauté du spectacle : l’océan à perte de vue et par temps clair la côte landaise, la Barre, les plages d’Anglet, l’aiguille du Phare, les falaises, l’hôtel du Palais, la digue de la défunte Cafetière, et puis les déferlantes qui se fracassent sur les écueils et le rivage tourmenté en faisant vibrer le sol et en irisant l’air d’embruns.

    À bord de sa petite voiture tirée par son âne qu’un Biarrot tient à la bride, la reine Victoria est la seule à emprunter, dans cet équipage, et à plusieurs reprises, la passerelle métallique de 75 m de long construite par Gustave Eiffel qui relie le rocher à la côte.

    Le Rocher de la Vierge tient son nom de la statue érigée à son sommet en 1865. La légende raconte que des pêcheurs biarrots de retour d’une chasse à la baleine furent pris dans une tempête d’une telle intensité qu’ils crurent leur dernière heure venue, quand une lumière aussi salvatrice que resplendissante les ramena au port. Les rescapés érigèrent alors quelques croix et une statue de la Vierge sur cet îlot rocailleux et inhospitalier semblant défier l’océan à l’extrémité nord de la Grande plage de Biarritz.

    De fait, le littoral basquais est assez souvent balayé par de terribles tempêtes qui prennent naissance dans le golfe de Gascogne. Quelques années plus tard, le baron de l’Espée en connaîtra une qui se traduira par une tragédie dont il aura peut-être une part de responsabilité.

    Peu après son arrivée, la Reine ne manque pas d’aller s’incliner à Barroilhet sur la tombe des officiers anglais tués lors des combats de décembre 1813, et à l’église anglicane Saint-Andrews pour se recueillir au pied du mémorial élevé en souvenir des combattants anglais disparus lors de la campagne 1813-1814.

    Ce n’est pourtant pas la venue de la reine Victoria qui a amené Albert de l’Espée à visiter cette station balnéaire à la mode en compagnie de son épouse qui s’est imposée pour s’associer à ce voyage qu’elle ne refera pas. En réalité, son époux, sans attention pour autrui, a lu que les meilleurs médecins anglais conseillent l’air de Biarritz à leurs patients atteints de bronchites, laryngites ou pharyngites. Pour évaluer par lui-même les bienfaits de ce climat, il a loué la villa Mouriscot à l’ancien vice-consul de Grande-Bretagne à Biarritz. Le couple est charmé par le lieu et les conditions climatiques. Albert remarque même plusieurs endroits où il aimerait s’installer, notamment une colline située entre la villa de la reine Nathalie de Serbie et le domaine de Françon, un superbe manoir construit par le rentier anglais John Pennington-Mellor qui a fait fortune dans les filatures de coton. Ce dernier séjourne là très souvent en compagnie de sa jeune épouse d’origine américaine.

    Le climat de Biarritz fait déjà un miracle : à l’issue du séjour, Delphine de l’Espée est enfin enceinte après sept ans de mariage. Contrairement à ce qu’elle pense, si son Albert a accepté de cohabiter plusieurs mois d’affilée avec elle, ce n’est pas parce qu’il est devenu un mari exemplaire. En fait, il conçoit une résidence dantesque qui lui permettra d’assouvir sa passion pour l’orgue et les chiens. Et puis, une femme, qui ne peut pas être la sienne, sera là pour satisfaire sa perversité. Déjà, quelques malheureuses domestiques sont ses victimes, mais il lui faut trouver mieux eu égard à sa personne et à son rang.

    ______

    Au début de l’année 1890, le baron de l’Espée se rend à Paris, chez Aristide Cavallié-Coll, afin de soumettre au vieux et réputé facteur d’orgues un projet d’instrument qui dépasserait tout ce qui a déjà été réalisé pour un particulier : un orgue à usage profane monumental. Cavaillé-Coll reçoit l’ordre de concevoir un orgue géant autour duquel le baron à l’intention de faire construire une demeure à sa mesure. L’organier devra reprendre le meilleur des orgues de Sheffield, de Sainte-Clotilde, de Saint-Sulpice, de Notre-Dame-de-Paris et du Trocadéro et regrouper le tout en un seul et même instrument.

    Amoureux de l’orgue, Albert commence à interpréter, non sans brio, des œuvres de Richard Wagner et de César Franck dont il sait parfaitement déchiffrer les partitions. Cet instrument chargé de légendes et de symboles est devenu pour lui une passion tellement dévorante qu’elle nourrir sa folie des grandeurs.

    En attendant l’enfantement de cet orgue de la démesure, c’est son fils René qui vient au monde en cette même année 1890. Il sera l’unique enfant du couple.

    Là encore, cette naissance ne change strictement rien aux habitudes de célibataire du père de quarante et un ans qui délaisse sa famille. Il préfère la compagnie de ses chiens à celle de sa femme. Et puis, en cette fin d’année, il rencontre à Paris une actrice d’opérette âgée de vingt ans, Biana Duhamel, avec laquelle il engage une liaison scabreuse qui durera 8 ans. Amateur de chair fraîche, le baron a une sexualité particulière : c’est un pervers fétichiste adepte de la zoophilie.

    ______

    Le jeune Albert a donc perdu son père à l’âge de trois ans, âge crucial du développement affectif et de la différenciation sexuelle. Anéantie par le deuil qui l’a frappé si jeune, sa mère n’a pas été en mesure de répondre aux besoins relationnels d’écoute, de compréhension et de soutien de ses enfants. Elle n’a donc pas manifesté d’attachement à son fils aîné qui en a souffert. Le psychisme humain est ainsi conçu que lorsqu’une menace à son bien-être pèse sur lui, il a la capacité de s’anesthésier pour oublier la douleur et continuer à supporter au mieux une situation à laquelle il ne peut échapper. Le mécanisme consiste pour l’enfant orphelin à séparer automatiquement et inconsciemment l’image négative de sa mère, de l’image positive qu’il tient à conserver d’elle, afin que cela soit vivable pour lui. Cette image positive sera d’autant plus étayée chez Albert que Marie de l’Espée a pris soin de justifier son comportement de négligence affectif, en le culpabilisant et en la justifiant comme étant une mesure éducative pour son bien. C’est ainsi qu’elle a, entre autres, motivé la sévérité du précepteur. 

    Ce fonctionnement psychique dissocié qui s’est maintenu à l’âge adulte aboutit à l’alternance de deux types de comportements et de discours, selon les circonstances et les personnes en présence. D’un côté, Albert de l’Espée fait preuve d’une attitude séduisante et charmeuse pour s’attacher les bonnes grâces d’autrui ; de l’autre, il duplique ce qu’on lui a fait subir et qu’il a dû apprendre à trouver normal, voire bon pour lui. Sans âme, le baron de l’Espée est un être vide au niveau des sentiments humains. Par contre, il a pour les animaux, en particulier les chiens, un amour aussi trouble que démesuré. Il a l’impression qu’eux le comprennent, car enfant il a pu tout leur confier de ses malheurs. De ce lien particulier, il en garde une passion débridée pour ses chiens : elle participe à sa déviance sexuelle.

    Le pervers peut se passionner pour une personne, une activité ou une idée, mais ces flambées d’exaltation restent très superficielles. Il ignore les véritables sentiments, en particulier ceux de tristesse ou de deuil. Les déceptions entraînent chez lui de la colère ou du ressentiment, avec un désir de revanche. Cela explique la rage destructrice qu’il manifeste lorsqu’il se sépare de ses proies. On observera clairement ce comportement chez Albert d’Espée.

    Le pervers est dans une logique d’appropriation, tout en maintenant une distance affective suffisante pour ne pas s’engager vraiment. L’efficacité de ses attaques tient au fait que la victime n’imagine pas que l’on puisse être à ce point dépourvu de sollicitude ou de compassion devant la souffrance de l’autre.

    L’appropriation peut être sociale, par exemple séduire une partenaire pour s’introduire dans un milieu social qui lui fait envie : haute bourgeoisie, milieu intellectuel ou artistique… Le bénéfice de cette opération est de posséder une compagne qui lui permet d’accéder à un nouveau pouvoir. Il s’attaque ensuite à l’estime de soi, à la confiance en soi chez sa partenaire, pour augmenter sa propre valeur tout en captant le narcissisme de l’autre.

    Pour des raisons qui tiennent à son histoire dans les premiers moments de la vie, le pervers n’a pas pu se réaliser. Il observe avec convoitise ce que les gens ont pour se réaliser. Passant à côté de lui-même, il essaie de détruire le bonheur qui se trouve à sa portée. Prisonnier de la rigidité de ses défenses, il tente d’anéantir la liberté. Ne pouvant jouir pleinement de son corps, il essaie d’empêcher la jouissance du corps des autres.

    Incapable d’aimer, le pervers cherche à détruire par cynisme la simplicité d’une relation naturelle. Il a des coups de cœur, puis des rejets brutaux et irrémédiables.

    Ainsi, le moteur du pervers, c’est l’envie, avec pour but l’appropriation. L’envie est

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