Chaque année, des dizaines de milliers de personnes, essentiellement de jeunes hommes, quittent les côtes nord-africaines pour tenter de rejoindre l’Europe. Une réalité tangible mais qui ne se rappelle à nous que via d’épisodiques images médiatiques, comme récemment encore à Lampedusa. L’effet de cette immigration sur nos sociétés, qu’on y voie un risque ou une opportunité, est notable. De fait, toutes les dimensions de la vie en commun se trouvent concernées par un phénomène aux facteurs complexes, économiques et politiques. Paradoxe, alors que les acteurs et commentateurs politiques devraient porter sur lui un regard froid, c’est sans doute le sujet contemporain traité de la façon la plus approximative et la plus hérissée d’affects. C’est regrettable, car pour espérer sérieusement faire face à un fait social, il faut d’abord en connaître les ressorts.
C’est la tâche que s’est fixée l’Américain Stephen Smith, qui enseigne les études africaines à l’université Duke (Caroline du Nord) depuis 2007. Dans le très remarqué La Ruée vers l’Europe (Grasset, 2018), cet ancien responsable du service Afrique à Libération puis directeur adjoint de la rubrique Affaires étrangères au Monde alertait sur l’ampleur de la migration, en plein essor, depuis une Afrique débordante de jeunesse vers une Europe à l’orée de sa vieillesse. Pour L’Express, il revient sur les causes, les effets et les réponses possibles à un phénomène qui s’avère assurément l’un des plus grands défis, pour l’Europe, du XXIe siècle.
Qui sont les migrants qui arrivent en Europe?
On persiste à vouloir distinguer réfugiés politiques et migrants économiques, mais ces catégories se confondent la plupart du temps dans les projets de vie des étrangers qui débarquent sur les côtes européennes. Ils n’ont en commun que le