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Plume par Plume - Nouvelles de l'Au-delà
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Plume par Plume - Nouvelles de l'Au-delà
Livre électronique113 pages1 heure

Plume par Plume - Nouvelles de l'Au-delà

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À propos de ce livre électronique

Daniela I. Norris mêle un vrai talent d'écriture et une spiritualité tout en sensibilité dans ce recueil de nouvelles éthérées, comme ramenées de l'au-delà. Un festin pour le cœur, l'esprit et l'âme : chacune de ces histoires, à l'intrigue subtile, restera avec vous même lorsque vous aurez fini d'en tourner les pages.

LangueFrançais
Date de sortie31 mars 2016
ISBN9781507136393
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    Aperçu du livre

    Plume par Plume - Nouvelles de l'Au-delà - Daniela I. Norris

    Plume par Plume

    Nouvelles de l'Au-delà

    Daniela I. Norris

    Une raison de continuer

    Il y avait de l'orage dans les yeux des autres patients. Ils nous regardaient avec envie tandis que nous leur tournions le dos en ce matin gris et froid. Est-ce qu'ils pouvaient nous voir, tous les deux ? Nous partions, alors qu'eux restaient en arrière. Ou était-ce le contraire ?

    — Au revoir, Olivier ! me lança le gardien de nuit, occupé à boire son café au poste des infirmiers.

    Son chapeau sombre en fourrure ressemblait à un animal rare, qui se serait enroulé sur sa tête et me ferait un clin d’œil de ses petits yeux vitreux. Je lui rendis son clin d’œil. Le gardien de nuit m'en fit un aussi et sourit. Il ne pouvait pas savoir que le petit animal sur sa tête avait ses pensées propres, et qu'elles n'étaient pas joyeuses.

    — Fais attention à toi, Olivier, me dit l'infirmière blonde qui venait d'arriver pour sa garde du matin.

    J'attendais ce jour depuis onze mois, depuis que j'avais été admis à Saint Mandé. Onze mois de réflexion, onze mois passés à regarder autour de moi et en moi. Qu'est-ce que j'avais trouvé, qu'est-ce qui m'avait trouvé ? Les ombres obscures qui hantaient ma tête lorsque j'étais arrivé se cachaient à présent dans mon foie, dans mes reins, dans mes articulations, sous ma peau. Elles se cachaient là où personne ne pouvait les voir, mais je savais où elles étaient. Elles refusaient de sortir de mon corps... Ou peut-être que c'était moi qui refusais de les laisser partir.

    Ç’avait été une année sans visiteurs. J'avais regardé la neige hivernale fondre en ruisseaux chocolat-vanille qui me suivaient partout. Je faisais bien attention à ne pas leur marcher dessus, à ne pas interrompre leur cours. Puis les arbres dénudés avaient commencé à fleurir de bonheur, baignés dans la lumière froide du soleil d'avril, aux dents aussi pointues que celles d'un chiot. Il me réchauffait la nuque lorsque je m'asseyais sur mon banc préféré, à attendre des invités qui n'arrivaient jamais. Je regardais les autres tandis qu'ils se promenaient dans les jardins ou partageaient un gâteau et un thé bien chaud avec des visiteurs, dans un salon qui avait l'air d'appartenir à une autre époque. Ceux qui y étaient assis avaient également l'air d'appartenir à une autre époque, avec des sourires figés et des toiles d'araignée dans les cheveux.

    À dire vrai, cela ne me dérangeait pas d'être seul. Je me laissais aller à la présence apaisante qui emplissait les immenses pièces, qui s'enroulait le long des murs blancs et effleurait les hauts plafonds comme du bout des doigts. J'entendais le vent d'été qui sifflait son air mélancolique, accompagné par le son lointain d'un piano. Il sifflait dans ma direction, pour moi. Personne d'autre ne semblait l'entendre. Vouuh, vouuh, faisait le vent, et je lui répondais, en ignorant les cris de protestation des étourneaux qui ne voulaient sans doute que me distraire.

    Bien sûr que j'avais des hallucinations ; c'était à cause des médicaments qu'ils voulaient absolument que je prenne. Ils disaient qu'ils me calmeraient, apaiseraient mes nerfs, soulageraient la tension que j'éprouvais.

    Les médicaments m'apaisaient peut-être les nerfs, mais ils faisaient des choses à mon esprit. Je commençai à voir des motifs sur les murs blancs, des formes qui émergeaient, grandissaient, envahissaient tout ; elles rampaient ça et là, comme la femme dans le roman La Séquestrée de Charlotte Perkins Gilman. Comme pour elle, ma dépression nerveuse n'était que temporaire. Comme elle, je m'étais vu prescrire des toniques, des voyages, de l'air frais et de l'exercice. Et on m'avait interdit de travailler jusqu'à ce que j'aille mieux.

    Ce n'est qu'à présent que j'étais en bonne santé, mentalement stable – en tout cas assez pour être relâché dans les rues – que je commençais à m'inquiéter de l'avenir. Je voulais faire à nouveau partie d'une communauté. Est-ce que les gens se soucieraient de moi ? Est-ce que je m'étais soucié d'eux lorsque j'étais un banquier tout puissant, buvant mon café macchiato dans un gobelet en carton, dépassant ceux qui restaient assis sur le trottoir comme si leur monde venait de s'effondrer ? Je leur donnais bien une pièce de temps en temps, avec l'impression d'avoir fait ma bonne action pour le journée. Mais la plupart du temps, je passais à côté d'eux sans même y penser, et si je réfléchissais à la raison pour laquelle ils pouvaient être assis là, j'imaginais toujours que quelque chose ne devait pas aller chez eux. Peut-être qu'ils avaient perdu l'esprit.

    J'avais découvert par la suite que la folie temporaire pouvait en effet servir de bouclier contre les difficultés et les responsabilités de la vie – non pas que j'aie jamais été homme à éviter mes responsabilités. Après tout, j'avais suivi le chemin du succès, le chemin que mes parents avaient pris grand soin de tracer pour moi : une grande école, un travail bien payé, un mariage avec une femme belle à la peau parfaite. Et puis tout s'était effondré lorsqu'elle était partie. Ou peut-être que c'était les semaines de soixante heures que je passais à mon grand bureau, sur la Place du Marché Saint Honoré ; car dans mon ancienne vie, j'étais un banquier de troisième génération, enflé par ma propre importance, revêtu de costumes rayés, buvant du champagne pour conclure des accords de plusieurs millions d'euros.

    Peut-être que c'était à cause de la solitude. Je n'avais jamais eu de véritable ami avant, et certainement pas non plus après. Bien sûr, j'avais des collègues qui étaient toujours partants pour aller boire un verre après le travail. Je me souviens de soirées passées à boire jusqu'à être complètement ivres, avant de rentrer en vacillant au petit matin. Je la retrouvais en larmes dans notre lit – puis, plus tard, je retrouvais le lit vide. Je découvris comment une rivière de cadres riches, gonflés d'orgueil dans leurs costumes rayés, pouvait se changer en un filet d'âmes malheureuses. Ceux qui n'avaient personne pour les attendre, comme moi, restaient dehors toute la nuit, ou se trouvaient quelqu'un, à l'occasion. Nous ne voulions pas rentrer affronter nos quatre murs vides. Ces murs se situaient toujours dans les coins les plus chics de la ville ; mais ils n'en étaient pas moins misérables.

    Ce n'étaient pas des amis. Ils avaient bu ma chance d'être heureux, avec des glaçons et une petite ombrelle en papier. Ils avaient haussé les épaules et sympathisé lorsque j'étais devenu l'un d'entre eux, puis ils m'avaient abandonné pour partir à la recherche de leur propre bonheur. Ça, c'était avant ; après, c'était encore pire.

    Après ma tentative de suicide, il n'y eut que des murmures autour de moi ; personne ne fut assez courageux pour me dire que j'étais en train de jeter ma vie à la poubelle.

    Ils semblaient tous avoir oublié que j'existais ; mon grand bureau fut donné à un autre requin de la finance, qui allait sans doute suivre le même chemin que moi.

    Je ne me souvenais pas de la dernière fois que j'avais eu un vrai ami – si jamais j'en avais eu un. Puis un jour je le remarquai, qui me regardait de sa cachette derrière un arbre dans le jardin, et je sentis qu'il était différent. Il me faisait sourire et intéressait mon âme, à un moment où rien ne semblait pouvoir faire la moindre différence.

    Grâce à lui, je me sentis moins isolé : il m'encourageait, avec un léger sourire ou un signe de la main. Parfois, je savais qu'il était près de moi avant même de me tourner pour le regarder. Il était devenu une partie de ma vie, tout autant que la dizaine de petits cachets ronds que je prenais chaque matin, que le café trop dilué de la cantine ou que les sessions de thérapie quotidiennes avec le docteur Gérard, le psychiatre de l'institut.

    Ce compagnon, cet ami improbable, était un jeune homme d'à peu près mon âge. Il me suivait en silence où que j'aille. Il ne me disait jamais rien, et je ne lui disais jamais rien non plus. Il était si silencieux, si discret, que personne ne le remarquait.

    En général, il errait dans le jardin : je le voyais à travers les barreaux de ma fenêtre lorsque je regardais le gazon méticuleusement tondu. Le jardin du livre de Gilman était « agréable, parcouru de chemins bordés de pots, parsemé de tonnelles recouvertes de vignes qui abritaient des bancs ». Le mien était scrupuleux. La seule vue de ce gazon parfait aurait pu rendre

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