Explorez plus de 1,5 million de livres audio et livres électroniques gratuitement pendant  jours.

À partir de $11.99/mois après l'essai. Annulez à tout moment.

D'immigrante à millionnaire: Maria Meriano, la reine du Tupperware
D'immigrante à millionnaire: Maria Meriano, la reine du Tupperware
D'immigrante à millionnaire: Maria Meriano, la reine du Tupperware
Livre électronique471 pages16 heures

D'immigrante à millionnaire: Maria Meriano, la reine du Tupperware

Évaluation : 3 sur 5 étoiles

3/5

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

Ingvar Kamprad (IKEA), Steve Jobs (Apple), Bill Gates (IBM) et Maria Meriano (Tupperware) ont tous un point en commun : ils sont partis de rien et ont fait fortune à force de travail acharné et de persévérance. Partie de l’Italie à l’âge de 8 mois avec ses parents sans le sou, la petite Maria Meriano les observe travailler sans relâche afin d’offrir un avenir meilleur à leur famille.

Suivant les traces de sa mère dans la vente de produits Tupperware, elle deviendra la plus jeune propriétaire d’un centre de distribution du pays. Dès ce moment, elle n’aura qu’un seul objectif : devenir numéro un à un point tel que personne ne puisse espérer la rejoindre.

Italienne catholique, mariée à un Algérien musulman, voyez le chemin qu’a emprunté cette femme hors du commun pour passer d’immigrante à millionnaire.
LangueFrançais
ÉditeurLes Éditions de l’Apothéose
Date de sortie10 juin 2019
ISBN9782897752453
D'immigrante à millionnaire: Maria Meriano, la reine du Tupperware
Auteur

J.M.R. Martin

Né en 1972 à Montréal, J.M.R. Martin est un artiste multidisciplinaire qui a touché soit directement ou par la bande plusieurs sphères du grand monde des arts. Parolier, compositeur, musicien, photographe, auteur, poète, calligraphe, il ne tentera jamais de se spécialiser en une seule branche, privilégiant la diversité à la performance unidirectionnelle. Bachelier de l’U.Q.T.R. en 1996, il aura étudié tour à tour en littérature, en histoire, en géographie, en psychologie, en cinéma, en musique, ce qui l’amène à aborder la vie avec une vision très large.

Auteurs associés

Lié à D'immigrante à millionnaire

Livres électroniques liés

Biographies relatives au monde des affaires pour vous

Voir plus

Catégories liées

Avis sur D'immigrante à millionnaire

Évaluation : 3 sur 5 étoiles
3/5

1 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    D'immigrante à millionnaire - J.M.R. Martin

    Présentation

    Née le 24 septembre 1964 en Italie, Maria Meriano est la distributrice Tupperware numéro 1 en Amérique du Nord depuis plus de trente ans. Arrivée au Canada en 1965 avec ses parents sans le sou, elle vivra ce que tout immigrant a vécu : pauvreté, rejet, isolement. Cependant, forts de leur caractère, ses parents ont trimé dur pour s’en sortir jusqu’à ce qu’un événement fortuit amène sa mère, Adelina, sur le chemin de la vente à domicile de plats Tupperware.

    Dès la petite enfance, exposée au succès de sa mère dans cette entreprise, Maria finira par s’y retrouver et devenir la distributrice numéro 1 du continent à force de travail acharné. Ayant une vie hors du commun, voyez comment Maria Meriano passera d’immigrante à millionnaire.

    Chapitre I

    « Vivre la naissance d’un enfant est notre chance la plus accessible de saisir le sens du mot miracle. »

    Paul Carvel

    Préparer la venue d’une étoile

    Vous avez sûrement déjà vu cette image dans les livres pour enfants où, sur l’épaule du personnage, il y a un petit ange et un petit diable. En fait, il n’y en a pas qu’un seul, dépendamment de la personnalité de la personne à qui ils sont attribués. Selon les moments de la journée, on peut trouver :

    Le strict, le spécialiste du « non parce que c’est non ».

    Le paresseux, qui dit oui parce que cela sera moins compliqué.

    Le rancunier, qui est capable de relier la bêtise du matin à la demande de privilège du soir.

    L’impulsif, qui jappe trop vite et trop fort.

    Le permissif, qui accepte tout.

    Le peureux, qui voit plus de danger que de chances d’apprentissage.

    Le défaitiste, qui voit toujours le verre à moitié vide.

    L’optimiste, qui se compare et se console.

    Le procrastinateur, qui se dit que le temps va arranger les choses.

    L’orgueilleux, qui n’avouera jamais ses erreurs.

    Le borné, qui est certain d’avoir toujours raison.

    Le grand insécure, qui doute toujours de lui.

    Et multiples autres qui se pointent de temps à autre.

    Moi ? Je suis la coordonnatrice en chef de tous ces petits anges et ces petits diables. Certains m’appellent la conscience. À la naissance d’une personne, chacun s’en voit attribuer une. Moi, je suis l’une d’elles. Depuis des millénaires, j’ai été la conscience de centaines d’êtres humains, des personnes de tous les rangs, de toutes les races, des princes, des esclaves, des charpentiers, des sages-femmes... Des humains, j’en ai vus. Jamais, je dis bien jamais, je n’étais préparée à être la conscience de la dernière personne que l’on m’a attribuée. Je ne me doutais pas qu’une personne pouvait avoir autant de culot, autant d’énergie, autant d’ambition. Je n’y étais tout simplement pas préparée. J’aurais dû comprendre lorsque le grand patron m’a souri en me donnant le fichier de cette petite fille à naître dans les prochains jours de septembre 1964. J’ai dû suivre au pas de course, comme quelqu’un qui sauterait d’un train en marche auquel il serait attaché. Dès les premiers moments de sa vie, elle a fait de mon travail une aventure extraordinaire. J’ai l’immense chance d’être témoin de tous les moments de la vie de Maria Meriano, des plus publics aux plus intimes.

    Bien entendu, malgré notre présence dans chaque humain, tous peuvent décider qui ils écoutent : l’ange ? le petit diable ? les livres ? les spécialistes ? la belle-mère ? Une chose est sûre, c’est que Maria, même si je la conseille du mieux que je peux depuis les cinquante dernières années, n’écoute qu’une seule chose : son cœur. Heureusement, je peux me consoler en me disant que je ne suis pas la seule à ne pas avoir été prête à accueillir la petite Maria dans ce monde. En fait, je crois que personne n’était réellement prêt pour la naissance de cette étoile, qui a amené avec elle l’énergie d’une supernova.

    Castelvetere sul Calore, Italie, 24 septembre 1964

    Comme il était coutume à l’époque, le premier enfant d’un couple naissait exactement neuf mois après le mariage. Maria ne fit pas exception et naquit presque neuf mois jour pour jour après le mariage d’Adelina Raffaele et de Michelangelo Meriano. Juste assez pour prouver qu’ils ne l’avaient pas conçue avant la nuit de noces. Ce fut, je crois, la seule chose que Maria fit comme les autres. Personne ne le savait encore et n’aurait pu s’en douter, mais elle n’allait pas suivre un chemin normal ni même un chemin à demi défriché. Elle allait tracer sa propre voie.

    Quand un prince ou une princesse naît, des centaines de préparatifs sont mis en branle. Tout est déjà prévu, planifié, et son chemin est pavé sous chacun de ses pas. Si la naissance d’une personne était à la hauteur de ce qu’elle sera dans la vie, la venue au monde de Maria Meriano aurait réquisitionné tous les anges ainsi que tous les joueurs de trompette et de tambour, et ils auraient dû courir derrière elle. Cependant, comme l’ange de l’humilité sur l’épaule droite de Maria était un ange influent, elle naquit très humblement. Et je suis assez fière de dire que cette humilité fera partie d’elle une grande partie de sa vie, sauf pour quelques années où les diables de l’arrogance et de la jeunesse parleront plus fort. Bien entendu, en tant qu’étoile, elle voudra briller plus fort, plus blanc que toutes les autres. Si elle le pouvait, elle jouerait du coude avec le soleil ; elle a assez de fougue pour essayer ! Toutefois, jamais elle ne fera quoi que ce soit au détriment des autres. Jamais elle n’utilisera son statut d’étoile brillante pour dénigrer quiconque. Au contraire, elle voudra amener le plus de gens possible sous les projecteurs du succès.

    Quand une étoile naît dans la galaxie, c’est sans témoin, sans tambour ni trompette. Maria naquit de la même manière dans la commune italienne de Castelvetere sul Calore : humblement. Les seuls témoins furent les membres de la famille présents pour accompagner Adelina dans les labeurs de l’accouchement, labeurs qui durèrent près de soixante-douze heures. À 5,9 kg (13 livres) pour un premier enfant, disons que c’était comme faire passer un chameau dans le chas d’une aiguille ! Adelina souffrit tellement et la convalescence fut tellement longue qu’elle mit du temps à développer des sentiments positifs envers ce petit être qui l’avait tant fait souffrir. C’est probablement une des raisons qui fera que Maria tentera toujours d’être la meilleure dans tout : obtenir et garder l’amour de sa mère qu’elle n’a pas eu naturellement en arrivant dans ce monde.

    Michelangelo, tout comme Adelina, venait d’une famille catholique très traditionnelle et la tradition voulait que le premier enfant porte les prénoms de leurs grands-pères ou de leurs grands-mères. Comme ses deux grands-mères s’appelaient Maria, ils ne pouvaient appeler la petite Maria Maria Meriano. Ils optèrent donc pour Maria Marisa par respect pour la famille, une valeur très importante et solidement ancrée chez les Meriano.

    Contrairement à plusieurs familles du petit village, qui vingt ans après la Deuxième Guerre mondiale n’avaient toujours pas pris le dessus économiquement, les Meriano ne vivaient pas dans la pauvreté absolue, mais vivaient tout de même très modestement. Michelangelo possédait déjà un petit atelier de mécanique automobile. Cependant, la pauvreté des villageois faisait qu’il était souvent payé avec une poule ou un lapin. Il n’était pas rare d’entendre : « Je t’échange ton travail contre un sac de tomates. »

    Rapidement, Michelangelo et Adelina discutèrent de leurs rêves, et ces rêves étaient différents de ceux de leurs frères et sœurs. Ils voyaient plus grand, voyaient plus loin. Ils n’envisageaient pas toute leur vie à se battre pour avoir ce qu’il fallait pour préparer le prochain repas. Ils prirent donc la décision d’émigrer au Canada. Bien entendu, cette décision était très mal vue par les deux familles. On leur disait : « Vous ne réussirez jamais, vous parlez seulement italien, vous n’avez pas d’argent. La famille, c’est ici, Adelina. Tu ne sais ni lire ni écrire. Vous ne prendrez pas le bateau avec un bébé de cet âge. » Mais leur idée était faite, ils apprendraient, ils se débrouilleraient.

    Maria avec ses parents avant leur venue au Canada.

    Crédit : Maria Meriano

    Chapitre II

    L’arrivée au Canada

    « On n’a pas de belles choses dans la vie parce qu’on est riche, on a de belles choses parce qu’on en prend soin. »

    Michelangelo Meriano

    Avec les moyens qu’ils avaient, ils prirent le seul bateau qu’ils pouvaient s’offrir. L’embarcation, qui ressemblait plus à un cargo qu’à un bateau de croisière, était remplie de personnes qui, comme eux, rêvaient d’une vie meilleure. La traversée dura un mois. Adelina, qui était accompagnée d’un bébé de huit mois, ne s’est pas plainte une seule fois. La petite Maria potelée était souriante et adorait la présence des autres. Elle prit son premier bain de foule durant ce mois. La petite, qui possédait déjà un magnétisme très puissant, se promenait d’une paire de bras à une autre. Tous les passagers se l’arrachaient. L’amour de Maria pour les gens tient probablement son origine de cette traversée où elle a été le soleil du voyage.

    Comme la plupart des immigrants de l’époque, l’arrivée en Amérique se fit à New York. Contrairement à d’autres passagers, les Meriano n’étaient pas des « sans-papiers » ou comme on les appelait : des wops (without official paper), appellation négative souvent attribuée aux Italiens, qui au départ désignait tout immigrant qui arrivait sans papier.

    Déjà conscients qu’une communauté italienne s’établissait à Montréal, Michelangelo et Adelina décidèrent de s’installer dans les quartiers italiens de la ville. Le père de Maria se trouva presque immédiatement un emploi dans « le bas de la ville » comme laveur de barils. Il avait peu d’éducation (une 8e année) et ne parlait qu’italien, mais il était très habile de ses mains alors il ne fut pas difficile de gagner de l’argent pour loger et nourrir sa famille. Cependant, comme le coût de la vie était plus élevé à Montréal qu’à Castelvetere, Adelina devait travailler. Comme il était plus important à l’époque en Italie que les jeunes filles apprennent les rudoiements de la tenue d’une maison plutôt que la lecture et l’écriture, elle était analphabète. Elle réussit quand même à se trouver un emploi de couturière dans une manufacture où travaillaient d’autres Italiennes ainsi que des anglophones. Rapidement, Maria se fit garder par Teresa, une nouvelle amie italienne de sa mère. Tout de suite, elle tissa de grands liens avec Carmelina (tout le monde l’appelait Carmela), la fille de Teresa qui était pourtant de cinq ans son aînée.

    Les parents de Maria formaient un couple solide et indissoluble. Les liens du mariage étaient tellement sacrés pour eux que rien ne pouvait les séparer hormis la mort. Les mésententes étaient pourtant présentes chez le jeune couple et, comme ils avaient toujours vu dans leur famille respective, ils ne discutaient pas, ils se disputaient. Les mains en l’air, les doigts joints comme les personnages italiens dans les films, ils criaient. Mais ce n’était pas par manque d’amour ou de respect, ils reproduisaient seulement ce qu’ils avaient vu.

    Douze mois après leur arrivée au Canada, Michelangelo et Adelina avaient assez économisé pour acheter leur première maison… comptant ! Il s’agissait d’une petite maison unifamiliale sur l’avenue du Parc-Georges au coin de Prieur à Montréal-Nord. Bien entendu, le 9 à 5 n’existait pas. Ils travaillaient tous deux sans relâche afin d’économiser assez pour acheter tout ce dont ils avaient besoin sans demander crédit. Le jour, Michelangelo travaillait à l’usine et le soir et les week-ends, il faisait de la mécanique. Tant et si bien, qu’un an après avoir acheté la maison, il achetait à quelques rues de chez lui une station-service qui abritait aussi un atelier de mécanique : Mécanique Fina.

    Donc deux ans après avoir tout laissé en Italie et être arrivés au Canada avec quelques dollars en poche, les Meriano possédaient une maison et un atelier de mécanique, tous deux libres de dettes. Maria qui eut trois ans en septembre 1967, observait, apprenait.

    Même si la situation économique était acceptable, Michelangelo reproduisit ce qu’il avait toujours vu de ses parents ainsi que des autres villageois de Castelvetere : il utilisa sa cour arrière pour cultiver un jardin : des plants de tomates, des plants de concombres, de la vigne, etc.

    « C’est péché d’avoir une terre fertile et ne pas l’utiliser pour reproduire un fruit ou un légume. »

    Il n’était pas le seul à avoir cette mentalité. Il suffit de regarder les cours arrière dans les ruelles de Montréal. Il est facile de voir quelles maisons abritent des Québécois : pelouse tondue, fleurs décoratives, mobilier de jardin. Au printemps, les Québécois sortent leur tondeuse et plantent des fleurs. Les Italiens retournent la terre et cultivent tout l’espace disponible. Michelangelo a son opinion sur le sujet :

    « Les tomates aussi produisent des fleurs, alors des fleurs de tomate ou des impatientes… au moins, la tomate je peux la manger. L’impatiente, je fais quoi avec ? Une fleur de concombre est une jolie fleur jaune qui donne ensuite naissance à un concombre qui me nourrit. Que veux-tu que je fasse avec un rosier ? »

    Malgré leur horaire de travail extrêmement chargé, les parents de Maria tenaient la maison de manière impeccable. Le samedi matin, ils se levaient à 5 h et faisaient le ménage. Dès que Maria fut assez vieille, on lui attribua des tâches, tâches qui augmentèrent jusqu’à tenir la maison au complet. La plupart des familles font un grand ménage une, deux fois par année ou chaque saison pour les plus ambitieux. Eux le faisaient chaque semaine, de fond en comble. Ils travaillaient sans arrêt et faisaient tout eux-mêmes : le salami, les marinades, le vin, leur viande hachée. Il n’y avait rien qui n’était pas fait « maison » ; une vraie famille italienne comme on l’imagine. De plus, la maison était toujours pleine. Tout se faisait en famille ou entre amis : « On faisait la saucisse en famille, on tuait le cochon dans le garage d’un oncle ou d’un ami, on était réunis, on blaguait, on buvait du vin, et on riait, on riait beaucoup. »

    Maria grandit dans cette ambiance et apprit sans cesse. Elle vit son père négocier avec les policiers pour plusieurs raisons, pour contourner à son avantage certains règlements. Cette aptitude lui fut souvent utile au cours de sa vie.

    « Monsieur Meriano, dit un policier qui arriva chez lui suite à une plainte de voisin, vous n’avez pas le droit d’avoir de poules ni de lapins dans votre cour. »  Et Michelangelo répondit avec son terrible accent et les mains toujours en l’air avec les doigts joints « Hé ! Mais c’est le manger ! Tourne et fais semblant que t’as pas vu ! Tu veux goûter le vino que je fais ?  »

    Michelangelo faisait rire les policiers qui quittaient toujours en le laissant faire à sa guise. Maintenant connu par les policiers qui patrouillaient dans le quartier, il négocia avec eux et put faire ce qu’il voulait tant que les Meriano demeurèrent sur l’avenue du Parc-Georges.

    Puis à la fin de l’été 1968, pour des raisons familiales, il devint impossible pour Teresa de garder la petite Maria qui venait d’avoir quatre ans. Pour Adelina qui travaillait toujours à la manufacture, il était impossible d’amener sa fille avec elle. Michelangelo décida donc d’amener Maria en garderie chez des religieuses. La petite n’apprécia pas, tant et tellement qu’elle criait et hurlait sans arrêt. À bout, les religieuses annoncèrent qu’elles ne voulaient plus la reprendre. Michelangelo, qui était son propre patron, décida donc d’amener sa fillette au garage et s’en occupa le jour. Ainsi, dès l’âge de quatre ans, Maria passa toutes ses journées à l’atelier de son père, de très tôt le matin jusqu’à très tard le soir. Tous les clients et le personnel la connaissaient, de même que les clients du casse-croûte Chez Ma tante. Celui-ci, voisin du garage, était tenu par des Italiens et Maria allait y manger des frites. Ce casse-croûte existe toujours au moment d’écrire ces lignes. Ce sont les plus lointains souvenirs dans la vie de Maria : les journées au garage de son papa et au casse-croûte Chez Ma tante sur la rue Fleury.

    Chapitre III

    Buongiorno la famiglia

    « Ce n’est pas le montant d’argent que tu vas gagner dans la vie qui va faire que tu seras riche, c’est comment tu vas la gestionner. »

    Michelangelo Meriano

    En 1970, Michelangelo, qui continua d’économiser, en a assez mis de côté pour permettre à sa femme d’aller passer deux mois en Italie chez la famille. Adelina venant d’accoucher d’une deuxième fille, Patrizia, partit donc avec celle-ci et sa fille aînée. Quant à Michelangelo, il demeura à Montréal pour continuer à faire rouler son commerce. Cette première visite, qui deviendra une tradition bisannuelle durant plus de quinze ans, sera à l’image de la vie des Meriano : loin d’être des vacances.

    À nouveau, Maria observa et fit des apprentissages qui s’encrèrent en elle de manière indélébile. Malgré bébé Patrizia, elle voyait sa mère se démener au travail avec les membres de sa famille pour aider au maximum. Elle travaillait aux champs, participait activement à la préparation des repas, lavait la vaisselle, faisait la lessive, bref tout ce que sa famille devait faire pour vivre, et ce, avec un poupon dans les bras. Maria observait toujours. Bien que toute petite, elle effectuait de menus travaux sous l’œil de sa mère, comme plier des linges à vaisselle, éplucher des légumes, pétrir de la pâte.

    Dès leur retour à Montréal, ils travaillèrent sans relâche et recommencèrent à mettre de l’argent de côté pour le prochain voyage. Deux ans plus tard, Adelina retourna en Italie avec ses deux filles, mais toujours sans Michelangelo, qui demeura au Canada pour s’occuper de son commerce. Maria participait aux tâches autant qu’une fillette de sept ans pouvait le faire, tout en s’occupant de sa petite sœur, mais déjà, elle savait que si elle travaillait très fort, sa mère serait contente d’elle.

    Adelina, Maria et Patrizia visitèrent l’Italie trois fois sans que Michelangelo y soit. Finalement, en 1975, il les accompagna enfin et retourna dans son pays natal onze ans après l’avoir quitté. Il dit à Maria :

    « Là, on s’en va en Italie. Il faut que les gens pleurent quand on va repartir. Il faut qu’on ait tellement contribué qu’ils vont se dire que leur vie va être difficile quand on va les quitter. »

    C’était ça la mentalité des Meriano. Maria se fondera sur ce principe toute sa vie : être vaillant pour être aimé et apprécié.

    Elle aurait onze ans à la fin de l’été et cette fois-là, elle travailla à la hauteur d’un adulte. Elle participa activement au quotidien de sa famille de Castelvetere sul Calore.

    « Tu vois, Maria, dit Michelangelo, c’est comme ça que ça fonctionne. Tu veux perdre de l’argent ? Achète des choses déjà faites. Ici, ils n’ont pas le choix, quand ils veulent quelque chose, ils doivent le faire eux-mêmes. Ils n’ont pas les moyens de s’acheter tout ce qu’ils veulent. C’est en continuant de faire ça au Canada qu’on peut se payer ce voyage. »

    Dans le petit village, si quelqu’un veut du poisson, il va le pêcher. Si quelqu’un veut manger du poulet, il l’a préalablement élevé et nourri. Une fois adulte, il doit le tuer, le plumer, le vider pour enfin le faire cuire. Et l’entraide est omniprésente. Si une famille a des plants de tomate qui produisent plus que les autres, on partage avec ceux qui en ont moins. Et la majorité du temps, on procède à du troc. Quelqu’un qui a beaucoup de poules peut échanger ses œufs contre du fromage de chèvre ou des légumes. Il en est de même pour le travail. Si quelqu’un a du talent comme charpentier, il partage son savoir-faire, parfois en échange de nourriture ou d’un autre travail de couture, de mécanique ou toute autre main-d’œuvre. Maria observa tous ces villageois vivre presque au jour le jour sans savoir si demain ils auraient ce qu’il faut pour manger. À onze ans, même si elle respectait grandement les habitants de la commune de faire tant avec si peu, elle savait que ce n’était pas la vie qu’elle voulait.

    Maria en visite chez sa famille en Italie.

    Chapitre IV

    Plaque tournante

    « Tout a un sens et rien n’arrive par hasard. Nous ne le comprenons pas toujours au moment où les choses arrivent, mais ayez confiance en l’avenir. »

    Anonyme

    En 1970, deux semaines avant le premier voyage en Italie, Adelina donna naissance à une deuxième fille, Patrizia. Dès le retour du voyage, Maria qui aura six ans en septembre commença l’école. Elle passa toutes ses soirées, ses week-ends et ses journées de congé à s’occuper de sa sœur, faire du ménage, de la cuisine. À six ans, elle devint l’assistante de sa mère dans la maison.

    Au début de 1971, Michelangelo vendit son petit atelier de mécanique pour ouvrir une plus grosse station-service (Pétrole Champlain à Montréal) avec un associé. Les affaires allaient bien et rapidement, les entrées d’argent furent plus grandes, ce qui rendit la vie plus facile. Encore jusqu’à ce moment, les Meriano vivaient humblement avec des meubles de seconde main, des planchers en linoléum (le fameux prélart) et des murs en bois plaqué (préfini).

    Au printemps, alors que tout allait pour le mieux pour la famille, Michelangelo reçut un appel de sa femme qui risquait de changer les choses.

    — Michelangelo ? C’est Adelina.

    — Hé, pourquoi tu me déranges au travail ? Et toi, tu ne travailles pas ?

    — Non, je suis à l’hôpital.

    — Comment ça, à l’hôpital… Tu visites quelqu’un ? Ça ne pouvait pas attendre après la journée de travail ?

    — Non, c’est moi… Je me suis blessée au travail.

    — OK, et tu retournes travailler quand ?

    — Je me suis déchiré un doigt, Angelo, c’est une blessure importante, je ne pourrai pas travailler pendant plusieurs mois.

    — Pezzo di merda !

    — Michelangelo Meriano, ton langage !

    — Scusami, mais qu’est-ce qu’on va faire ?

    — On va s’arranger, ça va bien au garage ? Tu fais plus d’argent maintenant à toi tout seul que ce qu’on faisait avant.

    — Justement, ça commençait à bien aller. On retourne en arrière… Bon, je dois aller travailler.

    Être une immigrante, être mère d’un bébé et avoir une main en compote nuit largement à l’emploi. Adelina se retrouva donc à la maison avec ses deux enfants. Cela ne l’empêcha pas de faire tout elle-même, seulement à un rythme bien différent. La petite Maria devint son bras droit à temps plein. La situation ne plaisait pas à Michelangelo pour qui sa femme se la coulait douce à la maison pendant que lui travaillait comme un forcené.

    Peu de temps après, le destin (qui se nomme Ginette) frappa à la porte.

    Toc ! Toc ! Toc !

    — Bonjour, je me présente, Ginette. Vous connaissez sûrement les produits Tupperware ?

    — Oh ! Scusami, pas parler le française.

    — Speak English ?

    — A little bit.

    Adelina comprit que cette femme faisait du porte-à-porte (ce qu’elle appelait des « portes amicales ») pour vendre des produits de cuisine. La dame lui donna un catalogue et lui offrit de devenir vendeuse. Une autre preuve que les voies du grand patron sont impénétrables. Malgré leurs différences, malgré le fait qu’elles ne parlent pas la même langue, une chimie naquit instantanément entre ces deux femmes. Adelina accepta l’offre et commença à vendre du Tupperware en faisant du porte-à-porte avec une voiturette pour enfant pleine de produits.

    Au début, Michelangelo croyait qu’il s’agissait d’un passe-temps et n’aimait pas l’idée. Il comprenait que cela rapportait de l’argent alors il laissa aller, mais rapidement, Adelina voulut aller faire des portes amicales le soir. Michelangelo refusa. Pour lui, il n’y avait que les prostituées qui sortaient seules après 18 h. Ceci engendra encore une engueulade à la Meriano. Adelina, qui était très entêtée, trouva une solution.

    — Maria, tu vas venir avec moi ! Les puttana ne se promènent pas avec leur enfant pour faire leur… travail ! Je ne sortirai pas seule, je serai avec Maria.

    Adelina ne parla cependant pas d’argent avec son mari et se garda bien de lui dire combien cela rapportait. Au début, étant donné la barrière du langage, elle vendait surtout aux Italiennes, mais lorsque des Québécoises ouvraient la porte, elle était tellement aimable et sympathique que personne ne lui refusait rien. Elle se débrouillait tant bien que mal en mélangeant quelques mots de français et d’anglais pour se faire comprendre. Pour les Italiennes, elle s’appelait Adelina, pour les Québécoises, elle devint Adeline.

    Chaque jour, elle confrontait son mari qui était totalement contre le fait qu’elle vende du Tupperware. Il disait que ce n’était pas un métier honorable pour une femme. Têtue comme une mule, Adeline faisait du porte-à-porte de manière effrénée, tant et si bien que six mois plus tard, elle fut invitée au Jubilée Tupperware à Hamilton en Ontario.

    — Je m’en vais à Hamilton pour une conférence Tupperware.

    — Non, tu n’iras pas. Je te l’interdis !

    — Tu ne m’empêcheras pas, je vais y aller avec ou sans ton accord.

    Michelangelo était tellement contrarié qu’il contacta les parents et le frère d’Adeline en Italie et leur paya le billet d’avion afin qu’ils viennent au Canada pour la sortir de Tupperware. Quand ils arrivèrent, elle était déjà partie. Michelangelo, accompagné par sa belle-famille, se rendit donc en Ontario pour sortir Adeline de cette « secte » Tupperware. Dans la salle, il entendit les reconnaissances et vit tous ces gens s’énerver et crier pour Adeline.

    Elle fut reconnue représentante numéro 1 au Canada. Elle remporta un premier prix constitué d’une bague en diamants, une cape de vison, un congélateur, un réfrigérateur, une cuisinière et, la cerise sur le gâteau, une Ford Mustang de l’année. Tout cela gratuitement. À ce moment, Michelangelo traversa l’allée centrale de la salle en courant pour rejoindre sa femme. Tout le monde pleurait tellement ils trouvaient l’image romantique : le mari, si fier de sa femme, qui la retrouve en courant pour la féliciter. La réalité était toutefois très différente. Ce qu’ils ne savaient pas, c’est qu’il s’était pressé d’aller sur la scène pour lui glisser à l’oreille : « Touche à rien, sinon ils vont t’envoyer la facture. » Pour lui, il était impossible que sa femme puisse mériter tous ces cadeaux grâce à son travail. Il était convaincu que c’était un piège et qu’on lui donnait tous ces prix pour mieux leurrer le poisson et l’amener dans la « secte ». Il ne connaissait pas l’entreprise et ne savait pas qu’il s’agissait d’une entreprise sérieuse et lucrative. Mais surtout, il sous-estimait la ténacité de sa femme. Elle ne l’écouta pas, ni ses parents d’ailleurs, et repartit avec tous ses prix, au volant d’une rutilante Mustang… elle qui n’avait toujours pas de permis de conduire !

    La fameuse Mustang reçue par Adelina.

    Crédit : Maria Meriano

    Elle qui jusqu’à ce jour avait toujours vendu son Tupperware à pied en faisant du porte-à-porte voyait son horizon s’élargir en recevant cette voiture. Cependant, elle ne pouvait attendre de suivre le cours de conduite et de passer l’examen, d’autant plus qu’elle ne savait toujours ni lire ni écrire.

    Encore une fois, Maria observa et apprit : elle voyait sa mère qui désobéissait à son père et n’en faisait qu’à sa tête. Elle voyait sa mère qui réussissait à force de travail acharné envers et contre tous. Maintenant, elle voyait sa mère contourner légèrement la loi à son avantage. En effet, comme il n’y avait pas de photo sur les permis de conduire à cette époque, Adeline envoya une de ses amies passer le test pour elle. Elle reçut donc un permis de conduire à son nom !

    Un événement aussi anodin qu’un doigt déchiré et une rencontre aussi fortuite qu’une Ginette qui vend du Tupperware porte-à-porte furent une plaque tournante pour la vie des Meriano et, elle ne le savait pas encore, pour la vie de Maria. N’est-ce pas Albert Einstein qui a dit que « le hasard, c’est Dieu qui passe incognito » ?

    Maria avec sa mère Adelina et bébé Patrizia faisant du porte-à-porte

    Crédit : Maria Meriano

    Chapitre V

    De grandes responsabilités

    « Les gagnants font ce que les perdants n’osent pas essayer. »

    Jeff Olson, largement repris

    À ce moment, un nouvel horizon s’ouvrit à Adeline. Des électroménagers neufs pour l’aider dans son quotidien, bijoux, fourrure et une Mustang pour faire son travail, elle a des ailes. C’est à ce moment précis que sa carrière Tupperware est née, toujours sans l’approbation de son mari.

    Par la même occasion, Maria ne fut plus le bras droit de sa mère à la maison, elle hérita de TOUTES les tâches domestiques en plus d’aller à l’école ! De plus, comme Adeline ne savait ni lire ni écrire, Maria l’aidait aussi avec les factures des clientes. De son côté, Michelangelo était très occupé par son commerce. La vendeuse étoile était trop heureuse de gagner sa vie plus que bien, alors Maria, en tant qu’aînée, prit la relève à la maison. Bien sûr, ces grandes responsabilités pour une si jeune fille eurent leur lot d’angoisses. Maria se souvient :

    « C’était un soir où il y avait une tempête de neige épouvantable.

    Je me vois encore devant la fenêtre. Il neige sans discontinuer. Ça m’a marquée, parce que dans ma tête de petite fille, toute la planète était recouverte de neige. Il était 2 h 30 du matin et mes parents n’étaient toujours pas rentrés. Cette nuit-là, j’ai cru qu’ils n’allaient jamais revenir. »

    Sans mot dire, Maria effectua les tâches ménagères, s’occupa de sa sœur et aida sa mère du mieux qu’elle put. Adeline continua à faire grossir son commerce Tupperware et Michelangelo, toujours en désaccord avec sa femme, travailla sans arrêt à son commerce Pétrole Champlain.

    Quelques années passèrent ainsi, vivant des hauts et des bas comme toute famille normale. En 1976, Adeline tomba enceinte à nouveau. Toujours au volant de sa Mustang, elle continua de faire des démonstrations à travers la ville de Montréal. Une journée comme les autres, elle se rendit chez une cliente dans un quartier très chic de Saint-Léonard, dans l’est de Montréal. Quelque chose attira son regard : une maison à vendre. Non, pas une maison, LA maison. Une maison de rêve à ses yeux, la maison idéale. À l’époque, la maison se vendait 95 000 $. Il est difficile de faire un comparatif parce que le marché de 1976 n’a pas évolué de la même manière que l’inflation. En comparaison, 100 000 $ de 1976 valent environ 430 000 $ en 2018. Cependant, le marché immobilier a évolué de manière différente, alors la maison de rêve d’Adeline vaut aujourd’hui 1,2 million.

    Arrivée à la maison, Adeline dit à son mari : « Viens, je vais te montrer la maison que je veux. » Elle ne lui dit rien, ni le prix ni le quartier. Michelangelo, Maria qui avait onze ans à l’époque, Patrizia six ans et Adeline enceinte de Domenico partirent tous à bord de la Mustang.

    Maria se souvient.

    « Nous arrivons dans une partie de Saint-Léonard. Juste le quartier, wow ! On l’appelait à l’époque le Beverly Hills de Saint-Léonard. On se stationne. Il fallait voir ça, c’était immense. Nous qui habitions dans un petit bungalow très simple dans un quartier populaire, entrons dans cette maison. Cette maison ? Un château ! Il y avait de la céramique même dans les chambres à coucher et dans le garage. Il y avait du granite, deux foyers, quatre salles de bains,

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1