Les Mystères d'Aezdria - Tome 3: D'ombre et de lumière
Par Caroline Meyer
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À propos de ce livre électronique
À PROPOS DE L'AUTEURE
Infirmière en radiologie interventionnelle, Caroline Meyer quitte la blouse blanche lors de la naissance de son fils pour se consacrer à sa famille et à sa passion pour l’écriture. Après avoir parcouru le monde en globe-trotteuse, elle voyage désormais à travers ses livres dans l'univers magique d’Aezdria.
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Avis sur Les Mystères d'Aezdria - Tome 3
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Aperçu du livre
Les Mystères d'Aezdria - Tome 3 - Caroline Meyer
Récapitulatif
des Tomes I et II
Sam, désireux de délivrer son père, prisonnier dans l’empire d’Aezdria, poursuit sa recherche de l’Oracle. Il espère ainsi obtenir des renseignements afin de combattre le maléfique sorcier Gargandal. Son comportement se modifie, la noirceur le ronge. Sa quête le mène à Solderad, d’où il embarque pour l’île d’Armorine après avoir échappé à une attaque dans le port.
Cependant, le vieux vampire Morguella a lancé un contrat sur sa tête. Quant à lui, il coule des jours heureux en compagnie de Cornelia.
Au même moment, Gargandal tente de réunir les deux mondes afin de sauver Dragonna, atteinte d’un mal mystérieux.
Theodaran, le roi aezdanan, découvre avec stupeur que son vieil ami Calendulus n’est autre que le fils de l’empereur défunt, et par conséquent son successeur. Néanmoins Calendulus n’est pas le seul à avoir omis certaines vérités. Theodaran cache lui-même un bien sombre secret. Un secret dont la teneur pourrait bien changer le monde…
1
Condamné
Mer d’Endraën,
à quelques lieues de Solderad.
L’ Ayral voguait paisiblement, ses voiles tendues frémissant sous la caresse du vent. Le navire étincelait sous les rayons lumineux qui s’accrochaient à sa paroi de nacre bleutée. Un pur diamant. Une sirène sculptée dans un coquillage s’érigeait en figure de proue. Le clapotis des vagues qui s’échouaient contre la coque avait remplacé le cri des mouettes, la terre n’était déjà plus qu’un lointain souvenir. La scène dégageait une impression de calme et de sérénité.
Un calme tout apparent que Sam était bien loin de ressentir. Peur, angoisse, rage. Panique. Les émotions le submergeaient. Il avait le sentiment qu’un tsunami l’avait emporté. Un raz-de-marée qui ne le laisserait pas indemne, brisant le peu de confiance qu’il avait en lui. S’il ne l’anéantissait pas tout entier…
La tête enfouie au creux de ses coudes, il tenta désespérément de chasser les sombres pensées qui envahissaient son esprit. Il aurait voulu les occulter, les annihiler, comme si les révélations qu’il venait d’entendre n’avaient jamais été énoncées…
Peine perdue. Les paroles d’Aleyna résonnaient en boucle, et l’impitoyable vérité le frappait de toute sa force.
Condamné ! Il était condamné. Il eut la sensation d’étouffer, des gouttes de sueur perlant sur son front. Le soleil brûlant n’en était certainement pas le seul responsable. Le temps s’était comme arrêté ; le vent qui lui souffletait le visage ne parvenait pas à atténuer ce sentiment d’oppression, cette chape de plomb qui s’abattait sur ses épaules.
Il releva lentement la tête et regarda ses amis. Tous l’observaient en silence, dans l’attente de sa réaction. Aucun d’entre eux n’avait touché aux plats – à l’aspect pourtant délicieux – qui reposaient sur la table autour de laquelle ils étaient assis, sur le pont supérieur.
Même Mirwan n’avait pas daigné goûter à la friandise dégoulinante de vanille et embaumant l’air de son parfum sucré qu’il aurait en temps normal avalé d’une bouchée. Il poussait de longs soupirs et se frottait les tempes, tout en luttant contre une nausée. Ergolan semblait tout aussi gêné et tapotait nerveusement la table, évitant de croiser le regard de Sam.
Aleyna, comme à son habitude, ne fuyait pas. L’inquiétude assombrissait ses yeux verts, d’ordinaire si lumineux, qui le dévisageaient avec compassion. Elle se tenait juste à côté de Sam. Il pouvait sentir son parfum, cette odeur enivrante qui en temps normal lui aurait fait tourner la tête, mais qui en cet instant ne lui procurait même pas la plus petite émotion. Il était bien trop terrassé par ce qu’il venait d’apprendre pour que cela lui fasse de l’effet. Il ne tressaillit pas plus quand elle posa sa main sur son épaule et la caressa doucement, en signe d’apaisement.
Les secondes, puis les minutes s’égrenèrent, dans un silence de plus en plus oppressant, sans que Sam esquisse le moindre geste ni ne formule la moindre parole. Il en aurait été bien incapable, tant la boule dans sa gorge enflait, menaçant d’exploser. S’il ne prononçait ne serait-ce qu’un seul mot, ce serait l’ouverture des vannes, il en était certain.
Il sentit le goût âcre de la bile remonter le long de son œsophage et venir titiller ses papilles. Un haut-le-cœur le saisit, si violent qu’il dut se retenir. Il se leva précipitamment, et courut s’adosser à la balustrade. Il ne résista pas à la deuxième offensive et déversa le peu de nourriture que contenait son estomac à la mer. Cela ne le soulagea pas pour autant. La douleur dans son ventre ne s’était nullement apaisée, l’angoisse revenait de plus belle, et la bile lui brûlait la gorge. Une puissante envie de crier le submergea.
Il serra fortement la balustrade, si fermement que ses mains lui firent mal, et le hurlement qu’il poussa brisa le silence environnant avec une telle intensité qu’il fit frissonner les personnes présentes. Il remarqua du coin de l’œil les marins – des Aquarions – qui avaient cessé leurs occupations pour le dévisager. Leur capitaine, qui tenait la barre, les remit à l’ordre et ils reprirent leur activité en haussant les épaules. Sam en fut mortifié. Une bête de foire, voilà ce qu’il allait devenir.
Le cri mourut dans sa gorge. Libérer ses émotions le soulagea momentanément, cependant la sensation ne dura pas. L’angoisse revenait, en force. Il devrait désormais vivre avec. Si tant était qu’il vive…
Il sentit à nouveau une main apaisante dans son dos. Aleyna. Il n’avait pas besoin de se retourner pour savoir que c’était elle. Il demeura immobile et laissa errer ses yeux sur la ligne horizontale qui s’éloignait de plus en plus. Solderad ne serait bientôt plus qu’un souvenir. Tout comme le Sam qu’il avait été…
– Je suis fichu, c’est bien ça ? Vous devriez vous débarrasser de moi avant qu’il ne soit trop tard.
Sa voix n’était plus qu’un murmure.
– Ne dis pas ça ! Nous ne t’abandonnerons jamais. Ne baisse pas les bras, tu peux encore t’en sortir ! Il n’est pas trop tard !
– Ah oui ? Et comment ? Il n’y a pas de remède, tu l’as dit toi-même, rétorqua Sam, amer.
– Non, effectivement, il n’existe à ma connaissance pas de médecine pour te soigner. Pour autant tout n’est pas perdu, tu dois lutter contre le mal qui te ronge. Seule ta volonté te permettra de vaincre le poison de la haine qui s’insinue en toi.
– Aleyna a raison, Sam. Ne te laisse pas abattre, s’écria Mirwan qui les avait rejoints. Tu dois trouver en toi la force de combattre.
Sam soupira. Plus facile à dire qu’à faire. Depuis qu’il était arrivé dans l’empire d’Aezdria, il n’entendait que ça. Aie confiance en toi, Sam, dépasse tes limites, Sam… bloque tes pensées, surmonte tes peurs… sois fort et courageux. Merde ! Il en avait assez de devoir se montrer fort et courageux, alors qu’au fond de lui, il crevait de trouille !
C’est vrai qu’il s’était senti plus aguerri, ces derniers temps, mais c’était sans doute dû à la présence maléfique qui s’insinuait en lui, ou alors à l’assurance que lui prodiguait le médaillon. Tiens ? Le médaillon ! Ne pourrait-il pas l’aider dans sa lutte contre le démon qui prenait peu à peu possession de son corps, de son âme ?
Soudain plein d’espoir, il toucha sa poitrine, là où ses doigts s’attendaient à trouver le métal dur et froid du talisman de Mäesunia. Ils ne rencontrèrent que le vide. Sam tâtonna fébrilement son torse des deux mains. Aucune trace du pendentif !
– Le médaillon ! Je l’ai perdu !
– Perdu ? Comment as-tu pu l’égarer ? Dans la bagarre, l’autre nuit, peut-être ? s’exclama Ergolan, le ton légèrement accusateur.
Aleyna lui lança un regard courroucé. Ergolan se mordit les lèvres, regrettant déjà sa remarque.
– Non, il l’avait au cou lorsque nous sommes partis pour le port, j’en suis certaine.
– Des pickpockets ! L’attaque que nous avons subie n’était sans doute pas une coïncidence, murmura Mirwan en se grattant le front.
– Comment va-t-on faire, maintenant ? Je n’ai plus aucun espoir, soupira Sam, désemparé.
– Je ne pense pas que le talisman de Mäesunia aurait été d’une quelconque utilité dans ta lutte contre ce qui te ronge. Comme tu le sais, il te protège contre les sortilèges, pas contre la maladie.
– Alors ? Il n’y a plus rien à faire ? Je… je suis… perdu ?
– Comme je te l’ai expliqué, une personne a réussi à combattre le mal, et elle n’est ressortie de cette épreuve que plus forte, affirma Aleyna.
– Oui, un vaillant chevalier, ce qui est loin d’être mon cas, marmonna Sam. Je te rappelle que je ne suis pas un exemple de bravoure.
– Moi je te trouve très courageux.
Sam leva un sourcil, surpris d’entendre ces mots de la part d’Ergolan.
– Je n’aurais jamais imaginé te dire ça un jour, pourtant je suis persuadé que tu es beaucoup plus fort que tu le penses, renchérit celui-ci. Tu dois croire en toi, de la même manière que nous t’accordons notre confiance. S’il est une personne capable de surmonter cette épreuve, c’est bien toi.
Sam soupira :
– C’est gentil à vous de vouloir me remonter le moral, mais… je ne suis pas dupe. Autant me passer tout de suite par-dessus bord, comme ça mon cas sera réglé.
Il regarda les flots, comme attiré par le mouvement continu. Pourquoi pas, après tout ? Ce serait tout de même mieux que ce qui l’attendait…
Avant que les autres n’aient le temps de réagir, il grimpa sur la balustrade et l’enjamba. Il s’assit sur le promontoire, et respira profondément. S’il n’était pas assez haut pour que sa peur du vide le submerge, il n’en transpirait pas moins. Les gouttes de sueur collaient ses cheveux châtains sur son front et se mêlaient aux larmes qui perlaient de ses yeux noisette. Il était livide.
– Sam ! s’affola Aleyna.
Elle aussi pleurait, ses joues d’ordinaire si roses et fraîches concurrençant celles de Sam par leur pâleur.
– Je t’en prie, Sam ! N’abandonne pas ! Ne m’abandonne pas !
C’était un véritable cri du cœur. Sam en fut touché. Aleyna tenait sincèrement à lui. Pour un peu, il aurait eu envie de descendre de la balustrade et d’aller l’enlacer pour la consoler. Mais à quoi bon ? De toute façon, il allait disparaître. Alors, autant en finir tout de suite.
– Je suis désolé… je… je n’y arriverai pas. Je ne veux pas devenir un monstre ! Je ne veux pas devenir… comme eux !
Il regarda ses bras en frissonnant. Il se serait presque attendu à les voir recouverts de longs poils noirs.
– Tu ne deviendras pas comme eux ! Comme je te l’ai expliqué, la morsure de lycan ne provoque pas de transformation… Du moins pas sur le plan physique…
– Oui, tu m’avais dit aussi qu’elle n’aurait pas de conséquences !
Aleyna se pinça les lèvres, gênée.
– Je suis désolée, Sam. D’ordinaire, cela ne génère pas ce genre de complication. Ce qui t’arrive est très rare, et ne touche apparemment que les humains…
– Ben voyons… Et il fallait que ça tombe sur moi !
– Ce n’est peut-être pas un hasard, fit la voix de Mirwan.
Sam, surpris, se risqua à retourner la tête en direction de Mirwan. Le sage Aezdanan tendait une main vers lui avec douceur, comme pour le dissuader de sauter. Un pli soucieux barrait son front, et ses yeux gris reflétaient toute l’affection et l’inquiétude qu’il éprouvait envers Sam.
Ce n’est peut-être pas un hasard… Qu’avait-il voulu insinuer ?
Avant que Sam ne puisse l’interroger, il se sentit encerclé et tiré vers l’arrière. Par deux bras puissants et musclés qui le soulevèrent sans difficulté et qui resserrèrent leur étreinte une fois Sam en sécurité de l’autre côté de la balustrade.
– Ergolan ! Lâche-moi tout de suite !
Irrité, Sam chercha à se dégager, néanmoins le prince était bien plus fort que lui. Il maintenait la pression imperturbablement tandis que Sam gesticulait.
– Seulement si tu promets que tu ne tenteras plus de sauter à nouveau.
– Pourquoi ? N’ai-je pas le droit de mourir dignement ?
– Tu ne vas pas mourir ! Aie confiance en toi, pour une fois ! Essaie, au moins ! Tu baisses les bras sans même te battre ! Après tout ce que tu as accompli ! Toutes ces épreuves traversées ! Pense à ton père ! Je croyais que tu étais prêt à tout pour le retrouver !
Sam se calma et cessa ses efforts pour se dégager. Les paroles d’Ergolan avaient fait mouche. La mention de son père lui insuffla un regain de courage. Le prince avait raison. Il ne pouvait abandonner après tout ce qu’il avait enduré. Une fois de plus, Charlie Goillon serait son moteur, celui pour lequel il était venu en Aezdria.
Et sa mère ! Que ne donnerait-il pas pour la revoir ! Elle devait être morte d’inquiétude. Ne pas savoir où était son fils, ni même s’il était encore en vie ! Disparu sans laisser de traces, depuis des semaines, des mois peut-être…
Il avait perdu le fil du temps. Les journées se succédaient et semblaient passer si vite, dans l’empire d’Aezdria. Comme il lui paraissait loin, ce jour fatidique où la rencontre avec Cyclopée avait bouleversé son existence. Ce jour maudit, dans un sens, et béni, dans un autre.
Maudit, car il l’avait entraîné dans cette aventure qui risquait bien de lui coûter la vie. Il s’était trouvé face à des créatures monstrueuses qui cherchaient à le kidnapper, avait manqué être dévoré vivant par des lycans, et voilà qu’il allait probablement y perdre aussi son âme.
Béni, car il avait enfin une chance de retrouver ce père qu’il n’avait jamais connu, et auquel il s’identifiait tellement. L’occasion lui était donnée de se dépasser, de faire surgir du plus profond de lui-même des capacités qu’il n’aurait même pas soupçonnées. D’aller au-delà de ses limites. De vivre une Aventure, avec un grand A. Et surtout de rencontrer Aleyna.
D’autant plus béni que, pour la première fois de sa vie, l’on avait cru en lui. Il n’était plus simplement Sam Goillon, adolescent suisse de quatorze ans, mal dans sa peau et risée de tout un collège, souffre-douleur de Julien.
Depuis ce jour où il avait fait la connaissance de Cyclopée, il était Sam, l’Être Élu. Celui sur lequel tout un peuple comptait. Celui qu’on espérait.
Sam regarda ses amis un par un, et s’aperçut qu’il était la seule personne présente à douter de lui-même.
Ils te font confiance, Sam, alors fais-toi aussi confiance…
Il toucha sur son front, comme pour se donner du courage, le cristal en forme de losange qu’arboraient tous les Aezdanans, et qui lui permettait de comprendre instantanément toutes les langues parlées dans l’empire. Il avait fini par s’habituer à ce symbole incrusté dans sa chair, ainsi qu’aux modifications corporelles consécutives à sa transformation en Aezdanan. Il se sentait bien dans cette nouvelle silhouette. Plus grand, plus fort, plus svelte. Si son ventre conservait quelques rondeurs, le tout paraissait tout de même mieux proportionné. Peut-être était-ce aussi dû aux longues marches effectuées depuis qu’ils étaient partis d’Azourian.
Sam respira profondément, et prit une résolution. Oui, il relèverait la tête. Oui, il résisterait à ses démons intérieurs. Pour sa mère, pour son père. Pour Aleyna. Pour le peuple d’Aezdria. Mais surtout – et ça, c’était le plus important, car jusqu’à présent il n’avait jamais eu de considération pour sa propre personne – pour lui.
– Je me battrai, je vous le garantis. Je ferai tout mon possible pour lutter contre ce qui me ronge. Mais… vous devez me promettre une chose…
– Laquelle, Sam ? demanda Aleyna.
– Si je n’y parviens pas, si le mal s’empare de mon âme… tuez-moi.
Trois cris indignés fusèrent à l’unisson :
– Non !
Aleyna le serra contre lui, les larmes aux yeux.
– Promettez-moi. Je ne veux pas devenir un monstre. Et surtout…
Sa voix se brisa puis il se reprit :
– Je… Je ne peux pas risquer de vous blesser… ou pire.
Il frémit en songeant aux cauchemars qui hantaient ses nuits, à cette vision qu’il avait eue du corps de ses amis en sang, les vêtements en lambeaux, et lui qui se délectait de leur chair.
Aleyna allait protester à nouveau, quelque chose dans son regard l’arrêta. Elle avait compris que vivre ainsi serait pour lui une souffrance qu’elle ne souhaitait pas lui infliger.
– Je te le promets, murmura-t-elle, une larme coulant le long de sa joue qui n’avait toujours pas retrouvé ses couleurs.
Sam résista à l’envie de caresser ses cheveux de miel, qui ondulaient librement en cascade le long de ses épaules. Ce n’était ni le moment ni l’endroit. Ergolan s’avançait vers lui et le serra dans ses bras.
– Je t’en fais serment, mais je compte sur toi pour ne pas avoir à le faire, déclara-t-il, la voix enrouée par l’émotion.
Sam lui sourit en retour. Un sourire triste, las. Il était touché de voir à quel point il était important pour Ergolan. Malgré les différends qu’ils avaient eus, et la rivalité qui existait encore parfois entre eux au sujet d’Aleyna, il comprit que celui-ci tenait beaucoup à lui.
Entre les deux adolescents, si la relation demeurait par moments tendue, elle n’en restait pas moins forte. Un peu comme deux frères, qui, bien que complices, ne pouvaient s’empêcher de se quereller.
Ergolan souffla bruyamment. Il tenta de juguler le flot d’émotions qui le submergeait et détourna le regard avant qu’Aleyna ne remarque ses yeux humides. Il ne se cacherait pour une fois pas derrière sa jovialité habituelle. La situation était bien trop grave.
Ergolan recula d’un pas, cédant la place à Mirwan qui s’avança vers Sam. Lui ne cherchait pas à masquer ses sentiments et laissa librement les larmes couler le long de ses joues rebondies tout en serrant Sam si fortement dans ses bras qu’il l’en étouffait presque. Il le garda ainsi plusieurs minutes, jusqu’à ce que Sam manifeste son besoin d’espace. Il leva les yeux vers Mirwan, et lut dans son regard la promesse que celui-ci réaliserait sa volonté le moment venu si les choses devaient mal tourner.
La vue brouillée, Mirwan recula et bredouilla :
– Nous n’aurons pas à en arriver là, Sam. Je suis sûr que tu sauras te débarrasser de tes démons, comme ton ancêtre avant toi.
– Mon ancêtre ? C’est pour ça que tu m’as dit que ce n’était peut-être pas un hasard ?
Mirwan approuva d’un hochement de tête :
– Oui. Dans le livre que Carlorian a prêté à Aleyna, il est précisé que la seule personne qui ait réussi à lutter contre « Le Mal des Lycans » – car c’est ainsi que se désigne ce dont tu souffres – est un humain membre de la famille impériale. S’il n’est pas nommément cité, certains passages me laissent penser qu’il s’agit de ton aïeul, l’empereur Ormandi.
– Mon ancêtre a lui aussi été mordu ?
– Je ne peux répondre à cette question de façon précise. Je l’ignore. Néanmoins je me souviens qu’à l’époque, il courait des rumeurs à ce sujet. L’on disait également qu’Ormandi avait un lien avec la défaite de Gargandal. Ce n’étaient que des clabaudages, démentis par la suite par Philétus. Pourtant, je pense qu’ils étaient fondés. Et que ce n’est pas un hasard si c’est toi en personne, le descendant d’Ormandi, qui as été choisi pour vaincre Gargandal.
Sam resta un moment songeur. Les yeux dans le vague, il réfléchissait aux propos de Mirwan. Les paroles de son ami lui redonnèrent du courage.
– Tu crois qu’Ormandi avait dans ses gènes l’antidote lui permettant de résister au mal qui l’envahissait, et que je serais doté de ce même antidote ?
– Peut-être. Je l’espère…
Mirwan soupira. Il n’ajouta pas le fond de sa pensée. Celui qu’il supposait être Ormandi était le seul humain affligé par le syndrome du mal des Lycans à s’en être sorti. S’il ne possédait pas une quelconque immunité héréditaire, il se demandait bien ce qui pourrait sauver Sam. Il préféra taire ses craintes et répondit avec un optimisme un brin forcé :
– J’en suis sûr, même.
Ses paroles avaient atteint leur but. Sam semblait plus calme, et dans ses yeux brillait une lumière qui n’était plus là auparavant : l’espoir. Celui que l’antidote se trouvait en lui, dans ses chromosomes. Et la certitude que l’amour de ceux qui l’entouraient deviendrait son moteur.
– J’espère que tu as raison, finit par dire Sam. Je préférerais tout de même que vous preniez vos précautions. Attachez-moi, que je ne puisse pas vous faire de mal.
Il tendit les bras vers ses amis, comme s’il attendait qu’ils lui enfilent les menottes. Mirwan secoua la tête :
– Je ne pense pas que cela soit nécessaire en journée. C’est la nuit que tes démons se réveillent.
– Pour l’instant. Si j’échoue, si je les laisse me posséder, mon âme sera leur de jour comme de nuit, n’est-ce pas ?
Mirwan passa une main nerveuse dans ses cheveux blonds, puis se caressa le menton. Il esquissa une étrange grimace, comme s’il se refusait à dire les choses. Il finit par bredouiller :
– Oui… mais… nous n’en sommes pas là. Je ne pense pas que tu représentes un danger pour les autres, du moins