Dominique nique nique
Par Mathias Olliver
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À propos de ce livre électronique
Soeur Sourire et Annie furent particulièrement présentes au milieu des enfants des paroisses et ne cessèrent jamais de vivre leur idéal de religieuses Missionnaires Dominicaines laïcs. Méprisées, spoliées, manipulées, broyées, suicidées, Soeur Sourire et Annie, ont souffert tous les drames. Pieuse, naïve, généreuse, frondeuse, humaine au-delà de tout, Soeur Sourire était tout amour. S'est-elle sacrifiée en vain?
La presse, les radios et les télévisions du monde entier se sont passionné pour la vie, les oeuvres et les «frasques», de cette religieuse très médiatique. Alors qu'elle est au couvent, Soeur Sourire compose Dominique qui devient un tube mondial. Tenue par son voeu de pauvreté le couvent en profite pour la dépouiller de tous ses droits. Suite à une crise d'identité, elle quitte les ordres et se met en ménage avec son amie Annie. Elle tente de refaire surface artistiquement, mais ses disques ne se vendent plus. Poursuivies par les paparazzis (à cause de leur relation lesbienne) et le fisc, elles trouvent encore l'énergie de s'occuper d'enfants autistes. Ruinées, désespérées, les deux amies finissent par se suicider, abandonnées de tous. Méritent-elles la sainteté? Il n'appartient pas à l'auteur de le dire, mais sans doute méritent-elles de ne pas tomber dans l'oubli. Cet ouvrage permettra peut-être de mettre en lumière l'action et le dévouement de ces grandes femmes...
Mathias Olliver
Mathias Ollivier est né à Liège de père Belge et de mère Française. Son père est prisonnier en Allemagne durant la guerre et sa mère Résistante, décorée de l'armée secrète accompagne le Général Patton durant la bataille des Ardennes pour libérer les déportés des camps de concentration nazi. Il poursuit ses études à Liège et souhaite devenir archéologue, mais les difficultés familiales le contraignent à travailler dans la Restauration. Il se cultive en autodidacte et se passionne pour l'histoire des civilisations et des religions. Il quitte la Belgique à l'âge de dix-sept ans pour naviguer comme steward sur les cargos. En 1970, Amoureux de la France depuis toujours, il monte à Paris. Avant de devenir écrivain Mathias Ollivier se fit la plume comme auteur de chansons. Il en écrivit des centaines, dont plusieurs furent classées au hit-parade. Ses pérégrinations à travers le monde paysan, ouvrier, commerçant, puis à travers le show business, les médias... Ses voyages autour du monde, son intérêt pour l'archéologie, l'histoire des civilisations... Le constat de la souffrance d'un grand nombre de ses contemporains... Ont fait de lui un observateur attentif de la société, puis un écrivain. Mathias Ollivier est un des rares artistes à avoir eu le courage de refuser de se laisser formater par le « show biz », pour rester libre artistiquement. Iconoclaste, intemporel, poétique. Il reste un inclassable dans ce métier où il navigue à contre courant. Son parcours accidenté est essentiellement un combat contre la conformité à la norme.
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Aperçu du livre
Dominique nique nique - Mathias Olliver
Dominique nique nique
Pages de titre
I
II
III
IV
V
VI
VII
VIII
IX
X
XI
XII
XIII
XIV
XV
XVI
XVII
ÉPILOGUE
Biographie succincte
Quelques références d’archives, interviews
Du même auteur
Page de copyright
Mathias Ollivier
DOMINIQUE
NIQUE NIQUE
D’après la vie de Sœur Sourire
Table des matières
Où gisent les corps,
S’assemblent les vautours…
Banlieue de Bruxelles – 1 avril 1985
Un ciel bas couvre les Faubourgs de Bruxelles, des voitures de police et deux ambulances stationnent devant un immeuble. Les gyrophares battent la brume de ce matin d’avril. Des voisins sont aux fenêtres. Les curieux s’agglutinent. Que s’est-il passé ? Le nom de Sœur Sourire circule sur toutes les lèvres…
– Elle s’est suicidée ! Y paraît…
C’est la stupeur… Anxieux, Robert Loudemont arrive aux abords de la résidence. Les flics à la porte de l’immeuble l’empêchent d’entrer… Il proteste, fait valoir sa qualité d’ami, mais… Au même instant, les brancardiers sortent de la maison deux civières, recouvertes d’un drap blanc. Un des brancardiers souffle à son collègue :
– Eh, Dominique, tu la connaissais, toi ?
– Ben oui, (chantonnant) Dominique, nique, nique… Forcément.
Les portes des ambulances s’ouvrent, les brancardiers y enfournent les civières.
Un moine du nom d’Irénée s’approche de Robert Loudemont planté sur le trottoir, les deux hommes se reconnaissent et se regardent sidérés. Des journalistes débarquent, fendent la foule, se bousculent, en brandissant appareils photo et caméras.
– Là où gisent les corps… dit le moine Irénée à Robert, en désignant la meute des journalistes.
Loudemont hoche la tête en signe d’approbation et termine la réplique :
– S’assemblent les vautours.
Les portes des ambulances claquent, puis démarrent. Le pimpon des sirènes chuinte et finit par se confondre avec un son de cloches qui va crescendo, appelant les fidèles à l’office d’une messe, quelque part, dans la paroisse.
– Elle n’en manquait pas une, quant elle demeurait encore à Woluwe-Saint-Lambert, murmure Irénée.
– Je sais, dit Robert, elle était habitée d’une foi vraie. Notre première rencontre date de 1959, si j’ai bonne mémoire… Ses parents tenaient une pâtisserie sur la place de l’église… la « Pâtisserie Deckers »… J’y venais chaque semaine, j’adorais leurs « mille feuilles ».
– Moi c’était les frangipanes… sourit Irénée. Elle avait demandé à me rencontrer, poursuivit Irénée. Elle projetait d’entrer au couvent et souhaitait quelques conseils… C’était un dimanche. Les cloches sonnaient la fin de la messe de dix heures. Ses parents m’ont fait monter dans sa chambre. Elle ne m’avait pas entendu arriver, si bien que je suis resté quelques instants sur le pas de sa porte ouverte, avant de me signaler.
Elle s’appelait encore « Jeannine » à l’époque. Elle était vêtue d’un cardigan bleu marine ce jour là. Elle se tenait à la fenêtre en maintenant le rideau écarté d’une main. Elle contemplait la statue du Sacré-Cœur… bras ouverts trônant sur la place…
Sa chambre était celle d’une jeune fille studieuse : Teilhard de Chardin, Bergson, la Bible, étaient ses livres de chevet. J’oublie sa guitare, fidèle compagne posée contre une table jonchée de textes de chansons griffonnés. Au mur, elle avait épinglé un poster de Freud… enfin une caricature… vous savez ce poster avec une femme nue formant le visage de Sigmund ?
– Je vois très bien…
– Il y avait aussi des trophées de scoutisme, des fanions, des photos sur lesquelles elle apparaissait entourée de guides lors de randonnées paroissiales, ou encore parmi des jeunes autour d’un feu de camp jouant de la guitare.
À la sortie de messe, un certain nombre de paroissiens se dirigeaient immanquablement vers la pâtisserie de ses parents…
– Immanquablement, immanquablement, répétât Robert, appuyant sa réplique d’un léger rictus trahissant sa peine.
– Jeannine s’est retournée, souriante, elle a tiré ses longs cheveux derrière une oreille. Puis, mains jointes devant sa bouche, elle s’est exclamée en me voyant : Ah ! Merci, Seigneur !
Elle avait compris que je venais lui annoncer qu’elle allait être acceptée dans l’ordre Dominicain.
Elle a allumé son transistor et s’est mise à se dandiner sur Let’s twist again, comme pour fêter ça.
I
Woluwe-Saint-Lambert – 1959
La mère de Jeannine, en tablier blanc, fait irruption dans la chambre.
– C’est pas le moment de danser ! C’est « coup de feu »… descends, on a besoin de toi !
– Ah, les gens qui mélangent la religion et la pâtisserie me font pitié, moi ! réplique Jeannine agacée.
Dans la pâtisserie, les clients se pressent en se faisant des politesses.
– Jeannine, allez ! Emballe-moi cette charlotte. C’est pour Madame Lejeune.
Jeannine enfourne discrètement au passage une chouquette et s’exécute.
– Arrête de t’empiffrer, tu vas encore ballonner.
Les clients sourient, amusés, tandis que Jeannine fusille sa mère du regard.
– Et pour vous Madame Van Donghen ? poursuit la mère Deckers.
– Donnez-moi une tête de nègre.
À ces mots, Jeannine part d’un fou rire. Madame Van Donghen se retourne et tombe nez à nez avec un Zaïrois aux yeux dilatés, blancs comme neige.
– Tout compte fait, je vais prendre une religieuse, rectifie Madame Van, consciente de sa gaffe.
– Faut pas vous formaliser vous savez… les « têtes de nègres » existaient déjà avant les colonies, souligne la mère Deckers.
L’Africain sourit.
– Alors, et vous ? C’est pour bientôt ? questionne Madame Van Donghen à l’adresse de Jeannine.
– Oui, justement j’ai reçu une visite de confirmation ce matin, sourit-elle… Je serai bientôt sœurs Dominicaine. Enfin, j’espère, faut encore passer à la moulinette.
– Oh, mais ça ira, vous en faites pas… Avec la crise des vocations et la guerre froide, on a besoin de sang neuf au couvent. Allez, à dimanche prochain.
– Oui au revoir Madame. Jeannine ! Va à l’atelier, chercher la commande des Gandibleu, poursuit la mère Deckers.
Dans l’arrière-boutique éclaboussée par la lumière crue de néons blancs, le père de Jeannine décore délicatement un gâteau, de roses en sucre. Jeannine l’observe en silence, attendant pour emporter la commande. Accroché au-dessus du plan de travail, un cadre montrant la « Butte au Lion » et la plaine de Waterloo où eut lieu le carnage de 1815.
– Tu es un artiste, papa, sourit Jeannine.
Le père lui jette un regard peu convaincu.
– Alors, ça vient ? lance la mère Deckers du magasin.
Jeannine passe le gâteau à sa mère entre deux portes et s’esquive.
La mère rejoint Jeannine et son père dans l’atelier et interrompt leur conversation :
– Les gens sans problème, qui ne se posent jamais de questions, me débecquettent. Tous des tièdes ! dit Jeannine…
– Des questions… tu ferais bien de cesser de t’en poser quand je t’appelle au magasin, c’est que ça urge. On ne peut vraiment pas compter sur toi, Jeannine ! Si c’est ça le don de soi, pour toi… !
– Laisse-la, c’est son dernier dimanche, reprend le père, en rangeant ses ustensiles de travail.
– Tout le monde se marie… mais toi, évidemment… Tu ne sais jamais rien faire comme les autres, rouspète la mère Deckers en ôtant son tablier, mesurant déjà l’aide qui va lui manquer.
– Des ploucs… on est des ploucs… réplique le père.
– Me marier ? Contre qui ? ! Après, y’a les pantoufles… Repasser les chemises du bonhomme, très peu pour moi. Y a plus esthétique comme amour.
La mère, renfrognée, semble ressasser une vieille amertume.
– Esthétique ! Tu oublies que tu es une fille de commerçants. L’esthétique ! Tu n’es pas une mystique, hein, Jeannine, tu es une révoltée ! Qu’est-ce que tu vas aller faire au couvent ?
Un regard ironique, un demi-sourire illumine le visage de Jeannine.
– Faire enrager les bonnes sœurs, tu le sais bien ! Je veux vivre MA vérité, voilà ce qui t’embête !
– Il n’y a pas que le couvent pour ça. Que crois-tu qu’on fait ici, toute la sainte journée ? Moi je dis que tu vas te perdre ! Jeannine.
– Le Seigneur m’a choisie, répond Jeannine comme pour se protéger.
– Choisie ? Pfff’ Qu’est-ce que tu en sais ?
À ces mots, Jeannine, en larmes, s’enfuit, sans lâcher ce qu’elle a sur le cœur. Tandis que le père, dépité, pose son tablier sur le marbre de son plan de travail, où une religieuse planche, abandonnée et vulnérable. Il la regarde comme s’il contemplait sa propre solitude. Soudain, dans un sursaut, il l’écrase d’un violent coup de poing. La crème gicle dans toute la pièce.