Ma vie en horoscope

Par Martine Labonté-Chartrand

Au service d'un petit journal de quartier, Marilou Bélair fait rêver les lecteurs par ses mots teintés de mystère et d'espoir : c'est elle qui rédige l'horoscope.

A la longue, elle-même s'est conçu une vision idéalisée du bonheur. Dans le but de l'atteindre, elle plaque sur un coup de tête Francis, son conjoint des dernières années, et part à la recherche d'un autre homme. Celui qui lui donnera enfin des frissons, celui dont le premier baiser déclenchera un feu d'artifice sensationnel. Bref, celui qui se montrera à la hauteur de ses rêves romantiques les plus fous, et que les prédictions de Marilou ont fait miroiter à plus d'une femme !

Aux côtés de Lucy, sa mère persuadée qu'elle peut encore passer pour une jeune cocotte, et de Marion, sa grande amie éprise d'un homme un peu vieux pour elle, Marilou se lancera dans cette grande quête, convaincue qu'elle saura reconnaître son âme soeur instantanément.

Nés sous des astres bien différents, les prétendants ne manqueront pas : Rémi, le riche homme d'affaires qui l'invitera à Paris, Denis, un amant d'âge mûr dont le principal défaut sera d'être le père de Marion, Christian, l'énigme difficile d'approche,
et Jean-Martin, le doux comptable.

Marilou regrettera-t-elle d'avoir quitté une vie pourtant confortable pour s'abandonner à ses propres prophéties ? Est-ce en regardant vers les étoiles qu'elle trouvera sa véritable destinée ?

Martine Labonté-Chartrand est enseignante de français au secondaire et a un faible pour les prédictions qu'on lit au petit matin devant un bon café. Peut-être était-il écrit dans le ciel qu'elle publierait ce premier roman en 2015 ?

• Langue: Français
• Éditeur: Les Éditeurs réunis
• Date de sortie: 7 janv. 2015
• ISBN: 9782895856474

Aperçu du livre

Mavieenhoroscope.jpg

Catalogage avant publication de Bibliothèque et

Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

Labonté-Chartrand, Martine, 1985-

Ma vie en horoscope

ISBN 978-2-89585-647-4

I. Titre.

PS8623.A263M3 2015 C843’.6 C2014-942373-X

PS9623.A263M3 2015

© 2015 Les Éditeurs réunis (LÉR).

Les Éditeurs réunis bénéficient du soutien financier de la SODEC

et du Programme de crédit d’impôt du gouvernement du Québec.

Nous remercions le Conseil des Arts du Canada

de l’aide accordée à notre programme de publication.

Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada

par l’entremise du Fonds du livre du Canada pour nos activités d’édition.

Édition :

LES ÉDITEURS RÉUNIS

www.lesediteursreunis.com

Distribution au Canada :

PROLOGUE

www.prologue.ca

Distribution en Europe :

DNM

www.librairieduquebec.fr

facebook_logo.tif Suivez Les Éditeurs réunis sur Facebook.

Imprimé au Québec (Canada)

Dépôt légal : 2015

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Bibliothèque nationale du Canada

Bibliothèque nationale de France

Horoscopetitre.jpg

Pour David.

Merci de m’encourager à persévérer

et de me soutenir dans la réalisation des mes rêves les plus fous.

PREMIÈRE PARTIE

La fin d’un chapitre

Chapitre 1

Hor1.indd

Vos chiffres chanceux : 1, 12, 14, 15, 23, 35

Vous recherchez de la nouveauté dans votre vie. Votre quotidien ne vous satisfait plus comme avant. Peut-être devriez-vous faire un peu de ménage ? Voyez plus grand et plus loin. Avec un peu d’effort, vous trouverez sans doute ce que vous cherchez.

Marilou Bélair, grande spécialiste en astrologie ( mensonge ), ferma son ordinateur portable, prit la télécommande et appuya sur pause tout juste avant que les lèvres des deux acteurs se touchent. En arrière-plan, un feu d’artifice explosait. Les acteurs avaient l’air en parfaite harmonie, comme s’ils s’étaient embrassés des milliers de fois et, pourtant, il s’agissait de leur premier baiser. En soupirant, Marilou prit une poignée de pop-corn et regarda Flatsy, sa chatte. Celle-ci attendait patiemment que la scène se poursuive.

— Je suis certaine que mon premier baiser avec l’homme de ma vie pourrait avoir l’air de ça. Après tout, on ne verrait pas de telles images dans la plupart des films d’amour si cela ne ressemblait pas à la réalité.

Au fil des années, Marilou avait pris l’habitude de parler à sa chatte, puisqu’elle était souvent seule. Son copain travaillait tellement que Flatsy était la seule qui l’écoutait. Bien sûr, ce n’était qu’un animal, mais Marilou avait souvent l’impression que sa chatte la comprenait et approuvait ce qu’elle disait. Dans le cas contraire, Flatsy n’aurait pas semblé apprécier autant sa compagnie. La jeune femme continuait à fixer l’écran en se demandant ce qu’elle ressentirait si elle avait la chance de recevoir un vrai baiser, digne des plus grands films d’amour. Pas un baiser fade, mouillé ou sec, non non ! Un vrai de vrai avec tout le romantisme requis par la situation. Étant une adepte de films romantiques, elle ne pouvait croire qu’aucun homme sur terre ne puisse lui faire vivre ce moment idyllique.

Le bruit de la clé dans la serrure fit sursauter Marilou et interrompit le fil de ses pensées. Francis arrivait enfin du travail. En entendant le tapage qu’il faisait dans l’entrée, elle devina que son amoureux n’avait pas eu une bonne journée. Son travail était exigeant, mais Francis trouvait tout de même toujours du temps pour rendre visite à ses amis. C’est sans doute la raison pour laquelle il arrivait si tard. Marilou réalisa qu’elle s’ennuyait du temps où elle était à la recherche d’un homme. Tous ces sourires envoyés, ces regards volés à la dérobée… C’était le bon temps. Pas de routine et zéro monotonie ! Toujours en quête de nouveauté et… de baisers. Toute l’excitation ressentie dans l’attente d’un coup de fil. Et les premiers baisers… quel bonheur ! Les seules choses qui ne lui manquaient pas étaient les déceptions liées à la découverte des défauts de son partenaire et les chagrins d’amour.

Elle songea à la discussion qu’elle avait eue avec Francis quelques semaines plus tôt. Ils se disputaient souvent récemment, parfois pour des broutilles, mais le même sujet revenait toujours sur la table : ses amis. Ces derniers représentaient une véritable source de conflits. Marilou avait d’ailleurs donné un ultimatum à son copain à ce sujet, mais il ne semblait pas considérer la situation très sérieusement. De son côté, elle avait pris beaucoup de temps pour pousser sa réflexion un peu plus loin.

— Alors, tu as passé une bonne journée ? lui demanda Francis.

— Hum, hum ! Je me suis un peu ennuyée. Tes amis vont bien ?

Francis lui lança un regard qui en disait long. Le jeune homme savait que Marilou avait toujours l’impression de passer en deuxième, mais il faisait de son mieux pour tout conjuguer.

— Je vais me prendre une bière. Tu en veux une ?

— Non. Francis ?

— Oui ?

— J’ai décidé de te quitter.

— …

— Tu m’as entendue ?

— C’est une blague, ou quoi ? Je viens d’avoir une journée de merde, alors je ne suis pas d’humeur à plaisanter.

— Non, ce n’est pas une blague. J’en ai marre de la routine et tout. J’ai besoin de changement, ce qui signifie que je ne peux plus être avec toi. Tu es bien beau, bien gentil, mais tu ne combles plus mes attentes. Et puis, tu pourras voir tes amis aussi souvent que tu le voudras sans m’avoir dans les pattes.

Incrédule, Francis fixa sa blonde. Non mais, quelle journée ! Il n’avait aucune envie de discuter. Il tourna les talons. Dans la chambre à coucher, il mit son pyjama dans un sac.

— Tu veux jouer à ce petit jeu ? Très bien ! Dans ce cas, je m’en vais.

Il entra dans la salle de bain. Marilou entendit les armoires s’ouvrir et se refermer. Ensuite, rapidement, Francis traversa le salon et gagna l’entrée. Après avoir enfilé son manteau, il sortit sans jeter un regard à Marilou. La porte claqua sur un Francis furieux.

— Eh bien, je n’aurais jamais cru que ce serait si facile.

Flatsy regarda Marilou en bâillant. Puis la chatte se recoucha, comme pour continuer à visionner le film qui était encore figé à l’écran sur la fameuse séquence du baiser final dont toute femme rêve. Un nouveau chapitre de l’existence de Marilou Bélair venait de commencer.

Marilou analysa la fin de son film d’amour une grosse heure. Ensuite, elle décida qu’il lui fallait se confier à quelqu’un et appela son amie Marion. Cette dernière, toujours disponible en situation de crise, vint la rejoindre rapidement.

— Il est parti comme ça, sans demander aucune explication ? Je n’en reviens pas, s’exclama Marion après que son amie lui eut conté toute l’histoire, il semblait pourtant si attaché à toi.

Marilou haussa les épaules. Elle était encore un peu sous le choc. Les quelques minutes pendant lesquelles elle avait attendu l’arrivée de Marion s’étaient avérées suffisantes pour qu’elle remette sa décision en question. Elle avait même songé à rappeler Francis pour lui faire croire qu’il s’agissait d’une bonne blague et crier : « Regarde ! Il y a des caméras là et là. Je t’ai eu ! » Mais elle devait aller de l’avant.

Marion était stupéfaite, même si Francis, le chum de sa meilleure amie, ne l’avait jamais vraiment impressionnée. Le fait qu’elle avait eu une aventure avec lui avant qu’il sorte avec Marilou ne jouait pas en sa faveur. Elle l’avait toujours considéré comme une pauvre cloche qui ne ferait rien de bon dans la vie, ce qu’elle ne se gênait pas pour répéter fréquemment à son amie, qui n’était pas au courant de cette aventure d’un soir qui avait eu lieu dans les toilettes d’un pub irlandais. Selon Marion, ce genre de détails inutiles ne pourraient qu’envenimer la situation. Francis ne s’était jamais vanté de cet événement ; il tentait même de l’oublier quand il croisait Marion – ce qui était assez fréquent. La grande amie de Marilou avait une forte tendance à « coller » à l’appartement, surtout sur le grand sofa. Et quand elle n’y était pas, elle appelait au moins trois fois par jour pour parler de ses dernières conquêtes dans les bars de la ville. Contrairement à Marion, Marilou était casanière. Elle préférait le confort de son appartement à l’ambiance électrique des boîtes de nuit. Ses rencontres avec la gent masculine se limitaient souvent à un simple remerciement au garçon qui emballait son épicerie – un boutonneux d’environ seize ans qui lui montrait ouvertement son appareil dentaire. Bref, sa vie était de tout repos. Sa relation avec Francis permettait à Marilou d’allier confort et sécurité ; c’est pourquoi elle commençait à redouter sa décision subite de le quitter. Bien sûr, pour partir à la conquête de l’homme parfait, il fallait être libre de tout attachement. Mais cela impliquait aussi d’oser affronter de nouvelles contrées qui existaient seulement hors de son salon. Marilou devait donc mettre au point un plan de match. Ce ne serait pas facile, mais elle y arriverait !

Quelques semaines passèrent. Francis était venu chercher ses effets et ils avaient à peine échangé vingt mots. Comme elle était officiellement sans attache, il était temps pour elle de passer à l’attaque si elle souhaitait rencontrer l’homme de sa vie. Confortablement installée dans son salon, elle saisit un crayon et une feuille afin de déterminer quelle serait la meilleure façon de procéder pour rencontrer le fameux homme parfait. Elle songea à en parler à Marion, mais elle savait que les plans de son amie se résumeraient à entrer dans le premier bar rencontré sur leur chemin. Le hic, c’est que les gars qui se tiennent dans les bars n’ont souvent qu’une intention… et ce n’est pas de faire exploser des feux d’artifice en arrière-plan, avec une musique de film d’amour en sourdine, tout cela dans le but de faire perdre la tête à la fille qui pose ses lèvres sur les leurs. Les feux d’artifice se font plutôt rares dans les bars. Marilou se posait la même question que toutes les filles célibataires : mais où se cachent les bons gars ? Une fille de vingt-quatre ans a-t-elle encore une chance de rencontrer quelqu’un qui veuille se marier, fonder une famille, acheter une minifourgonnette, passer les vacances d’été à Disneyland et se mettre au golf au moment de la retraite ? Bien sûr, avant tout cela, il devrait obligatoirement passer haut la main l’épreuve du fameux baiser, ce qui n’était pas chose facile, compte tenu de toutes les modalités rattachées à cet événement. En y réfléchissant, Marilou comprit que la tâche qui l’attendait serait ardue, mais qu’en travaillant fort elle réussirait sûrement. Elle écrivit tout ce qui lui vint en tête pour l’aider à réaliser son rêve.

1. Regarder tous les films d’amour sortis récemment afin de voir comment procèdent les héroïnes du 21e siècle pour trouver l’homme parfait. Voici les plus importants titres à visionner : Le journal d’une princesse, Le prince et moi ( si, bien sûr l’homme visé est un prince, ce qui serait extraordinaire ), Twilight ( comme il serait plaisant de rencontrer un vampire séduisant - étant immortel, il resterait donc toujours beau et musclé ) - et finalement La bunny du campus ( film qui fournit toutes les astuces possibles pour les coquines qui espèrent séduire un homme autrement qu’avec leur intelligence ).

2. Fréquenter des lieux majoritairement masculins. Des exemples de ce type d’endroit : l’aréna du coin ( quoi de mieux qu’une partie de hockey pour rencontrer des hommes fanatiques de sports ), le centre sportif ( s’assurer d’être en forme avant d’y aller pour ne pas avoir de la sueur dans les yeux et éviter d’être trop essoufflée si un garçon entreprend une conversation intéressante ) et le magasin de jeux vidéo. ( N.B. : Ne pas oublier d’aller acheter une console Wii. Cela est essentiel si l’on veut attirer un homme chez soi. )

3. M’intéresser aux marques de voitures les plus populaires et apprendre quelques rudiments de la mécanique automobile. Le fait de connaître autre chose que le volant et les quatre roues peut meubler une conversation difficile à relancer avant l’étape fatidique du baiser.

4. Travailler mon anglais au cas où le fameux homme parfait s’exprimerait dans la langue de Shakespeare. Il faut prendre en considération que la plupart des hommes riches viennent des États-Unis et d’Angleterre. Parler couramment l’anglais augmente les chances de devenir une vraie lady ou de rencontrer un homme comme David Beckham.

Une fois sa liste de priorités établie, Marilou se fit un devoir de commencer à regarder les fameux films. Comme certains d’entre eux n’étaient pas encore disponibles dans les clubs vidéo, une séance de cinéma s’imposait. Son regard tomba sur son agenda, resté ouvert sur la table basse. La date d’aujourd’hui y était encerclée en rouge. En dessous était inscrit : souper chez Isabelle, dix-neuf heures. Jetant un bref coup d’œil à sa montre, Marilou constata qu’il était déjà dix-huit heures et que, si elle ne se dépêchait pas, elle arriverait en retard. Isabelle détestait les retardataires, elle qui était toujours si ponctuelle. Marilou fit un rapide saut dans la douche, se maquilla légèrement, perdit dix minutes à chercher ses souliers rouges qui lui donnaient une démarche sexy et opta en définitive pour ses chaussures mauves, qui étaient un peu moins hautes. Avec son mètre soixante-quinze, elle intimidait déjà certains garçons, alors pas question de faire peur aux hommes en rajoutant un petit décimètre à sa grande taille. Elle mit sa jupe favorite, l’échangea contre des pantalons. Finalement, afin de mettre en valeur ses grandes jambes, elle remit sa jupe. Bien que les chances soient peu probables qu’elle rencontre l’homme de sa vie ce soir-là ( Isabelle était lesbienne et invitait rarement des hommes hétérosexuels dans ses petits soupers ), elle aimait l’idée d’être séduisante. Peut-être pourrait-elle tenter sa chance auprès des femmes… Marilou rit à cette idée, mais le tic-tac de l’horloge la ramena vite à la réalité. Elle serait en retard ! Heureusement, sa vieille voiture ne lui causa aucun problème et démarra sans protester. Il fallait vraiment qu’elle rencontre un homme riche qui lui achèterait la Porsche de ses rêves. C’est donc avec dignité, et un peu de retard, qu’elle fit son entrée chez Isabelle. Maladroite de nature, Marilou, pressée de se diriger vers la bouteille de vin qui trônait sur la table, ne remarqua pas le chien couché près de la porte d’entrée. Malgré l’avertissement un peu tardif d’Isabelle, Marilou ne réagit pas assez rapidement. Et c’est en s’effondrant de tout son mètre soixante-quinze sur le tapis, sa jupe remontée révélant des dessous en coton avec des répliques miniatures de Bob l’Éponge, qu’elle croisa pour la première fois le regard de Rémi Duranleau.

Chapitre 2

Hor2.indd

Vos chiffres chanceux : 5, 10, 15, 20, 25, 30

Il est temps de faire un peu de ménage dans votre garde-robe, comme vous l’avez sans doute fait récemment dans votre vie. Une rencontre se profile à l’horizon. Allez de l’avant et mettez toutes les chances de votre côté. Peut-être qu’un voyage se présentera sous peu.

Il me faut ajouter à ma liste de toujours porter de beaux sous-vêtements coordonnés, pensa Marilou en pestant contre le chien d’Isabelle. Malheureusement pour Bob l’Éponge, même si les produits à son effigie étaient ultra-confortables, il prendrait le bord de la poubelle dès son retour à l’appartement. Heureusement pour Marilou, un petit public seulement avait assisté à son entrée fracassante et… embarrassante. Mais quelle humiliation quand même ! Ce public était composé majoritairement de femmes – des membres de la gent féminine aimant reluquer les jolis petits derrières des jeunes femmes dans la vingtaine. Le seul membre masculin du public sembla aussi fortement apprécier la scène. Ayant, dans la mesure du possible, retrouvé un semblant de dignité, Marilou se releva et prit quelques secondes pour constater les dégâts. Enfin, elle osa lever les yeux pour recroiser le regard amusé du spectateur. Il était de grandeur moyenne, environ un mètre quatre-vingts, et, quand Marilou baissa le regard, elle remarqua qu’il avait de très grands pieds. L’inconnu s’empressa de se présenter et de lui serrer la main, tout en lui précisant qu’il n’avait jamais assisté à une pareille entrée, et ce, malgré toutes ses expériences de voyages. Il avait un sourire franc, mais ses dents un peu jaunâtres révélaient son penchant pour la cigarette. Rémi était le frère de Betty, la conjointe d’Isabelle. Il était fraîchement débarqué de l’avion, de retour d’un séjour de six mois en Inde où il avait implanté une nouvelle technologie informatique. Bref, il était beau ( sauf les dents ) et intelligent ; de plus, il avait de l’argent, voyageait beaucoup et n’était pas gai. Le jackpot ! Voilà qui commençait bien la soirée ! D’ailleurs, Marilou et lui étaient les deux seuls convives célibataires. À croire que cette rencontre avait été programmée.

Entouré de toutes ces femmes, Rémi était charmeur, d’agréable compagnie, au point que l’arrivée catastrophique de Marilou fut rapidement éclipsée au profit d’anecdotes de voyages. Toutefois, malgré toutes ses galanteries et sa capacité à amuser son public, quelque chose de froid et de mystérieux subsistait en lui. Toute la soirée, il se montra galant, se levant légèrement lorsqu’une convive quittait la table, offrant son aide pour débarrasser les couverts ou pour le service. Les femmes, en général, semblaient l’apprécier. Marilou ne comprenait pas qu’un tel homme soit célibataire. Bien qu’elle se méfie, elle décida de laisser une chance à cet homme qui lui avait fait les yeux doux toute la soirée.

Dans la trentaine, possédant donc déjà une certaine expérience de la vie, Rémi ne se gênait pas pour proclamer haut et fort qu’il était à la recherche d’une femme qui lui donnerait des enfants dans les années à venir. Il disait être prêt à s’établir et à fonder une famille. Il continuerait à voyager pour le travail, alors que sa femme s’occuperait de leur progéniture à la maison. Telle était sa vision de l’avenir. Marilou fut prise de vertige. Quel genre d’homme pouvait bien vouloir imposer à sa femme le rôle de mère au foyer, alors que lui jouirait de toutes les libertés possibles dans son travail ? Elle commençait à comprendre pourquoi les femmes ne tournaient pas autour de Rémi comme des abeilles attirées par un pot de miel. D’ailleurs, toutes les convives échangèrent un regard surpris à l’annonce de cette nouvelle, qui donna lieu à une grande conversation sur le féminisme et le désir des femmes d’entreprendre une carrière grandiose – cette dernière étant trop souvent réservée aux hommes. C’en était trop pour Marilou qui n’aimait pas ces sujets. Elle préféra se resservir un petit verre de vin plutôt que de participer à la conversation. Bien sûr, elle n’aurait avoué à personne qu’elle aurait bien aimé être la femme d’un riche homme d’affaires et qu’elle adorerait ne pas devoir travailler à l’extérieur, mais la décision devrait être prise conjointement.

Vérifiant que le chien ne se trouvait pas à proximité de ses pieds, Marilou se leva précautionneusement. Elle remercia son hôtesse pour le délicieux repas ainsi que pour la soirée pleine de rebondissements. Rémi se fit un plaisir de la reconduire jusqu’à la porte. Il insista sur le fait qu’il l’avait trouvée charmante, intelligente, intéressante et de bonne compagnie, bien qu’elle n’ait pas échangé plus de deux phrases avec lui de toute la soirée. Elle s’était contentée d’acquiescer d’un bref mouvement de tête lorsque le regard de l’homme avait dévié vers elle pour obtenir une approbation quelconque. Déjà, après une seule soirée, Marilou avait l’impression que ses opinions et ses connaissances étaient vraiment banales comparativement à celles de Rémi. Toutefois, elle accepta de bonne grâce de lui donner son numéro de téléphone. Elle espérait qu’il ne l’appellerait pas. Dans le cas contraire, elle ne saurait pas quoi lui dire.

Chapitre 3

Hor3.indd

Vos chiffres chanceux : 8, 9, 22, 34, 55, 57

Comme la Lune est en Bélier et que Jupiter est en Capricorne, vous serez chanceux cette semaine. Regroupez-vous pour profiter au maximum de cette chance. En amour, vous êtes un vrai volcan sexuel. Sautez sur toutes les offres avantageuses ; vous ne serez pas déçu. Côté travail…

Marilou n’arrivait pas à se concentrer. Pigiste pour le journal local et auteure en herbe ( elle espérait réellement écrire un roman un jour ), elle s’occupait de la section Horoscope en attendant que son talent d’écrivaine soit reconnu à travers le monde ( ce qui, pour le moment, s’appelait rêver en couleurs ). Habituellement, la jeune femme prenait beaucoup de plaisir à rédiger l’horoscope, jouant sur les mots et riant des prédictions qu’elle faisait. Aujourd’hui, Marilou sursautait chaque fois que le téléphone sonnait. Et si c’était Rémi au bout du fil ? Que pourrait-elle bien lui raconter ? Au pire, elle pourrait lui lire son horoscope…

Hor4.indd

Vos chiffres chanceux : 2, 4, 13, 26, 32, 35

Les jupitériens vous posent des problèmes, mais les vénusiennes vous tournent autour. Votre libido est au maximum en ce début de semaine. Tenez-vous loin des sources de chaleur…

Ridicule ! songea Marilou. Le pire, c’est que les lecteurs croient tout ça. Quelques instants plus tard, la sonnerie du téléphone interrompit, pour la huitième fois, les pensées de la jeune femme. Impatiente, cette dernière décrocha sans regarder l’afficheur. Bien sûr, c’était lui. Elle le reconnut dès le premier mot grâce à son vocabulaire recherché et à la façon dont il roulait ses « r ». Bon Dieu, où ce garçon avait-il appris à parler ?

— Bonjour, Marilou ! Comment vas-tu aujourd’hui ? J’espère que je n’interromps pas une activité importante de ta journée ?

— Non, non…

— …

— Hum !… Veux-tu que je te lise ton horoscope ? suggéra la jeune femme.

— Euh… oui. Je suis Bélier.

— Oh ! Pour le Bélier, ce n’est pas encore tout à fait au point. Mais tiens-toi loin des sources de chaleur !

Et voilà, elle faisait déjà une folle d’elle. Non mais, quelle idiote !

— Je pensais m’offrir une petite séance de cinéma ce soir. Serais-tu intéressée de m’accompagner ?

— Ah, tiens donc, je pensais justement y aller moi aussi. Le mardi, c’est moins cher ! Quel film veux-tu aller voir ?

— C’est une surprise, mais je suis certain que tu vas adorer ! Je passe te prendre à dix-neuf heures. J’ai déjà ton adresse, Betty me l’a donnée. À plus tard !

Décidément, rien n’arrêtait ce gars-là. Marilou se sentit un peu bête d’avoir fait un commentaire sur le prix du billet. Elle se reprendrait pendant leur sortie.

— Non, mais quelle idiote, grommela-t-elle…

Au même moment, la porte s’ouvrit avec fracas sur une Marion fébrile. Ses beaux cheveux bouclés voguaient sur ses épaules au rythme de sa course. Elle atterrit finalement sur le sofa, après avoir attrapé le chat au vol.