Les différents: Roman psychologique
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À propos de ce livre électronique
L’auteur ne ménage pas ses paroles. Certains passages sont difficiles à lire en raison de l’abîme dans lequel sont plongés certains protagonistes.
Malgré cette partie bouleversante, l’auteur aborde l’amitié, le courage et la détermination.
L’auteur a voulu écrire ce livre pour donner la parole aux personnes souffrant de handicap mental et mettre en évidence leur manière de s’exprimer à travers les mots et les gestes.
Ce qui le relie à cette histoire, c’est son vécu durant sa petite enfance au sein d’un I.M.P. Cela lui a permis de découvrir que leurs différents langages ont la même valeur que le nôtre sur le plan de la malice, de l’intelligence et de la créativité.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Né en 1963 à Lille, en France, Antoine Hautefeuille est passionné de littérature et d'Histoire contemporaine.
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Aperçu du livre
Les différents - Antoine Hautefeuille
1
Je reviens chez moi
J’ai voyagé et vu des pays. J’en ai exercé des métiers différents, côtoyé des gens de toutes conditions sociales et j’ai rencontré de belles personnes. Mais on revient toujours là où l’on s’est toujours senti le mieux. En tirant une valise sur roulettes dans chaque main, j’entre dans un long couloir et la directrice m’accueille en souriant. Je suis heureux, je reviens chez moi ! Puis, la directrice et moi prenons un ascenseur. Nous sommes dans un couloir. Nous longeons des chambres et sur certaines portes, je vois des noms et des prénoms. Il me semble que certains prénoms me sont familiers. J’aurai tout le temps de faire les retrouvailles avec ces gens les portant. Les deux canailles, l’accordéoniste et la fille curieuse de tout. Je vais être heureux de les retrouver ! Même si comme moi, ils sont devenus âgés. La directrice me souhaite un bon séjour et je m’installe dans ma chambre.
Quand la nuit tombe, je m’endors, plongé dans mes souvenirs. « Je me retrouve devant deux portes à deux battants. Je les pousse de la main et entre dans un dortoir où se trouve une rangée de lits blancs médicalisés. En me dirigeant vers le dernier lit, je m’exclame en tendant les bras : « Élise, j’arrive ! Élise, j’arrive ! Élise, j’arrive ! » Élise a la peau de couleur rouge bleuâtre, les yeux noirs enfoncés profondément dans leur orbite et quelques rares cheveux noirs. Son corps jusqu’au ras du cou est à l’intérieur d’un corset carapace. Élise affiche un sourire édenté sur ses lèvres bleu foncé. Avec tendresse, elle m’accueille : Bernard… venir prés… d’Élise… … amie à toi. Élise s’exprime par des phrases incomplètes et pas très bien formulées, ce qui ne l’empêche pas de se faire comprendre. Je lui donne un baiser sur la joue et tapote la surface de son corset carapace.
— Bernard… bien de faire… baiser sur joue à Élise. Pas bien de tapoter sur… corset carapace. … corset carapace protégée… corps de Élise. Élise à… os fragiles.
— Je m’excuse, Élise !
Curieuse, Élise demande :
— Bernard expliquer à Élise… choses… tu faire avec… autres.
— Élise, avec les autres pensionnaires, nous avons joué dans une pièce de théâtre. Le public a applaudi et sœur Jeanne est contente de notre prestation. Préoccupée, Élise me regarde un long moment :
— Élise deviner que tu expliquer encore des choses.
Ému avec les yeux mouillés, je réponds :
— Tu sais Élise, c’est à la fin du spectacle que j’ai été bon. Je ne jouais pas ! J’étais sincère ! J’aime enfin les autres qui sont pensionnaires comme moi ici. Malgré qu’ils soient handicapés mentaux, ils sont compréhensifs et gentils ! J’ai appris à les respecter comme si c’étaient des personnes normales.
— Bien Bernard ! Bien Bernard ! Toi… faire… vie ici… être toujours bien ici. Élise… continuer bien… conseiller toi. Bernard toi faire… théâtre… manger… avoir… bons soins… dormir… avoir sœur Jeanne pour… occuper de toi. Soudain, une voix m’empresse :
— Bernard, dépêche-toi, nous sommes attendus !
— Mais où allons-nous Yvonne ? demandé-je.
Yvonne me prend par la main en souriant et assurant :
— Désormais, tu as une maman aimante qui fera de toi quelqu’un d’intelligent, beau et admiré de tous.
— Je n’ai pas besoin de tout cela, je suis bien ici.
Yvonne s’agenouille et me regarde avec sincérité en insistant, pour mieux me convaincre :
— Tu seras mieux ailleurs. Je serai une maman dévouée ! Je ne te mens pas je te le jure !
C’est dur de ne pas croire en une maman providentielle avec toutes ces qualités ! Rassurante, Yvonne me tient par la main devant une grande porte. Une voix féminine et chevrotante ordonne : « Entrez » Yvonne ouvre la porte respectueusement. Avec curiosité, je regarde une photo officielle du Pape Pie XII accrochée au-dessus du fauteuil de velours rouge dans lequel est assise la mère supérieure. Le bureau en boiserie massive est imposant. Dessus est posée une farde contenant des documents. La mère supérieure, studieuse, regarde à l’intérieur un instant, puis autorise : « Yvonne et Bernard, vous pouvez vous asseoir. » Nous nous asseyons respectueusement l’un à côté de l’autre, à côté de deux chaises vides. Suspicieuse, la mère supérieure nous regarde en doutant : « Bernard aura presque une famille. Je commence à douter qu’il y ait un papa pour la compléter ! »
Soudain, la porte s’ouvre. Sœur Jeanne, désolée, se confond en excuse :
— Veillez m’excuser ma mère. Je finissais les soins. Je n’ai pas vu le temps passer. J’en suis confuse. Puissiez-vous m’excuser.
Souriante, la mère supérieure rassure :
— Ce n’est pas grave ! Il y a bien pire péché ! Sœur Jeanne, assieds-toi.
Apaisée, sœur Jeanne s’assied, en laissant une chaise vide entre elle et Yvonne.
Soucieuse, la mère supérieure suppose :
— Nous sommes supposés attendre encore quelqu’un, me semble-t-il ?
Inquiète, sœur Jeanne répond :
— Nous attendons monsieur Mogréant, l’époux de Yvonne ici présente qui part à la retraite.
La mère supérieure compatit :
— Yvonne vous avez travaillé ici. Vous avez eu des moments difficiles, et ce depuis l’arrivée de Bernard. Vous vous êtes attachée à lui plus qu’aux autres pensionnaires, au point de vouloir devenir une maman pour lui. Puis, désespérée, la mère supérieure se questionne : « Par contre, je me demande si Bernard aura un jour un papa ? » Soudain, on entend cogner à la porte et la mère supérieure d’une voix sèche ordonne : « Entrez ! » Apparait un homme débonnaire, le visage brun et buriné par le soleil, les cheveux blancs coiffés en arrière, petit et trapu. Condescendant, il tend la main : « Bonjour, mesdames ! » Agacées, la mère supérieure et sœur Jeanne se lèvent et chacune à leur tour lui rend la poignée de main. Puis, débonnaire, l’homme s’assied près de Yvonne qui le sermonne :
— Comment peux-tu arriver en retard à un rendez-vous aussi important ? Marcellin, tu réalises l’importance de ce moment ?
Bougon, Marcellin répond :
— C’est l’automobile qui a eu du mal à démarrer.
— C’est qui lui ?
Rassurante, Yvonne répond :
— C’est ton papa à présent.
Surpris, je m’exclame :
— Tu as été vite pour me trouver un papa !
Marcellin intervient :
— Maintenant, les femmes sont plus dégourdies que jadis !
Avec curiosité, je m’approche de Marcellin. Je lui caresse les cheveux et lui palpe le visage du bout des doigts.
Étonné, je m’exclame :
— Il a des cheveux blancs et la peau rugueuse et dure ! Tu te trompes ! C’est un grand-père que tu m’as amené !
Yvonne rit et Marcellin dit d’un ton agacé :
— J’ai soixante ans aux prunes, c’est à prendre ou à laisser.
Angoissé, je m’exclame :
— Tu vas bientôt mourir tu es vieux !
— Mathusalem a déjà vécu moins longtemps que moi ! rétorque-t-il avec humour.
Yvonne est une maman heureuse, mais pour combien de temps ? Marcellin est devenu déjà un papa préoccupé. Nous quittons tous les trois le bureau de la mère supérieure. Inquiet, je me mordille les lèvres, en tenant la main de Yvonne, contente. Nous sommes précédés de papa toujours préoccupé. Je me retourne et vois derrière une fenêtre la mère supérieure horrifiée, se mettre une main devant la bouche et sœur Jeanne apitoyée joignant les deux mains. »
Chaque nuit, durant quelques années, je sors de ce cauchemar en hurlant : « Je ne veux pas partir ! Je ne veux pas partir ! » Mais aujourd’hui, je ne suis pas sorti de ce cauchemar. Je sors de mon lit, je mets mon doigt sur l’interrupteur près de la porte. Le sol se dérobe sous mes pieds. Je m’accroche à la clenche de la porte. Une douleur violente me déchire la poitrine et je tombe sur le sol et ne bouge plus. Mais je vois et entends encore, juste le temps d’apercevoir des ambulanciers et le cardiologue s’affairer. Mais c’est trop tard, j’ai usé la vie à vouloir effacer le différent que je suis. Mais je ne le regrette pas. J’ai essayé et cela en valait la peine. Il me reste juste le temps d’être heureux, en mourant le sourire aux lèvres.
2
Une mort mystérieuse
Le décès de Bernard Maudevie à zéro heure trente-neuf, vendredi vingt février 2020 est constaté par l’un des ambulanciers. Le matin même, la dépouille du défunt est installée dans le funérarium de la maison de repos. Devant sa dépouille se recueillent l’accordéoniste, la fille curieuse de tout et les deux coquins. Ainsi avait-il l’habitude de les appeler. Pendant que des personnes vident la chambre de Bernard Maudevie, la directrice de la maison de repos est devant un ordinateur dont l’écran est resté allumé depuis un très long moment. Puis, elle quitte la chambre en sortant de sa poche son téléphone portable et compose un numéro d’appel. Peu de temps après, un commissaire de police entre dans la chambre et se place à son tour devant l’ordinateur. Il lit le premier chapitre. C’est sur le dernier paragraphe qu’il s’attarde. Préoccupé, le commissaire s’interroge : « Comment Bernard Maudevie a-t-il pu écrire cette fin ? » Puis, il lit les chapitres suivants jusqu’au dernier. Ensuite, il sort de la chambre en compagnie de la directrice. Deux personnes de la police scientifique entrent dans celle-ci et effectuent des relevés d’empreintes sur l’interrupteur, sur la clenche de la porte et sur le clavier de l’ordinateur. La directrice reste dans le couloir. Le commissaire est appelé par un inspecteur de police et tous les deux se retrouvent dans un parc, non loin de la maison de repos. À l’intérieur de ce parc, sur un banc est couché un très vieil homme à l’intérieur d’un sac de couchage. Déjà, le parquet et le médecin légiste sont formels, il s’agit d’une mort naturelle. Le commissaire se fait remettre la carte d’identité de cette personne décédée. Dans son bureau, il prend connaissance des résultats des relevés d’empreintes effectués dans la chambre de Bernard Maudevie et les compare avec celles d’un individu impliqué dans un dossier très grave par le passé et dont on a dû relever les empreintes. La carte d’identité de l’homme en question est posée sur le bureau et n’est autre que celle du très vieil homme retrouvé mort sur le banc dans le parc. Le commissaire a fait le rapprochement entre ce dernier et Bernard Maudevie grâce à sa lecture sur l’ordinateur de ce dernier. L’ordinateur ayant été saisi à sa demande et afin d’être sûr de n’omettre aucun détail, le commissaire se replonge studieusement dans le manuscrit.
3
De qui parlez-vous ?
J’ai six ans et la rudesse de la vie s’empare de moi. Angoissé, papa marche à pas rapides, ce