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La nuit de la libellule: Roman fantasy
La nuit de la libellule: Roman fantasy
La nuit de la libellule: Roman fantasy
Livre électronique321 pages4 heures

La nuit de la libellule: Roman fantasy

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À propos de ce livre électronique

Amy, une jeune irlandaise, est depuis toujours hypnotisée par trois croix de pières plantées sur la falaise.

La jeune Amy, à qui la vie semble parfois bien morose, habite Bushmills, un village côtier d’Irlande du Nord.
Trois croix de pierre, plantées sur la falaise depuis des temps immémoriaux, obsèdent la jeune fille qui brûle de comprendre cette attirance inexpliquée qu’elle ressent. En cherchant un peu, elle découvre alors le passé trouble de sa famille, un passé étroitement tenu secret.

Un amour qui défie le temps, d’inquiétantes disparitions, un ecclésiastique en quête d’un vieux livre qui pourrait changer le cours de l’Histoire, une garde sombre, des lieux perdus aux confins de l’imaginable et échappant au regard des hommes : voici quelques éléments avec lesquels Amy devra désormais composer son quotidien.
Au fil de nouvelles rencontres, ses convictions s’ébranleront jusqu’aux fondations : la vie est peut-être moins moche, et elle-même, moins seule au monde qu’elle ne l’imaginait...

Laissez-vous surprendre par ce roman au récit poétique et découvrez le secret qui entoure la jeune Amy et sa famille.

EXTRAIT

Situé dans le comté d’Antrim, le village de Bushmills est une adorable bourgade de moins d’un millier et demi d’habitants. Célèbre pour sa distillerie de whiskey, reconnue comme la plus ancienne malterie du monde, on peut y découvrir également la Chaussée des géants : curiosité géologique unique faite de la rencontre de lave basaltique en fusion et de la mer glacée, il y a quarante millions d’années. De cette union sont nées quarante mille colonnes hexagonales serrées les unes contre les autres, formant tantôt des orgues majestueux, tantôt un pavage s’avançant vers l’Écosse. On raconte d’ailleurs que cette chaussée fut construite par un géant irlandais qui, piqué au vif par la vantardise d’un géant écossais qui le traitait de poltron, voulut traverser la mer. Quand il vit arriver par le chemin qu’il venait de terminer un congénère bien plus grand que lui, le géant irlandais courut se réfugier chez sa femme qui eut juste le temps de déguiser son mari en bébé. Incrédule en voyant une mère bercer un enfant si démesuré, l’Écossais, osant à peine imaginer la taille de son père, rebroussa chemin en courant et démonta lui-même le passage, afin que l’Irlandais ne vienne jamais l’importuner.
Un lieu tranquille, un moulin, des légendes.

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

L'histoire est très intéressante car on voit l'incidence que peuvent avoir les actes du passé sur le présent. [...]L'auteur nous met en évidence l'avidité de l'homme et son désir de pouvoir qui peut être dévastateur. - Marie Caki, Ligne après ligne

À PROPOS DE L'AUTEUR

Luc Baguet est marié et heureux papa de deux enfants. Il habite Arquennes, un petit village belge où il pratique la médecine générale. Amoureux de la mer et des grands espaces, amateur de randonnées et de bons whiskies, il ne pouvait rêver meilleur endroit que l’Irlande du Nord pour planter le décor de son premier roman où aventure et humour côtoient sentiments humains et questionnements sur les lois qui régissent notre univers. Du Moyen Âge à l’époque actuelle, rien n’a changé : la soif de pouvoir et la cupidité demeurent les engrais de la haine, des destins se mêlent, se croisent, des héros naissent et disparaissent…
LangueFrançais
ÉditeurThoT
Date de sortie13 déc. 2018
ISBN9782849214848
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    Aperçu du livre

    La nuit de la libellule - Luc Baguet

    Lara.

    Nolwenn

    Un pied nu détacha quelques pierrailles qui plongèrent dans l’abîme ; elle s’arrêta net.

    Cette lumière bleutée était l’unique réalité dont elle avait encore conscience.

    La libellule flottait là, juste devant ses yeux, au-dessus du gouffre ; mais peut-être était-ce un papillon ? Aucune importance !

    Cette nuit, les éléments se déchaînaient : les vagues se fracassaient avec rage sur les écueils, tout en bas de la falaise ; des éclairs, au loin, déchiraient le ciel, illuminant par-derrière des nuages plombés, menaçants. Et puis il y avait la pluie ; un déluge qui lui cinglait le crâne, détrempant ses cheveux en hardes ruisselantes.

    Mais Nolwenn n’en avait cure. Elle était détendue, hypnotisée par l’insecte qui éclairait son visage.

    Peu avant cela, elle avait quitté son lit, sur la pointe des orteils pour ne pas faire grincer le plancher de la chambre et réveiller la maisonnée. L’animal était venu la chercher et elle l’avait suivi, telle une somnambule, à travers la cuisine en terre battue, puis au dehors. Elle avait contourné la chaumière de pierres grises, traversé le potager, dépassé la petite chapelle où elle aimait prier. Au loin, il lui sembla entendre hurler un loup. Le vent était fort, comme toujours au-dessus de la falaise. Le portillon du jardin grinça quand elle le franchit.

    La libellule la mena à travers l’herbe rase, par le sentier de terre, jusqu’au point culminant du front de mer.

    Quand elle croisa la grande croix celtique en granit taillé, elle avait les pieds dans l’eau, et, au milieu de la flaque boueuse irisée de cercles de pluie, elle vit la fleur. Elle se baissa et la cueillit, presque machinalement. En marchant sur le socle de pierre, elle laissa errer sa main sur le montant de la croix et doucement se dirigea tout au bord. Elle ne portait que sa chemise de nuit en lin, mais elle n’avait pas froid, elle respirait calmement comme pour s’emplir le corps de toute cette vivifiante folie de la nature.

    Elle regarda en bas, fixa ensuite la bête luisante proche de son nez, et l’orchidée grenouille en main, fit un pas en avant oubliant tout le reste.

    On la chercha pendant des semaines.

    On ne la revit jamais.

    Nolwenn avait disparu !

    C’était le 12 juillet 1317, jour de son dix-septième anniversaire.

    Victoria

    11 mai 1719, Victoria était heureuse de fêter ses dix-sept ans avec les cousines venues de Belfast pour l’occasion.

    Mère avait fait des tartes aux fruits et des galettes. Une grande table avait été dressée dehors, sous les arbres, afin de se protéger du vent du large. Le vent était toujours fort sur les falaises…

    Oncle Joey lui avait offert un poney, ce dont Victoria n’aurait osé rêver jusqu’alors.

    Elle aimait les animaux ; il y avait certes quelques lapins dans la grange et des poules dans le jardin, mais un poney ! Rien qu’à elle !

    — Il est magnifique, mon oncle !

    — Tu la gâtes bien trop ! avait dit père.

    — Je n’en peux rien, c’est ma nièce préférée !

    — Mon oncle, je suis votre seule nièce…

    — Eh bien alors, raison de plus !

    Oncle Joey et sa femme Katheleen étaient vraiment des gens adorables.

    Il faisait beau ce jour-là et l’on joua à chat perché, au lancer de pierres, on cueillit des fleurs et, bien entendu, Victoria et ses cousines firent un tour en poney.

    Victoria avait déjà monté des poneys, mais plus petits, et elle s’était montrée d’ailleurs assez douée au grand dam de sa mère qui, très protectrice, craignait sans cesse qu’elle se blesse ou se torde le cou.

    Cette bête-ci avait l’air brave, ce qui la rassura un peu.

    Alors qu’il contournait la belle maison de pierres et de boiseries sculptées, au moment même où Victoria le fit volter sans mal, peu après la chapelle, l’animal devint fou.

    Il piqua un galop au travers du jardin, sauta un muret de pierres ébranlées et fonça sur le chemin de dalles plates qui traversait les ronciers, emportant sa cavalière droit vers les croix du bord de la falaise.

    Ces deux croix celtiques étaient taillées dans le granit : une grande, très ouvragée, et une plus petite, plantée à moins de trente-cinq pieds de la première.

    — Victoria ! hurla sa mère.

    L’assistance était médusée. Oncle Joey et le père de Victoria s’élancèrent à sa poursuite, la peur au ventre.

    La corniche ne cessait de se rapprocher de la fille et de sa monture !

    — Victoria !

    Mais Victoria n’entendait rien, ne voyait plus rien d’autre que ce magnifique insecte bleu, lumineux, sorti d’un buisson au détour de la maison. Il avait semblé lui chuchoter « suis-moi » et il était impossible de résister. Elle avait inconsciemment talonné les flancs du petit cheval, l’obligeant à ne pas se laisser distancer par la libellule. Elle grimpa la côte à toute allure dans un tonnerre de petits sabots, monta sur la dalle et, louvoyant entre les croix, s’élança vers le bord, toujours captivée par cette lueur magnifique.

    Le poney pila net dans un nuage de poussière blanche.

    Au loin la famille retint son souffle, espérant distinguer Victoria dans ce brouillard de craie.

    Mais quand le vent l’eut dissipé, il n’en ressortit qu’un poney alezan reniflant la terre sèche d’un air résigné.

    Victoria avait plongé sans lui, une petite fleur ramassée peu avant : une orchidée grenouille, encore accrochée dans ses cheveux de blé.

    On la chercha des semaines durant, mais on ne la revit jamais.

    Victoria avait disparu !

    I

    Harold

    Juillet 1007, Irlande du Nord.

    C’était l’aube, une aube fraîche et bleutée. Le campement s’éveillait dans la brume opalescente qui montait des tourbières et des bruyères. Deux mille hommes d’armes, trois cents chevaux et des tentes de campagne emplissaient le vallon.

    Harold était exténué. Il démonta et se présenta au garde à l’entrée de la Regina, tente du seigneur commandant.

    — Entrez, mais faites silence ! Messire s’entretient avec l’émissaire de Sa Sainteté ; le conseil est déjà réuni à l’intérieur.

    Harold pénétra discrètement sous la lourde toile tendue et s’effondra sur un tabouret en bois près de l’entrée. Voilà trois jours qu’il chevauchait sans trêve. L’information importante qu’il rapportait était le fruit d’une mission harassante ; mais on n’interrompait pas un conseil en cours.

    — … Sa Sainteté, le pape Jean a été clair à ce sujet, messire Goldwin ; c’est un point capital !

    — Mais qui voilà ? interrompit sire Goldwin sans aucun ménagement. Ne serait-ce pas notre ami Harold qui nous apporte de fraîches nouvelles du sujet qui vous préoccupe tant, Monseigneur ?

    Face au ton caustique utilisé, l’émissaire se rembrunit.

    Harold, quelque peu distrait, sursauta, faillit chuter, se redressa et salua d’une révérence.

    — Alors, Harold, l’avez-vous trouvé ?

    — Non, messire.

    — Comment, non ? éructa l’ecclésiastique.

    — Calmez-vous, Monseigneur, laissons parler Harold !

    — C’est-à-dire, messire, que nous avons retourné tout le village, les hameaux voisins et chaque chaumière de la campagne du lieu. Je puis vous assurer que nous n’avons rien laissé au hasard, mais nous sommes arrivés trop tard, je pense.

    — Et… la fille ?

    — C’est une sorcière ! cracha l’émissaire.

    — Je ne crois pas aux sorcières, Monseigneur, rétorqua lord Goldwin.

    — Vous devriez, soyez-en persuadé !

    Goldwin leva les yeux au ciel :

    — Poursuivez, Harold !

    Gêné, voire très embarrassé, Harold continua :

    — De toute évidence, des villageois ne devaient pas la porter en grande estime, car ce sont eux-mêmes qui se sont chargés de la tuer !

    — L’ont-ils brûlée ?

    — Y paraîtrait que non, Monseigneur ! D’après ce qu’on nous a rapporté, ils étaient trop en rogne et tellement imbibés qu’ils n’ont guère pris le temps d’ériger un bûcher.

    — Quoi ? s’étrangla l’émissaire.

    — Non ! Ils l’ont balancée du haut de la falaise.

    Le poing d’Harold se crispa.

    — Bande de sacs à bière ! C’est impossible d’être à ce point stupide ! J’avais pourtant bien précisé…

    — Qu’est-ce que ça peut faire ? intervint lord Haster. Vous vouliez qu’elle disparaisse, oui ou non ? La hauteur de cette falaise était certainement suffisante pour ce faire !

    — Il fallait la brûler, vous m’entendez ? Il le fallait ! Vous ne comprenez rien… et… et le livre ?

    — Sauf votre respect, Monseigneur, je vous l’ai dit, nous avons tout fouillé !

    — Chez elle ? Elle le cachait certainement !

    — Dans ce cas, il aura brûlé avec sa masure, parce qu’après les villageois sont revenus et y ont bouté le feu !

    — Je vous assure que si l’ouvrage a brûlé faute à vos lambinages, Sa Sainteté saura vous châtier comme il se doit !

    — Ça suffit ! Harold n’a certainement pas lambiné, il est lieutenant de mon armée et ne m’a jamais fait défaut. Je ne doute pas un instant de son total dévouement ! défendit le sire du camp. Et vos histoires de vieux grimoires et de sorcières commencent à m’échauffer, j’ai des affaires plus sérieuses à traiter. Nous sommes en guerre si vous ne le savez !

    — Vos guerres ne sont que des jeux, Goldwin, des jeux futiles et enfantins. L’issue de vos guerres m’est absolument indifférente ; elles ne sont que peccadilles devant l’importance de ce « grimoire ».

    — Comment osez-vous parler de la sorte ? Vous en répondrez au roi !

    — Et vous, à Sa Sainteté !

    — Messeigneurs, veuillez me pardonner…

    Tous les regards convergèrent vers l’inconscient qui osait, sans vergogne, interrompre le pugilat verbal.

    — De quel droit ? Qui êtes-vous ?

    — Je suis Roan Craston, sous-lieutenant dans cette armée, pour vous servir. Et si Messeigneurs me le permettent, je pense pouvoir apaiser quelque peu leurs différends.

    « Je reconnais bien là ton faciès faux de lèche-bottes », pensa Harold.

    — Allez-y ! Nous vous écoutons, proposa Goldwyn.

    — Le manuscrit n’a pas brûlé !

    — Et comment, diable, savez-vous ça ? Oh ! Pardon, Monseigneur !

    « Ça, tu l’as fait exprès ! » songea Harold.

    — Simplement parce qu’il ne brûle pas ! Croyez-moi, Messeigneurs, accordez-moi pour mission de le retrouver et je pars sur-le-champ vous le quérir et réparer ainsi l’échec de sieur Harold.

    — Sale trogne ! marmonna Harold.

    Force était pourtant de constater que cette merdaille arrogante était construite comme un chêne ; mieux valait donc feindre d’ignorer l’attaque.

    — Si vous dites vrai, de qui tenez-vous cela ? interrogea l’homme du clergé.

    — Je sais pas mal de choses sur ce livre, mais permettez-moi de vous les taire pour l’instant : cela facilitera ma quête qui, de ce fait, en sera écourtée. Je vous en prie ! Si vous m’accordez votre confiance, je deviendrai l’ombre de ce manuscrit : où il ira, j’irai, pour le récupérer et vous le remettre ; j’en fais le serment.

    — Avons-nous d’autre choix ? Si toutefois messire Goldwin peut se passer de vous quelque temps, sans trop risquer de perdre ses fichues guerres !

    — Ma foi, si cela peut vous contenter. Je me déferai d’un de mes sous-lieutenants, si Sa Sainteté juge qu’il est plus utile de dénicher un livre que de convertir des païens…

    — Vous n’en avez même pas idée, murmura l’émissaire.

    Roan Craston quitta la tente après maintes courbettes et prépara son paquetage. Alors qu’il finissait de panser son cheval, il lui chuchota à l’oreille :

    — Hâtons-nous, mon beau, car c’est un grand jour qu’aujourd’hui : en devenant chercheur officiel du livre, j’élimine un monceau de rivaux potentiels. Ces imbéciles vont très probablement me permettre de renaître de mes cendres. C’était inespéré, vois-tu ?

    Comme il plantait son pied boueux dans l’étrier, on l’interpela :

    — Roan Craston ! Un instant, je vous prie…

    — Monseigneur ?

    — Je ne sais pas trop d’où vous sortez, mais je sais reconnaître les hommes de bravoure. Je voulais vous assurer de ma gratitude si vous veniez à retrouver l’ouvrage perdu. Je puis aussi « couvrir », si cela s’avérait nécessaire, les éventuels débordements que vous seriez obligé de pratiquer pour la cause. Sa Sainteté a fixé l’objectif de la mission, pas la méthode ni les moyens d’y parvenir, j’espère que vous me comprenez ?

    — Je trouverai ce livre, même si je dois brûler jusqu’à la dernière sorcière du royaume et mettre à sac tous les villages.

    — Heureux de voir que vous avez saisi ma pensée.

    — Je vous le ramène, même si je dois le chercher en enfer !

    — Je ne vous en demande pas tant ! Je vous pourvoirai en hommes et en fonds si cette quête l’exige ; demandez et vous aurez. Mes espions vous suivront pas à pas à travers tout le pays.

    — N’aurais-je donc pas votre pleine confiance ?

    — Bien sûr que si ! Je ne voudrais toutefois pas que vous vous égariez en chemin. Allez maintenant et que Dieu vous garde !

    Roan battit bride sans plus de cérémonial. Une fois éloigné, il se retourna le sourire aux lèvres.

    « Pauvre fou, pour ce que j’en ai à cuire de ton dieu ! Tu me sembles toutefois moins stupide que je ne pensais », songea-t-il.

    L’émissaire le regarda chevaucher un instant :

    — Sans toi, ce serait beaucoup plus long ; avec toi, cela sera pour sûr plus compliqué ! T’accorder ma confiance ? Jamais ! Pas même dans le plus enchanteur de tes rêves, ne serait-ce qu’un court instant !

    Ce soir-là, alors que le camp dormait déjà, une bougie brûlait encore sous la tente d’Harold. Celui-ci dégagea avec extrême prudence de sous sa paillasse un objet très encombrant, noir et marron, recouvert d’un très beau cuir travaillé. Il espéra un instant y jeter un œil, par simple curiosité, mais l’ouvrir était impossible. L’ouvrage resta obstinément clos sans qu’il ne puisse en lire une ligne.

    William

    Le lac était noir et, tel un miroir parfait, il reflétait une lune quasi pleine et des milliers d’étoiles. Çà et là flottaient néanmoins quelques bancs légers d’une brume fantomatique.

    William avait allumé un feu, car la soirée était fraîche, et il n’y avait de toute façon âme qui vive à moins de trois lieues.

    Il se laissa aller à faire quelques ricochets avec les galets bien plats de la rive. Le contact de la pierre dans sa main lui arracha un sourire : cette matière était son quotidien ; il la façonnait, l’apprivoisait et, presque chaque jour, en faisait des merveilles.

    Pourtant son esprit était ailleurs : il pensait à Elle.

    Comment les hommes pouvaient-ils être si mauvais parfois ? Et si stupides ? C’est alors qu’il entendit un bruissement dans le petit bosquet qui jouxtait l’eau.

    Vif comme une truite, discret comme un chat, il ramassa son arme et s’enfila sous les arbres. Il contourna un petit massif rocheux enfoui sous le lierre, remonta une pente douce afin de contourner l’intrus. En regardant vers la berge, il le vit. Tapie derrière un tronc couché à demi pourri, envahi par de larges champignons, une ombre noire épiait le feu de bois. Sans un froissement, tel un spectre, William lui fondit dessus.

    Sous la pointe de la lame, le guetteur devint la proie.

    — Montre-toi !

    — William, c’est moi ! L’homme encapuchonné se découvrit.

    — Par tous les saints, Harold ! Espèce d’idiot, j’ai bien failli te raccourcir !

    — Je n’étais pas certain que c’était bien toi !

    William soupira puis saisit la tête d’Harold entre ses mains.

    — L’as-tu ?

    — Oui !

    — Dieu soit loué !

    Il embrassa Harold et l’étreignit à l’étouffer. Harold se dégagea doucement, courba l’échine, les yeux perdus dans les feuilles mortes :

    — Will, je… pour… je suis désolé, je suis arrivé trop tard, je ne pensais pas que le village serait une menace pour Elle, c’est pour cela que j’avais monté moi-même cette « expédition » : c’était pour la protéger de l’armée et de l’Église, je n’ai jamais pensé que…

    — Je sais ! Tu me l’as déjà expliqué quand je t’ai demandé pour le livre. À la vérité, tout est ma faute : si seulement je m’étais montré plus fort, si j’avais su la convaincre de partir avant toute cette folie. Il avait des larmes plein les yeux.

    — Comment est-ce Dieu possible ? Qu’a-t-elle bien pu leur faire ?

    — Je vais te le dire : trop de bien sans doute ! Elle les a soignés, instruits et son savoir les a effrayés. Pauvres imbéciles ! Une sorcière ? Oui, elle l’était ! Et ils ne connaîtront jamais tout le bonheur qu’ils auraient pu en tirer.

    — Il faut que tu saches : un homme du nom de Roan Craston s’est proposé spontanément pour partir à la recherche du livre. C’est un lieutenant sous mes ordres, mais je pense que c’est un sale type et…

    — Mieux vaut s’en garder, effectivement ! Je connais cet homme et je sais qu’il mettra tout en œuvre pour le trouver.

    — Pourquoi ? D’où le connais-tu ?

    — Il a presque de tout temps été envieux et il est son demi-frère !

    — À Elle ?

    — Oui !

    — Corne de bouc ! Que vas-tu faire à présent ?

    — Je vais m’instruire, grâce à toi, dit William en tapotant la couverture en cuir.

    — Avec ce livre ?

    — Oui ! Harold, il faut que tu me promettes de ne jamais révéler à quiconque que tu me l’as remis, ou même avouer l’avoir jamais entr’aperçu ; tu le paierais de ta vie sur-le-champ ! Crois-moi sur parole, je t’en prie !

    — Mais, qu’est-ce donc que cette « chose » étrange ? Il ne s’ouvre même pas !

    — Tu ne dois pas le savoir, mais c’est d’une importance capitale… pour moi. Ne m’en demande pas plus à ce sujet, au nom de notre amitié !

    — Bien.

    — Donne-le-moi et rentre au camp avant qu’on ne s’aperçoive de ton absence. Je te jure que je n’oublierai jamais ce que tu as fait pour moi. JAMAIS !

    Harold mena William par un étroit sentier bordé de roches et d’arbrisseaux tordus, jusqu’à son cheval. Il déboucla l’épaisse sacoche en cuir et en sortit l’antique ouvrage.

    William le prit tel un trésor fragile, laissa glisser ses doigts sur le cercle orné de runes qui en décorait la couverture et le glissa dans un sac de jute.

    — Va, mon ami et, quoi qu’il arrive, ne dis rien à personne. Si je disparaissais : ne me cherche pas ! Jure si besoin est que tu ne me connais pas, renie-moi de tout ton cœur !

    — Will… je voulais te dire… voulut poursuivre le lieutenant en grimpant en selle.

    Mais ce n’était plus la peine d’insister !

    Dépité, Harold se détourna, éperonna les flancs de sa monture et s’évanouit dans la nuit.

    William le regarda s’en aller avec un pincement au cœur.

    — Puissions-nous un jour nous revoir en des temps plus gais ! Je te rends grâce, Harold, car à présent je vais pouvoir à nouveau vivre, et si Dieu le veut… Elle aussi !

    Amy

    — Mais, bon sang, qu’est-ce que tu fais ? On va être en retard !

    — Ça va, j’arrive ! De toute façon, pour ce qu’on fout dans ce lycée à la con !

    — Amy, ton langage ! S’il te plaît ! Bientôt dix-sept ans et ça parle comme un gamin des rues !

    — Oh ! maman ! Lâche-moi un peu… T’es d’accord avec moi que c’est un lycée de cons ! Même les parents des élèves sont horripilants ! Tu l’as dit toi-même, il y a deux jours !

    — Amy, vraiment, tu exagères ! Je n’ai jamais dit une chose pareille et…

    La jeune fille plissa les yeux et continua d’un air pincé :

    — Oh, mais c’est qu’on devient une grande fifille ! Oh ! mais c’est pas un nouvel homme dans sa vie qu’elle a vot’maman ? Oh ! c’est pas un peu bizarre comme façon qu’elle a de s’habiller, la petite Amy ? Tu sais ce qu’elle leur dit la « petite Amy » ?

    — Oh, pour ça, oui ! J’ai vraiment une idée ! Allez, viens maintenant !

    Amy était d’apparence extérieure comme était son cœur : une boule de tendresse mal gérée, hérissée de clous ! Plutôt jolie, elle ne portait à l’habitude que des vêtements noirs, ses cheveux étaient noirs, son maquillage… noir et son humeur souvent de la même couleur que tout le reste ! Un piercing annelé lui « ornait » la lèvre inférieure.

    Elle grimpa dans la Jeep à la place du convoyeur. Mère et fille empruntèrent le sentier qui traversait le jardin puis, en obliquant à droite, atteignirent l’asphalte. La route comptait six bons miles jusqu’à Bushmills ; elle sinuait sur l’Antrim coast avant de redescendre en douceur jusqu’aux premières habitations. Le vent était fort aujourd’hui ; le vent était presque toujours fort sur la falaise. Amy sourit en passant à la hauteur des trois croix. La petite zone d’herbe rase et de plumeaux qu’elles délimitaient était, pour elle, le centre du monde, un havre de paix où elle aimait s’asseoir ; le seul endroit au monde où elle se sentait vraiment bien. Elle songea à ses recherches encore infructueuses sur l’histoire du lieu… C’était bien plus distrayant que se farcir les cours.

    — Tu crois qu’il viendra ? marmonna-t-elle.

    — Que… ? Oh, Amy ! Alors c’est pour ça, cette tête de cochon ? À l’approche de chaque anniversaire, c’est la même chanson.

    — Tu ne penses pas que c’est normal ? C’est mon père !

    — Je sais, Amy, mais ça fait cinq ans qu’on ne l’entend plus !

    — Tu pourrais essayer, pour mon anniversaire…

    — J’essaie de le joindre tous les ans !

    — Peut-être cette année ?

    Elle l’aimait puisqu’il lui manquait ; elle le détestait puisqu’il était parti.

    Elle repensa à ce jour maudit d’octobre où, après une semaine infernale clôturée d’une dispute mémorable, il était parti sans laisser d’adresse. Il avait eu le culot de se faire tatouer le nom d’une autre femme sur la main, ce qu’il justifia en délirant une histoire à dormir debout, puis il expliqua qu’il devait partir, qu’il n’avait pas le choix. Abandonnant ainsi sa femme et sa fille comme de pauvres connes, il n’avait plus donné signe de vie depuis lors.

    Johanna gara la voiture devant le lycée. Dans un soupir à fendre l’âme, Amy se laissa couler en bas du siège.

    — Salut, M’man !

    — Salut, mon cœur.

    Encore une putain de journée qui commençait !

    Situé dans le comté d’Antrim, le village de Bushmills est une adorable bourgade de moins d’un millier et demi d’habitants. Célèbre pour sa distillerie de whiskey, reconnue comme la plus ancienne malterie du monde, on peut y découvrir également la Chaussée des géants : curiosité géologique unique faite de la rencontre de lave basaltique en fusion et de la mer glacée, il y a quarante millions d’années. De cette union sont nées quarante mille colonnes hexagonales serrées les unes contre les autres, formant tantôt des orgues majestueux,

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