Certains ont leur Deep South, nous, nous avons le Grand Est. Cornécourt, Épinal et, quelques kilomètres plus loin, Nancy… Par cette géographie ultra-locale (et imaginaire, pour certains lieux…), Nicolas Mathieu réussit à toucher l’universel. Avec de petites choses, et ceux « qui ne sont rien », pour paraphraser un président, le Goncourt 2018 nous entraîne irrésistiblement.
DE LA TENDRESSE, DE L’IRONIE ET UNE INDÉNIABLE JUSTESSE
On attendait beaucoup de l’auteur de . Nous n’avons pas été déçus. Bien au contraire. Si la structure narrative diffère, les invariants sont là: le temps qui passe, les adolescences mal digérées et les complexes de classe. On y retrouve la « France sous nos yeux » de Jérôme Fourquet et Jean-Laurent Cassely, et l’on entendrait presque le dernier album d’Orelsan en bande-son de cette littérature qui montre la société française telle qu’elle ne veut souvent pas se voir. Une « anywhere » (qui vient de n’importe où) et un « somewhere » (qui vient de quelque part) – pour reprendre la théorie de la division de la société de David Goodhart – se retrouvent pour rejouer leurs adolescences, régler des comptes avec ce qu’ils voulaient être dans la France des pavillons, celle des villes moyennes. À mi-chemin entre et un film de seconde chance américain (mais plus « amer » que « ricain »…) se rencontrent les héros Hélène, celle qui a « réussi » et qui revient, et Christophe, qui n’est jamais parti. Des personnages inoubliables. Il est très probable que les lecteurs en Allemagne, en Italie ou en Pologne, qui se sont reconnus dans les errements et ennuis des ados du précédent livre de Nicolas Mathieu, se retrouveront également dans ce roman choraloù l’équipe de hockey locale est centrale comme l’étaient le café ou l’usine. Ce dernier roman se passe en 2017. Comme le précédent, il est faussement générationnel, telle la chanson dont est tiré le titre. Il y a de la tendresse dans l’écriture de Nicolas Mathieu, de l’ironie et une indéniable justesse. Et sonne juste. Terre brûlée, etc.