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Sebastián: Pour que vive la République 1936 - 1977
Sebastián: Pour que vive la République 1936 - 1977
Sebastián: Pour que vive la République 1936 - 1977
Livre électronique265 pages3 heures

Sebastián: Pour que vive la République 1936 - 1977

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À propos de ce livre électronique

Son combat face au fascisme, face au franquisme...

Félix Pérez Garrido alias « Sebastián » est l’homme d’une vie de conviction et d’engagement.
En 1936, ce jeune officier Républicain combat les franquistes, ensuite en exil, il rallie Moscou et comme partisan traque les Nazis en Europe centrale. À la fin de la seconde guerre mondiale, il revient clandestinement en Espagne, pour poursuivre sa lutte contre les fascistes et Franco. Durant cette période il sera garde du corps de la « Pasionaria » et collaborateur de Santiago Carrillo.
En 1977, il voit enfin le retour de la démocratie dans son Espagne natale. Si les illusions du jeune officier Républicain disparaissent, au cours de l’Histoire, face à l’ambiguïté des politiques ; son désir de liberté et de justice pour le genre humain reste aujourd’hui toujours intact, tel un message d’espoir offert aux générations futures.
Ce témoignage exceptionnel intéressera les amateurs d’Histoire et touchera le cœur de ceux toujours marqués par l’épisode tragique du franquisme...

Découvrez la passionnante biographie d'un homme épris de liberté et resté fidèle à ses convictions.

EXTRAIT

De temps à autre, un événement plus extraordinaire se produisait, qui mobilisait tous ceux qui étaient engagés dans ce mouvement.
Ainsi, quand Fernando De Los Rios, responsable socialiste, qui fut ministre de la justice du gouvernement provisoire, d’Avril à Octobre 1931, et qui était député de la circonscription de Grenade de 1933 à 1936, vint participer à une réunion à Fuensanta.
Félix devient alors secrétaire de la Jeunesse Socialiste Unifiée (Unification des jeunesses socialistes et communistes réalisée le 1er avril 1936), pour la section de Fuensanta. C’est sa première responsabilité et c’est le début d’un très long engagement.
Avec une camionnette, les jeunes socialistes font le tour des villages, garçons et filles rassemblés dans une même ferveur, où se conjuguent esprit festif et action politique.
C’est en raison de ses responsabilités que, dès l’insurrection franquiste du 18 Juillet 1936, Félix va participer à la mise en place de la première milice populaire du village, chargée de la défense de la République, d’autant que très rapidement les forces franquistes vont s’emparer de Cordoue et de Grenade, nécessitant une réplique urgente et une réaction de toutes les forces disponibles.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Dans cet ouvrage, Guy Pernet, professeur de Lettres et d’Histoire, n'écrit pas une biographie, il conte, il raconte un destin singulier où le romanesque accompagne l’idéal et la passion d’un homme...
LangueFrançais
Date de sortie27 oct. 2017
ISBN9782350661650
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    Aperçu du livre

    Sebastián - Guy Pernet

    internet

    Chapitre 1

    Une enfance andalouse

    Félix Pérez Garrido est né en 1918¹, à Fuensanta de Martos, dans la province de Jaén.

    Fuensanta est un village de l’Andalousie rurale où règnent, au début du 20ème siècle, l’analphabétisme, de grands domaines latifundiaires, une Eglise catholique puissante, des perspectives très limitées.

    Mais, la société n’est pas monolithique, même dans les villages andalous de l’Espagne neutre, les échos lointains de la guerre de 1914, qui se déroule en France, ont eu des répercussions significatives.

    Les libéraux et les socialistes souhaitent une diminution de l’emprise cléricale, ils soutiennent les alliés (aliadofilos) dans l’espoir d’avancées démocratiques, d’une certaine forme de progrès. Les conservateurs, le clergé sont « germanofilos ». Ces clivages peuvent se retrouver au sein de chaque famille.

    Surtout, l’extrême pauvreté, la progression démographique, le régime agraire inégalitaire créent un sentiment de frustration très fort.

    L’oncle José dans les années 30

    En revanche, il semblerait que l’influence anarchiste, forte chez les ouvriers agricoles d’Andalousie, n’ait pas été significative alors à Fuensanta de Martos, on trouve confirmation de ces souvenirs de Félix dans les recherches menées par Antony Beevor². L’implantation anarchiste, forte en Andalousie, était particulièrement faible dans la province de Jaén.

    Le village de Fuensanta de Martos est favorisé par la nature ; il est situé à 840 mètres d’altitude, à la limite entre montagne et plaine, il recèle des fontaines, des sources, une eau bienfaitrice, qui a même été considérée comme sacrée et bienfaisante.

    Cette eau abondante a permis, en ce début de 20ème siècle où nous situons le début de cette chronique, un développement agricole réel, qui n’a en rien amélioré les conditions de vie des innombrables ouvriers agricoles, menacés en permanence par le chômage, dont les enfants, en particulier les filles, ne peuvent fréquenter l’école. Il y a alors pour Fuensanta et les petits villages environnants une seule école pour plus de 3000 habitants, nous y reviendrons.

    L’eau permet également de faire tourner certains moulins. Il y a, bien entendu, des moulins pour la farine. Les céréales jouent un rôle important dans la production agricole et dans la consommation quotidienne.

    Mais, la richesse principale, c’est l’olivier. D’ailleurs, Félix est né dans un moulin à huile !

    Les premières années de sa vie se sont déroulées dans la Calle Villa, une grande rue au centre de village, dans une grande maison, sans eau et sans électricité. Mais, il est vrai qu’en 1920 c’était la situation la plus fréquente, y compris en France.

    Tout le monde connaît, à Paris, le panneau qui fleurissait sur les immeubles de qualité, au début du 20ème siècle : « Eau et gaz à tous les étages ».

    Le père de Félix, Manuel Pérez Contreras, est berger puis journalier agricole. Sa mère, Dolores Garrido Peña, est née en 1895. Dans la tradition du grand-père maternel, gardien d’un domaine, doté d’une forte personnalité, elle est ouverte à la société en mouvement du début du 20ème siècle.

    Le frère de sa mère, José Garrido Peña, est socialiste. Agé de 18 années de plus que Félix, vivant dans la maison familiale après le décès de la grand-mère, il jouera un rôle très important dans la formation du jeune garçon.

    José Garrido a de grandes qualités intellectuelles. Autodidacte, il va devenir instituteur dans des conditions très illustratives de la situation qui règne au sein de l’Espagne, celle de la fin du règne d’Alphonse XIII.

    Ce sont les habitants du village, paysans, artisans, mais aussi notables et propriétaires, qui vont venir le voir pour lui demander d’ouvrir une école et d’assurer ainsi une formation réelle des enfants, pouvant aller, pour certains, jusqu’à une préparation aux concours administratifs.

    Cela en dit long sur la piètre qualité de l’enseignement délivré alors par l’école religieuse, en situation de monopole éducatif, avant les réformes introduites par la République et, en conséquence, avant les nombreuses créations d’écoles qui vont enfin pouvoir se réaliser. Sur ce plan, le décalage est considérable avec la France voisine où l’enseignement laïque, gratuit et obligatoire pour tous remonte aux lois de 1881.

    José Garrido sera donc payé par les parents. Il limitera à 35 les enfants pris en charge, pour qu’il puisse leur délivrer un enseignement de qualité.

    Félix a pu en bénéficier, d’autant que les premières leçons se déroulaient dans la maison familiale, sur la table commune, et cela lui aura permis de devenir un de ceux qui, à Fuensanta, savent lire, écrire et compter, mais aussi sont ouverts au bouillonnement des idées qui traverse l’ensemble de l’Espagne.

    C’est pourquoi, dès l’âge de treize ou quatorze ans³, Félix publiera des articles, comme correspondant local, dans le journal socialiste de la région.

    Dans ces articles, il se souvient d’une lettre ouverte au député, fustigeant le manque d’action concrète, au début de la deuxième République, pour favoriser l’hygiène, l’éducation dans la jeunesse. Ces enfants mal soignés, mal habillés, travaillant jeunes, ne bénéficiant d’aucune formation…

    Il faisait aussi l’écrivain public pour les jeunes filles dont les fiancés étaient partis à l’armée. Articles révoltés et lettres d’amour font bon ménage dans l’atmosphère pauvre et romantique de l’Espagne qui s’ouvre alors. Quelle belle initiation aussi pour un jeune homme qui découvre la puissance des outils intellectuels, de ces outils qui prennent le relais d’une brillante culture orale.

    Celle de sa mère, Dolores Garrido, par exemple, autodidacte passionnée, qui fut enlevée avant le mariage par Manuel Pérez pour mettre la famille devant le fait accompli, dans la tradition d’une culture multiséculaire.

    Cet enlèvement, en quelque sorte rituel, montre les chocs civilisationnels qui cohabitent, en ce début de 20ème siècle.

    Quand on sait l’appétit de connaissances, d’ouverture dont se remémore Félix, quand il pense à sa mère, on comprend les sentiments de révolte, voire les sentiments révolutionnaires qui vont naître en lui.

    On comprend aussi ce qui va traverser l’Espagne, y compris pour les forces qui refusent certaines évolutions de la société, de ses règles, de ses mentalités.

    Cela ne contredit pas le désir de révolte lié aux inégalités sociales, cela le complète.

    Et, cette révolte est très forte et fondatrice, quand on naît dans un milieu modeste de l’Andalousie profonde.

    Quand on interroge Félix, alors qu’il a 90 ans, il y a toujours une double passion, qui l’enflamme, et rend son propos plus déterminé, éclaire son regard, recouvre sa réserve et son recul habituels, fait même taire son ironie : La révolte sociale, viscérale née dans ce cadre de grands domaines, de propriétaires terriens dominateurs et méprisants, d’ouvriers agricoles sans terre et sans droit. Et, en même temps, mélangeant nostalgie, amour filial et engagement personnel, il se remémore le bonheur brut de la vie collective, de la solidarité toujours tourné vers l’avenir, ce terreau d’une force intérieure peu commune. Il se remémore cette maison du peuple que les socialistes du village construisaient de leur main, apportant chacun leurs compétences, sa mère qui participait à tout cela sans forcément le consentement de Manuel, ni de son propre père, sa mère qui gérait les comptes, en affirmant son pouvoir malgré son statut de femme au foyer, ce progrès porté par des femmes et des hommes et, en tout premier lieu, par sa mère et par son oncle.

    Revenons à cette Andalousie des années 20. Comment oublier que dès l’âge de 7 ans, il fallait aller ramasser les olives ou plutôt nettoyer, désherber. Il fallait aussi vivre à crédit en attendant la récolte.

    Il faut se souvenir que dans l’Espagne de 1930, près de la moitié des terres appartenait à un nombre limité d’aristocrates et de latifundiaires, pendant que 64% d’une population qui avait doublé en un siècle était employée dans le secteur primaire. Tout cela était encore beaucoup plus net en Andalousie.

    Mais, en même temps, il faut dire que Félix était dans une famille où personne n’avait faim, puisque trois salaires entraient, en dehors des périodes de chômage des uns ou des autres, et où les comptes étaient particulièrement bien tenus…

    Après le centre du village, Félix a vécu dans une Hacienda, à la « loma ». Sa famille avait trois couples de mulets à sa charge et une autre famille était chargée de travailler la terre avec des bœufs.

    Son père, par souci de l’honneur familial et parce que les modestes moyens financiers le permettaient, a pu faire en sorte que les jeunes sœurs de Félix ne soient pas domestiques, ne soient pas placées chez un notable ou un propriétaire.

    Malgré tout, dès l’âge de treize ans, le père de Félix le fit engager comme journalier chez un propriétaire terrien, l’année où fut proclamée la deuxième République.

    Son oncle, José Garrido était le leader naturel de la section du Parti socialiste, même si sa santé fragile ne lui permettait pas toujours de diriger les manifestations, les confrontations.

    Il mourut d’une leucémie, quelques années plus tard, en 1937.

    Mais, en tant qu’instituteur et comme secrétaire de mairie, il joua un rôle essentiel dans la formation idéologique du courant socialiste à Fuensanta.

    Félix, dans le sillage de son oncle, a très tôt milité à la jeunesse socialiste. Il se souvient de manifestations pour la réforme agraire. Les manifestations pour la « terre à ceux qui la travaillent » étaient un des grands axes de l’action, avec la lutte pour l’école et des revendications plus immédiates. Plus tard, les manifestations revendicatives se sont mêlées à des actions s’engageant directement sur le terrain politique, avec en particulier la préparation des élections de février 1936.

    La municipalité était marquée à gauche en 1931, avec un rôle dominant du Parti socialiste.

    Il y avait aussi toute l’activité développée autour de la maison du peuple, les réunions politiques, mais aussi une vie culturelle intense, avec, en particulier, le théâtre présentant des drames sociaux, mais aussi des comédies.

    Félix se souvient d’y avoir participé comme souffleur et peut-être même comme metteur en scène ! Son oncle José avait monté une pièce d’Angel Guimera intitulée « Tierra baja⁴ », dans laquelle un de personnages se nommait « Sebastián », un méchant propriétaire terrien ! Etrangement, de nombreuses années plus tard, quand Félix dut choisir un nom de clandestin qui remplacerait le sien durant toute une partie de sa vie, c’est ce prénom qui lui vint à l’esprit. La dialectique sans doute ou une autre inspiration peut-être…

    Oh ! C’était modeste, chacun apportait sa chaise, mais le village bruissait d’une vie nouvelle, d’une sorte de renaissance.

    Le mot « revanche » est parfois douloureusement connoté, mais cet accès soudain à une forme de culture dans un village où régnait l’analphabétisme, provoquait sans aucun doute un enthousiasme qui fait penser à une vision positive de ce mot.

    Tout le village n’était pas partie prenante, mais les spectacles rassemblaient facilement une centaine de personnes et les activités politiques mobilisaient un nombre équivalent de militants.

    De temps à autre, un événement plus extraordinaire se produisait, qui mobilisait tous ceux qui étaient engagés dans ce mouvement.

    Ainsi, quand Fernando De Los Rios, responsable socialiste, qui fut ministre de la justice du gouvernement provisoire, d’Avril à Octobre 1931, et qui était député de la circonscription de Grenade de 1933 à 1936, vint participer à une réunion à Fuensanta.

    Félix devient alors secrétaire de la Jeunesse Socialiste Unifiée (Unification des jeunesses socialistes et communistes réalisée le 1er avril 1936), pour la section de Fuensanta. C’est sa première responsabilité et c’est le début d’un très long engagement.

    Avec une camionnette, les jeunes socialistes font le tour des villages, garçons et filles rassemblés dans une même ferveur, où se conjuguent esprit festif et action politique.

    C’est en raison de ses responsabilités que, dès l’insurrection franquiste du 18 Juillet 1936, Félix va participer à la mise en place de la première milice populaire du village, chargée de la défense de la République, d’autant que très rapidement les forces franquistes vont s’emparer de Cordoue et de Grenade, nécessitant une réplique urgente et une réaction de toutes les forces disponibles.

    Il y avait cinq représentants de la « Guardia civil » à Fuensanta qui furent désarmés sans violence. Ce fut le point de départ qui permit la constitution de la milice : les armes des policiers qui vinrent s’ajouter aux armes de chasse détenues ou réquisitionnées.

    Félix a 18 ans, il se porte volontaire pour partir sur les fronts principaux et en particulier, pour participer à la défense de Madrid.

    L’armée républicaine n’est pas encore constituée, l’appel aux classes dont il fait partie n’est pas encore lancé, mais il tient absolument à combattre.

    Il se rend donc à Jaén, où il va suivre une préparation militaire de 21 jours. Il est certain que ses responsabilités, son niveau scolaire et sans doute d’autres qualités immédiatement reconnues lui permettront d’être nommé officier des milices, un équivalent du grade de sous-lieutenant.

    Son frère aîné, Manuel, né en mai 1915, alors que leur père avait dû partir accomplir son service militaire de trois ans à Séville, et qui avait été dans l’obligation de commencer à travailler comme ouvrier agricole à l’âge de huit ans, en 1923, partit également pour rejoindre l’armée républicaine.

    Il se réfugiera en France en 1939, nous en reparlerons, et retrouvera son frère Félix au camp du Barcarès, puis après une longue séparation pendant toute la seconde guerre mondiale, ils se retrouveront à nouveau indéfectiblement liés.

    D’autres naissances avaient agrandi la fratrie de Félix, certaines suivies de destins dramatiques.

    Ainsi, Carmen, née en 1920, est morte de la tuberculose en 1937 à 17 ans. Deux garçons, Antonio et Pepillo sont morts en bas âge.

    Dolores, María et Carmen – deuxième du nom, née quelques mois après la mort de sa grande sœur – sont nées entre 1927 et 1937.

    Ces trois jeunes sœurs de Félix sont restées en Andalousie, pendant toute la période franquiste. Aucune n’a pu faire d’études, elles sont toutes trois analphabètes.

    Dolores a vécu le même épisode d’enlèvement que sa mère. Elle a aujourd’hui, à la date du fil de l’écriture, 89 ans⁵.

    Elle n’a pas eu d’enfants.

    María, qui a 79 ans, est partie au début des années 1970 pour Madrid, où elle a commencé son installation par les bidonvilles qui accueillaient alors les migrations intérieures liées au développement économique de l’Espagne. Depuis d’autres migrations ont succédé à ces premières arrivées aux alentours des grandes villes.

    Mariée, elle a eu quatre enfants. Carmen, la plus jeune sœur de Félix, a aujourd’hui 72 ans.

    Son mari, Santiago, a participé au mouvement ouvrier dans la clandestinité durant les années 60-70, mais nous en reparlerons.

    Pour faire en sorte que ce premier tableau familial trace un cadre minimal pour une esquisse du milieu qui a vu Félix prendre son essor, rappelons, en nous projetant encore une fois, que son père est mort à la fin des années 70, à Martos et que sa mère est décédée en 1980, à l’âge de 85 ans, âge de disparition commun à beaucoup de membres de la famille.

    Ce tableau très incomplet de la destinée d’une famille nombreuse populaire andalouse me semble incroyablement évocateur des romans innombrables, des indications anthropologiques, historiques que recèle l’Espagne du 20ème siècle.

    Bien entendu, on y voit également la gestation d’un engagement, celui d’un très jeune homme, muri à une vitesse étonnante par l’Histoire en marche.

    Cette entrée dans la vie intime familiale, mais aussi cette découverte du contexte permettra sans doute de mieux comprendre la place de Félix dans la succession d’événements qui vont faire ce qu’il est.

    Et, bien entendu, tout commence par la guerre d’Espagne.

    1 - Pour avoir une idée du cadre général, rappelons que si la démocratie espagnole est alors très jeune (1931), le système démocratique est très minoritaire et très menacé pendant l’entre-deux guerres. La démocratie en Europe repose exclusivement sur les deux vieilles puissances que sont l’Angleterre et la France. En dehors de la Suisse, du Bénélux, de trois états scandinaves et pour quelques mois seulement de la Tchécoslovaquie et de l’Autriche, tout le reste de l’Europe vit dans le fascisme ou dans une forme quelconque d’état autoritaire ! Et puis, il y a l’URSS, seul pays communiste existant alors, dont l’idéologie est relayée par l’Internationale communiste : le Komintern. L’URSS de Staline est sur le point de s’engager dans une terreur interne (les grands procès de 1937-1938, le procès de Toukatchevski) qui se répercutera jusqu’en Espagne, qui affaiblira l’armée rouge, mais qui aura aussi des conséquences au sein du camp républicain espagnol. Finalement, ce qui va être expérimenté dans la péninsule ibérique, c’est-à-dire l’alliance des forces démocratiques et du communisme soviétique contre le fascisme, va se produire pendant la deuxième guerre mondiale, mais ne peut fonctionner efficacement en 1937-1938, dans le contexte évoqué. Bien entendu, il est impossible de dire ce qui se serait passé avec des relations internes au camp républicain différentes et a fortiori une autre situation internationale (modalités de la « non-intervention » par exemple). En effet, l’Angleterre et la France, pourtant dirigée par un gouvernement de Front populaire, se sont dirigées vers un refus absolu de l’affrontement, alors que l’Italie de Mussolini avait envoyé des milliers d’hommes dès la fin de l’année 1936 et l’Allemagne nazie, la légion Condor avec des moyens aériens considérables. L’Union soviétique en tant qu’Etat sera la seule à procurer du matériel militaire en quantité, même si c’est moyennant finance et avec le gage considérable de l’or de la Banque d’Espagne.


    1 - Selon les différentes versions d’inscription sur les registres, le 27, le 28 ou le 29 avril

    2 - La Guerre d’Espagne Calmann-Lévy 2006

    3 - Il faudrait retrouver, peut-être à Jaén, des exemplaires de ce journal, si tous n’ont pas été détruits.

    4 - Il monta aussi un drame social de Juan José « Joaquin Dicenta »

    5 - En 2010

    Chapitre 2

    Un jeune communiste, officier de l’armée républicaine

    Félix Pérez, dès le début du coup d’Etat, était parti avec d’autres jeunes de Fuensanta pour rejoindre Jaén. Les milices, chargées de défendre la République, étaient en formation au cœur de la capitale provinciale, dans une ambiance tendue et survoltée pour la sauvegarde de la « République en danger ». Les nouvelles les plus folles surgissaient à tout moment et il fallait une conscience politique bien accrochée pour faire le tri. Les jeunes miliciens qui découvraient le maniement des armes et un minimum de discipline militaire avaient l’impression, à Jaén, d’être très proches de la future ligne de front. En effet, l’essentiel des menaces pour ceux qui se retrouvaient ici, au début de l’été, venaient du sud de l’Andalousie. Il y avait eu le soulèvement militaire à Séville, en particulier, qui avait malheureusement réussi, puis l’arrivée de l’armée d’Afrique, organisée par Franco, avec ses « regulares » marocains et la Légion. D’autres soulèvements menaçaient d’autres villes et d’autres régions, y compris Madrid bien entendu, mais l’impression qui dominait était que, dès la formation terminée, le plus vite possible, il faudrait descendre vers Cordoue, Séville, Grenade ou Málaga. Cette impression, comme d’autres, se révélera fausse quand, à la fin de l’automne, il faudra, pour Félix et ses camarades, prendre la direction de Madrid¹.

    A Jaén, le gouverneur civil avait demandé à la Guardia Civil de déposer les armes, avant de les confier à l’U.G.T² et à la C.N.T³. C’était un peu le même scénario qu’à Fuensenta. Cette forme prise par les événements correspondait parfaitement aux souhaits de Félix. Après tout, il est dans le camp légitime, celui de la République issue des élections. Il a bien évidemment aussi soif de justice sociale, mais c’est dans le cadre de la République que tout a commencé à bouger et, maintenant, il faut d’abord se battre contre les forces réactionnaires qui veulent revenir en arrière, qui veulent détruire tout ce qui a été enclenché depuis quelques années ou même seulement

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