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De Renault a Tokyo
De Renault a Tokyo
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Livre électronique133 pages2 heures

De Renault a Tokyo

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À propos de ce livre électronique

« C'était il y a 33 ans. La France me paraissait déjà malade, et mon travail, chez Renault, sans avenir… Une envie, soudaine, me prit de partir. Ce fut la Sibérie, en train, et le Japon, tout au bout… comme un rêve.

Il fallait que je le réalise. Abandonnant définitivement la régie, ma R5 (mon seul bien à l'époque) et mes certitudes vacillantes, je m'installai là-bas, à Osaka d'abord, puis à Tokyo.

J'y multipliai les aventures et boulots en tous genres, : professeur d'anglais, barman, importateur de meubles… Je m'y mariai, même, avec Mié, ma chère épouse, qui me donnera trois enfants, maintenant grands.

Le Japon était alors en pleine Bulle. Cette période de frénésie économique se mua bientôt en crise. C'est pourtant lors de ce mauvais tournant que je montai mon entreprise, Style France, avec laquelle je vendis la décoration et l'art de vivre à la française dans toutes les grandes villes du Japon.

Je dirige aujourd'hui la filiale nippone du plus grand producteur de vin français, le groupe Castel.

Style France hier, Castel à présent… Je suis devenu un pont entre mes cultures natale et d'adoption.… »

Pays aux traditions millénaires, le Japon vient d'entrer dans une nouvelle ère impériale, Reiwa : « la Vénérable Harmonie ». Est-ce la pensée Zen ? l'harmonie au Japon s'accomode fort bien de la contradiction ! Pays vieillissant, il n'en accueillera pas moins cet automne la Coupe du monde de rugby et l'an prochain les Jeux Olympiques. En quête perpétuelle d'efficience, l'imprévu le désempare : Fukushima en 2011. Sa justice fonctionne, mais sur la base de règles d'un autre âge : Carlos Ghosn aujourd'hui. La déflation de son économie semble perpétuelle mais ses grandes entreprises rayonnent dans le monde entier et restent, pour beaucoup, des modèles enviés.

Ces paradoxes, Jean-Marc Lisner, diplômé en économie de la Sorbonne et de Dauphine, a appris à les connaître et à les maîtriser. Dans son livre, De Renault  à Tokyo — les tribulations d'un entrepreneur français dans l'Archipel nippon, il évoque son riche parcours au Japon, décrivant notamment en fin connaisseur les grands magasins du pays ou le marché du vin. Il y distille également ses analyses sur la politique ou les problèmes de la société japonaise, et prodigue ses conseils — tout en mettant en garde : « il n'y a pas de truc ! » — pour réussir au Japon.

LangueFrançais
Date de sortie1 déc. 2022
ISBN9798215639924
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    Aperçu du livre

    De Renault a Tokyo - Jean-Marc Lisner

    Tokyo 19/03/03

    Sommaire

    ––––––––

    Prologue : Merci Renault !     p 3

    Chapitre 1 - L’éveil       p 4

    Chapitre 2 - Le choc Japon     p 16

    Chapitre 3 - Mes premiers pas dans l’archipel  p 29

    Chapitre 4 - Mes débuts dans la Bulle japonaise  p 39

    Chapitre 5 - « Au Bonheur des Dames » japonaises p 51

    Chapitre 6 - Le succès version Style France    p 64

    Chapitre 7 - Drôle de crise japonaise    p 76

    Epilogue : de Billancourt à Tokyo    p 86

    Prologue : Merci Renault !

    17 mars 1999. En parcourant les journaux ce matin, je ressens une certaine émotion. Renault rachète Nissan. Quel symbole ! Il y a presque quinze ans, après plusieurs années passées dans une entreprise qu’on appelait encore la Régie Renault, je partais à l’aventure dans un pays qui allait racheter les Etats-Unis puis le monde. Dans ce Japon triomphant de la Bulle financière, il m'aurait été difficile d'imaginer que, dix ans plus tard, mon ancienne entreprise, alors au bord du gouffre, prendrait d'assaut un symbole du modèle japonais, et quel symbole ! Nissan, le rival de Toyota, la firme des ingénieurs et des crânes d'œufs nippons, tous diplômés de la prestigieuse université de Tokyo (Todai) ! D’une certaine façon, c’est Renault qui m'a permis de venir ici. Quelques économies tirées de la vente de ma R5 m’avaient en effet permis de payer le billet d'avion. Lorsque je débarquais en 1985 à Osaka, la ville commerçante du Japon, l’Archipel était en plein boom. Après les accords du Plaza, la hausse du yen (qu’on appelle endaka) avait provoqué une inflation sans précédent de l'immobilier et de la Bourse. Tout cela profitait à l'économie réelle. Croissance économique, richesses rapides, modèle japonais de management, l’Archipel se voyait déjà en superpuissance du XXIe siècle. Les nouveaux riches faisaient leurs emplettes à New York et Paris, raflant Renoir, Van Gogh et Modigliani. L’avenue de l’Opéra se japonisait et le Rockfeller Center tombait sous la coupe de Mitsubishi. On le sait aujourd'hui : cette folie des grandeurs a mal tourné. Endettement colossal, mauvaise gestion, le Japon continue de payer aujourd’hui les excès de ces années de folie. Une gueule de bois à l'échelle d’un pays. Mais à l'époque, personne ne se doutait encore que la fête finirait si mal. Pour moi, ces années-là resteront celles de l’apprentissage et des vaches maigres. De ma chambre d'étudiant de six tatamis et de mes étés sans air conditionné. Les journaux japonais du matin tentent désespérément de comprendre la chute de l’économie japonaise. Le coupable est tout désigné : la mauvaise gestion, pendant des années, d’une économie en surchauffe. Faut-il pour autant incriminer le dit modèle japonais ? Et de quel modèle parle-t-on ? Alors que le Japon peine à sortir de l’ornière, je ressens, en mon for intérieur - peut-être pour ne pas oublier et au titre d’un besoin de mémoire personnel susceptible de profiter à d’autres -, le besoin de revenir sur les quinze dernières années. Car c’est un drôle de parcours, en effet, que le mien ! Alors que l'économie japonaise n’a cessé de s’enfoncer tout au long de ces années perdues, comme on surnomme ici les années 90, je me suis lancé en mon âme et conscience dans les affaires au Japon, en y développant patiemment ma petite entreprise.

    C’est ce parcours que je voudrais aujourd’hui vous raconter...

    Chapitre 1 - L’éveil

    ––––––––

    Le printemps fou et l’éveil des consciences

    En 1972, nous sommes plusieurs dizaines de milliers de lycéens et d’étudiants à manifester dans les rues de Paris et des grandes villes de France contre la loi Habie, du nom du ministre de l’Education Nationale alors au gouvernement. Inacceptable à nos yeux, il menace d’augmenter les cotisations étudiantes. Cette expérience est ma première vraie grande manif’. Une sorte d’initiation thérapeutique à la démocratie et ce à quoi peut ressembler le pouvoir, là-haut, si haut, et ses lois. Nous sommes jeunes, insouciants, heureux. Naïfs ? Bien sûr. Nous sommes aussi très curieux. Avons soif de deviner le monde au-delà des frontières nationales. Nous voulons le découvrir dans sa complexité politique et sociale. Dans sa réalité humaine et culturelle. Nous sommes fous. Plutôt paumés. Et sans un sou.

    Mon initiation à la vie politique débute à Paris au lycée Charlemagne. En classe de terminale, je suis influencé par un professeur d’anglais qui ne cache pas ses affinités communistes.

    Cet homme est une personnalité hors norme, quelqu’un d’énergique. Toujours jovial, positif, indépendant, impertinent, sans cesse à l’affût d’idées neuves. Un esprit vif, aux antipodes à l’époque. En cours, il nous donne envie d’étudier la langue de Shakespeare en nous éveillant à la philo. Il délimite, par ses mots et son attitude, cette frontière qui sépare le rire de la réalité. En classe, il nous parle (en anglais) de politique française, du mouvement des Black Panthers aux Etats-Unis. De l’Allemagne de l’Est et du Mur de Berlin. Il nous initie encore aux textes des chansons de Léonard Cohen.

    Mai 68. Ce drôle de mai avait bouleversé la France et les Français. Il faut se souvenir de l’ambiance de ces années de poudre et de rêve, pour reprendre les titres des deux tomes qu’Hervé Hamon et Patrick Rotman ont consacré à ce « printemps fou », à ces heures névralgiques de l’histoire moderne française. Pour certains, nous respections de Gaulle. L’homme du 18 juin 40 et de la Libération. Mais nous pensions aussi que le gaullisme, par ses pesanteurs et ses rigidités, étouffait la France. C’est l’impression qu’en avait l’ensemble des lycéens et des étudiants qui défilaient dans les rues des capitales de France aux cris de CRS SS. D’appels quotidiens à davantage de démocratie, d’air frais dans les consciences. En particulier à la télévision, alors monopolisée par l’O.R.T.F. Nous avions en nous ce désir étrange de refaire le monde. C’est notre époque « Péril jeune », titre de l’excellent film de Cédric Klapish. L’ambiance est survoltée.

    L’adieu au Général

    Le 12 novembre 1970, les Français apprennent à la radio la mort du Généra de Gaulle. La nouvelle me vient aux oreilles à la sortie du lycée. Ce jour-la, c’est le symbole personnifié de la résistance, de la France libérée du joug nazi et de l’Occupation, qui est célébré et honoré dans toute la France. Soudain, la famille gaullienne est veuve. Mais plus que jamais unie derrière son chef spirituel. L’homme de la France libre. De l’appel de Londres. Le héros du 18 juin 1940. Une rose à la main, les forces de gauche prennent acte de la disparition du Général. Et s’organisent en vue d’une future accession au pouvoir. Outre la lassitude que m’inspire alors le poids de la droite au pouvoir, et la pesanteur du conformisme ambiant, je reconnais l’importance de l’engagement dans la résistance de plusieurs personnalités politiques de droite. Dont certaines sont encore au pouvoir. De mon côté, c’est d’abord le rôle déterminant tenu par les résistants communistes pendant la Seconde guerre mondiale, qui m’a fait adhérer au Parti communiste français. Le fameux PC de la place du Colonel Fabien.

    Dans l’arène politique du petit microcosme parisien, les mois s’écoulent. Rythmés d’intenses batailles de mots et d’idées. L’année 1974 vient sonner le glas de nos espérances. Une très courte majorité de Français vient de porter Valéry Giscard d’Estaing à la présidence de la République. François Mitterrand, qui pointe alors chaque jour un peu plus le bout de son nez, a été battu. Nous ignorons alors beaucoup du chef de file des socialistes. Mais il est clair que nous le préférons élu plutôt que vaincu. Cette victoire de la droite est vécue par les partis de gauche comme une amère déception politique.

    Quelques mois plus tard, en juin 1975, baccalauréat C en poche, j’hésite entre la filière scientifique et les sciences humaines. J’opte finalement pour la filière économique et fais mon entrée à l’université Paris IX Dauphine. A Paris IX, l’influence intellectuelle des professeurs était décisive. Ils sont tout simplement brillants. Et les étudiants captivés. L’un d’eux s’appelle alors... Jacques Delors. Un autre professeur se fait remarquer par la finesse de ses analyses : Jacques Attali. Tous les deux font parler d’eux. De sacrés références dans les couloirs de Dauphine.

    En première année, je me radicalise. La politique me passionne. Certains mercredis, je sèche même certains cours. Pas le choix. Nous sommes victimes de descentes de groupuscules d’extrême-droite. Les jeunes fachos parisiens organisent alors régulièrement des descentes dans les universités trop libérales à leur goût, Sorbonne, Dauphine, Nanterre... Ils viennent casser du «gaucho» et nous devons nous défendre. Avec de nombreux amis, nous avons constitué un « Comité d’accueil ». Lorsqu’ils arrivent, nous les accueillons à coups de lance à eau. Quelle ambiance ! Un jour, Jacques Attali vient me demander en plaisantant ce qu’il faut faire « en cas d’invasion massive des fachos dans toute la fac ! »

    La découverte des Amériques

    En moi s’entremêlent alors tant de sentiments libertaires. Je ressens une aversion radicale pour l’ordre et la famille. Très certainement, je garde un souvenir amer du divorce de mes parents. Résultat (cocasse) à la mode : je refuse de me faire couper les cheveux et écoute le chanteur Antoine à la radio («ma mère m’a dit Antoine va te couper les cheveux...»). Les injustices me révoltent. Nous manifestons à Paris devant l’Ambassade des Etats-Unis contre l’inadmissible racisme visant les peuples de couleur, en particulier contre la cruauté du Ku Klux Klan (KKK), actif dans plusieurs Etats américains. Un jour, on m’enchaîne aux grilles de l’Ambassade américaine à Paris. Ce qui me vaut d’atterrir au commissariat.

    Comme beaucoup, je garde un souvenir amer de la guerre du Vietnam. Ce conflit dans notre ancienne colonie m’a bouleversé. Cette fois-ci, les théories géopolitiques de Clausewitz sur l’utilité des guerres n’ont pas fonctionné. Aux Etats-Unis et en Europe, on parlait alors beaucoup du conflit vietnamien. Outre-Atlantique, l’énergique jeunesse de Woodstock réagissait. Pour mieux faire taire le bruit des bombes, Jimmy Hendrix faisait hurler sa guitare électrique. L’Amérique en première ligne, si forte et si glorieuse, cette Amérique qui avait libéré nos plages de Normandie, jouait cette fois aux échecs sur un terrain miné. Washington était allé droit à la catastrophe. Paradoxalement, cette guerre du Vietnam, vu des pavés parisiens, est notre découverte de l’Amérique. Ou plutôt des Amériques ! Les bombes et Nixon d’un côté. Peace and Love et Simon & Garfunkel de l’autre. Comme en musique, la partition est simple. Le manichéisme généralisé. C’est peu dire que l’Amérique qui dit « non » nous séduit. Elle nous fait

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