Roman-photo

Atravers l’immense baie vitrée qui surplombait la Tamise,

Kerstin Chambers regardait Big Ben avec cette lassitude indifférente et vaguement déprimée qu’elle posait sur toute chose. Bradley Ford, son agent, lui présenta un portfolio qu’il étala sur la table basse. Elle considéra l’objet avec réticence, puis daigna s’asseoir sur le canapé, feuilleta les premières photos du bout des doigts et lâcha :

– Il est pas un peu plouc ?

Bradley Ford eut le sourire diplomatique de celui qui sait qu’il va devoir faire preuve de patience et affûter ses arguments.

– Ne sois pas si sévère, Kerstin. Tu connais les Français. C’est… comment dire ? C’est leur vision à eux du bad boy… Un peu rustique, je te le concède. Mais c’est justement ça qui est amusant. Le côté frenchie saucisson-fromage, c’est décalé, non ?

Elle ne dit rien.

Elle continua d’examiner les photos, de plus en plus consternée par le look de celui qui allait être son partenaire. Il représentait à ses yeux l’archétype du frimeur bronzé, bodybuildé, alternant un sourire de tombeur de supermarché et des mines faussement renfrognées. La mèche tour à tour rebelle et gominée. La chemise systématiquement ouverte sur une chaîne en or et des pectoraux triomphants. Le tout saupoudré d’une ambiance prétendument années 1950, avec une nette prédilection pour les grosses cylindrées américaines, les blousons de cuir et les tee-shirts blancs ultramoulants. Autant d’accessoires laissant supposer qu’il avait beaucoup vu John Travolta dans Grease. Ou qu’il se fantasmait en réincarnation de James Dean – hélas très au rabais.

– Il a quel âge ?

– 22 ans.

– Il est plus jeune que moi !

– Oh, huit ans de différence, c’est rien du tout.

Elle continua à feuilleter le portfolio, cette