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Abd el-Kader: Le combat et la tolérance
Abd el-Kader: Le combat et la tolérance
Abd el-Kader: Le combat et la tolérance
Livre électronique169 pages1 heure

Abd el-Kader: Le combat et la tolérance

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À propos de ce livre électronique

Ne demandez jamais l’origine d’un homme ; interrogez plutôt sa vie, ses actes, son courage, ses qualités, et vous saurez ce qu’il est. Si l’eau puisée dans une rivière est saine, agréable et douce, c’est qu’elle vient d’une source pure. Abd el-Kader

Il fallait la plume d’un écrivain algérien pour rendre toute son humanité au père de la nation et lui restituer sa puissance et sa gloire. Dans ce livre richement illustré, Yahia Belaskri retrace avec délicatesse la vie aventureuse et le destin exceptionnel d’Abd el-Kader (1808-1883), fougueux nationaliste qui défend sa patrie agressée par les premiers colonialistes. Intraitable chef de guerre, il est attentif au sort de ses ennemis ; homme de foi musulmane, il proclame que la religion doit rester dans la sphère privée ; homme de culture, il professe le respect des autres et de soi-même… Un exemple pour la laïcité malmenée d’aujourd’hui !

Un ouvrage passionnant qui retrace le destin extraordinaire d'un acteur trop méconnu de l'histoire de l'Algérie !

EXTRAIT

Le 6 juillet 1966, les cendres de l’émir Abd el-Kader, réclamées par le gouvernement algérien à la Syrie, arrivent sur le territoire algérien. Le chef de l’État, Houari Boumédiène, est en première ligne pour cette cérémonie exceptionnelle à laquelle ont été conviés le corps diplomatique agréé à Alger et les chefs d’État amis, notamment d’Afrique et des pays arabes. À l’aéroport international d’Alger, alors appelé Dar Beida, des milliers d’Algériens, des représentants du FLN (Front de libération nationale), parti unique au pouvoir, des associations satellites, assistent à la cérémonie. Houari Boumédiène lui-même porte sur l’épaule le cercueil de celui qui va devenir le héros de la nation. On le sait aujourd’hui, les restes de l’émir n’ont pas été transférés à Alger, le gouvernement syrien, avec l’accord de la famille, ne souhaitant pas aller à l’encontre du désir affirmé par l’émir de son vivant de demeurer à côté de son maître spirituel Ibn Arabi. Ce sont donc des reliques qui ont été inhumées au cimetière Al Alia d’Alger. Parmi l’assistance nombreuse, une poignée de francs-maçons, français et algériens.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Yahia Belaskri, écrivain et journaliste algérien vivant en France, écrit des nouvelles et des romans. Il a publié entre autres Si tu cherches la pluie, elle vient d’en haut, éd. Vents d’ailleurs (2010, Prix Ouest-France-Étonnants Voyageurs 2011) et dirigé le recueil collectif Algéries 50 chez Magellan et Cie (2012).
Ce livre consacré à l’émir Abd el-Kader lui vaut déjà de nombreuses invitations dans des festivals littéraires internationaux.

LangueFrançais
Date de sortie17 févr. 2017
ISBN9782350744049
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    Aperçu du livre

    Abd el-Kader - Yahia Belaskri

    « Ne demandez jamais l’origine d’un homme ; interrogez plutôt sa vie, ses actes, son courage, ses qualités, et vous saurez ce qu’il est. Si l’eau puisée dans une rivière est saine, agréable et douce, c’est qu’elle vient d’une source pure. »

    Abd el-Kader

    AVANT-PROPOS

    Le 6 juillet 1966, les cendres de l’émir Abd el-Kader, réclamées par le gouvernement algérien à la Syrie, arrivent sur le territoire algérien. Le chef de l’État, Houari Boumédiène, est en première ligne pour cette cérémonie exceptionnelle à laquelle ont été conviés le corps diplomatique agréé à Alger et les chefs d’État amis, notamment d’Afrique et des pays arabes. À l’aéroport international d’Alger, alors appelé Dar Beida, des milliers d’Algériens, des représentants du FLN (Front de libération nationale), parti unique au pouvoir, des associations satellites, assistent à la cérémonie. Houari Boumédiène lui-même porte sur l’épaule le cercueil de celui qui va devenir le héros de la nation. On le sait aujourd’hui, les restes de l’émir n’ont pas été transférés à Alger, le gouvernement syrien, avec l’accord de la famille, ne souhaitant pas aller à l’encontre du désir affirmé par l’émir de son vivant de demeurer à côté de son maître spirituel Ibn Arabi. Ce sont donc des reliques qui ont été inhumées au cimetière Al Alia d’Alger. Parmi l’assistance nombreuse, une poignée de francs-maçons, français et algériens.

    Ainsi, quatre ans à peine après l’indépendance, l’émir Abd el-Kader faisait irruption dans la vie des Algériens, et de la mienne par conséquent. Jamais auparavant je n’en avais entendu parler. Ni mon père, ni mes grands frères, ne l’avaient évoqué jusqu’ici. À se demander si eux-mêmes en avaient entendu parler. Peut-être mon père, issu de la tribu des Ouled N’har qui s’était engagée auprès de l’émir et avait affronté la sauvagerie de l’armée coloniale en 1850. Mais avant que je fusse en âge de comprendre et vouloir engager le dialogue avec lui, il est décédé à l’âge de quatre-vingt-deux ans. Ni dans la rue, ni à l’école, je n’avais entendu le nom de l’émir. J’ai cru tout d’abord qu’il s’agissait du saint pour lequel un mausolée a été érigé en haut de la montagne du Murdjadjo à Oran, et appelé aussi Sidi Abd el-Kader. C’est beaucoup plus tard que j’apprendrai qu’il ne s’agissait pas de la même personne. Celui révéré jusqu’alors par tous les Algériens – partout sur le territoire, des mausolées célèbrent son nom – s’appelait en fait Sidi Abd el-Kader Al Jilani, venu de Bagdad. Né dans la province de Gilan, une province perse au sud-ouest de la mer Caspienne, il a longtemps vécu à Bagdad où il est mort en 1166. Appelé le « sultan des saints », il a développé une philosophie qui essaimera partout, au Turkestan, en Inde, en Arabie, en Égypte et en Afrique du Nord. Cet homme qui avait une vénération particulière pour Sidna Aïssa¹ professait aux musulmans de « prier non seulement pour nous-mêmes, mais encore pour tous ceux que Dieu a créé semblables à nous »². Au XVe siècle, naît la Qadiryya, une voie soufie qui émane de ses enseignements, dont une zawiya³ sera créée par le grand-père de l’émir. En Algérie, pour chaque geste, il est invoqué : celui qui veut faire un effort, le mendiant dans la rue, le paysan dans son champ, tous l’invoquent et l’implorent. Combien de fois ai-je entendu mes parents le citer dans chaque geste de leur vie quotidienne.

    Le 6 juillet 1966 fut donc un jour d’étonnement pour moi et pour nombre d’Algériens. Depuis 1962, je n’entendais que le nom de Ben Bella. Au fur et à mesure de ma curiosité et de mon apprentissage, entraient dans ma vie d’autres noms : Aït Ahmed, Mohamed Boudiaf, Ramdane Abane, Krim Belkacem, Ferhat Abbès et tous les militants de l’indépendance algérienne.

    J’avais à peine quatorze ans et tous mes questionnements tournaient autour de la guerre d’Algérie et de l’édification d’une société libre, avec un « homme nouveau », nous avait-on prédit. Il a fallu attendre encore deux années avant que la figure du « créateur de l’État algérien moderne » soit enseignée à l’école. C’est en 1968 seulement, en effet, que les cours ont intégré le personnage de l’émir.

    Depuis, le pouvoir politique en a fait le précurseur du mouvement de résistance algérien et le père fondateur de l’Algérie politique. Ainsi, de nombreux espaces, lycées, mosquées, rues, places, ont-ils été baptisés de son nom. C’est le cas pour la mosquée de Constantine qui fait office d’université des sciences islamiques. À Alger, le lycée Bugeaud a été renommé, comme de juste, lycée Émir-Abd-el-Kader et une statue a été érigée sur une place éponyme, en plein centre de la ville. À l’étranger, plusieurs pays ont donné son nom à des lieux, à Caracas (Venezuela), à Mexico (Mexique), aux États-Unis où une ville a été nommée El-Kader, à Paris où une place porte son nom, à Lyon, à Toulon, etc. Ce ne sont pas les mêmes raisons qui justifient cette reconnaissance. Si, en Algérie, dans le récit historique officiel, c’est la figure du résistant à la colonisation qui prévaut, en France, c’est l’ami et le sauveur des chrétiens en Syrie qu’on salue.

    Des voix se sont élevées pour contester ces différentes représentations. En Algérie, certains n’ont pas hésité à en faire un traître parce qu’il s’était rendu à l’ennemi ; d’autres nuancent son apport et mettent en avant la résistance de Ahmed Bey, le bey⁴ de Constantine qui s’est opposé avec courage à l’assaut de l’armée française avant d’être vaincu et exilé. Moi-même, gamin révolté et passionné, longtemps je n’ai pas prêté attention au personnage, lui préférant Ramdane Abane, l’intellectuel assassiné par ses frères durant la guerre d’indépendance. Ce n’est que bien plus tard, très tard, devenu adulte avec un peu de sagesse dans ma vision du monde, que je suis revenu vers lui. Si les interprétations ne sont pas les mêmes, une chose est sûre : l’émir Abd el-Kader est une personnalité complexe qui a marqué une grande partie du XIXe siècle, reconnu partout comme un homme à la stature d’exception. Le maréchal Soult⁵, président du Conseil, disait alors : « Il n’y a présentement dans le monde que trois hommes auxquels on puisse accorder légitimement la qualification de grands, et tous trois appartiennent à l’islam : ce sont Abd el-Kader, Méhémet Ali⁶ et Schamyl⁷. »⁸

    C’est cette figure que je me suis employé à comprendre, et sans faire œuvre d’historien – ce que je ne suis pas –, j’ai souhaité en proposer une lecture subjective, basée néanmoins sur des faits historiques avérés, répertoriés et vérifiables. J’ai eu recours pour cela à la consultation des archives entreposées au château de Vincennes et à Aix-en-Provence, et la fréquentation d’un certain nombre d’ouvrages et documents cités en annexes.

    Au fur et à mesure de ma recherche, je me suis rendu compte de la difficulté du travail, due à la complexité du personnage. Comment réduire Abd el-Kader au combattant contre l’occupation coloniale lorsque l’on sait que cette période constitue seulement dix-sept années de sa vie ? Pourquoi et dans quelles conditions a-t-il déposé les armes ? Comment occulter sa mystique ? Comment oublier le sauveur des chrétiens de Damas en 1860 ? Des questions incessantes affluaient tout au long de mon enquête. J’en suis sorti avec la conviction qu’Abd el-Kader est un homme comme tous les autres, fragile, sujet aux contradictions et aux faux-pas, mais qu’il reste exceptionnel par sa capacité à se remettre en cause, par ses propos remplis d’humanisme, par sa recherche d’harmonie qui tend vers l’universel. C’est ainsi qu’il faut comprendre sa proximité avec Ibn Arabi⁹, son maître, qui disait : « Mon cœur est devenu capable de revêtir toutes les formes. (…) Je professe l’Amour, quel que soit le lieu vers lequel se dirigent ses caravanes. Et l’Amour est ma loi et ma foi. » La philosophie d’Abd el-Kader est justement là, dans ce respect de l’être humain, quel qu’il soit. Cet exemple pourrait peut-être permettre aux musulmans d’aujourd’hui d’entrevoir une alternative au wahhabisme et son avatar salafiste. Et dans la confrontation, souhaitée, voulue, encouragée par toutes sortes d’extrémismes, entre l’Occident et la culture arabo-berbéro-musulmane, il est urgent de convoquer cet homme qui clamait haut et fort : « Tout être est mon être. »

    Maison d’Abd el-Kader à Cacherou, près de Mascara, photographiée vers 1900. Carte postale.


    1. Jésus-Christ. (N.d.A.)

    2. Smaïl Aouli, Ramdane Redjala, Philippe Zoumeroff, Abd el-Kader, éd. Fayard, 1994. (N.d.A.)

    3. Ce mot désigne tout à la fois une école, une mosquée, ainsi qu’un pensionnat pour les élèves qui viennent de loin. (N.d.A.)

    4. Titre turc désignant à l’origine un « chef de clan ». Le beylicat désigne à la fois le pouvoir et le territoire (beylik) sur lequel s’exerce le pouvoir du bey. (N.d.A.)

    5. Jean-de-Dieu Soult (1769-1851), militaire et homme politique français, il a été considéré par Napoléon, après la bataille d’Austerlitz (1805) à laquelle il a contribué de manière décisive, comme « le premier manœuvrier de l’Europe ». Ministre de la Guerre pendant la Monarchie de Juillet, il est le principal instaurateur de la Légion étrangère en 1831. Par trois fois chef du gouvernement, il détient le record de longévité à ce poste. Il a reçu de Louis-Philippe le titre unique de maréchal général de France en 1847. (N.d.É.)

    6. Vice-roi d’Égypte jusqu’à 1849, considéré comme le fondateur de l’Égypte moderne. (N.d.A.)

    7. L’imam Chamil (1797-1871), héros de l’indépendance du Caucase. (N.d.A.)

    8. Le Figaro, 28 mai 1843. (N.d.A.)

    9. Andalou musulman (1165-1240), théologien et poète dont l’œuvre domine la spiritualité islamique depuis le XIIIe siècle. (N.d.É.)

    1. – SES ORIGINES

    Selon certains, il serait né en 1807, selon d’autres en 1808. Ni les conteurs ni les historiens ne sont d’accord, l’état civil n’existant pas à l’époque – il sera introduit par l’administration coloniale

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