Le Bonheur des Tristes
Par Luc Dietrich
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À propos de ce livre électronique
Dans ce premier de Luc Dietrich, l'auteur retrace sa propre enfance tourmentée par le décès de son père et une mère toxicomane.
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Aperçu du livre
Le Bonheur des Tristes - Luc Dietrich
Luc Dietrich
Le Bonheur des Tristes
SAGA Egmont
Le Bonheur des Tristes
Image de couverture : Shutterstock
Copyright © 1935, 2021 SAGA Egmont
Tous droits réservés
ISBN : 9788728078044
1ère edition ebook
Format : EPUB 3.0
Aucune partie de cette publication ne peut être reproduite, stockée/archivée dans un système de récupération, ou transmise, sous quelque forme ou par quelque moyen que ce soit, sans l'accord écrit préalable de l'éditeur, ni être autrement diffusée sous une forme de reliure ou de couverture autre que dans laquelle il est publié et sans qu'une condition similaire ne soit imposée à l'acheteur ultérieur.
Cet ouvrage est republié en tant que document historique. Il contient une utilisation contemporaine de la langue.
www.sagaegmont.com
Saga est une filiale d'Egmont. Egmont est la plus grande entreprise médiatique du Danemark et appartient exclusivement à la Fondation Egmont, qui fait un don annuel de près de 13,4 millions d'euros aux enfants en difficulté.
A mon ami Lanza del Vasto qui, témoin de toutes mes hésitations et de mes craintes, m’a donné son temps, sa science, pour tirer de moi ce livre et qui y travailla avec une ardeur tout égale à la mienne.
I
L’horloge vissee
I
Chez l’oncle Gustave où l’on m’avait mis quand j’avais huit ans, il y avait des fleurs sur le papier : des pavots rouges dans ma chambre à coucher. L’oncle disait : « Voilà la décoration qui sied à une chambre à coucher ; le pavot c’est la fleur du sommeil. » C’étaient des yeux arrachés qui ne cessaient de pleuvoir sur moi du plafond, même la nuit quand il faisait noir, même quand j’avais fermé les paupières.
Il y avait des sortes de grottes, des lézards et des hibous durcis. Il y avait une trompe de cuivre béante, mais d’où sortaient parfois, comme de sous terre, un bruit de coutelas qu’on aiguise, des cris de femme et des plaintes de gorges qu’on étrangle.
En face de mon lit se trouvait un tableau effrayant. C’était une place de village avec des toits rouges, une église jaune et dans le clocher on avait vissé une vraie horloge, qui marquait toujours deux heures. Et là devant, mon esprit s’arrêtait, ou plutôt tournoyait comme une feuille morte dans cette place dont on ne pouvait sortir. Je sentais que dans cette place entourée de fenêtres fermées, de rues fermées, j’aurais pu attendre comme dans cet appartement à tentures l’arrivée de ma mère, impossible à cause de l’horloge arrêtée.
Tous ces gens-ci prenaient un air mystérieux quand ils parlaient d’elle. Comment peut-on mal parler de quelqu’un qui est dans une maison de santé et qui souffre ? Moi, je me souvenais de sa grande douceur.
II
Chez l’oncle Gustave il y avait des fauteuils satisfaits avec des breloques de bois qui faisaient un bruit quand on s’approchait d’eux. Il y avait un piano ventru à petits pieds et sur le piano un homme tout nu, en bronze, avec un derrière en bronze, sur lequel l’oncle Gustave posait sa main quand il me faisait la morale. Il y avait l’oncle Gustave habillé en noir avec des petits pieds chaussés de souliers noirs à groins jaunes. Sa tète était ronde et ses moustaches solides et, quand nous étions seuls, il me regardait comme un chien immobile qui va peut-être mordre.
Et comme, depuis l’histoire de l’arche de Noé, le Bon Dieu ne peut laisser à chaque couple qu’un espace raisonnable et donné, plus l’oncle s’épanouissait en rond au milieu de la vie, plus la tante Gertrude s’effaçait au long des parois, s’enfonçait dans les armoires, d’où elle sortait tout le temps avec une odeur de naphtaline. L’oncle, au contraire, avait un parfum semblable au goût sucré qui cache les purges huileuses. Il s’approchait de moi pour m’embrasser, et comme je tournais la tête, il me piquait avec sa moustache, près de l’oreille, et il me donnait une petite tape sur le derrière. Quand j’étais puni, c’est lui qui me fessait. Tous ses sentiments, de la colère à la bonne humeur, s’adressaient à mon derrière et m’étaient également désagréables. Car cette chose est à moi tout seul et je n’aime pas qu’on y porte tant d’attention.
La voix de l’oncle était basse, voilée de cuivre par moments, et la tante disait avec satisfaction : « Ton oncle a un bel organe. « Elle disait cela d’une petite voix pointue et décolorée.
Je les entendais parfois tous les deux dans leur chambre ; la voix de l’oncle bourdonnait : « Je t’assure, ma bonne ; je t’en supplie, ma bonne », et puis baissait d’un ton. Et puis celle de la tante Gertrude commençait à tourner comme une machine à coudre et puis ralentissait en petits sanglots et tout à coup elle se mettait à crachoter des éclats de rire, à crier de rire, et je pensais que sans doute il devait la chatouiller sous les pieds avec ses moustaches. Et on entendait une potiche qui se casse, et ils riaient tous les deux aux éclats, et moi je songeais que j’étais tombé dans un bien drôle d’endroit.
Les deux voix faisaient un chœur lorsqu’il fallait me corriger, car moi j’ai toujours été un cancre, même avant d’aller à l’école. La tante Gertrude ne m’envoyait pas à l’école, parce que l’école corrompt l’âme enfantine. Elle m’enseignait elle même : « Les Basses-Pyrénées, cheflieu Pau, comme un pot de chambre. » Et mon âme enfantine en éprouvait du déplaisir. Ce n’était pas ma mère qui m’aurait enseigné d’aussi laides choses.
La tante me faisait copier des mots insensés et tout d’un coup elle me dictait « quatre + quatre » et je l’interrogeais : « Quatre bananes ou quatre pommes ? » Elle s’entêtait : « J’ai dit quatre ! » alors je m’étonnais disant : « Mais si quelqu’un dans une conversation déclarait : « Quatre… » on trouverait qu’il est bête et on lui demanderait : « Quatre quoi ? »
Alors elle sortait vexée en grognant : « D’ailleurs quand on a des parents pareils ! »
III
Quand l'onde Gustave était de abonne humeur, il me trouvait gentil et me donnait dix sous.
La tante Gertrude avait des petites mains qui trouvaient toujours sur mon épaule un cheveu à grignoter ou bien un fil. Elle me chipait mes dix sous et les mettait dans une tirelire qu’on cassait à la fin et tout le monde se réjouissait en se frottant les mains, afin de me faire croire que c’est très amusant d’avoir autant d’argent. On me faisait compter cet argent et on m’achetait un costume avec.
IV
Le jour du quatorze juillet on m’avait acheté un costume en toile à sac, encore plus laid parce que j’étais puni. On m’avait déposé sur la tête un chapeau de paille et on l’avait lié sous mon menton pour m’empêcher de le retirer. On me traînait par la main au milieu de la foule où tout le monde me regardait. Au bois, j’ai vu de loin des petites filles que je connaissais et au milieu d’elles il y avait lui, l’homme. Il était beau, il avait des chaussettes tricolores, une grande cravate à pois, une petite culotte bleue, une casaque rouge avec des boutons tout en or, il tenait son chapeau à la main et il mangeait un nougat. La tante me poussa : « Va dire bonjour à tes petits amis », mais moi je me cramponnais à ses jupes : « Non, non !
— Mais qu’est-ce qu’il fait qu’est-ce qui lui prend, chenapan, va… », et tous deux constatèrent que trois agrafes avafent cédé, découvrant un morceau de jupon blanc.
V
Le pire était quand on fermait la lumière et qu’on me laissait seul pour toute la nuit dans la chambre aux pavots. Alors l’usine d’en face remuait des wagons sur des rails, déchargeait des lumières rouges à travers les persiennes. La peau de léopard rampait dans toute la chambre et les pendule » se rapprochaient de moi et balançaient leurs couperets au-dessus de mes pieds. Ma mère pleurait dans le clocher jaune où l’oncle Gustave l’avait emprisonnée. Et le léopard montait sur mon lit, moustachu comme l’oncle Gustave et il me grattait sous l’oreille avec les petites griffes de tante Gertrude.
Je m’éveillai et je trouvai sur le lit l’oncle qui mettait ses mains partout. Ses mains montaient comme de l’eau. Je suffoquais, je hurlais, je me débattais. La lumière se fit et la tante cria : « Mon Gustave, qu estce qu’on t’a fait ? » Il avait le nez griffé. Il remit en place sa cravate. Il dit : « L’enfant criait dans ses rêves, je suis venu le calmer et voilà qu’il me bat »… Et la tante caquetait : « Il maltraite son oncle, il essaie de déshabiller sa tante dans la rue ; il hurle la nuit… » Et l’oncle concluait : « Il n’y a rien à faire de cet enfant. » Ils me regardèrent alors tous deux d’un air inquiet et ils se retirèrent en bouclant les portes.
VI
Le lendemain l’oncle m’a donné dix sous que la tante m’a pris. Personne ne m’a dit que j’étais bête. On m’a laissé aller dans la cuisine et voir sur la table ce qu’il y aurait pour leur déjeuner. Je me suis mis à table en même temps qu’eux, et ils ont mis dans mon assiette une sardine et deux olives de leur hors-d’œuvre. Au lieu de la soupe de pois cassé, j’ai eu un bout de rosbif très bon, tout comme eux. Et je me demandais avec inquiétude ce qui allait arriver.
Au dessert, l’oncle a toussoté, m’a fait une espèce de sourire et m’a demandé : « Tu n’aimerais pas, mon petit, avoir de gentils camarades, enfin être dans une pension, une belle pension ? »
Et moi :
« Oh ! oui alors !… »
Et le chœur des deux voix me reprit :
« Comment, tu ne nous aimes donc pas ?
— Mais si !
— Et pourquoi dis-tu : « Oh ! oui, alors ! » ?
— Ah ! parce que c’est : « Oh ! oui, alors ! »
Le lendemain on me conduisit à la visite à Sainte-Anne.
Puis ils m’ont laissé dans une cour. On était bien là, il y avait des fleurs ; on pouvait courir, faire tout ce qu’on voulait. Un monsieur est venu, avec une barbe, suivi d’un autre qui n’avait pas de barbe, mais, par contre, une grande blouse blanche et un carnet. Le monsieur m’a demandé des choses si curieuses que je n’ai pas pu m’empêcher de rire. Mais il était très gentil, il ne m’a pas dit que j’étais bête, il ne m’a pas dit ce qu’il fallait répondre. On m’a demandé ce que je voudrais faire plus tard, j’ai dit : « Je voudrais être curé.
— Pourquoi curé ?
— Parce que j’aime le Bon Dieu. Parce que on a un beau vêtement et qu’on passe comme un enterrement. »
Ils m’ont demandé si je priais tout le temps. J’oubliais bien parfois mes prières du matin et du soir, mais je n’ai pas voulu qu’ils le sachent, j’ai dit : « Oui, tout le temps », car je sentais autour de moi comme un murmuré d’admiration.
Le monsieur a dicté : « Manie religieuse » puis il a passé à un autre.
Moi je pensais : « Manie, c’est comme vanille, c’est quelque chose de bon, et une religieuse c’est aussi quelque chose de bon : c’est comme un gros éclair au chocolat. Ils sont bien gentils ces messieurs, mais quels drôles de gens ! »
Quand ils sont partis, je me suis retrouvé avec mes petits camarades. Pendant trois jours nous nous sommes vraiment amusés. Ils étaient tous très amusants. Le Gros était gros autant que l’oncle Gustave. Il avait des chaussettes courtes, noires, avec des élastiques blancs. Il avait aussi des moustaches, mais comme des gros fils qui lui sortaient du nez. Il était vieux, il avait dix ans. Un autre tricotait continuellement en l’air avec ses mains et bavait sur ses mains avec bruit et jetait tout le temps des coups d’œil comme s’il faisait une farce, et il se pommadait les cheveux avec sa bave. Celui qui était blanc comme une borne se glissait derrière mon dos, me piquait son doigt entre les deux épaules et, comme je me retournais ahuri, il jappait de rire et recommençait avec un autre. Quant à celui qui volait nos chapeaux, il était l'ami du tondu grave qui marmottait continuellement comme une prière : « pinepinepinocon pino cupinocon. »
Au réfectoire j’étais étonné de voir combien chacun mangeait comme il voulait. Les uns pataugeaient dans leurs gobelets et le baveux saisissait son écuelle à deux mains et n’en retirait son nez et sa langue qu’après avoir tout vidé Dans la cour, rien n’était défendu et le gros au milieu d’une corbeille de géraniums jouait à faire le jet d’eau, après quoi il s’égouttait tranquillement et se reboutonnait.
VII
Puis est venu l’autobus vert du matin. On ne c m’a laissé que le tondu, on m’a poussé dans l’autobus avec d’autres que je ne connaissais pas. Plusieurs pleuraient comme s’ils étaient séparés de quelqu’un. Et on est parti. Dans Paris, ça tournoyait. Où courent-ils tous ces gens ? Peut-être que là-dedans se trouvaient le melon sage de l’oncle Gustave et la tante Gertrude comme un petit coup de règle. D’autres autobus allaient s’enfoncer entre les maisons. Puis est venue la banlieue avec ses cheminées déculottées, puis la campagne. Le ciel avait envie de pleuvoir. On s’enfuyait toujours. Une goutte s’écrasait sur les vitres. Dedans je haletais dans cette odeur d’huile, de pipi, de mangeailles remâchées. Les autres se bourraient de coups de poing, criaient et tout d’un coup rendaient. Le ciel baissait toujours. Dans la campagne vide montait un grand carré grillé ou l’autobus s’est engouffré sans ralentir. Dans la cour intérieure se dressaient d’autres grilles.
VIII
On nous a parqués tout nus dans une salle, nous étions honteux. Les uns avaient des ventres comme des joues de vieilles femmes, d’autres des derrières verts, d’autres des trous dans la poitrine où l’on aurait pu mettre le poing. On nous a tondus. Mes boucles, que les mains de ma mère caressaient, sont tombées par terre comme une saleté. Nous avions tous des crânes
