Découvrez des millions d'e-books, de livres audio et bien plus encore avec un essai gratuit

Seulement $11.99/mois après la période d'essai. Annulez à tout moment.

Passeuse d’âmes en dilettante - Tome 1
Passeuse d’âmes en dilettante - Tome 1
Passeuse d’âmes en dilettante - Tome 1
Livre électronique465 pages5 heures

Passeuse d’âmes en dilettante - Tome 1

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

Rustine est une hôtesse de l’air, mariée, mère de deux enfants, magnétiseuse et passeuse d’âmes à ses heures perdues. Elle vous entraîne dans une intrigue désopilante où elle jongle avec les tracas de la vie quotidienne et son don spirituel. 2 h 56, 2 h 58, 2 h 59… Elle ne dort plus…

À PROPOS DE L'AUTEUR 

Ludydechine est magnétiseuse et médium. Elle aborde avec une touche d’humour ses expériences dans le monde ésotérique, mais aussi sa vie de femme.




LangueFrançais
Date de sortie17 janv. 2024
ISBN9791042212926
Passeuse d’âmes en dilettante - Tome 1

Auteurs associés

Lié à Passeuse d’âmes en dilettante - Tome 1

Titres dans cette série (1)

Voir plus

Livres électroniques liés

Femmes contemporaines pour vous

Voir plus

Articles associés

Catégories liées

Avis sur Passeuse d’âmes en dilettante - Tome 1

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    Passeuse d’âmes en dilettante - Tome 1 - Ludydechine

    Partie I

    Rustine, 41 ans, mère de deux filles, mariée depuis deux mois.

    Je cours, je vole (mon métier), je crie (en voiture), je jongle (planning).

    Et je tombe.

    41 ans, Clamart.

    Je suis hôtesse navigante sur moyen-courrier.

    Je suis partie quatre jours, j’ai travaillé 11 heures d’affilée sans pouvoir me cacher, me poser, et surtout manger. Ne cessant d’entendre pendant quatre jours : « Il n’y a pas de place pour mon bagage ? »

    Le périphérique est fermé.

    Une heure du matin, j’arrive à Clamart.

    Je ne trouve pas de place pour garer ma voiture.

    2 heures du matin, je suis dans mon lit. Je suis énervée, je ne dors pas.

    Je regarde l’heure qui s’affiche en rouge sur mon plafond : 2 h 59.

    7 heures, l’alarme de mon portable sonne. Ma première pensée : « je vais mourir ».

    Ma deuxième pensée : « encore une migraine ».

    Je demande à mon mari s’il peut emmener les petites à l’école.

    Réponse : « Tu es partie pendant 4 jours, les petites ne t’ont pas vue. Je suis fatigué. »

    7 h 30, je réveille mes filles.

    Elles ne m’ont pas vu depuis si longtemps qu’elles trépignent de joie, me font des câlins.

    Elles crient : « Maman ! Maman ! » Excusez-moi, je rêvais.

    En fait, elles sont en colère ; j’ai été absente et je dois payer.

    Elles ne veulent pas sortir du lit, aller à l’école, ou porter les vêtements que j’ai choisis.

    Elles râlent sur le choix des céréales.

    Sur le chemin de l’école, Mela, qui a 4 ans, ne veut pas me donner la main.

    Avec son petit regard noir, elle me dit : « Va-t’en maman ! Retourne dans les étoiles. »

    Absente de cette maison depuis quatre jours, je la retrouve sens dessus dessous, nauséabonde.

    Mais qui vois-je dans la salle de bains ? Mon ami le panier à linge.

    J’attaque mon ménage pour me sentir enfin chez moi.

    11 h 30, je récupère les puces pour manger car je ne travaille pas.

    Ainsi s’écoulent mes journées de repos dans l’oisiveté et la légèreté.

    Mon mari exerce ce métier où tous les hommes et femmes sont habillés de bleu.

    On associe cette couleur à la sagesse, à la sérénité, mais surtout elle représente le symbole de la vérité.

    Pour mon mari et moi, le bleu rime avec peu de week-ends et beaucoup de stress.

    Alain m’a demandé en mariage en juin. Quand on l’a annoncé à Marie, ma belle-mère, elle nous a demandé pourquoi on se mariait ?

    Je réfléchis, je réfléchis. Parce qu’on s’aime.

    La preuve : nos enfants.

    Le second facteur : un couple tué chez eux devant leur petit garçon. Motif du meurtre : policier.

    Mon mari a reçu la prime du mérite, les félicitations du préfet pour son efficacité lors des attentats de Paris.

    Nice, Bataclan, Charlie-Hebdo.

    La nuit, Alain se réveille aussi.

    Il réfléchit… Comment éviter tous ces massacres ?

    Comme beaucoup de bleus, il craint que nos enfants vivent une guerre.

    Burn-out. J’ai 40 ans

    Octobre. 2 h 56

    Je ne dors pas, je rumine.

    Samedi soir, 20 heures, le portable sonne.

    C’est ma mère, Svetlana : « J’ai reçu sur le portable, le dessin de tes filles. Qu’est-ce qu’elles dessinent bien par rapport à toi ! J’ai retrouvé un dessin que tu avais fait sur un plateau au même âge. Tu faisais des soleils très noirs et ton bonhomme avait une grosse tête et des jambes très fines. Il faudrait qu’un psy le voie. »

    Je lui demande si le psy c’est pour le dessin ou pour elle ? Elle ne m’écoute pas.

    Ce dessin, je l’avais fait avec de l’encre de Chine, d’où ce petit côté noir.

    Svetlana renchérit : « J’ai parlé à ton frère Ludwig du dessin où ta fille Lana [qui a 6 ans] a dessiné votre maison avec des volets en forme de cœur. Vous êtes devant la maison avec de longues jambes, impressionnant !

    Ton frère m’a répondu que son psy n’aimerait sûrement pas ça.

    Tu me connais, j’insiste pour savoir pourquoi ? Son psy dit que les longues jambes symboliseraient les attouchements sexuels. »

    Chat ! Chat ! Je t’ai touché ! À toi. Je joue dans ma tête car je rentre d’un après-midi piscine avec ma tribu.

    Je me sens bien.

    Ma mère surenchérit : « Ne t’inquiète pas, ton frère s’est excusé, tu le connais ! »

    Cela fait 4 ans que l’on ne s’est pas vu.

    Elle passe à un autre sujet de conversation sur le prix de son fond de teint.

    Je raccroche.

    Elle tente de me rappeler à 22 heures. Je ne décroche plus.

    2 h 56. Quel jour on est ?

    Ah ! Oui ! Octobre. 41 ans.

    Les feuilles tombent et moi aussi.

    Dans la nuit, je me réveille.

    Une douleur au thorax, côté gauche. Un coup de poignard.

    Je me plie en deux, je veux hurler, crier, mais pas de son. Je vois mon mari, il ne dort pas.

    Je suis emmurée dans mon propre corps.

    Enfin, un son sort de ma bouche.

    Je me relève et je crie : « Oh ! Mon Dieu ! J’ai cru que je faisais une crise cardiaque. »

    Alain : « Ah ! Bon ! Je croyais que tu rêvais d’un orgasme. » Je me blottis dans ses bras.

    Je veux pleurer mais pas de larmes.

    Quelle heure est-il ?

    2 h 59. Ma tête va exploser.

    Il était une fois une princesse qui naquit le 1er août 1975. Sa maman, Svetlana, après avoir mangé un couscous, ressentit ses premières contractions.

    Le papa ! Mais où est le papa ?

    Il est parti en vacances, pendant 15 jours.

    Dès son premier jour, elle sait qu’elle est un enfant non désiré.

    Peut-être pas le premier jour. Quoi que… les bébés !

    En tout cas, elle n’est pas issue du fruit de l’amour mais plutôt un enfant « rustine », ces enfants qui servent à recoller les morceaux.

    Bienvenue sur Terre, Rustine ! Tu as du muguet !

    Ne t’inquiète pas, tu auras chaque année une angine. Bienvenue dans ta famille.

    « Tous les rustiniens, toutes les rustiniennes vont chanter, vont danser sur les violons. »

    Ma tête va exploser…

    J’ai 4 ans. Mes parents ont acheté une maison à Montmorency où Maurice Chevalier et Mistinguett se sont aimés. Cette maison est très sombre.

    Les volets sont en bois marron avec un trou en forme de cœur. Ils claquent souvent.

    Pour aller du salon à ma chambre, il y a un corridor avec des tentures rouges et un lit napoléonien. Je n’aime pas ce couloir ; quand je suis dans les bras de Svetlana, je cache mes yeux. Pour ne pas le traverser, je préfère jouer dans le salon ou dans le jardin.

    Étendue sur le lit, il y a une femme tout en blanc qui pleure. Elle porte une robe en dentelle d’époque 1 900. Elle sait que je la vois et que j’ai peur. Elle ne rentre jamais dans ma chambre. En revanche, elle ne se gêne pas pour aller dans la chambre de Papa et de Maman. Je ne vais jamais dans leur chambre car il y fait trop froid, c’est un igloo. La dame blanche a aidé maman pour la décoration. Les murs du salon sont en velours vert foncé. Le sol et les murs de la salle de bains sont en carrelage noir.

    On est chez elle mais pas chez nous.

    Burn-out. J’ai 40 ans

    2 h 56. Octobre

    Je ne sais plus quel jour on est ?

    Je ne dors pas, un souvenir me revient datant de l’époque de cette maison.

    J’ai 4 ans, je pratique la danse. C’est le spectacle de fin d’année. Les enfants portent un tutu rose et un legging blanc. Svetlana m’a enfilé une robe en soie violette.

    Je ne connais ni les pas de danse ni l’endroit où je dois me positionner ; toutes les autres filles le savent. Je vois mes parents. Les gens rient car je suis complètement perdue.

    J’ai une grosse boule dans la gorge, je suis angoissée : « Pourquoi, je ne sais pas ? »

    Svetlana ne m’a emmenée à aucune répétition.

    À chaque examen que je dois passer dans ma vie, cette angoisse remonte. La peur de ne plus rien savoir.

    La même année, ma mère m’emmène faire du patin à glace pour la première fois de ma vie. Elle me met les patins et me fait entrer sur la patinoire. Elle part s’asseoir sur les gradins. Je tombe, je pleure, et ne sais pas comment faire.

    Elle me fixe mais ne bouge pas.

    Un professeur me prend dans ses bras et me ramène à elle.

    Il la gronde, elle est vexée.

    Burn-out. J’ai 40 ans

    Ma grand-mère se prénomme Pawette. Elle est mince et très coquette. Elle avait une très belle peau et portait une eau de Cologne « Saint Michel ».

    Pawette me répétait souvent : « La vie, c’est comme un bol de soupe et une cuillère de merde. Si tu sais bien avaler ta cuillère, tu n’y penseras plus et tu savoureras ta soupe. »

    Octobre, sans m’en rendre compte

    Ma cuillère se transforme en un bol et mon esprit va le rejeter fortement.

    Pawette habite en Corse dans un village de montagne : Acqua in Bocca.

    En 1939, un gendarme alsacien vient travailler dans la région.

    Leurs regards se croisent en allant chercher de l’eau à la fontaine du Lion.

    Ils s’aiment.

    La guerre est déclarée, il part au combat. Pawette l’attend.

    Un jour, Joseph, un jeune du village, discute avec elle sur les strette (escaliers).

    Ils sont surpris par mon arrière-grand-père qui fait un scandale. Ils n’ont pas le choix, ils se marient.

    La guerre prend fin, le gendarme revient.

    Il la guette près de la fontaine du Lion.

    Il la voit avec une petite fille.

    Il comprend, il l’aime. Il lui demande de la rejoindre avec sa fille.

    Elle refuse.

    Burn-out. J’ai 40 ans

    2 h 59

    Je ne dors pas. Je n’arrive plus à savoir en quelle année on est ? Je deviens folle.

    33 ans, l’âge du christ.

    Je me sépare après un an de mariage. Je pars vivre en Corse.

    Je remonte à Paris car je suis de réserve. La réserve consiste à remplacer les absents sur un vol.

    À la cafétéria, je croise Jean-Charles, un ami. Il est copilote et a l’accent du sud.

    « Rustine, c’est la merde. Elle est partie.

    Je fonce mais on me le refuse très poliment. Dans ma compagnie, on ne demande pas. On prend ce que l’on vous donne. Je suis déçue, Jean-Charles aussi.

    Durant notre phase de séparation, on s’appellera toutes les semaines. Et on lira les mêmes livres pour enfin trouver cette âme sœur.

    Quelques heures plus tard, on me déclenche sur un Cotonou. Je prends le bus pour rejoindre l’équipage qui est déjà dans l’avion. Sur la passerelle, un homme grand, brun, qui téléphone. Il porte un blazer, des gants marron. Je le trouve très chic, très élégant.

    J’entre dans l’avion, je me présente à mon équipage. Je pars travailler à l’arrière. Quand j’arrive à mon poste, je le vois. En fait, c’est un policier qui ramène un sans-papiers.

    On décolle. Après le repas, je positionne le buffet.

    Il vient se servir un jus d’orange. On discute, on rit. Il est Alsacien, je suis Corse.

    À l’atterrissage, il me donne sa carte. Je l’ai toujours dans mon portefeuille.

    Trois mois plus tard, on se revoit entre deux vols pour un dîner à l’aéroport. Il m’attend devant le restaurant vêtu d’un tee-shirt orange et d’un vieux blouson en cuir. J’ai l’impression de regarder le feuilleton « Starsky et Hutch » face à ce jeune homme aux cheveux en bataille.

    Je veux prendre la fuite. Allez ! J’assume ! J’avance.

    Assis l’un en face de l’autre, on commence à parler de maisons.

    On sort nos stylos et on dessine sur le papier de la table notre maison de rêve tout en améliorant la maison de l’autre. Dans nos regards, une petite étincelle, rien de plus.

    Nous nous revoyons un mois plus tard, le 8 juin pour un restaurant. C’est l’anniversaire de ma grand-mère partie dans les étoiles.

    Merci, ma mamone (grand-mère) pour ce petit signe.

    Une semaine plus tard, Alain m’offrira une statue africaine représentant un couple enlacé sous la forme d’un 8 et bientôt nous emménagerons à Clamart… au 8.

    Faire confiance à la vie, penser à ses amis qu’on a aimés, et parler à nos guides spirituels.

    Je le sais mais depuis qu’on vit dans cette maison, j’oublie tout.

    Payer la nounou, payer le loyer, payer, payer…

    J’ai l’impression de ne plus rien recevoir.

    Je joue de la musique

    Calogero

    La musique a toujours fait partie de ma vie.

    Que ce soit dans les moments de bonheur ou de tristesse.

    Un son, une note, une parole me glisse un message dans le creux de mon oreille.

    Le hasard ou un signe ?

    Octobre, ma tête n’entend plus que « Colchiques dans les prés », la chanson de mon enfance.

    Burn-out

    2 h 59

    Je regarde l’heure au plafond.

    J’avais complètement oublié ce passé. Pourquoi y penser maintenant ?

    Burn-out. 40 ans

    Souvenir de mes 5 ans

    Papa passe de simple pompiste à PDG pour une compagnie pétrolière. Ses amis le surnomment J. R. Pour les vacances en Corse, Papa décide d’acheter un bateau à une très belle dame. On dirait une animatrice de télévision. Elle est douce, mélancolique et froide, comme Svetlana. Mon père passe son permis en un mois.

    Fin juillet, le bateau est amarré à Solenzara. L’équipage ou plutôt les boys sont les frères de ma mère. Ils n’ont jamais eu de vacances, ils obéissent très bien. Tous les matins, mon père va à la capitainerie vérifier la météo. Même si la météo n’est pas en notre faveur, mon père décide toujours de partir. Un des frères de Svetlana en porte toujours les stigmates sur son dos.

    Force 7, on part. On est dans la cabine, mon père fume le cigare. Une odeur, des vagues, des murs… Personne ne parle. Je ne suis pas bien, une envie de… Svetlana m’attrape par le bras et me dirige vers la porte pour me sortir.

    Mon père hurle : « N’ouvre pas cette porte, tu es folle !

    Ma mère m’attache à l’escalier qui mène au pont supérieur et retourne à l’intérieur.

    Je ne vois plus son visage.

    Les vagues sont des claques, une plus forte m’assomme. Je vois la dame blanche de la maison qui me sourit.

    Je suis apaisée.

    Je me réveille, on est en train de rentrer au port. Mon père est fier, le défi est réussi.

    Svetlana, entourée de son staff, me dénoue de l’échelle.

    Elle joue à être une maman ; il y a du monde qui la regarde.

    5 heures, je pose mon stylo car je vais me coucher sans bruit, sans heurt, sans vague.

    Souvenir de mes 5 ans

    Mes parents décident de partir au ski à Isola 2 000.

    On prend la voiture. Papa met la cassette de Sardou. Nous partons. Arrivés à Nice, nous sommes arrêtés à un feu rouge. Svetlana regarde une promotion pour la Guadeloupe dans une agence de voyages.

    Cinq ans plus tard, nous habiterons dans ce quartier niçois, pendant 11 ans.

    Changement de programme, nous repartons à Paris dans l’heure qui suit.

    Le lendemain, nous prenons l’avion pour Pointe-à-Pitre.

    À l’époque : pas d’iPad, de tablette, de jeu… Je ne joue sûrement pas au jeu des devinettes avec mes parents.

    Je ne crie pas, je ne parle pas, et surtout j’écoute Sardou.

    Je ne supporte pas d’entendre un enfant pleurer, pourtant mes enfants m’ont vaccinée.

    Mes filles piquent de ces colères !

    J’ai toujours l’impression qu’il n’y a que les miennes.

    Le nombre de nuits où l’on finit dans la voiture pour ne pas réveiller les voisins.

    Burn-out. 40 ans

    2 h 58

    Chassez ce passé que je ne saurais voir.

    J’ai 7 ans, nous sommes invités chez des amis. J’aime beaucoup leur maison.

    Je me sens bien.

    Dans le salon, un cadre noir avec une photo.

    On voit la dame qui nous a vendu son bateau, à ses côtés, un jeune garçon.

    Ce jeune garçon c’est Jonathan ; il était en Corse avec nous.

    Je m’arrête net devant ce cadre : « Maman ! Maman regarde, il y a Jonathan ! »

    Svetlana, le regard noir : « Tais-toi, tu mens ! »

    Je bouillonne à l’intérieur. Je ne suis pas folle, je suis en colère. Des années plus tard, j’ai compris en regardant un magazine que, cette même année, Jonathan était mort empalé dans cette maison.

    Sa mère est une actrice française très connue que l’acteur Alain Frelon aima.

    La voiture que conduit Svetlana appartenait à cette dame.

    Montmorency, je suis en train de jouer dans le jardin. La Dame Blanche est dans le corridor.

    On est sans nouvelle de Papa depuis quatre jours. Je le vois arriver à moto avec un ami.

    Je cours dans le salon en hurlant : « Papa, Papa a un bras dans le plâtre. »

    Svetlana me regarde froidement et me dit : « Ce n’est pas beau de mentir. »

    Puis elle se précipite dans le jardin.

    Seule dans le salon, je regarde par la fenêtre. Je suis invisible, comme la Dame Blanche.

    Papa a eu un accident de voiture avec une jeune fille de 17 ans qu’il a rencontrée en boîte de nuit, et la majorité est à 18 ans. Les parents veulent beaucoup, mais alors beaucoup d’argent pour ne pas porter plainte.

    On déménage pour Boulogne. Vive la lumière et la chaleur. Adieu, Madame Blanche.

    Octobre, Burn-out

    Clamart, 2 h 56, 40 ans

    Je ris dans mon lit.

    Alain, les filles et moi attrapons une gastro-entérite. Sept jours de lessive, je n’en peux plus. J’ai travaillé dix ans sur les vols long-courriers sans jamais en avoir !

    Ma fille Mela est à la crèche depuis un an, c’est la troisième gastro !

    Je vais à la boulangerie.

    « Bonjour, Madame, je voudrais une gastro s’il vous plaît. »

    La boulangère me regarde, interloquée, prend la baguette et la lance sur le comptoir.

    Gênée, elle me répond : « Madame, je vous l’offre. »

    Je sors du magasin, épuisée. Depuis quelque temps, je fais beaucoup de lapsus. Je cherche mes mots et je perds tout.

    J’oublie tout, pourtant mon passé refait surface dans mes rêves.

    C’est la seule chose que j’aurais voulu vraiment oublier.

    Je rêve d’une couleuvre qui sort du placard de cuisine de ma belle-mère.

    Dès que je me réveille et que je regarde l’heure au plafond, je vois, chaque nuit, les trois mêmes horaires : 2 h 56, 2 h 58, 2 h 59.

    Je n’ose même plus lever les yeux.

    2 h 58. J’ai 40 ans. Le dîner. Benabar

    Je pense à l’époque où nous étions de jeunes amoureux sans soucis de 33 ans.

    Alain et moi emménageons dans un studio de 20 m² dans le dixième arrondissement. Le soir, les clochards viennent dormir dans le couloir de notre immeuble. On ressent les vibrations du métro comme on peut entendre la voisine tirer, tirer la chasse d’eau !

    Un lundi matin, je dois rejoindre une copine pour un brunch.

    Je prends le métro, les portes s’ouvrent place de Clichy. Je veux sortir mais un homme est étendu par terre. À ses côtés, deux pompiers lui font un massage cardiaque.

    Je n’ose pas l’enjamber ; on me pousse, je n’ai pas le choix. Je me colle au mur, je regarde cet homme.

    Je regarde les gens qui l’enjambent, qui râlent ou qui poussent les pompiers.

    Je prie, je prie.

    Le pompier dit à son collègue que c’est fini.

    Je vais le voir et lui tends la carte de Sainte Rita.

    « Pourriez-vous la mettre dans la poche de son pantalon ? ». Il me sourit.

    Je suis chamboulée, une boule à la gorge, je préfère rentrer chez moi à pied.

    Sur le chemin, une boutique pour artiste ; j’achète une toile, des pinceaux et de la peinture.

    Je peins un arbre avec des racines et, sur les branches, des fleurs blanches nacrées.

    Derrière ma toile, j’écris : « Hommage à un inconnu ». Je la range dans un placard.

    En peignant ce tableau, je pense que l’heure est venue pour moi de donner la vie.

    37 ans, enceinte de Mela

    Les vacances

    Je suis enceinte de huit mois, je pars chercher Lana et Alain à l’aéroport d’Orly. Ils rentrent d’un week-end en Corse.

    Je les attends au Kiss and Fly. Alain sort de l’aéroport, rouge de colère. La miss marche derrière lui, les mains dans les poches, avec son petit regard à la Lady Diana.

    Alain hurle : « J’en ai ramené des sans-papiers mais alors, une comme celle-là, jamais ! »

    Tout le monde nous regarde, j’ai envie de rire.

    Dans l’avion, Lana ne veut pas être assise seule sur son siège. Elle ne veut rester que dans ses bras. En descente, elle hurle si fort que l’hôtesse craque et donne une ceinture bébé. Alain ne veut pas céder.

    Sur le siège de devant, un jeune homme avec une grosse Breitling se retourne, exaspéré : « Mais enfin, vous ne pouvez pas gérer votre fille ? »

    Alain lui répond : « On en reparlera le jour où tu auras des enfants, abruti. »

    Le regard des autres épuise.

    Un bébé qui pleure : les parents ne répondent pas à ses besoins. Un enfant qui pleure : il est mal élevé.

    Un adulte qui pleure : il est dépressif.

    On n’a pas le droit d’être simplement triste ou en colère. Il faut cacher ses émotions pour ne pas déranger.

    Burn-out. 40 ans

    Octobre. 2 h 59. Les vacances

    Je rumine.

    J’ai mes vacances de Noël, cela fait 3 ans que j’attends ça.

    Départ pour la Corse, Mela déclenche une petite gastro dans la nuit.

    Nous prenons le premier vol du matin, je lui mets une couche. En vol, après le service, Mela me dit : « J’ai mal au ventre. »

    La consigne « Attachez votre ceinture est allumée », je lui masse son petit ventre.

    « Maman, bobo ! » Je lui dis d’être patiente. Mela hurle : « Maman, le caca, il sort ! »

    Je la détache, je fonce aux toilettes.

    Un steward vient à ma rencontre. Je lui dis : « Monsieur, je suis désolée, et j’en prends la responsabilité. »

    J’entre dans les toilettes et je verrouille la porte.

    J’entends une voix de femme : « Pour qui elle se prend ? Et en plus, elle travaille chez nous ! »

    Je tire la chasse d’eau ; je sors des toilettes avec ma fille.

    Je vois cette grande hôtesse agressive. Je m’excuse.

    Elle me parle très mal et, comme je n’ai pas dormi la nuit qui précède, je m’énerve et lui demande si c’est une façon de parler en tant qu’hôtesse.

    Elle ouvre le rideau du galley tout en souriant.

    Les passagers de devant nous regardent et c’est moi qui ai l’air agressive.

    Je comprends sa technique et je retourne m’asseoir.

    Tout l’équipage, tel un cheveu sur la soupe, vient voir où je suis assise comme si de rien était.

    À la sortie de l’avion, la commandante de bord dit au chef de cabine :

    « C’est qui ? C’est elle ?

    Direction le médecin et non pas la mer pour certifier la gastro en cas d’un petit rapport écrit dans mon dos.

    Je suis épuisée ; je n’arrive plus à faire face à l’agressivité. Je n’arrive plus à prendre du recul.

    Burn-out

    2 h 59, 40 ans

    Je me réveille avec la chanson « C’est quand qu’on va où ? » de Renaud.

    L’éducation. J’ai 7 ans.

    CP. Ma mère me fait réciter mon poème et ricane.

    Quand je dois réciter une leçon, son insulte fétiche c’est « Espèce de nouille ».

    On ressent le plaisir dans ses yeux.

    Papa, lui, n’a aucune patience mais c’est spontané, cela finit toujours en cris.

    Sa phrase fétiche : « J’étais bien meilleur au même âge ! »

    J’ai retrouvé le bulletin de ma première année scolaire ; j’avais 12 de moyenne.

    Je suis programmée à travailler mal.

    Pour ma scarlatine, Svetlana m’a fait manquer l’école pendant un mois.

    Une angine, un rhume : c’est une semaine.

    Je prenais beaucoup d’antibiotiques, mais alors, beaucoup d’antibiotiques !

    Pendant mes convalescences, on ne se parlait pas, on ne jouait pas ensemble.

    J’ai 8 ans.

    Je ne me souviens pas de ma mère en train de lire une histoire.

    Ma mère téléphonait à sa copine Malmignatte simplement pour dire qu’elle me gardait car j’étais très malade.

    Un jour, Svetlana voit une annonce dans un journal : un instituteur a fait une grande découverte. Il a créé une machine qui aide les enfants qui présentent des difficultés scolaires.

    Nous voilà tous partis en Vendée.

    Le créateur de la machine, c’est Jean-Paul, un instituteur.

    La machine, ce sont deux boîtes de conserve reliées à un fil. Mon grand PDG de papa et ma maman poule trouvent ça fabuleux.

    Juillet : je suis casée.

    Une petite colo de sept enfants, c’est chic. Cela ne fait pas trop populaire. Un grand merci à mes parents pour avoir fait ce choix car il changera le cours de ma vie. Jean-Paul n’utilisera jamais sa machine mais il travaillera sur notre estime de soi, sans crier, sans s’énerver.

    La colo n’est remplie que d’enfants « rustine ».

    Christina, sa femme, est très douce et elle chante tout le temps. Elle est grande et rousse avec un très joli sourire. Elle rit toujours aux éclats, même des blagues de son mari qui ne sont pas drôles. Elle nous emmène en forêt ; on touche les arbres avec nos mains pour ressentir leur énergie. Fermer les yeux, ressentir le vent qui entoure notre corps, et surtout parler à nos anges protecteurs.

    Un soir, je suis assise dans le jardin. Christina vient s’asseoir à côté de moi avec un livre. Dans ce livre, on voit une photo d’un couple dans un jardin. Derrière eux : un monsieur transparent. Elle m’explique que beaucoup de gens ne trouvent pas la lumière.

    La lumière, c’est l’entrée du paradis.

    Si notre mort est injuste ou violente, notre cerveau, qui est divisé en plusieurs unités, se bloque. Il faut aider les unités à se rejoindre.

    En résumé, son métier, c’est d’aider les gens à passer la lumière.

    « Rustine, tu as toi aussi le don. »

    Je souris et, dans ma tête, je me dis : « Ne l’écoutez pas, ne

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1