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Streams of Silver, l'Intégrale: Streams of Silver
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Livre électronique915 pages10 heures

Streams of Silver, l'Intégrale: Streams of Silver

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À propos de ce livre électronique

Découvrez l'histoire interdite, celle qui n'a jamais été contée. 

Le secret de la prophétie des elfes. 

 

Cette intégrale contient les deux tomes de la duologie Streams of Silver

 

Voici le résumé du premier tome : 

L'Amour avec un grand "A" peut-il déjouer les plans de la destinée ?

Découvrez l'histoire d'Isilda, 20 ans, une jeune Alcore se transformant en faucon.

Du jour au lendemain, toutes ses certitudes volent en éclats. Elle se retrouve propulsée dans un monde qui lui est tout à coup totalement inconnu.

Entre secrets de famille et secrets inavouables, Isilda va devoir démêler le vrai du faux.

Que pouvez-vous espérer quand tout le monde autour de vous ment ? À qui se fier quand vous êtes la seule personne a être honnête et à chercher la vérité ?

Bienvenue à Newytown, une ville pas comme les autres, située sur la côte sauvage du Nord de l'Angleterre !

 

Streams of Silver est la Version Modifiée de la trilogie Brumes à Mer

LangueFrançais
Date de sortie29 mai 2024
ISBN9798227411822
Streams of Silver, l'Intégrale: Streams of Silver

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    Aperçu du livre

    Streams of Silver, l'Intégrale - La Rose Noire

    STREAMS OF SILVER

    Tome 1

    La Rose Noire

    La Rose Noire

    Brissac-Quincé (Maine-et-Loire) – France

    Tous droits réservés © La Rose Noire, 2024

    Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit, est illicite et constitue une contrefaçon, aux termes des articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

    « Le Code de la propriété intellectuelle et artistique n’autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite » (alinéa 1er de l’article L. 122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal. »

    Playlist – Tome 1

    Introduction : Never Dawn – Lacuna Coil

    Prologue : The Quest and The Cursed – Delain

    Flight on broken wings - Eyes set to kill

    See who I am - Within Temptation

    Walking in the air - Nightwish

    Kings and Queens - 30 Seconds to Mars

    A rose for Epona - Eluveitie

    Black Vultures - Halestorm

    Not gonna Die - Skillet

    4 шага - СЛОТ

    The dark of you - Breaking Benjamin

    What do you do ? - Papa Roach

    Coma white - Marilyn Manson

    You want a battle (Here's a war) - Bullet for my Valentine

    Not strong enough - Apocalyptica

    P.O.W. - Bullet for my Valentine

    Where is the edge - Within Temptation

    Army of dolls - Delain

    Tears don't fall part 2 - Bullet for my Valentine

    Torn in two - Breaking Benjamin

    Breathe today - Flyleaf

    Lost in Paradise - Evanescence

    Pieces - Icon for Hire

    While we sleep - Insomnium

    Ategnatos - Eluveitie

    Living life (on the edge of a knife) - Buller for my Valentine

    White dress – Halestorm

    I name you under our cult – Sakis Tolis

    Reach - Eyes Set to Kill

    Familiar taste of poison - Halestorm

    Shudder before the Beautiful – Nightwish

    The Legacy of Atlantis – Imperial Age

    Worship - Eluveitie

    Tight Rope XX – Lacuna Coil

    Prologue

    Un visage de femme se dévoila dans l’eau, au milieu de l’évier. L’elfe, s’apprêtant à y plonger les racines de son orchidée malade, manqua de lâcher le pot sur le carrelage de la cuisine, au moment où une voix pleine d’écho résonna avec autorité :  

    — Il est temps de mettre notre plan à exécution, Sonia.

    — Vous m’avez fait une de ces frayeurs !

    Les mains tremblantes et le cœur battant à tout rompre, elle se tourna pour poser la plante sur la table, avant de revenir près de l’étrange apparition.

    Celle-ci ne releva aucunement sa remarque.

    — Sa famille est sur le point de la trahir. Elle va bientôt être vulnérable et seule. C’est le moment idéal pour mettre un coup de pied dans la fourmilière. As-tu toujours le vieux grimoire que je t’ai donné lors de notre dernière rencontre ?

    La jeune femme brune disparut quelques secondes de la pièce. Lorsqu’elle fut de retour, elle tenait un gros livre entre ses mains. Sa couverture abîmée, faite de cuir ancien et épais, indiquait qu’il avait traversé les âges.

    — Oui, le voici.

    — Fort bien ! ouvre-le à présent.

    L’elfe s’exécuta.

    Un bout de papier blanc, moderne et déchiré, tomba sur le sol. Elle le ramassa, puis le lut.

    Il s’agissait d’une série de chiffres.

    — Qu’est-ce que c’est ?

    Sans réponse, elle jeta un coup d’œil aux pages du grimoire. Des schémas, ainsi que des listes d’ingrédients, plus mystérieux les uns que les autres, ornaient des écrits ressemblant à des recettes et à des incantations.

    — Transmets ce livre aux Fuméens et aux Tersors, accompagné de ces coordonnées, et explique-leur que ce sont celles du point de rencontre des Alcores et des Hiféins. C’est tout ce dont ils ont besoin pour pouvoir contourner les sortilèges de protection et d’illusion de leurs ennemis.

    Sonia replaça le bout de papier, puis referma l’ouvrage.

    Le visage disparut alors de l’eau. 

    Chapitre 1

    J’avançai lentement au bord du précipice, face à la mer agitée. Tournée vers l’horizon, je fermai les yeux et inspirai profondément.

    Une délicieuse odeur iodée chatouilla mes narines.

    Je rouvris les paupières et observai le dégradé de couleurs pastel du soleil levant transpercer le ciel lourd et orageux, là où les flots se terminaient.

    J’aimais cet endroit.

    Il m’apaisait.

    Les vagues déchaînées heurtaient avec force l’immense paroi rocheuse. Le vent, encore frais pour la saison, soufflait en rafales sur la côte.

    Pourtant, je n’étais aucunement déstabilisée.

    Bien au contraire, j’adorais me retrouver sur les falaises dans ces moments-là.

    Le chant des goélands retentissait au-dessus de moi. Mes mèches noir corbeau virevoltaient autour de mon visage, alors que le reste de mes cheveux était noué en couettes basses de chaque côté de mon crâne.

    L’odeur en provenance du large m’avait toujours fait cet effet. Enfant, ma grand-mère Elerinna m’emmenait sur les hauteurs. Chaque fois que je m’y rendais, mon cœur s’emplissait de nostalgie, avant de retrouver son calme habituel.

    J’avais l’impression de la retrouver. Cependant, ce n’était qu’une impression puisqu’elle était déjà décédée depuis de nombreuses années à présent.

    Je continuai d’avancer au bord de la falaise.

    Bientôt, j’effleurai le vide.

    Baissant les yeux, j’aperçus la brume en contrebas, au pied du piton rocheux. Par endroits, l’écume et les vagues s’écrasaient sur la roche aiguisée telle des lames acérées. Malgré mon incapacité à distinguer les rouleaux, je pouvais entendre leur lourd fracas.

    Face au ciel menaçant, je pris une longue inspiration et étendis mes bras sans peur. Les paupières à présent closes, je sautai dans le vide.

    Le souffle du vent sifflait dans mes oreilles et fouettait mes joues à mesure que je me rapprochais d’une mort inévitable.

    Toutefois, j’étais parfaitement détendue.

    Je ne craignais rien, tout se passerait sans douleur.

    Ma chute me procurait un sentiment d’ivresse.

    Tomber ainsi, sans rien pour me retenir, faisait naître en moi une puissante dose d’adrénaline.

    L’air ne parvenait plus à mes poumons, à cause de la vitesse. Il ressemblait à un mur invisible que je brisais avec force, les bras à présent rétractés le long de mon corps menu.

    Alors que m’écraser sur les rochers semblait inéluctable, je me transformai.

    Je sentis mes membres prendre de l’importance, ce qui déclencha une sensation de tiraillement un peu partout à l’intérieur de moi et de mes muscles.

    Mes os rétrécirent et s’amincirent, comme si on les compressait. Mon nez aquilin s’allongea, tout comme ma lèvre inférieure, pour former un bec sombre et crochu.

    Des plumes poussèrent sur ma peau, provoquant de nombreux picotements à la surface de mon épiderme.

    Elles composèrent bientôt mon plumage cendré.

    Mes jambes s’affinèrent et mes pieds se divisèrent pour se muer en de puissantes serres jaunes. Mes yeux grossirent. Mes iris firent place à deux billes noires opaques. Mon regard devint plus profond et ma vue se modifia, me rendant ainsi capable de transpercer l’épaisse couche de nuages qui se rapprochait dangereusement de moi.

    Je mis subitement fin à ma chute au niveau des vagues.

    Mes pattes se rétractèrent alors que j’étendais mes ailes. Ma respiration se bloqua à l’ouverture de mon envergure. Un choc puissant me tira tout à coup vers le haut, et je m’envolai.

    Le faucon s’était emparé de moi. Le souffle du vent frôlait mes plumes, parfois même s’engouffrait jusqu’à ma peau, me faisant frissonner.

    J’étais seule, libre, et en communion avec moi-même.

    Voler était le rêve d’Icare. Mes compères et moi, nous le réalisions.

    J’avais toujours aimé cette sensation unique de liberté, de voler où bon me semble, portée par les courants, dans le plus grand des anonymats.

    Ce n’était pas comme si je risquais ma vie de cette façon. J’étais bien plus en danger sur un champ de bataille. Sauter du haut des falaises, tôt le matin, me permettait de m’évader de mon quotidien, sans être vue par les humains.

    Mon animal de transformation me correspondait bien. Le faucon est vif quand il le veut, d’un grand calme le reste du temps, un peu à part chez les siens, et c’est un excellent chasseur. On retrouvait beaucoup de ces traits en moi.

    Fille du chef des Alcores, nom donné au clan des humains élémentaires de l’Air, j’étais une personne plutôt effacée et intégrée en société.

    Ainsi qu’une redoutable guerrière.

    L’élément que je maîtrisais allait lui aussi parfaitement avec mon caractère, plutôt solitaire et volontaire.

    Force tranquille, l’Air est a priori inoffensif... jusqu’à ce qu’il se déchaîne en tempête.

    Là, il fait des dégâts. Beaucoup de dégâts.

    Portée par le vent, vers le large par-delà la côte, je profitai de ce superbe spectacle que la nature m’offrait, frôlant de mes plumes l’eau mouvementée.

    Depuis plusieurs dizaines de minutes, je volais au-dessus de la mer. Je commençais à sentir des douleurs dans mes ailes. Il était temps que je me rapproche de la terre.

    Ma mission de surveillance devait se terminer, avant d’être localisée par un ennemi ou que mes capacités ne me lâchent brusquement.

    Je baissai la tête pour observer les flots défiler sous mes serres. L’eau agitée reflétait légèrement l’ombre du rapace que j’étais devenue. Puis je me dirigeai vers la forêt, non loin des immenses falaises rocheuses et abruptes.

    Au-dessus de la côte escarpée, une scène inhabituelle m’interpella.

    Quatre silhouettes se dessinèrent sur la plage.

    J’effectuai un virage pour me rapprocher d’elles, tout en faisant attention de ne pas être détectée.

    Je les observai et les reconnus immédiatement.

    Il s’agissait des Mac Lagen. Des personnes qui, comme moi et ma famille, avaient écrit l’histoire de cette ville, à travers la guerre ancestrale que nous nous vouions.

    Leur clan était ennemi du mien depuis mille ans. Ils se nommaient : les Fuméens. Leurs membres maîtrisaient aussi la magie élémentaire. Cependant, eux manipulaient le Feu. Ils se transformaient en félins de plus ou moins grandes tailles.

    J’arrivai dans la forêt de conifères à bout de souffle.

    Mes ailes me tiraillaient, un peu comme des crampes, et mes paupières se fermaient toutes seules.

    Restée trop longtemps au-dessus des vagues, j’en payais à présent le prix.

    Après avoir scanné les lieux de ma vision perçante, je me perchai sur une branche assez haute. Elle était suffisamment grosse pour supporter le poids d’un faucon, me permettant ainsi de me reposer. Il n’y avait aucun animal, ni même aucun bruit autour de moi.

    Pourtant, mon répit fut de courte durée.

    Mon regard se tourna vers le sol.

    Happé par un des rares rayons de soleil de la matinée, quelque chose de brillant retint mon attention.

    Je descendis de mon perchoir, sans méfiance, poussée par la curiosité, et atterris par terre.

    Vu de plus près, l’objet ressemblait à un bijou... Une boucle d’oreille peut-être... Mais je n’eus pas le temps de le vérifier. 

    Chapitre 2

    Une énorme masse sombre bondit sur moi pour me clouer au sol. Mes plumes se dressèrent sur mon corps alors qu’un sursaut se faisait sentir dans ma poitrine.

    Sur le dos, les ailes écartées, je ressentais le poids considérable de ce qui m’empêchait de bouger.

    Deux grands yeux argentés m’observaient intensément, comme s’ils voulaient me transpercer. Il me fallut quelques instants avant de comprendre ce qui se passait.

    La bête rugit, dévoilant ses longues canines étincelantes. Ses griffes, presque aussi grosses que des doigts, me bloquaient avec force sur l’herbe encore humide.

    Je tentai de me relever. En vain.

    Même si le prédateur errait régulièrement dans les alentours de Newytown, la ville ne correspondait pas à son habitat naturel.

    C’était un jaguar noir. Un félin quasi légendaire.

    Soudain, ce dernier se figea. Son corps se glaça brutalement. Il ne pouvait plus bouger.

    Je repris alors forme humaine.

    Mes os grandirent et grossirent. Les deux parties de mon bec se séparèrent pour redevenir des lèvres roses, laissant de nouveau passer l’air entre elles. Mon champ de vision diminuait à mesure que le blanc, puis le noir de mes iris, s’emparaient de mes yeux. Mes membres s’étirèrent pour retrouver leur taille humaine. Mon plumage se rétracta à l’intérieur de mon épiderme, me chatouillant au passage.

    Puis mes vêtements, disparus momentanément grâce à la potion ajoutée à notre lessive afin de nous permettre de ne pas avoir à nous déshabiller lors de notre métamorphose, réapparurent.

    Enfin, je sentis de nouveau ma chevelure ébène dans le creux de mon cou.

    Je me relevai rapidement et m’éloignai de mon ennemi. Deux de mes alliés m’attendaient à quelques mètres.

    — Eh bien ! Tu y as échappé bel, Isy !

    Simon arborait son habituel sourire narquois, alors que sa sœur Roxanne manifestait sa panique.

    — On devrait y aller, avant que Victor ne se réchauffe !

    J’acquiesçai.

    Cependant, il était déjà trop tard. Le Fuméen venait de se libérer de sa prison de glace et débutait sa transformation à son tour.

    Sa fourrure foncée, épaisse et parsemée de rosettes, disparut progressivement, laissant apparaître sa peau claire. Ses moustaches se rétractèrent au niveau de ses babines. Son corps et sa tête massifs, faits de muscles principalement, retrouvèrent la finesse des courbes humaines.

    En quelques secondes, un grand jeune homme aux cheveux longs et noirs se tenait devant nous. Il préparait déjà deux boules de feu entre ses mains.

    Je me mis en position de défense.

    Cependant, le combat ne s’engagea pas.

    Victor déclencha des flammes entre nous pour nous empêcher de le voir. Il s’éclipsa pendant que le feu se propageait.

    Roxanne avait déjà commencé à créer une masse d’eau au-dessus d’elle. Elle la termina, avant de la lancer pour éteindre l’incendie.

    — Un dimanche matin habituel à Newytown ! ironisa ma meilleure amie.

    Je me mis à rire en m’avançant vers elle pour lui faire une accolade afin de la saluer.

    J’étais heureuse de la voir.

    Nous avions eu une semaine chargée toutes les deux, ce qui nous avait empêchées de passer du temps ensemble, comme nous en avions l’habitude.

    Roxy et moi avions le même âge, même si nous n’étions pas nées la même année. À l’époque, nous pouvions encore nous qualifier de « meilleures amies du monde », bien que les choses aient déjà commencé à se dégrader entre nous.

    Notre complicité se ternissait de jour en jour, sans aucune réelle explication. Cependant, nous restions proches.

    Quant à Simon, il était son grand-frère et avait deux ans de plus qu’elle. C’était un allié, mais je ne pouvais pas réellement dire qu’il était mon ami. Nous avions grandi dans deux familles complices, c’est tout.

    — Alors, comment ça s’est passé là-haut ? me demanda mon amie pour changer de conversation.

    — Je n’ai pas vu grand-chose, si ce n’est les autres membres de la famille Mac Lagen sur la plage.

    Roxanne fronça les sourcils.

    — Ça explique la présence de Victor. R.A.S. de notre côté.

    — Vous ne trouvez pas ça bizarre, vous ? Les Fuméens détestent s’approcher de l’eau. Il n’y a que Victor qui est capable de le faire, alors pourquoi le reste de sa famille se serait rendue sur la plage ? s’enquit Simon.

    Je haussai les épaules.

    Était-ce une information importante ? J’en doutais.

    Cependant, il n’avait pas tort. C’était inhabituel.

    De plus, les trois enfants Mac Lagen étaient presque tous adultes et majeurs. Il devenait rare qu’ils se retrouvent en famille de cette manière.

    L’héritier des Hiféins interrompit ma réflexion :  

    — Mesdemoiselles, je ne voudrais pas vous affoler, mais Victor n’était visiblement pas seul. On ne devrait pas rester ici.  

    J’acquiesçai silencieusement.

    Les Mac Lagen était la famille à la tête du clan du Feu. Leurs pouvoirs étaient considérables. Même si nous étions nous-mêmes les enfants de nos deux dirigeants, nous ne faisions pas le poids face à eux.

    — Tu as raison ! Et je pense que mon père, comme le vôtre, attend avec impatience les résultats de notre tour de surveillance.

    Roxanne hocha également la tête en signe d’approbation. Nous partîmes donc tous les trois, avant de prendre chacun une direction différente pour ne pas attirer l’attention.

    Sur le trajet retour, alors que la brume disparaissait, tout comme les nuages d’orage, j’eus la désagréable impression que l’on m’observait.

    Anxieuse, je me retournai plusieurs fois.

    Personne.

    La forêt était silencieuse. Seul le vent brisait la tranquillité des lieux. Pourtant, je sentais la présence de quelqu’un ou de quelque chose près de moi... J’en étais persuadée.

    Je rejoignis l’endroit où j’avais laissé ma voiture, à une dizaine de mètres du bord de la falaise.

    Toujours seule en apparence, j’entrai dans mon véhicule et mis le contact. Avant de prendre la route en direction de la ville, je jetai un coup d’œil inquiet dans les rétroviseurs.

    Je secouai la tête.

    Quelle idiote !

    J’étais bel et bien seule. 

    Chapitre 3

    La merveilleuse odeur du thé, celle du café moulu et celle des crêpes, embaumaient toute la maison.

    Ma famille, c’est-à-dire mon père Philippe, ma mère Nathalia, mon grand frère Mickaël et mon frère cadet Jimmy, était attablée dans la cuisine et prenait le petit-déjeuner.

    Je m’assis avec eux.

    Tout était déjà servi ; plusieurs pots de confiture, coings, fraises et marmelade d’oranges amères, étaient ouverts avec une petite cuillère pour se servir dans chacun d’eux, la motte de beurre demi-sel ainsi que son couteau, et le thé noir que nous avions l’habitude de consommer.

    Je remplis une tasse et entamai une crêpe déposée dans l’assiette devant moi. Elle était délicieuse, avec une pointe de rhum pour rehausser son goût, comme le faisait ma grand-mère maternelle de son vivant.

    Ma mère, une femme d’une quarantaine d’années, assez petite, menue et élégante, portait des lunettes rectangulaires et avait des cheveux blonds mi-longs.

    Je me souviens encore aujourd’hui de son parfum : un mélange de roses et de diverses odeurs florales, toutes plus agréables les unes que les autres.

    Il lui correspondait bien, même si son caractère aurait mérité quelques nuances un peu plus épicées.

    Debout près des fourneaux, maman fut la première à me questionner sur mon tour de surveillance. Elle s’essuya les mains sur son tablier, avant de se tourner vers moi :  

    — Rien à signaler ?

    Je répondis après avoir fini ma bouche.

    — Rien de très passionnant ! Une attaque de Victor et j’ai vu le reste de la famille Mac Lagen près de l’eau.

    N’insistant pas sur le sujet, je continuai mon repas.

    — Quelqu’un me passe la marmelade ?

    Mon père leva la tête de son téléphone.

    Il n’avait pas encore touché à son assiette.

    — Tu veux dire les parents et tous les enfants ? Tu as vu autre chose ?

    Je bus une gorgée de thé en manquant de me brûler le palais et de tout recracher, avant de répondre de manière naturelle. Tout ça ne m’inquiétait guère. C’était inhabituel, mais nous avions l’habitude des choses inhabituelles dans cette ville.

    — Oui, c’est bien ça.

    Le chef des Alcores plongea ses yeux intenses dans les miens. Il m’observa longuement, comme s’il voulait lire à travers moi. Un frisson remonta le long de ma colonne vertébrale. Je détournai la tête après quelques instants.

    Je détestais quand il faisait ça.

    — Nous allons rester sur nos gardes.

    Sans plus insister, il retourna sur son écran. Ma mère le fusilla du regard en se raclant la gorge. Elle avait toujours instauré le petit-déjeuner à la française (héritage de nos lointaines origines) tous les dimanches matin en famille, et gare à celui qui ne respectait pas cette tradition !

    Papa, irrité par l’attitude de sa femme, posa brusquement son portable sur la toile cirée. C’était compliqué pour lui de ne pas penser à son entreprise ou à ses responsabilités vis-à-vis de notre clan. Quel que soit le jour de la semaine, ça n’avait aucune espèce d’importance. Il travaillait et dirigeait son peuple d’une main de fer, en toutes circonstances.

    Nous avions un grand respect pour cet homme.

    Pour être honnête, il nous faisait même un peu peur.

    Tout dans son attitude et son physique inspirait l’autorité.

    Sa carrure imposante en impressionnait plus d’un. Ses cheveux longs et blonds lui donnaient un air sage et ses épais sourcils marquaient une certaine sévérité sur son visage.

    Sa manière de s’habiller, en polo ou en chemisette suivant la saison, contribuait à accentuer son côté chic et inatteignable.

    L’ambiance dans la cuisine s’alourdit en un instant lorsque mon père interpella mon petit frère, de sa voix rauque et puissante. Maman, Mickaël et moi échangeâmes un regard inquiet. Une boule se forma dans ma gorge.

    Je reposai ma fourchette, en silence.

    — J’ai reçu un message de Madame Alphonse. Comment ça tu t’es battu en cours d’anglais ?

    Le chef de famille se grandit et releva le menton pour asseoir sa supériorité. Jimmy, devenu livide, baissa les yeux vers le carrelage.

    Bien qu’il eût l’habitude de se rebeller, il savait qu’on ne plaisantait pas avec les études. D’autant plus qu’il n’était en aucun cas un garçon studieux.

    — C’est pas ma faute pa’, c’est Maxens qui...

    — Je ne veux pas le savoir !

    Il tapa du poing, impassible.

    Nous sursautâmes. La table trembla sous la violence du coup et les couverts s’élevèrent brièvement pour retomber aussitôt.

    Rien ne justifiait une telle attitude dans un établissement scolaire pour le chef des Alcores ! Il nous le rabâchait depuis que nous étions entrés à l’école.

    Mon petit frère se leva d’un bond pour quitter la pièce.

    Maman, Mickaël et moi assistions à la scène sans intervenir, les yeux rivés sur nos assiettes respectives.

    Il ne valait mieux pas envenimer la situation.

    — Assieds-toi ! Cette discussion n’est pas terminée !

    Il y eut un bruit sec. Le mur de la cuisine chancela. Je sursautai sans prononcer le moindre mot, tout comme mon grand frère et ma mère.

    Jimmy n’avait pas pu sortir. Furieux, papa avait claqué la porte d’un geste de la main, en un courant d’air qu’il avait créé à l’aide de ses pouvoirs.

    J’aurais aimé quitter la pièce sans me faire remarquer, car l’atmosphère était devenue irrespirable. Bien que la colère de notre père ne fût en aucun cas dirigée vers moi, je n’osais faire le moindre mouvement par peur de l’irriter d’autant plus.

    Je restai donc stoïque, le regard fixé sur ma tasse de thé, jouant nerveusement avec ma bague.

    Jimmy se rassit lentement, tête baissée.

    Je posai ma main sur son bras en signe de compassion. Moi aussi j’avais essayé de me rebeller contre l’autorité du chef des Alcores, mais j’avais à présent compris que toute tentative était vaine.

    Mon petit frère se dégagea, pendant que mon père continua de l’accabler :  

    — Maintenant, explique-toi !

    Il ne répondit rien. 

    Mickaël reposa son mug après avoir bu une gorgée de café. Son air amusé et malicieux me fit comprendre qu’il n’avait aucune intention d’apaiser les tensions familiales.

    — C’est sûrement parce qu’il n’a toujours pas ses pouvoirs !

    Ses cheveux courts et blonds en bataille, ainsi que sa carrure liée à sa musculature développée, contrastaient beaucoup avec son côté joueur et espiègle. À côté de lui, notre petit frère avait l’air d’un vrai gringalet.

    Mickaël avait raison et, comme souvent, son intervention bouleversa maman. Elle se précipita sur son plus jeune fils et l’enlaça fort. Elle posa son menton sur ses cheveux raides et clairs.

    Irrité, Jimmy ne pouvait quasiment plus respirer. Il essaya de se dégager. Sans succès.

    — Arrêtez de vous moquer de lui !

    Notre mère continua d’enlacer son fils comme un bébé.

    Elle faisait toujours ça quand nous plaisantions sur le fait qu’il n’avait pas encore ses pouvoirs.

    C’est vrai, ce n’était pas très intelligent, mais cette petite taquinerie nous permettait de décompresser et l’attitude de maman nous amusait beaucoup.

    D’ailleurs, nous n’étions pas les seuls, puisque notre père prenait souvent part à nos bêtises.

    — Ne l’écoute pas, mon ours en peluche ! Tu sais bien qu’ils ne vont plus tarder à apparaître.

    Mickaël et moi, nous nous regardions en imitant notre mère de manière caricaturée.

    Papa nous fit alors un sourire en coin.

    Il trouvait que sa femme surprotégeait son cadet et se posait même la question si ses pouvoirs ne mettaient pas du temps à arriver à cause de son attitude trop étouffante.

    Dans notre clan, nous avions l’habitude de découvrir nos capacités d’élémentaire avant l’âge de douze ans. Jusqu’ici, il n’y avait jamais eu d’exception connue à cette règle.

    Jimmy avait quatorze ans, allait même en avoir quinze d’ici deux mois, et aucun don lié à l’Air ne se manifestait, en dehors de sa métamorphose.

    C’était d’ailleurs pour cette raison qu’au collège tout le monde se moquait de lui. En particulier, ses camarades appartenant aux deux clans ennemis du nôtre : les Fuméens et les Tersors, ceux maîtrisant respectivement le Feu et la Terre.

    La situation se compliquait de jour en jour, car il était une cible facile. Ce retard nous préoccupait beaucoup.

    Chapitre 4

    Le midi, après avoir terminé de déjeuner, je grimpai l’escalier menant à l’unique étage de la maison et entrai dans ma chambre.

    Sa décoration, choisie par ma mère à mes treize ans, était un peu kitch britannique, avec des fleurs multicolores, des couleurs pastel, de la moquette rose poudré et des coussins blancs en fausse fourrure.

    Je la détestais. Elle ne me correspondait absolument pas.

    Côté mobilier, rien de bien transcendant non plus : un petit bureau ivoire, un lit deux personnes surmonté d’un matelas épais, une armoire avec penderie, une commode pour ranger mes vêtements, ainsi que deux tables de nuit.

    Il y avait pourtant une touche personnelle au milieu de ce décor digne des plus grands magazines de mode ; une dizaine de photographies représentant ma famille et mes amis étaient accrochées sur la porte. On pouvait notamment reconnaître Roxanne et sa petite sœur Emily sur plusieurs d’entre-elles.

    Ma chambre n’avait pas beaucoup changé au fil des années. Il n’y avait jamais eu de posters de chanteur, ni même d’objets ramenés de voyage.

    En effet, comme n’importe quelle autre personne dotée de pouvoirs magiques, j’étais condamnée à vivre à jamais dans la région de Newytown.

    Pourtant, cette réalité ne me déplaisait guère. Élevée dans cette optique, on ne m’avait jamais caché cette facette de mon futur.

    Bien sûr, lors de mon adolescence, j’avais voulu échapper à cette prison dorée, au même titre qu’une grande partie des membres des clans.

    Cependant, en vieillissant, confrontés à la mort et aux combats au quotidien, nous considérions progressivement notre situation comme positive.

    L’un des avantages, et non des moindres, c’était qu’ici, nous nous protégions les uns les autres. Grâce à ça, je ne risquais rien quant à la découverte de mon identité par les humains, ou comme nous les appelions : les Neutres.

    Nos ancêtres les avaient nommés ainsi parce qu’ils vivaient dans l’ignorance de l’existence de notre monde impitoyable.

    Même si beaucoup d’habitants de notre région étaient humains, chaque clan possédait des membres à des postes stratégiques, tels que l’Hôtel de Ville, les journaux ou encore les hôpitaux.

    Il n’était pas rare que des faits curieux soient rapportés par les Neutres. Toutefois, les personnes présentes dans ces instances faisaient disparaître avec finesse, tout témoignage ou preuve pouvant attester de notre véritable nature.

    Et il y avait de quoi faire ! On ne comptait plus le nombre d’humains ayant croisé une panthère, un ours ou même un lion en ville ou en forêt.

    Fort heureusement, l’esprit des Neutres est facilement manipulable. Nous pouvions donc aisément leur faire croire ce que nous voulions pour expliquer la présence de tout phénomène étrange ; un animal égaré en provenance d’un cirque ou de chez un particulier était notre excuse préférée.

    Cependant, je dois avouer que depuis quelques mois, plusieurs humains influents ouvraient les yeux ; ils ne croyaient plus du tout en les discours officiels. Nous savions qu’ils menaient l’enquête discrètement et nous gardions un œil sur leur avancée.

    Je m’assis en tailleur sur mon lit et saisis mon ordinateur portable.

    L’après-midi ne faisait que commencer.

    J’avais révisé toute la matinée pour les partiels et je pensais à présent passer la seconde partie de mon dimanche sur Internet, à jouer à mon jeu favori : Become Fantastic.

    C’était un MMORPG[1] médiéval-fantasy à l’intérieur duquel j’incarnais depuis plusieurs années une jeune femme nommée Blackrosé, dans une guilde[2] plutôt bien placée dans le classement mondial.

    Après avoir joué plus de deux heures, je fis une pause et descendis dans la cuisine pour boire un verre d’eau.

    Les voix des personnes installées dans la salle à manger traversaient la fine paroi entre les deux pièces. Un peu plus tôt, j’avais entendu l’arrivée de Jacques et Simon Thomas.

    Je ne fis pas trop attention au sujet de la conversation, jusqu’au moment où mon nom fut prononcé.

    Interpellée et poussée par la curiosité, je me précipitai à l’extérieur de la cuisine pour les écouter discrètement.

    Je me dirigeai alors vers la double porte qui séparait l’entrée du salon-salle à manger :  

    — Comment lui faire accepter ça ? On la connaît tous, c’est un électron libre.

    Je pouvais sentir une certaine préoccupation dans le ton du père de Roxanne.

    — Simon, je compte sur toi pour t’en occuper. Tu as carte blanche ! Je te permets d’utiliser tous les stratagèmes pour y parvenir, intervint le chef des Alcores avec autorité.

    — Tous les stratagèmes ? demanda ma mère, inquiète.

    — Absolument tous les stratagèmes.

    Mon cœur s’emballa.

    Je ne savais pas de quoi ils parlaient. Néanmoins, j’étais concernée et ça ne me disait rien qui vaille.

    Je collai mon oreille à la porte pour mieux entendre :  

    — Vous croyez que ça réglera le problème ?

    Visiblement, Mickaël était là aussi.

    — Nous en sommes persuadés, répondit Jacques d’une voix pleine d’assurance. Il n’y a aucune raison pour que ce ne soit pas le cas.

    Je déglutis.

    — Par la grande Estria ! Qu’en savez-vous ?

    — Remettrais-tu en question nos décisions, Nathalia ? aboya mon père.

    Il n’y eut aucune réponse.

    — Bien ! Nous sommes donc d’accord. Nous reparlerons de tout ça un peu plus tard.

    Les chaises raclèrent sur le carrelage.

    Je m’éloignai soudain. C’était le moment de m’éclipser.

    Pour être sûre de ne pas être vue, j’utilisai mon élément pour former à la surface de ma peau de légers mouvements d’air qui me permirent de prendre ma forme invisible.

    Je montai alors les marches de l’escalier quatre à quatre.

    De retour dans ma chambre, je redevins tangible. La conversation que je venais d’entendre résonnait dans mon esprit.

    Je m’assis pour reprendre mon jeu. L’angoisse tiraillait mon estomac. De quoi parlaient-ils ?

    Que voulaient-ils me faire accepter ?

    Pourquoi demander à Simon de s’en occuper ?

    Il y avait quelque chose d’étrange là-dedans, je le sentais au plus profond de mon être...

    Cependant, quel que soit leur plan, je n’avais aucun moyen de le connaître. Je devais faire comme si je n’avais rien entendu. Pour le moment en tout cas.

    Je tendis la main vers l’une des tables de nuit où trônait un objet que je chérissais particulièrement : un magnifique réveil en bois, héritage de ma grand-mère maternelle. Il ne ressemblait à aucun autre. C’était un réveil magique, créé il y avait de ça plusieurs siècles.

    Je l’aimais beaucoup, car il était la dernière chose qu’il me restait de mes grands-parents. Lorsqu’on l’allumait, les animaux évoquant mon clan et celui de nos alliés, c’est-à-dire des oiseaux et des sirènes, s’animaient autour d’un décor naturel.

    La scène représentait une lisière de forêt où une magnifique chute d’eau, ainsi que son ruisseau, s’écoulaient nonchalamment.

    Les différents animaux et la végétation prenaient vie lorsque l’on passait la main devant le faucon pèlerin, perché sur une vieille branche, en haut de la cascade.

    Ce rapace était mon animal de transformation. On m’avait expliqué plus jeune que beaucoup de femmes de notre famille s’étaient métamorphosées ainsi. Je perpétuais donc la tradition.

    J’allumai mon réveil d’un geste de la main. Tout ce petit monde féerique s’anima.

    J’adorais ce décor, il m’apaisait presque autant qu’une escapade sur les falaises. Chaque soir, je le mettais à sonner pour le lendemain, et chaque matin, je me réveillais avec les sons de cette nature miniature.

    Rapidement, les battements de mon cœur ralentirent leur course effrénée. J’attrapai alors mon ordinateur, le posai sur mes genoux et l’ouvris pour reprendre le jeu.

    Après une petite demi-heure, alors que j’étais en pleine quête avec Blackrosé, je sursautai en entendant le vibreur de mon portable.

    Je saisis ce dernier, afin de jeter un œil au message. Il venait de Roxanne et était assez court. Elle me proposait de la rejoindre chez elle le lendemain après la fac, avant de nous rendre à l’entraînement.

    Je le lui confirmai.

    Quelques secondes plus tard, je reçus une réponse de mon amie.

    Mercredi soir tu es libre ? Il y a une nouvelle boîte de nuit sur la route de Drawick. Mickaël m’a invitée et Simon n’accepte de venir que si toi aussi tu es là.

    Un nouveau night-club ? Il y avait eu quelques discussions au sein de ma promotion à ce propos. Cependant, je n’y avais pas vraiment prêté attention. Ce genre de lieu n’était pas ce que j’affectionnais le plus.

    Mais pourquoi pas après tout ? Ça me changerait les idées. Les partiels me préoccupaient pas mal ces derniers temps.

    Je répondis donc positivement à son message et repris le cours de ma quête fantastique.

    Chapitre 5

    Ma nuit avait été agitée à cause de la conversation que j’avais surprise à mon propos. Elle tournait en boucle dans mon esprit, comme une mauvaise ritournelle...

    Lorsque je me levai le lendemain matin, j’avais tellement mal dormi que je n’entendis pas mon réveil.

    Les paupières à peine ouvertes, je pris soudain conscience de l’heure avancée.

    Je bondis hors du lit et m’habillai à la vitesse de l’éclair.

    Une fois apprêtée, j’attrapai à la volée mon sac, y insérai mon ordinateur, ainsi que ma pochette, dévalai les marches de l’escalier et m’emparai de mes clés, avant de quitter la demeure encore silencieuse.

    Ma voiture, une petite citadine, avait déjà une bonne dizaine d’années. Néanmoins, elle me permettait d’être libre et de me déplacer sans dépendre de qui que ce soit. Malgré son aspect plutôt miteux, j’en étais fière, car je l’avais payée à la sueur de mon front, grâce aux extras effectués dans le restaurant de mon oncle.

    À présent à l’intérieur, je nouai rapidement mes cheveux, avant de tenter de démarrer. Poussant la clé un peu plus fort, comme si ça allait changer quelque chose, je râlai et implorai mon véhicule.

    Ma voiture toussota une dernière fois. Soulagée, je soufflai un grand coup lorsque le moteur se mit à tourner et que je quittai le lotissement.

    Il faisait beau ce matin-là. Le trafic routier était assez dense sur le périphérique, mais rien d’inhabituel pour un lundi de début de mois.

    Après vingt minutes de trajet, je me garai sur le parking de l’université. J’avais rattrapé une partie de mon retard sur la route.

    Je fus tout de même obligée de m’installer au dernier rang dans l’amphithéâtre, l’endroit le moins calme.

    Je sentais déjà que ce cours d’économie ne serait pas comme les autres...

    Après m’être assise sur le siège rabattable, je sortis mon ordinateur portable, ainsi qu’un carnet de notes et un stylo que je déposai sur la petite tablette en bois.

    Le cours commença.

    Rapidement, j’eus du mal à suivre à cause du bruit. Des étudiants jouaient sur leur téléphone, d’autres se faisaient un morpion.

    J’étais au bord de l’endormissement, lorsque ma voisine de gauche m’interpella. Je sursautai.

    — Dis-moi, ai-je bien entendu ou le professeur vient de prononcer le mot « Fuméens » ?

    Je me retournai subitement vers elle, déconcertée.

    Comment une Neutre connaissait-elle l’existence de ce terme ? Cette personne m’était totalement inconnue, je ne pensais pas non plus l’avoir déjà croisée à l’université.

    Ne sachant pas qui elle était, je me méfiai et décidai de jouer les ingénues.

    Elle laisserait sûrement vite tomber cette histoire.

    — Je suis désolée, mais je ne vois pas de quoi tu parles.

    La jeune femme se mit à rire.

    Je la dévisageai, étonnée par sa réaction.

    Elle possédait une voix chantante, des cheveux bruns coupés au carré, des yeux d’un vert que je n’avais encore jamais vu, proche de la couleur turquoise, une peau très claire, et surtout une attitude un peu espiègle.

    Sa manière de s’habiller était également assez originale.

    Elle portait un pantalon rouge, un haut noir et blanc rayé, ainsi qu’un chapeau melon laissé sur la place libre à côté d’elle.

    Elle se pencha vers moi pour discuter plus discrètement :  

    — Isilda, je sais qui tu es ! Tu n’as pas besoin de faire celle qui ne comprend pas de quoi je parle.

    Elle ajouta en me tendant la main :

    — Sonia Richter.

    Perplexe, je scrutai mon interlocutrice pendant de longues secondes, avant de finalement lui rendre la politesse.

    Je ne savais pas trop comment réagir. La surprise devait se lire sur mon visage. Comment était-elle au courant de l’existence des élémentaires ?

    — Je dirais bien enchantée, mais je ne crois pas avoir l’honneur de vous connaître.

    L’importune me répondit avec un large sourire malicieux.

    Visiblement, la situation lui paraissait cocasse.

    Ce n’était pas mon cas.

    Bien au contraire, son attitude commençait à m’énerver.

    — C’est normal... nous ne défendons pas les mêmes intérêts. Je suis une elfe, habitante de la Forêt Enchantée.

    Je me levai d’un bond.

    Un bruit sec résonna dans l’amphithéâtre quand mon siège se rétracta.

    D’un mouvement ferme, je fermai mon ordinateur.

    Rangeant mes affaires pour sortir, car je n’étais pas en sécurité, je ne me rendis même pas compte que le professeur me fixait.

    Sonia saisit mon sac pour m’empêcher de partir.

    — Allons ! Tu ne vas quand même pas quitter le cours comme ça. On nous regarde, il vaut mieux que tu te rasseyes. Ne t’inquiète pas, je ne suis pas là en ennemie. Je voudrais t’informer, toi et ton peuple, d’une chose vraiment importante. Fais-moi confiance.

    Le professeur s’agaça. Nous faisions tellement de bruit que nous empêchions son cours.

    — Mesdemoiselles, tout au fond de l’amphi’ ! Si le cours ne vous intéresse pas, je vous en prie, la porte est grande ouverte !

    Un sentiment de honte s’empara de moi à cet instant.

    Nous arrêtâmes notre conversation pendant plusieurs minutes. Néanmoins, notre silence ne dura pas.

    L’elfe semblait déterminée à me convaincre de sa bonne foi. Elle m’adressa de nouveau la parole en chuchotant :  

    — Ce que j’ai à te dire est de la plus haute importance. Je risque très gros en te parlant, mais vous devez être mis au courant.

    Sonia jeta un coup d’œil inquiet autour de nous, pour être sûre de ne pas être entendue, puis en direction de notre professeur d’économie.

    Elle saisit ensuite mon carnet de notes et mon stylo, afin de griffonner quelques chose. Puis elle me les rendit.

    Je lus l’inscription.

    Il était écrit :

    The Knott

    34 Bankfield Street

    — Rejoins-moi à cette adresse, une demi-heure après le dernier cours de la matinée.

    Mon interlocutrice se leva lentement, afin de quitter la salle le plus discrètement possible.

    Le professeur la regarda partir, avant de m’observer avec interrogation. Je lui fis un petit sourire gêné et il retourna pleinement à ses explications.

    Je soupirai.

    Nous en avions pour quatre heures, entrecoupées d’une pause d’un quart d’heure. Ce serait long, d’autant plus que les paroles de Sonia tournaient en boucle dans ma tête.

    Qu’avait-elle d’aussi important à me révéler ?

    Et si c’était un piège ?

    Ce ne pouvait être que cette possibilité. Un stratagème pour m’envoyer dans la gueule du loup. Pourquoi sinon une ennemie me demanderait-elle de la rejoindre quelque part ?

    Cette réflexion m’obnubila pendant les deux premières heures. L’estomac noué, je ne pus me concentrer sur rien d’autre.

    Y aller ? Ne pas y aller ? Je ne savais pas quoi faire.

    Pendant la pause, je regardai sur Internet où se situait l’adresse qu’elle m’avait donnée. Je me connectai à G. Map et entrai les quelques caractères.

    La carte du centre-ville de Newytown s’afficha. Le Knott était un bar localisé en zone neutre, pas en territoire ennemi. Je lus un peu plus en détail la description du lieu. Le nom du propriétaire, Samahel Nordwick, ne me disait rien.

    Je me laissai retomber sur le dossier de mon siège. Peut-être que Sonia ne me tendait pas de piège finalement ? En même temps, pourquoi me demander de la rejoindre dans un endroit fréquenté, si elle avait de mauvaises intentions ?

    Et si je n’y allais pas et que l’information qu’elle voulait me donner s’avérait capitale pour mon clan ?

    Il fallait que j’aille à ce rendez-vous. Je n’avais pas le choix. Quelque chose me poussait à l’écouter, comme une petite voix intérieure...

    Pourtant, je me méfiais. Je n’avais aucune confiance en cette Sonia truc, sortant de nulle part. Je réfléchis pendant le reste du cours à la meilleure décision à prendre. De toute façon, je n’étais absolument pas concentrée depuis le début.

    Les elfes étaient des ennemis de mon clan et des alliés des Fuméens et des Tersors.

    Une de leurs particularités me permettait de croire en l’honnêteté de Sonia : ils n’avaient jamais signé d’alliance avec les élémentaires du Feu et de la Terre, contrairement aux loups-garous qu’ils avaient suivis.

    Ce pacte consistait en l’acceptation de ne pas se nourrir des humains, ni de les chasser. Le même avait été ratifié par les vampires, avec mon peuple et celui de nos alliés.

    Ces accords étaient primordiaux pour continuer à cacher notre existence, ainsi que celle des créatures. En effet, s’ils avaient chassé les Neutres, l’éventualité de se faire découvrir aurait été décuplée. Et ça, élémentaires et créatures en étaient parfaitement conscients.

    Après ma longue et profonde réflexion, je décidai d’écouter la petite voix à l’intérieur de moi et de me présenter au rendez-vous. Je devais savoir ce qui se passait, quels qu’en soient les risques. 

    Chapitre 6

    Je m’enfonçais dans les couloirs sombres et humides du métro. Les artères se remplissaient rapidement. La plupart des gens étaient âgés de moins de trente ans et avaient les yeux rivés sur leur téléphone.

    Personne ne prêtait attention à ce qui se passait autour de lui, si bien que j’aurais pu me transformer en faucon, nul ne l’aurait remarqué.

    J’arrivai bientôt sur le quai.

    Le bruit des freins résonnait au loin dans le tunnel.

    J’avais de la chance, je ne patienterais pas longtemps.

    Le métro présentait des avantages non négligeables : il était rapide, discret pour se déplacer et permettait de faire des économies en prix de carburant, ainsi que de parking.

    Il m’arrivait régulièrement de garer ma voiture tout près d’une station, pour me rendre en ville. En tant qu’étudiante, je ne roulais pas sur l’or et la moindre livre sterling comptait.

    Même si Mickaël et moi, nous vivions chez nos parents, par obligation liée à notre condition d’héritiers et non par choix, nous mettions un point d’honneur à garder une certaine autonomie financière.

    Le train s’arrêta dans un grincement métallique strident.

    La foule, compacte, s’engouffra à l’intérieur des wagons. Je fus dans les derniers passagers à entrer, n’ayant jamais aimé la cohue que font les personnes pressées.

    Une voix douce et féminine annonça la fermeture de la rame. Le bruyant verrouillage des portes résonna alors.

    Après quelques secondes, le métro redémarra, avant de prendre de la vitesse.

    J’observai le plan, tout en me tenant à une barre.

    Bonne nouvelle, le trajet ne serait pas trop long.

    Nous passâmes les trois premières stations serrés comme des sardines. La plupart des passagers descendirent lors du quatrième arrêt.

    Je pus enfin respirer et en profitai pour m’asseoir.

    Le train accéléra de nouveau.

    L’un des voyageurs m’observait avec insistance.

    Je sentais son lourd regard sur moi...

    Mal à l’aise, je me mis à bouger sur mon siège et fixai mon attention vers l’extérieur. Cependant, je ne pouvais rien distinguer. Le tunnel était plongé dans l’obscurité.

    La cinquième station fut annoncée.

    Je ne me tournai aucunement, de peur de croiser celui qui m’angoissait.

    Après un long moment, je me ressaisis et scrutai l’homme à mon tour. Assis dans le même wagon que le mien, il avait une carrure imposante, une bonne quarantaine d’années, des cheveux courts, châtain clair, quasiment sans cheveux blancs et portait des vêtements aussi sombres que son allure.

    Un frisson me traversa de part en part quand je compris qu’il n’était pas humain.

    Ses pupilles étaient en fente verticale, comme celles d’un reptile, et sa peau présentait d’étranges marques, rappelant des écailles.

    Je fronçai les sourcils.

    Je n’avais pas l’impression de l’avoir déjà croisé.

    Lorsqu’il s’aperçut que je l’observais, il se retourna.

    Je sursautai.

    — Révolutions.

    La même voix de femme retentit dans la rame quand ma station fut en approche.

    Essayant d’oublier l’individu insistant, je me plaçai devant la sortie. Le train freina et le grincement habituel se fit entendre pendant qu’il ralentissait.

    Une dizaine de personnes se positionna derrière moi.

    Dans la cohue, je perdis de vue l’étranger.

    Bientôt, j’aperçus la lumière du quai de métro, à travers la vitre de la porte. La rame s’arrêta, nous faisant vaciller.

    Je descendis. Une partie des passagers fit de même, et lorsque j’empruntai les escaliers de la station souterraine, je n’étais pas seule.

    Arrivée à la surface, je regardai autour de moi.

    Je me trouvais au milieu d’une grande place, entourée de bâtiments datant de l’époque Victorienne. Les artères qui partaient de cet endroit étaient assez larges pour la plupart.

    J’empruntai celle devant moi.

    C’était une rue commerçante, où l’on pouvait voir de nombreuses vitrines de magasins, plus ou moins luxueuses, de vêtements, bijoux, maroquinerie, multimédia, et même des agences de voyages pour les Neutres.

    Parfois, je les enviais.

    Parcourir le monde et découvrir les coutumes des autres civilisations devait être exaltant !

    Je n’avais pas pour habitude de venir dans ce coin. Mes boutiques préférées se situaient dans une seconde partie du centre, plus isolée.

    Newytown était une métropole de plusieurs centaines de milliers d’habitants. Pourtant, son ambiance multiculturelle ne se reflétait aucunement au sein de nos clans, aux mœurs étriquées et aux traditions bien ancrées.

    La ruelle, dans laquelle je venais de tourner, longue, mais étroite, composée de trois bars, était assez calme ce midi-là. Seuls quelques clients discutaient et fumaient sur la terrasse de l’établissement où Sonia et moi devions nous retrouver.

    Le cœur battant à tout rompre, je montai fébrilement les trois marches menant à une gigantesque pièce ouverte.

    Convaincue de pénétrer dans un bouge, j’écarquillai les yeux, stupéfaite par la beauté des lieux.

    La salle principale possédait une immense hauteur sous plafond, avec des murs en pierre apparente. Sa luminosité s’avérait cependant limitée à cause de son emplacement. Des plantes murales et de longues suspensions en métal noir, accrochées sous les toits, habillaient l’intérieur.

    Les tables étaient toutes en bois massif peu travaillé, en forme de demi-troncs vernis, ce qui donnait à cet endroit une ambiance forestière agréable pour les yeux et pour les autres sens. En effet, une odeur de pin flottait dans l’air, ainsi que des sons d’oiseaux et de ruisseaux.

    Pourtant, depuis l’extérieur, impossible d’imaginer une pareille majesté. La devanture ne payait vraiment pas de mine et on pouvait croire, de manière erronée, à la petitesse du bar.

    Mes yeux balayèrent la pièce, à la recherche de Sonia.

    En vain.

    Après une brève hésitation, je m’approchai du barman.

    Derrière son comptoir, il essuyait une chope de bière.

    — Bonjour, excusez-moi de vous déranger. Je m’appelle Isilda et je suis attendue par Sonia.

    Je me rendis soudain compte que je ne me souvenais plus du nom de l’elfe. Le jeune homme, visiblement surpris, appela une personne au téléphone, avant de demander à un serveur de m’accompagner à une table située dans le fond du bâtiment.

    Cet endroit se trouvait tout près d’une sortie de secours, ce qui était intéressant, car en cas de problème, je pourrais facilement quitter le pub sans me faire remarquer.

    Je m’assis fébrilement, puis déposai ma sacoche sur la banquette à côté de moi.

    Dans l’attente, je commandai une bière.

    L’angoisse me rongeait les entrailles. Mes yeux faisaient des va-et-vient entre les différents clients.

    À tout moment, l’un d’eux pouvait m’attaquer...

    Je jouai nerveusement avec ma bague.

    Cette dernière, fine, surmontée d’un minuscule diamant, m’était très précieuse. Je la gardais en souvenir, afin de ne jamais oublier ce qui m’attendait si je trahissais les miens.

    Mon esprit divagua.

    Les hurlements de Sam me revinrent en mémoire.

    Je me tendis.

    Un bruit de ferraille tombée sur le carrelage m’extirpa de ma torpeur. Au même instant, ma bière arriva. J’en bus une petite gorgée. Alors que je reposais mon verre, la porte de la sortie de secours s’ouvrit et une jeune femme brune entra.

    Sonia s’assit sur la chaise située en face de moi, de l’autre côté de la table.

    — Je t’écoute, qu’as-tu de si important à me dire ? demandai-je fermement.

    L’elfe grimaça et me fit signe de parler moins fort.

    Le regard furtif, elle ne semblait plus aussi à l’aise qu’à l’université, quelques heures auparavant.

    — Chut ! Même si nous sommes en zone neutre, il vaut mieux rester prudentes.

    Mon ennemie commanda un Brise du soir.

    Je ne connaissais absolument pas.

    Elle me proposa de le tester, alors que le serveur venait de le poser devant elle :  

    — Je te conseille de goûter ce cocktail maison, c’est une vraie tuerie !

    Je regardai l’espèce de liquide rosâtre que contenait son verre. Ce n’était pas appétissant. La boisson semblait épaisse et parsemée de grains bizarres.

    Je grimaçai.  

    — Sans façon, non merci ! C’est gentil, mais je vais rester à la bière.

    Je ne connaissais pas Sonia et me méfiais tout de même de ce qu’elle pouvait me faire... ou l’un de ses potentiels complices.

    D’ailleurs, avant de partir, j’avais envoyé un texto à Roxanne, pour lui dire que je me rendais en ville avec une collègue de promotion.

    Je ne lui avais pas menti. J’avais juste omis de préciser que cette collègue était une elfe.

    Sonia but une légère gorgée de son breuvage.

    Je l’observai avec attention, l’air sceptique.

    Apparemment, elle aimait ça.  

    — J’adore ce petit goût de plantes... Mais revenons à nos moutons ! Je ne suis pas là pour te parler de jus de fruits.

    Elle reposa son verre, attrapa son sac à main et en sortit une feuille pliée en quatre.

    Elle marqua une brève hésitation, avant de prendre une longue inspiration et de se lancer.  

    — Tu connais notre profond respect pour les créatures proches de la Nature, et en particulier pour vos ennemis de toujours ; les Fuméens et les Tersors.

    Je l’écoutai attentivement, même si je me demandais où elle voulait en venir. Oui, je savais pertinemment que les elfes nous détestaient.

    Selon leurs croyances, l’Air était un élément destructeur. Ce qui à mon sens était idiot, puisque chacun des quatre éléments était capable de détruire. Même la terre, lors de ses tremblements.

    — Je ne veux pas les trahir, ou trahir les miens, mais ce qui se passe n’est bon pour personne, commença-t-elle gravement. Vous avez beau être ennemis depuis près d’un millénaire, rien ne justifie une pareille attitude ! Je suis certaine que la Nature vous fera payer cette guerre un jour ou l’autre.

    Mes doigts jouaient du piano sur le bois.

    Je commençais à m’impatienter. La Nature nous ferait payer cette guerre un jour ou l’autre... Qu’avait-elle à m’annoncer à la fin ? Qu’on en finisse, avant que quelqu’un ne nous aperçoive toutes les deux !

    — Qu’essayes-tu de me dire ? intervins-je calmement.

    Sonia ne répondit pas tout de suite.

    Elle déplia délicatement la feuille de papier pour la poser devant moi.

    — Il faut que tu lises ça.

    Son ton était des plus dramatiques. 

    Chapitre 7

    Le papier se trouvait toujours devant moi.

    Il s’agissait d’un mail composé principalement d’une longue série de chiffres.

    Je m’approchai pour lire ces derniers et les reconnus immédiatement ; ils indiquaient la localisation exacte du vieil entrepôt, le lieu nous servant de quartier général.

    Je levai les yeux vers Sonia, l’air abasourdi, le souffle coupé. Elle décala ses doigts et une phrase apparut :  

    « Sortilèges d’illusion et de protection ancestraux (X) ».

    Je jetai un coup d’œil à l’émetteur et au destinataire principal : Johnny Mac Lagen et Richard Milan.

    Inquiète, je crispai mes doigts sur mon jean.

    — C’est ce que je crois ? balbutiai-je, le regard rivé sur les deux noms.

    — J’en ai peur... les Fuméens et les Tersors ont découvert comment vous attaquer au sein de votre point de rencontre. Il semblerait qu’il y ait eu d’autres mails échangés entre les dirigeants. Celui-ci est le dernier, où Johnny annonce qu’ils savent à présent comment contourner vos protections.

    Cette nouvelle me glaçait le sang.

    Je scrutais le morceau de papier, comme si celui-ci allait me révéler quelque chose d’important.

    Rien.

    Rien n’apparaissait, à part ces mots et ces chiffres. Rien qui ne puisse m’aider à savoir comment ils pensaient faire.

    Résignée, je soupirai bruyamment, après avoir laissé mon dos retomber sur le dossier de la banquette.

    — Vous ne pourrez pas les modifier ? me demanda mon ennemie, un mélange d’hésitation et de crainte dans la voix.

    Je fis signe de la tête que non, sans quitter des yeux la capture d’écran, hébétée.

    Cette information faisait l’effet d’une bombe en moi.

    J’avais conscience qu’il nous serait impossible de créer de nouveaux sortilèges avant des semaines, voire des mois.

    C’était comme si nous étions déjà condamnés.

    — Ces sortilèges sont en place depuis des décennies, au minimum ! Je ne suis pas certaine que leurs créateurs soient encore vivants. Il va nous falloir du temps pour pouvoir...

    Je me tus soudain.

    Même si Sonia venait de me révéler une information capitale, je ne devais pas perdre de vue qu’elle restait une ennemie. Elle pouvait me manipuler ou me mentir.

    — Comment as-tu eu ces renseignements ? l’interrogeai-je, sourcils froncés.

    Elle hésita quelques instants. Elle avait le regard fuyant.

    Puis elle me répondit d’une voix pleine de tristesse :  

    — Zéphyr, mon... futur ex-mari est en copie. Je surveille sa boîte mail depuis plusieurs mois dans le cadre de notre séparation, pour trouver des informations compromettantes sur lui et sa maîtresse.

    Elle pointa d’un doigt

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