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Meurtre à l’écossaise en Périgord: Colère souterraine
Meurtre à l’écossaise en Périgord: Colère souterraine
Meurtre à l’écossaise en Périgord: Colère souterraine
Livre électronique258 pages3 heures

Meurtre à l’écossaise en Périgord: Colère souterraine

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À propos de ce livre électronique

Duncan Lorimer, inspecteur à la criminelle de Glasgow proche de la retraite, croit passer des vacances tranquilles en Périgord. Erreur : dans un hameau voisin, on découvre le cadavre de la femme d’un industriel écossais.
Celui-ci, Fergus Murdoch, est introuvable. Voilà Duncan associé à l’enquête, qu’il poursuit à Glasgow. Le portrait des Murdoch se précise très vite : des chefs d’entreprise richissimes et redoutables, au management inhumain. Au fil de ses investigations, Duncan, fils de mineur, revient dans sa région d’origine et dans la cité minière où il a grandi, au coeur d’une communauté ouvrière chaleureuse et solidaire. Aujourd’hui, c’est une ville fantôme et ce retour aux sources, Duncan n’en sortira pas indemne. Heureusement, il y a sa belle adjointe Nora, au regard couleur de loch sauvage, le foot et son club de coeur, le Celtic Glasgow, et une bonne pinte au pub de temps en temps.


À PROPOS DE L'AUTEUR


Né en 1953, Jean-Pierre Drilhol a effectué la totalité de son parcours professionnel dans le journalisme, d’abord dans un grand quotidien régional, La Voix du Nord, ensuite dans une radio locale de Bergerac. Le choix de ce métier s’explique par son goût pour l’écriture et les mots. Parallèlement, il s’est « amusé » à écrire des nouvelles. En plus de sa passion pour l’écrit, il possède celle du vélo qu’il pratique en tant que loisir. Ses origines se partagent entre Bordeaux et le Périgord où il vit aujourd’hui, à Bergerac (24).
LangueFrançais
Date de sortie22 août 2022
ISBN9791035319038
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    Aperçu du livre

    Meurtre à l’écossaise en Périgord - Jean-Pierre Drilhol

    1

    Mais où était passée Lolly ? Cette chienne n’en faisait qu’à sa tête ! Mary était sortie, avait jeté un coup d’œil dans le jardin, elle avait regardé sur la terrasse, sous la tonnelle où Lolly avait l’habitude de paresser sur la balancelle, au bord de la piscine où la jeune beagle s’allongeait parfois. Pas de Lolly.

    — Lolly ! Lolly !

    Mary appela encore et encore, sans résultat. Elle rentra dans la maison, constata que le coussin de la petite chienne, posé dans le salon, était toujours vide. Elle monta à l’étage.

    — Lolly ! Lolly !

    Pourtant, c’était l’heure de la balade matinale avec sa maîtresse et l’animal appréciait ce moment. Parcourir la campagne en toute liberté, le museau collé au sol pour pister les odeurs laissées par les bêtes sauvages et retrouver son instinct de chien de chasse.

    Pas de Lolly non plus dans les chambres où elle se réfugiait de temps en temps.

    — Je ne l’ai pas vue ce matin, madame, dit la gouvernante, les bras chargés d’une pile de draps.

    Mary redescendit et passa à tout hasard dans la cuisine, vide à cette heure-ci. Lolly n’y venait que lorsqu’il y avait quelqu’un susceptible de lui donner une friandise. Mais où pouvait-elle bien être ?

    Et puis il y eut ce bruit provenant du salon, un brouhaha bref, confus. Mary s’avança pour voir ce qu’il en était. Ce qu’elle vit, ce fut la gueule noire d’un canon de fusil qui se braqua aussitôt vers elle. Comme hypnotisée, elle n’eut pas le temps d’esquisser le moindre mouvement. Le coup de feu claqua, il résonna entre les murs épais et les poutres basses de la vieille bâtisse. Seul un faible écho parvint dans le bas du pré, à deux cents mètres de là, faisant dresser les oreilles à Lolly, tout occupée à flairer les plaies béantes laissées dans la prairie, pendant la nuit, par une harde de sangliers.

    -°-

    Les deux hommes suivaient un chemin longeant la lisière de la forêt. Georges devant, le regard au sol, le pas pesant et solide comme s’il mesurait le terrain. Duncan, dans son sillage, s’arrêta. Contrairement à son ami, il n’était pas encore rassasié de la beauté des lieux et il constatait une fois encore combien, si loin de chez lui, il se sentait en phase avec ce pays où la terre et les gens semblaient avoir hérité d’une heureuse nature, venue de temps reculés.

    Le Périgord noir étalait ses vallonnements jusqu’à l’horizon où l’entaille de la vallée de la Vézère se faufilait entre des collines couvertes de bois de chênes et de châtaigniers. La rivière faisait la grasse matinée sous une couette cotonneuse, blanchie par la lumière crue d’un matin d’automne. En contrebas, le bourg de Marenzac venait de sortir de la brume et s’étirait à flanc de coteau, dominé par la silhouette élancée du clocher de l’église. Au-dessus du village, l’ombre d’une pinède touffue. Partout, le silence.

    Duncan soupira en regardant son panier et sa misérable cueillette. Il lui restait du boulot pour percer tous les mystères de la contrée. Un champignon, un seul, après avoir passé deux heures à fouiller les fougères humides. Un cèpe jeune, ferme et appétissant, certes. Mais unique. Duncan Lorimer était inspecteur au Département d’Investigation Criminelle de la police de Glasgow. Son flair de flic, qui l’avait conduit sans trop d’encombres jusqu’à deux ans de la retraite, ne lui était d’aucun secours lorsqu’il s’agissait de chercher les champignons dans une forêt du Périgord. Son pote Georges Lacoste lui avait bien donné quelques conseils. Mais pas trop, bien sûr. Aucun chercheur de champignons digne de ce nom, par ici, n’était prêt à révéler tous ses secrets.

    — Oh, miladiou, Duncan, c’est tout ?

    Georges avait la soixantaine pétillante. Œil moqueur et moustache frémissante. C’était un ancien agriculteur, natif du pays, qui continuait à bricoler dans ses terres. Duncan avait pris l’habitude de venir en vacances en Périgord et de louer le gîte des Lacoste lorsqu’il s’était séparé de sa femme, une vingtaine d’années auparavant. Ce matin-là, ils avaient pris le chemin des bois de bonne heure, avant que d’autres chercheurs n’envahissent la forêt. Des pluies d’orage, succédant à une fin d’été chaude et combinées à une lunaison propice, avaient favorisé une pousse aussi soudaine que prometteuse. La nouvelle s’était répandue comme une traînée de poudre. Dans le bourg de Marenzac, au supermarché, à la terrasse du café, les experts locaux en parlaient brièvement, à voix basse et d’un air entendu. Ne pas en dire trop et pas à n’importe qui. « Tu en as trouvé, toi ? » « Oh, pas grand chose, un ou deux, de quoi faire une petite omelette », répondait le type qui, en réalité, en avait cueilli deux pleins cageots, vendus à un bon prix au restaurant du village d’à côté.

    — Allez, viens, on rentre, dit Georges. J’en ai trouvé assez pour faire une bonne fricassée. Et puis c’est l’heure du casse-croûte.

    Les deux hommes s’éloignèrent du sous-bois où les rayons obliques du soleil matinal gagnaient du terrain et ils s’engagèrent dans un chemin calcaire serpentant à travers la campagne. La ferme de Georges n’était qu’à 500 mètres. La maison en pierre jaune, couverte d’un toit pentu en tuiles rouge foncé, faisait face au sud et se complétait, à angle droit, d’un hangar dont une partie était ouverte et abritait un stock de paille, un tracteur, des outils agricoles et tout un bazar qui n’avait pas trouvé sa place ailleurs. Le gîte où logeait Duncan avait été aménagé dans une maisonnette un peu à l’écart, une ancienne dépendance que Georges avait restaurée et équipée pour la louer pendant la saison, comme le faisaient bon nombre de gens du pays. Les touristes, c’étaient comme les truffes, de bons compléments de revenus.

    Sultane, la vieille chienne de la maison, avait pris ses quartiers habituels sur le petit trottoir en ciment qui courait le long de l’habitation et lui permettait de se chauffer dès qu’il y avait un rayon de soleil. En voyant arriver les deux hommes, elle se leva et, d’un pas traînant, mais l’œil brillant, elle se dirigea vers eux pour quémander une caresse. Georges retira ses bottes avant de pousser la porte de la maison, qui ouvrait sur une vaste cuisine. Une grande table de ferme, au plateau épais et patiné par les ans, trônait au centre de la pièce. Dans une cheminée qui occupait presque tout un pan de mur, la femme de Georges, Josette, avait allumé une flambée qui répandait une douce tiédeur en même temps que le parfum épicé du feu de bois.

    — Et voilà le travail ! claironna Georges en posant au centre de la table le panier en osier garni de deux bons kilos de cèpes, couchés délicatement sur un matelas de feuilles de fougères. Tu peux nous préparer ça pour midi avec des magrets ? Duncan restera manger avec nous.

    Georges et Josette parlaient beaucoup et fort, comme la plupart des gens d’ici, ils s’engueulaient de temps en temps avec vigueur. Duncan aimait bien leur façon de vivre. Il leur enviait, même. Ils se contentaient de peu sans encombrer leurs neurones avec des théories de décroissance, simplement parce que leurs parents avaient vécu de la même manière. De quoi manger sur la table et un toit sur la tête, c’était suffisant. Ils auraient certainement transmis cette façon de faire à leurs enfants s’ils en avaient eu, ce qui n’était pas le cas et restait un des seuls regrets de leur existence. Un jour d’apéro prolongé et de confidences, Georges avait dit à Duncan, en fixant son verre : « Les gosses, c’est chiant et c’est des soucis pour la vie mais, tu vois, j’aurais quand même bien aimé voir un ou deux petits drôles galoper autour de cette table ». Depuis ce jour, il n’était jamais revenu sur le sujet. Duncan avait compati du bout des lèvres car lui-même n’avait jamais été tenaillé par le désir de paternité. C’était d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles son couple était allé dans le mur.

    Josette s’installa en bout de table et commença à préparer les champignons. Elle brossa délicatement chacun d’eux avec un papier essuie-tout puis découpa les pieds et les chapeaux en petits morceaux, le couteau dévoilant une chair ferme, couleur de lait. Georges était allé chercher un jambon dont il tira quelques tranches avec un grand couteau à lame étroite. Le pain, une grosse miche à la croûte épaisse, était déjà sur la table, tout comme la bouteille de bergerac rouge. « Quelques bricoles », comme disait Georges, de quoi refaire les forces abandonnées dans le sous-bois et attendre midi sans impatience.

    Ils allaient attaquer le fromage de chèvre lorsqu’ils entendirent le bruit d’un moteur et le roulement d’une voiture sur le chemin qui conduisait à la maison. Une portière claqua et on frappa au carreau de la porte d’entrée. Un gendarme.

    — Bonjour messieurs dames. Désolé de vous déranger, dit-il en entrant.

    Georges reconnut l’adjudant François Hourtic, de la brigade locale.

    — Tu ne nous déranges pas, François. Finis d’entrer. Tu prends un canon avec nous ?

    — Non, merci. J’ai vraiment pas le temps ce matin. Un meurtre sur les bras, figure-toi. C’est d’ailleurs pour ça que je viens vous voir.

    — Un meurtre à Marenzac ! Miladiou ! Et qu’est-ce qu’on a à voir avec ça ?

    — Eh bien… Le meurtre a été commis à La Font du Loup, chez l’Écossais, Murdoch. Tu sais, celui qui a racheté la ferme des Delteil il y a cinq ou six ans.

    — On a tué Murdoch ?

    — Non, sa femme. Un coup de fusil en pleine poitrine. Murdoch, lui, est introuvable. Il n’y a dans la maison que leur gouvernante, une vieille. On n’arrive pas à comprendre ce qu’elle dit. C’est pour ça que je suis venu vous voir. J’ai pensé que ton locataire…

    L’adjudant de gendarmerie se tourna vers Duncan.

    — Je crois que vous êtes Écossais, n’est-ce pas ?

    — Exact. Ah, je vois… L’accent écossais vous pose problème. Ça ne m’étonne pas !

    — Non, je ne crois pas. Mon anglais n’est certes pas parfait mais il me semble que la gouvernante ne parle pas anglais. C’est incompréhensible… Enfin, si vous pouviez…

    — Oui, pas de problème. Je peux essayer.

    Duncan et Georges emboîtèrent le pas à l’adjudant Hourtic et montèrent dans la voiture de la gendarmerie. Pour les magrets aux cèpes, il faudrait attendre. Le véhicule fila sur une petite route étroite, au goudron rugueux, qui serpentait dans la forêt. Il emprunta ensuite un chemin blanc qui descendait au flanc d’un coteau et La Font du Loup apparut bientôt au détour d’un virage. Il s’agissait d’un vaste domaine, autrefois une grosse ferme, que les Murdoch avaient transformé en résidence de vacances luxueuse. Les meilleurs artisans du pays avaient été convoqués sans regarder à la dépense, un architecte d’intérieur avait métamorphosé la maison campagnarde vieille de plusieurs siècles, un jardinier paysagiste avait planté un décor de rêve qui réclamait un entretien permanent et coûteux – mais cela n’avait aucune importance – et le bassin de la piscine, aménagé sur un terrain en pente, faisait face à un vallon sauvage où, les jours les plus chauds, chantaient les cigales. Des bois à perte de vue, pas une maison à l’horizon.

    La gendarmerie avait investi les lieux. Derrière le ruban isolant la scène de crime, les techniciens en identification criminelle venaient d’arriver de Périgueux, ils enfilaient leur combinaison blanche et installaient leur matériel. L’adjudant Hourtic demanda à Georges de rester à l’écart et, en levant le ruban, il invita Duncan à le suivre à l’intérieur de la maison.

    — Voilà, c’est là qu’on l’a trouvée ce matin, lorsque la gouvernante a donné l’alerte.

    Le corps d’une femme d’une petite soixantaine d’années, svelte et habillée de façon élégante, était allongé au milieu d’une vaste pièce qui servait de salon. Du sang s’était échappé de sa blessure, une plaie profonde sur la poitrine, et avait coulé en abondance sur le carrelage. Le visage était livide et les yeux, encore grands ouverts, traduisaient une expression de terreur et de sidération. La mort l’avait saisie à l’improviste. L’adjudant conduisit Duncan jusqu’à la cuisine où la gouvernante était assise, accoudée à la table, les mains sur le visage. Une femme gendarme se tenait à ses côtés.

    — Bonne chance, dit Hourtic.

    Duncan s’approcha et s’assit à la table. Il prit avec douceur les mains de la gouvernante qui releva lentement la tête et se mit à le fixer, le regard vide et humide. Il s’adressa à elle en anglais mais sans obtenir la moindre réaction. Elle pouvait avoir dans les 70 ans, sans doute un peu plus. D’assez forte corpulence, elle était habillée très sobrement mais avec une certaine distinction. De ses cheveux gris retenus en arrière, une mèche s’était échappée et pendait sur le côté, signe de l’agitation qui s’était emparée d’elle un peu plus tôt. Duncan resta silencieux quelques instants puis il approcha un peu plus son visage de celui de la vielle dame.

    — Halo, is e m ‘ainm Donnchadh. Bonjour, je m’appelle Duncan.

    La gouvernante cilla et son regard sembla retrouver un semblant de vie.

    — Dè tha thu a ‘déanamh an seo ? Finit-elle par dire d’une voix faible. Que faites-vous ici ?

    Duncan avait compris. La pauvre femme ne parlait que le gaélique. La langue était encore utilisée dans certaines contrées écossaises et elle l’avait sans doute pratiquée couramment, au moins dans sa jeunesse. Il imaginait mal qu’elle ne parle ni ne comprenne l’anglais mais le choc subi un peu plus tôt l’avait certainement déstabilisée au point qu’elle avait trouvé au plus intime de son être, au plus profond de ses souvenirs, dans le langage de ses origines, une sorte de refuge rassurant.

    L’adjudant Hourtic était resté dans le salon, assis dans un fauteuil. De la cuisine lui parvenaient les échos de la conversation entre Duncan et la gouvernante. L’échange se faisait sur un rythme lent et un ton monocorde, l’étrangeté de cette langue inconnue ajoutant du mystère à la discussion. Enfin, au bout d’une bonne demi-heure, la silhouette courte et trapue de Duncan apparut dans l’embrasure de la porte du salon. Hourtic se leva.

    — Vous avez réussi à nouer le dialogue, apparemment ?

    — Oui. Elle parle le gaélique. Je connais cette langue car ma mère était originaire des îles Hébrides, une des régions d’Écosse où elle est encore le plus pratiquée. Je l’ai apprise de façon naturelle lorsque j’étais enfant. Il m’en reste assez de souvenirs pour pouvoir comprendre cette femme qui est très choquée.

    — Alors ? Qu’est-ce qu’il s’est passé ?

    — La gouvernante était à l’étage ce matin lorsque, vers 9 h, elle a entendu des éclats de voix dans le salon et, presque aussitôt, un coup de feu. Elle a d’abord paniqué puis elle est descendue. Elle a eu le temps d’apercevoir la voiture du mari, Fergus Murdoch, démarrer en trombe. Et elle a découvert le corps de sa patronne. Celle-ci ne vivait déjà plus lorsqu’elle a appelé les secours. Son prénom était Mary.

    L’adjudant avait noté chaque information d’une écriture nerveuse, sur un calepin.

    — Rien d’autre ?

    — Non, rien d’important. Mais je pense qu’il sera bon de l’interroger à nouveau lorsqu’elle aura totalement repris ses esprits. Elle retrouvera certainement l’usage de l’anglais à ce moment-là. En attendant, ce serait bien de faire venir un médecin, elle a besoin de soutien.

    — Bien sûr. Ce sera fait. Merci pour la traduction, ça va nous faire gagner un temps précieux.

    — Ah, une dernière chose, adjudant. Je crains que votre enquête ne soit aussi désormais la mienne. Les Murdoch, d’après ce que m’a dit leur gouvernante, sont de Glasgow où ils vivent la plupart du temps. Il va falloir prévenir la famille qui est sur place. De riches industriels, d’après ce que j’ai compris ?

    Hourtic jeta un coup d’œil circulaire dans le vaste salon qui respirait l’opulence.

    — Oh oui, l’argent ne leur manque pas, c’est le moins que l’on puisse dire. Quant à l’enquête, c’est à nos hiérarchies de décider. Le commandant de compagnie ne devrait pas tarder à arriver de Sarlat, je l’en informerai.

    Duncan saisit son téléphone portable et composa le numéro direct de son superintendant, à la police de Glasgow. Son regard se posait encore sur un paysage d’une douceur rare, caressé par le soleil d’une fin de saison en Périgord, mais son esprit se projetait déjà à Glasgow, dans le bureau de son supérieur qu’il imaginait sans difficulté, tiré à quatre épingles comme d’habitude, les yeux rivés sur un écran d’ordinateur, le front soucieux. Il n’attendit que quelques secondes pour entendre le son métallique de sa voix.

    — Superintendant Boyle.

    — Bonjour monsieur, ici Lorimer.

    — Lorimer ? Mais je vous croyais en vacances !

    — Moi aussi, répondit Duncan sans rire.

    2

    — Des affaires comme ça, il y en a beaucoup dans le secteur ? demanda Duncan à Hourtic.

    — Non, c’est assez exceptionnel. Notre quotidien, ce sont les cambriolages, parfois commis en plein jour, dans les commerces ou les habitations. Des bandes qui ciblent un secteur pendant quelque temps avant d’aller ailleurs. Des affaires de drogue aussi, comme partout. Ici, on a la version rurale. On découvre parfois des plantations de cannabis planquées au milieu des champs de maïs, parfois même dans un potager. La plupart du temps, ce sont des bras cassés, des types un peu paumés. On n’est bien sûr pas à l’abri de la coke, qui a gagné les campagnes depuis un bon moment déjà. Mais les crimes de sang restent rares. Je me souviens d’un drame passionnel lorsque j’ai pris mon poste ici, il y a quelques années. C’est tout.

    Tandis que les techniciens en identification criminelle poursuivaient leurs recherches à l’intérieur, Duncan et l’adjudant Hourtic s’étaient mis à discuter dans la cour, devant la maison. Georges les avait rejoints. Hourtic s’adressa à lui.

    — Tu les connais bien, toi, les Murdoch ?

    — Comment veux-tu les connaître ? Ces gens-là n’ont pratiquement aucun contact avec la population locale. C’est pas comme d’autres Britishs qui vivent chez nous et qu’on voit au café, qui s’occupent de l’équipe de foot, qui ont monté leur propre affaire. Ils ont su s’intégrer, ils font partie du paysage et on les apprécie. On peut même dire qu’ils nous apportent quelque chose, qu’ils nous enrichissent, et pas seulement d’un point de vue économique. Dieu merci, ce sont les plus nombreux ! Les Murdoch, eux, vivent cloîtrés.

    — Cloîtrés, le mot est quand même un peu fort, non ?

    — Tu parles ! On sait qu’ils donnent des fêtes avec quelques invités triés sur le volet, des gens de la haute, comme eux. Chefs d’entreprise, chirurgiens, avocats… On voit passer leurs grosses bagnoles, c’est tout. Le reste du temps, c’est silence radio. Quant aux artisans ou au jardinier qui travaillent pour eux, tu penses bien qu’ils ne vont pas nous faire de confidences, hein… Trop heureux de gagner du pognon avec eux. Motus et bouche cousue. Je comprends, d’ailleurs. Si j’étais à leur place, je ferais pareil…

    — Quand les Delteil leur ont vendu La Font du Loup, ça avait quand même fait du bruit dans le pays, si je me souviens bien…

    Georges hocha la tête de manière appuyée et ricana. Il accompagna son rire d’un bref mouvement du corps, en gardant les deux mains dans les poches.

    — Ah ça, c’est sûr. Les gens en ont sans doute dit plus qu’ils n’en savaient à l’époque et il ne faut pas croire tout ce qu’on a pu raconter sur le prix qu’ils avaient payé la propriété. Mais c’est sûr que les Delteil ont touché le jackpot et que ça a fait des jaloux. Et puis trop de pognon, ça ne rend pas populaire. Plus aujourd’hui. Tu sais, François, tu n’as pas connu cette époque parce que tu n’es pas là depuis très longtemps, mais il fut un temps, ici, où les gens avaient une attitude curieuse vis-à-vis des riches et des puissants. Un peu paradoxale. D’un côté, ils savaient se révolter, on peut même dire qu’ils étaient doués pour ça, mais, d’un autre côté, ils respectaient lou moussu, le monsieur, le bourgeois qui était plus riche qu’eux et les faisait profiter, de temps en temps, de ses largesses. Tu vois, une sorte de déférence naturelle. Dans le cas des Murdoch, ça n’a pas fonctionné. On peut dire que c’est de leur faute, ils n’ont pas su s’y prendre.

    — En vivant comme des reclus de luxe ?

    — Pas seulement. Tu te souviens de leur décision d’interdire aux chasseurs le passage sur leur propriété ? C’était la première fois qu’ils manifestaient publiquement

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