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Les 4 vies de Steve Jobs
Les 4 vies de Steve Jobs
Les 4 vies de Steve Jobs
Livre électronique382 pages6 heures

Les 4 vies de Steve Jobs

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À propos de ce livre électronique

Les quatre vies de Steve Jobs

N°1 en France fin août 2011.

« À trente ans je me suis retrouvé sur le pavé. Viré avec perte et fracas. La raison d’être de ma vie n’existait plus. J’étais en miettes. Je ne m’en suis pas rendu compte tout de suite, mais mon départ forcé d’Apple fut salutaire... »

Telle a été la confession de Steve Jobs en ce matin de juin 2005 aux étudiants de l’Université de Stanford. Elle résumait la maturation qui s’étaot lentement opérée en lui. Chassé d’Apple comme un malpropre en 1985, Jobs avait réussi un come-back retentissant dix ans plus tard et décliné des œuvres qui marquent leur époque tels l’iPod, l’iPhone et l’iPad.

PDG le plus admiré au monde, Steve Jobs a le plus souvent navigué à contre-courant, poussé par une vision de génie et une force de conviction hors du commun. Pourtant, il pouvait aussi se tromper : c'est lui-même qui a failli couler Apple en 1984 après avoir lancé le Macintosh en imposant des choix techniques incohérents !

Les 4 vies de Steve Jobs dépeint la jeunesse troublée de Jobs, l’accession à la gloire suite à la fondation d’Apple, sa disgrâce et sa vaine tentative de revanche suivie d’un retour en apothéose. Il dévoile aussi mille facettes inattendues de l’artiste hors norme qui dirige Apple.
* Sa quête de l’illumination en Inde
* Son refus initial de reconnaître la paternité de sa fille Lisa
* Sa liaison avec la chanteuse folk Joan Baez
* La quête de sa mère qui l’a abandonné à sa naissance * La tentative de soigner son cancer par un régime alimentaire végétarien...
À sa façon, Steve Jobs n’a cessé de vouloir changer le monde, changer la vie...

Un livre best-seller
Publié par Leduc Editions en avril 2011,Les 4 vies de Steve Jobs s'est classé n°1 des ventes fin août 2011.

A propos de l'auteur
Daniel Ichbiah est l’auteur de plusieurs best-sellers comme Bill Gates et la saga de Microsoft, Les Chansons des Rolling Stones, La Saga des Jeux Vidéo.

Daniel Ichbiah a été chroniqueur durant une douzaine d’années pour des magazines spécialisés dans l’univers Apple : MacWorld et SVM Mac. Il est le rédacteur en chef du magazine Comment ça marche.

LangueFrançais
Date de sortie12 nov. 2014
ISBN9781310281235
Les 4 vies de Steve Jobs
Auteur

Daniel Ichbiah

Ecrivain, auteur-compositeur et musicien, Daniel Ichbiah est l'auteur de plusieurs livres à succès.* Les 4 vies de Steve Jobs (plus de 20 000 exemplaires* La saga des jeux vidéo (5 éditions : 14 000 ex.)* Bill Gates et la saga de Microsoft (1995 - 200 000 ex.),* Solfège (2003 - environ 100 000 ex.). Très régulièrement dans le Top 100 de Amazon.* Dictionnaire des instruments de musique (2004 - environ 25 000 ex.),* Enigma (2005 - 10 000 ex.)* Des biographies de Madonna, les Beatles, Téléphone (Jean-Louis Aubert), les Rolling Stones, Coldplay, Georges Brassens...)En version ebook, mes best-sellers sont :. Rock Vibrations, la saga des hits du rock. Téléphone, au coeur de la vie. 50 ans de chansons française. Bill Gates et la saga de Microsoft. Elvis Presley, histoires & légendes. La musique des années hippiesJ'offre aussi gratuitement à tous un livre que j'ai écrit afin de répandre la bonne humeur : le Livre de la Bonne Humeur.

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    Les 4 vies de Steve Jobs - Daniel Ichbiah

    cover.jpg

    Les quatre vies

    de

    Steve Jobs

    Daniel Ichbiah

    © 2011 LEDUC.S Éditions

    © 2014 Daniel Ichbiah

    Les 4 vies de Steve Jobs a été n°1 des ventes sur l’Apple Store fin août 2011.

    Les 4 vies de Steve Jobs

    By Daniel Ichbiah

    Smashwords Edition

    Copyright 2014 Daniel Ichbiah

    Smashwords Edition, License Notes

    This ebook is licensed for your personal enjoyment only. This ebook may not be re-sold or given away to other people. If you would like to share this book with another person, please purchase an additional copy for each recipient. If you’re reading this book and did not purchase it, or it was not purchased for your use only, then please return to Smashwords.com and purchase your own copy. Thank you for respecting the hard work of this author

    Le miroir brisé de l’innocence

    « Je suis passé de la misère à la fortune dans le chagrin de la nuit,

    Dans la violence d’un rêve d’été, dans la froideur d’une lumière d’hiver,

    Dans la danse amère de la solitude engloutie par l’espace,

    Dans le miroir brisé de l’innocence perceptible sur chaque visage oublié. »

    I have gone from rags to riches in the sorrow of the night

    In the violence of a summer’s dream, in the chill of a wintry light,

    In the bitter dance of loneliness fading into space,

    In the broken mirror of innocence on each forgotten face.

    Sans doute Steve Jobs se reconnaissait-il dans ces vers écrits par un poète qu’il adule : Bob Dylan…

    Quelque chose d’indicible rapproche ces deux personnages. Dylan peut entrer dans un studio d’enregistrement le matin mal réveillé, un brin patraque, s’asseoir devant le micro, accoucher d’une prise, une seule, et laisser les techniciens du son se débrouiller avec. Donner sa vérité à l’état brut, sans compromis, avec une force telle qu’il n’y a rien à ajouter.

    Un trait de caractère unit ces deux personnalités. Tout comme Dylan, Jobs n’a que faire qu’on l’aime ou non. Authentique jusqu’à la moelle, il n’a de comptes à rendre à personne. Il s’exprime comme il respire, énonce ce qu’il a à dire comme il l’entend.

    Certes, il l’a parfois payé cher, bien cher…

    En cette fraîche matinée de janvier 1997, Steve Jobs roule en direction d’Apple, le cœur gros. Pendant plus d’une décennie, il n’avait pas remis les pieds dans ce royaume qui a jadis été le sien et dont il a été banni. Tant de souvenirs romantiques sont liés à cette épopée personnelle. Dans sa rancœur, il avait oublié combien il aimait Apple… Il avait jadis établi cette citadelle du savoir, comme l’on bâtit une cathédrale, pierre par pierre, animé d’un sens sans compromis de la perfection…

    Au volant de sa Porsche, Steve Jobs tente de contenir son émotion. C’est en septembre 1985 qu’il avait fait ses adieux à Apple, expliquant ici et là qu’une part de son âme demeurerait à jamais en ces lieux.

    Apple, disait-il, avait été comme un premier amour et l’on n’oublie jamais celle qui a suscité les premiers émois sentimentaux. Jamais, il n’aurait pu imaginer que celle qui l’avait désavoué puisse revenir un jour lui faire les yeux doux. Depuis le moment de ses adieux sur la pelouse en début de l’automne 1985, il est probable que sa fiancée ait bien changé…

    Son histoire avec Apple a eu un parfum romanesque, imbibé de défis, de victoires, de coups de théâtre…

    La première vie de Steve Jobs fut mouvementée, mais touchante. À la fois idéaliste et tourmenté, il cherchait à tâtons la voie à suivre. Steve se sentait en décalage, mais durant ces vibrantes années soixante, n’étaient-ils pas des millions à partager ce sentiment ?

    Par la grâce d’une époque bénie, Bob Dylan, les Beatles et les Doors ont écrit la fabuleuse bande sonore du film de sa jeunesse. Il a vu émerger la contre-culture, les hippies, les expérimentations en tout genre… Il a adhéré spontanément à certaines tendances de son époque tout en demeurant sur l’expectative.

    Les paradis artificiels, il n’y a goûté que du bout des lèvres. Son opium à lui, c’était l’électronique, pour laquelle il nourrissait une fascination digne des géniteurs de Pinocchio ou de Frankenstein : la patiente élaboration d’une machine, un objet qui prend vie.

    La chance a voulu qu’un émule de da Vinci habite non loin de sa maison d’enfance : ce beatnik barbu de Steve Wozniak, dont le génie fut déterminant par la suite.

    Et puis, à l’université, son âme a subi les assauts d’une autre séductrice, tout aussi sensuelle et exclusive : la quête d’une illumination spirituelle. Steve se revoit, parcourant les routes de l’Inde en compagnie d’un autre étudiant, Dan Kottke. Dans ce film du passé, il assiste médusé à la procession de dizaines de milliers d’hommes dénudés venus des hautes montagnes en direction du Gange, comme si l’eau du fleuve pouvait nettoyer leur âme…

    À partir de 1977, Jobs subit une métamorphose étonnante. Une fois sa voie trouvée, une énergie inattendue se libère. Il se démène comme un beau diable pour créer Apple, lancer l’Apple II puis le Macintosh.

    L’aventure Apple représente l’essentiel de sa deuxième vie, celle d’une ascension chaotique vers les étoiles.

    Tout s’est passé si vite. Avec son ami d’enfance Wozniak, champion absolu de la technologie, ils bricolent un premier ordinateur. Puis entreprennent de réaliser leur premier chef-d’œuvre, l’Apple II.

    Insouciant de son allure hippie qu’il assume sans vergogne, Jobs drague les financiers en costume et les rallie à sa cause, l’attrait des billets verts surpassant leur dégoût initial pour ces jeunes débraillés. L’Apple II va rendre Jobs et Wozniak riches et célèbres.

    Devenu le plus jeune millionnaire américain à 25 ans, Jobs connaît la gloire, les ovations, les médias qui se battent pour recueillir ses propos. Et il y prend goût. Pourtant, une autre quête happe alors son âme.

    Lors d’une visite dans les laboratoires de recherche chez Xerox, il est touché par la Grâce. En un éclair de seconde, il entrevoit un futur magnifique : la fusion de l’artistique et de l’informatique. L’ordinateur revisité par le Beau. Il amorce alors une conquête d’une autre envergure. Avec le Macintosh, il va changer le monde ! Point final.

    Jobs ne se contente pas de viser une belle qualité : il mûrit une excellence digne d’un Michel-Ange. Son désir de perfectionnisme n’est pas en surface. La tendance est ancrée dans son âme et il ne tolère pas d’à peu près. Plus d’un ingénieur s’est arraché les cheveux face à ses prétentions. Déjà en 1977, il voulait que les chemins de la carte mère de l’Apple II soient dessinés de manière rectiligne, peu importe si cela rendait sa conception incroyablement plus ardue. Et alors ? On ne bâtit pas la chapelle Sixtine comme on fait les motels. Le moindre détail doit relever de la perfection…

    Pour créer le Macintosh, Jobs s’est entouré d’une équipe d’esprits rarissimes, triés sur le volet avec un art de la sélection impitoyable. Un an et demi plus tôt, alors qu’il était en conférence à l’Institut Smithsonian, il était revenu là-dessus… « Il est douloureux de ne pas avoir les meilleurs gens du monde à ses côtés. Mon job a été exactement cela : me débarrasser de certaines personnes qui n’étaient pas à la hauteur. »

    Steve se revoit plantant un drapeau de pirates dans le repaire des artistes de l’équipe du Macintosh, une bande de marginaux sublimes tentant de prolonger artificiellement la fiesta du Flower Power des années soixante. Ils s’étaient réfugiés dans une bâtisse séparée du reste d’Apple pour mieux préparer une révolution de l’intérieur.

    L’épopée du Macintosh s’est déroulée dans des conditions homériques, tout en faisant fi de l’opinion commune et en dépit d’obstacles que d’autres jugeraient insurmontables. Elle n’était pas sans rappeler les péripéties vécues par Francis Ford Coppola sur Apocalypse Now. Des individus plutôt rebelles par nature tels que Andy Hertzfeld ou Randy Wigginton ont donné le meilleur d’eux-mêmes alors qu’on les aurait mal imaginés en faire autant en d’autres circonstances. À l’instar de ses collègues de l’équipe du Macintosh, Hertzfeld a élaboré avec finesse l’interface du Macintosh sans ménager ses heures ni sa créativité, acceptant de bon cœur les brimades régulières du capitaine au long cours…

    Impétueux et fier, Steve n’en faisait qu’à sa tête, intervenant sur les moindres détails de sa Joconde à lui. Il se revoit entrer dans le bureau d’Andy Hertzfeld, cet anticonformiste dont le radeau avait échoué on ne sait comment sur les rivages d’Apple. Il avait surgi, sans préambule, pour clamer :

    « Andy, je t’annonce que tu fais désormais partie de l’équipe du Macintosh !

    — Super, avait rétorqué Hertzfeld. Donne-moi juste quelques jours, le temps que je termine un programme pour l’Apple II.

    — Rien n’est plus important que le Macintosh ! », avait décrété Jobs.

    Joignant le geste à la parole, il avait débranché l’Apple II d’Hertzfeld, empilé l’écran et le clavier et aussitôt s’était dirigé vers le parking. Andy avait couru tant bien que mal derrière lui, protestant comme il le pouvait contre l’absolutisme de son nouveau boss.

    Jobs est ainsi : dévoué corps et âme à la cause qu’il a entreprise. Le mot compromis ne fait pas partie de son vocabulaire.

    Le Mac est apparu en janvier 1984, sous une pluie d’acclamations. Jobs a fait réaliser un clip fantastique, ultra-audacieux, par Monsieur Blade Runner, alias Ridley Scott, et, malgré la réserve de ces pleutres du conseil d’administration, ce film coup-de-poing a envahi par surprise les écrans de millions de foyers américains. Le monde est entré dans l’ère du Macintosh.

    Pourtant, alors que Jobs venait d’atteindre son Graal, qu’il était au faîte de sa gloire, le sol s’était dérobé… Un félon avait tiré le tapis sous ses pieds. Jamais, au grand jamais, il ne le lui pardonnera. John Sculley, celui qu’il avait recruté lui-même pour prendre les rênes d’Apple, a organisé sa destitution.

    Depuis, Sculley a couché ses mémoires sur le papier et tenté d’expliquer, arguments à l’appui, qu’il n’avait pas d’autre choix : à l’en croire, Jobs était en train de couler Apple. Qu’en savait-il au juste ?

    La rancœur est demeurée intacte envers celui qui l’a fait éjecter d’Apple comme un malpropre !

    Il demeure que cette deuxième vie a été une inoubliable épopée. Nos plus belles années, aurait dit Robert Redford.

    Et puis, le soleil qu’il avait frôlé va lui brûler les ailes…

    Sa troisième vie a alors commencé…

    Il l’ignorait encore, mais il avait entamé une croisade digne de Don Quichotte combattant ses moulins, à tenter de sauver une Jérusalem déjà libérée. Il a bâti la société NeXT, une pyramide plus imposante encore que la précédente, mais a dû l’abandonner à son triste sort sous le soleil du désert. Personne n’est venu la voir. Il a tenté, tant bien que mal, de remonter le courant, animé il est vrai en arrière-plan d’un désir de revanche qui masquait la vision des réalités.

    Avec le recul, Jobs peut le reconnaître : son propre jusqu’au-boutisme l’a parfois desservi. En 1988, il avait rendez-vous avec les représentants de plusieurs universités afin de leur présenter sa machine NeXT. Des milliers de bons de commandes dépendaient du déroulement de cette soirée. Peu avant le dîner, Jobs apprit que le personnel avait négligé de lui préparer un plat végétarien. Furieux, il décréta l’annulation du plat principal pour tous les invités ! En dépit des tentatives d’apaisement de ses proches collaborateurs, il préféra laisser ses clients potentiels affamés plutôt que de changer d’attitude.

    Au début de l’année 1993, la désolation a été son lot, tandis qu’il contemplait son rêve brisé en cette insupportable journée de février où les biens de NeXT ont été vendus aux enchères, comme de la vulgaire quincaillerie. Tandis que les années défilaient, il voyait se profiler la terrible perspective de devenir un has been…

    Alors que certains chroniqueurs méprisables commençaient à écrire le mot « FIN », le vent a tourné. In extremis, Jobs a été sauvé par une passion secondaire, croisée en chemin. L’animation 3D a occasionné une navigation houleuse des océans mais, à l’instar de Christophe Colomb, Jobs a débouché sur une terre neuve qu’il a apprivoisée. Une résurrection a pris forme.

    Il a débarqué par la bande, là où on ne l’attendait pas : le triomphe de Pixar l’a remis sous les feux de l’actualité.

    Toy Story venait de lui sauver la mise…

    À présent, par un incroyable retournement de situation, Apple a rappelé à la rescousse l’enfant prodige jadis désavoué.

    À 42 ans, il n’est plus tout à fait le même. Après un parcours en montagnes russes, il entre dans une renaissance personnelle. Sa folle jeunesse n’est plus qu’un roman-photo aux couleurs sépia. La chevelure de Viking qu’il arborait avec panache s’est clairsemée.

    Une mutation en profondeur s’est produite. Il a rencontré la femme de sa vie, aussi belle qu’avisée, végétarienne et bouddhiste comme lui, et elle lui a donné de beaux enfants. Avoir connu les honneurs, mordu la poussière et tutoyé à nouveau le succès l’a grandi. S’il est toujours motivé par ce désir d’embellir l’existence, il a appris à faire la part des choses…

    Les années à venir seraient flamboyantes, illuminées de joyaux éphémères qui sauraient néanmoins se faire une petite place dans l’Histoire humaine : iMac, iPod, iPhone… Il ne le sait pas encore mais, quelque part, une good vibration s’immisce dans l’atmosphère, annonciatrice de nouvelles réjouissances.

    Steve Jobs est en train d’écrire le quatrième tome de sa vie…

    Première vie :

    La quête

    Chapitre premier

    L’enfance

    Faux départ… Les dés ont atterri sous la table et l’un d’eux est resté en équilibre sur une arête, interdisant que l’on fasse le décompte des points. Un autre est allé se perdre si loin qu’on ne le retrouve pas. Quant à ceux qui présentent leur face supérieure, ils affichent des 1, des 3, des 2.

    Steve Jobs a raté son entrée dans la vie. En ce 24 février 1955, personne ne l’attend, et ceux qui devaient l’accueillir se dérobent, tournant le dos à leurs obligations. Tout n’est pas perdu. Un couple sans prétention va lui donner sa chance. Ils ont tant voulu un enfant…

    Cela n’empêche pas la mère biologique de poser ses conditions pour ce bébé dont elle entend se dispenser. Avant de l’abandonner à son sort, à la façon de Moïse déposé sur le Nil dans un panier, elle souhaite que ce garçon, dont elle ne partagera pas les émois, puisse s’élever au-dessus de la mêlée. Elle n’en cédera la garde définitive que si elle est assurée qu’il fera des études. Avec le recul, cette exigence paraît bien mesquine. Pourquoi n’a-t-elle pas elle-même assumé les études de son fils ?

    Jobs aborde l’existence à la dure, bâtard ahuri. Qu’on le laisse jouer des coudes et il fera sa place dans la mêlée.

    Bien des décennies plus tard, lorsque le défilé des événements autorisera un sage recul, Jobs posera un autre regard sur cette entrée en matière dans l’existence.

    En 2005, Jobs reviendra sur ce début de vie et rappellera à qui veut l’entendre qu’il faut parfois patienter longtemps avant d’obtenir un recul adéquat sur les événements :

    « On ne peut prévoir l’incidence qu’auront certains événements dans le futur ; c’est après coup seulement qu’apparaissent les liens. Vous pouvez seulement espérer qu’ils joueront un rôle dans votre avenir. L’essentiel est de croire en quelque chose – votre destin, votre vie, votre karma, peu importe. Cette attitude a toujours marché pour moi, et elle a régi ma vie. »

    Eh oui… en ce 24 février 1955, la chance lui sourit mais il l’ignore encore. Elle l’a mené en Californie, une terre gorgée de soleil, bordée par un océan qui semble inviter à l’aventure. Pour tirer le meilleur des moments à venir, cette contrée est en tout point privilégiée. D’ici une douzaine d’années, le mouvement hippie installera son fief dans la ville éclairée de San Francisco. Un peu plus tard, la Silicon Valley va voir émerger un geyser du nom de micro-informatique…

    Jobs arrive juste un peu trop tard pour participer à la révolution culturelle des années soixante. Il va s’y baigner naturellement, épousant avec intensité les rêves d’un monde meilleur, le désir de changer les choses. Il va également développer un amour sans bornes pour cette fée récemment élue au chapitre des angéliques : la technologie. Elle va lui donner ses premiers ravissements, sa première sensation de confiance en soi. Qu’elle se rassure, il lui rendra au centuple ce qu’elle a apporté…

    En cette année 1955, les résidents de la région de San Francisco ont d’autres préoccupations. L’Amérique vit une période dorée, globalement paisible, avec l’émergence d’un style de vie marqué par les bienfaits du progrès. Un vent de rébellion souffle en filigrane avec les déhanchements du jeune Elvis Presley qui ont le don de mettre en émoi les adolescentes du Sud-Est des États-Unis. Pourtant, la vague ne touche encore qu’une population isolée.

    Avant tout, Jobs va bénéficier d’un environnement familial privilégié, sans doute bien préférable à celui qu’aurait pu lui procurer sa mère biologique. Les Jobs sont des parents exemplaires, comme peuvent l’être des gens simples ; ils ont du mal à joindre les deux bouts mais ont à cœur d’offrir leur amour et leur savoir aux rejetons qu’ils ont adoptés. D’un bout à l’autre de sa jeunesse et jusqu’à la création d’Apple, il va trouver chez ses parents adoptifs un soutien continu et affable. Pouvait-on rêver meilleur écrin pour cet esprit déboussolé, en perpétuelle interrogation, ultrasensible et mal dans sa peau ?

    « J’ai eu de la chance, dira Steve Jobs en 1995. Mon père, Paul, était un homme vraiment remarquable. Il n’a jamais obtenu de diplôme. Il a rejoint les garde-côtes durant la Seconde Guerre mondiale et transportait des troupes de par le monde pour le Général Patton. Il lui arrivait toujours des ennuis et il se retrouvait régulièrement simple soldat. »

    Deux années plus tard, Steve Jobs aura ces mots touchants envers la mémoire de Paul{1} : « J’espère juste pouvoir être un père aussi bon envers mes enfants que mon père l’a été. J’y pense chaque jour de ma vie. »

    Si son histoire commence avec un bémol, il va la mener vers l’apothéose. Comme l’énonce un proverbe chinois qu’il va chérir : The journey is the reward– c’est le voyage qui est la récompense, la satisfaction…

    Sans que nul ne le sache, Ariane a tissé un fil qui autorise la sortie du labyrinthe.

    Que Steve Jobs soit…

    En ce milieu des années cinquante où Steve Jobs voit le jour, l’Amérique conservatrice n’a pas encore subi les assauts cathodiques du frêle Elvis Presley et du rock’n’roll, et encore moins les soubresauts de la future contre-culture. Les hommes vont gagner la pitance, leurs épouses maintiennent la maison propre comme un sou neuf, les enfants sont bien élevés, le dimanche, on nettoie la voiture et on entretient une pelouse coupée au carré. Nul n’oserait s’écarter de ce qui est de bon ton. Le qu’en-dira-t-on sert de mètre étalon en matière de comportement social. La population ne semble pas s’en plaindre et, d’ailleurs, bien des cinéastes à la Spielberg ou Lucas dépeindront cette atmosphère paisible des années cinquante avec nostalgie.

    En attendant, Joanne Carole Schieble n’a que 23 ans et elle porte un bébé conçu hors du mariage, ce que la norme réprouve. Mieux encore, le père n’est aucunement un Américain de bonne famille, ce qui à tout prendre aurait amenuisé la faute. Il est d’origine syrienne !

    C’est à l’Université du Wisconsin que le méfait est commis. L’étudiante Joanne est tombée amoureuse de son professeur de sciences politiques Abdulfattah Jandali. Monsieur Schieble père s’oppose à leur mariage et menace de la déshériter si elle désobéit. Lui avouer qu’elle est enceinte est au-dessus de ses forces. Pour cacher sa grossesse, Schieble va accoucher en Californie et se met en quête de parents adoptifs.

    Le 24 février, elle donne naissance à cet enfant qu’elle a conçu par accident. C’est un garçon. Seulement voilà… le foyer d’adoption escompté, une famille d’avocats, fait la fine bouche. Ils espéraient une fille et ne peuvent se résoudre à changer leurs plans. Désolés, ils ne souhaitent pas élever un garçon.

    Joanne se rabat sur le deuxième couple de la liste d’attente : le quinquagénaire Paul Jobs et son épouse Clara.

    En plein milieu de la nuit, Paul Jobs reçoit un appel :

    « Nous avons un bébé, c’est un petit garçon. Est-ce que vous le voulez ?

    — Bien sûr ! », répondent les Jobs.

    Paul et Clara Jobs sont prêts à adopter l’enfant illégitime. Mais c’est au tour de Joanne de faire la difficile. Les Jobs font partie de la classe moyenne, ils sont loin d’avoir le standing d’une famille d’avocats. Steve Jobs l’a raconté lui-même par la suite : « Quand ma mère biologique a découvert que ma mère adoptive n’avait jamais eu le moindre diplôme universitaire, et que mon père n’avait jamais terminé ses études secondaires, elle a refusé de signer les documents définitifs d’adoption. Elle ne s’y est résolue que quelques mois plus tard, quand mes parents lui ont promis que j’irais à l’université. »

    Le destin va prendre une drôle de tournure pour Joanne Carole Schieble. Aux alentours de Noël, elle épouse le Syrien Jandali à Green Bay, dans le Wisconsin. En juin 1957, tandis que Steve Jobs grandit en Californie, les Jandali auront un deuxième enfant, une fille nommée Mona. Leur union ne durera toutefois que sept années. En attendant, Stephen Paul Jobs a une sœur mais il ne le sait pas encore.

    De condition modeste, les Jobs résident dans un pavillon de banlieue sans panache particulier. Tandis que Clara est comptable, Paul Jobs officie comme opérateur de machine dans une entreprise qui fabrique des lasers. Lorsque Stephen a 5 ans, sa mère est contrainte de faire du baby-sitting pour lui payer des leçons de natation{2}. Les Jobs vont plus tard adopter un deuxième enfant, une fille qu’ils nomment Patty.

    En 1960, la famille déménage de San Francisco à Mountain View, au cœur de ce qui va devenir la Silicon Valley. L’enfant de 5 ans découvre avec stupeur une région qu’il perçoit comme un paradis : la vallée est parsemée de vergers, d’abricotiers, de pruniers. L’air est si pur qu’il peut distinguer les maisons comme les collines, loin, très loin.

    Le petit Steve est fasciné par la dextérité de son père adoptif qui « avait du génie dans les mains », comme le dira plus tard Steve Jobs. Il peut demeurer des heures à l’observer découper du bois puis le clouer sur l’établi de son garage. Un jour, alors que son rejeton a 6 ans, Paul Jobs découpe une partie de cet établi et la donne à Steve : « Voilà, c’est ton établi maintenant ! »

    Il lui donne au passage quelques-uns de ses petits outils, et lui montre comment utiliser un marteau, une scie.

    « Il a passé beaucoup de temps à m’enseigner comment construire des choses, comment les démonter, les réassembler{3}. »

    Stephen Paul n’est pas ce que l’on pourrait appeler un garçon sage. S’il manifeste une activité supérieure à la moyenne, ses agissements trahissent une certaine dispersion. Par deux fois, ses parents adoptifs doivent l’amener en toute hâte aux urgences. La première fois pour un lavage d’estomac, Steve ayant avalé une bouteille d’insecticide. La seconde parce qu’il a introduit une broche dans une prise électrique…

    Comme sa mère lui a elle-même enseigné la lecture, Jobs aborde l’école avec l’espoir qu’il pourra lire des livres et qu’il sera possible d’aller explorer le monde alentour. Dans la pratique, son contact avec l’autorité professorale se passe mal. « Toute la curiosité que j’avais naturellement développée a pratiquement été chassée. »

    Steve Jobs a 7 ans lorsque la crise des missiles de Cuba éclate, le 16 octobre 1962 ; il reçoit cette menace sur la paix mondiale comme un choc.

    « Je n’ai pas dormi durant trois ou quatre nuits parce que j’avais peur de ne pas me réveiller si je m’endormais. Je crois que je comprenais exactement ce qui se passait. Tout le monde le comprenait en fait. C’était une terreur que je n’oublierai jamais et je crois qu’elle n’est probablement jamais totalement partie. Il me semble que tout le monde la ressentait à l’époque{4}. »

    Un an plus tard, le 22 novembre 1963, à trois heures de l’après-midi, Steve Jobs rentre tranquillement à la maison lorsqu’il entend un cri dans la rue : le Président Kennedy vient d’être assassiné ! Là encore, cet événement le terrasse, il a 8 ans. Sans réellement savoir pourquoi, il est conscient que l’Amérique vient de perdre l’une de ses grandes figures historiques.

    L’école pèse de plus en plus sur Jobs. Aidé d’un copain de classe, Rick Farentino, il sème régulièrement la pagaille dans les classes. Leurs faits de gloire consistent à faire exploser des pétards dans les bureaux des professeurs. Ils iront jusqu’à lâcher des serpents dans une classe.

    Comme il le confiera plus tard avec émotion, Steve Jobs n’a sans doute évité la prison que grâce à la sagacité de l’une de ses enseignantes de quatrième année (l’équivalent du CM1 dans le

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