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Au-delà des mers: Tome I : 1782-1815
Au-delà des mers: Tome I : 1782-1815
Au-delà des mers: Tome I : 1782-1815
Livre électronique211 pages3 heures

Au-delà des mers: Tome I : 1782-1815

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À propos de ce livre électronique

Cet ouvrage n’est pas à proprement parler un livre d’histoire. C’est à travers la vie simple de Gaspard Dufourg, futur arpenteur, que l’on découvre l’histoire de l’Île de la Réunion, tour à tour Île Bourbon puis Bonaparte. Un nombre important d’hommes et de femmes étaient venus s’installer sur ce petit bout de France perdu dans l’Océan Indien. Ils fuyaient la famine ou les persécutions pour certains, d’autres y venaient chercher l’aventure ou se faire oublier. Nombre d’entre eux étaient des marins ou des soldats qui par choix ou par la fortune du sort s’y sont définitivement implantés. C’est le cas du héros de ce roman qui traversera des heures marquantes de la création de la Réunion, la conquête du pouvoir et l’invasion anglaise, l’intensification de la traite de l’esclavage avec l’apparition des grands domaines qui suite aux cyclones dévastateurs planteront une nouvelle culture qui résistera mieux à la fureur des éléments, la canne à sucre. Il connaîtra aussi les prémices de l’abolition de la traite et du développement de l’île. Trop modeste pour être de ceux qui décident, libre de cœur et d’esprit, il vivra avec son temps et ses idées d’émancipation chères à la Révolution française mais très souvent freinées par la mainmise récurrente d’un pouvoir central venant de l’île voisine, l’Île de France qui deviendra plus tard l’Île Maurice.
LangueFrançais
Date de sortie7 sept. 2021
ISBN9782312083957
Au-delà des mers: Tome I : 1782-1815

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    Au-delà des mers - Arnaud Mora

    cover.jpg

    Au-delà des mers

    Arnaud Mora

    Au-delà des mers

    Tome I : 1782-1815

    LES ÉDITIONS DU NET

    126, rue du Landy 93400 St Ouen

    Crédit de couverture.

    © François Chandellier, Plan de la ville de Saint-Denis (détail), 1808, Archives nationales d’outre-mer ‌fonds du Dépôt des fortifications et des colonies, Réunion.

    © Les Éditions du Net, 2021

    ISBN : 978-2-312-08395-7

    À Cécile.

    Avant-propos

    Cet ouvrage n’est pas à proprement parler un livre d’histoire. C’est à travers la vie simple de Gaspard Dufourg, futur arpenteur, que l’on découvre l’histoire de l’Ile de la Réunion, tour à tour Ile Bourbon puis Bonaparte. Un nombre important d’hommes et de femmes étaient venus s’installer sur ce petit bout de France perdu dans l’océan Indien. Ils fuyaient la famine ou les persécutions pour certains, d’autres y venaient chercher l’aventure ou se faire oublier. Nombre d’entre eux étaient des marins ou des soldats qui par choix ou par la fortune du sort s’y sont définitivement implantés. C’est le cas du héros de ce roman qui traversera des heures marquantes de la création de la Réunion, la conquête du pouvoir et l’invasion anglaise, l’intensification de la traite de l’esclavage avec l’apparition des grands domaines qui suite aux cyclones dévastateurs planteront une nouvelle culture qui résistera mieux à la fureur des éléments, la canne à sucre. Il connaîtra aussi les prémices de l’abolition de la traite et du développement de l’île. Trop modeste pour être de ceux qui décident, libre de cœur et d’esprit, il vivra avec son temps et ses idées d’émancipations chères à la Révolution française mais très souvent freinées par la mainmise récurrente d’un pouvoir central venant de l’île voisine, l’Ile de France qui deviendra plus tard l’Ile Maurice.

    Tous les personnages et les lieux qui apparaissent dans cet ouvrage sont réels. Je me suis attelé à retranscrire l’histoire de mon héros dans l’Histoire, la grande. Que les lecteurs dont c’est le métier me pardonnent par avance s’ils trouvaient des incohérences de date ou de lieu.

    Le grand départ

    1782

    Je ne savais pas si ma vue était troublée par mes larmes ou la fine pluie qui tombait depuis le matin. Sur la route de Bordeaux, je me retournai une dernière fois vers le hameau de Cursan, apercevant le toit de notre ferme, enfin ce qui fut notre ferme. Depuis le mois dernier et la mort de Père, le comte n’avait rien voulu savoir et nous avions été chassés, Mariette et moi, comme des vauriens. Cela me laissait un sentiment de honte devant la grande lâcheté de tout notre village car personne ne s’était opposé à ce grand dérangement. Même nos voisins que Père avait si souvent aidés aux foins ou aux vendanges n’avaient fait que se claquemurer pour ne pas voir ce comportement plein de perfidie. L’abbé Mauras avait bien essayé de raisonner notre seigneur mais rien n’y avait fait. Ma petite sœur Mariette, ma sœur chérie, ils l’avaient placée dans une ferme plus au sud comme servante. « À douze ans c’est bien assez pour travailler chez un bon maître » avait dit le prévôt d’un air dédaigneux. Je marchai encore et encore, mes pieds me faisaient mal dans mes sabots trop grands et je pleurais. Je repensais à l’abbé, ce bon abbé qui m’avait tant enseigné le soir après le travail de la vigne, au coin du feu de notre ferme. Par amitié pour Père il m’avait appris à lire et écrire, compter aussi et il avait su me transmettre cette passion de l’espace et de la géométrie chère à Pythagore. Je me rappelais aussi ces longues soirées où il nous contait l’histoire du pays et des fables, ces belles fables qui faisaient tant rire Mariette, petite, et sourire Père à qui cela n’arrivait pas souvent depuis que Mère était morte, mais l’abbé, cette bonne personne, réussissait toujours à mettre de la joie dans notre foyer. Il savait nos peines, partageait nos joies. Par son attachement à notre famille, je le comprenais à présent, le brave homme voulait simplement fuir ce qu’il savait déjà, la lâcheté de ses semblables. Il trouvait chez nous cette quiétude des foyers modestes, bien tenus et où l’on cherchait à s’instruire sans en remontrer aux gens. Il avait promis de venir me visiter à Bordeaux quand il se rendrait à l’évêché. C’est grâce à son intervention que l’armée du Roi ne m’avait pas pris, car à quatorze ans j’avais l’âge, avait dit le prévôt. L’abbé était intervenu et à force de persuasion avait réussi à me faire placer chez mon oncle Fernand, le frère de Mère, celui que Père qui ne le portait guère dans son cœur appelait « le vendeur de papier ». Quand je vis mon oncle pour la première fois, il y a deux semaines de cela, il me fit peur avec sa tête ronde et rouge, sa bedaine engoncée dans un gilet jaune et ses habits de marchand de la ville. Ses cheveux gras d’un blanc tirant sur le jaune passé lui tombaient sur la nuque en pagaille, sans élégance aucune qui aurait pu lui faire porter un catogan pour éviter de ressembler à un épouvantail de basse-cour. Il avait l’air si sûr de lui, il transpirait l’amour propre et toute sa personne désignait un personnage hautain. J’ai vu qu’il avait une chaîne accrochée à son gilet avec une montre en or, comme le comte, il devait être bien riche, l’oncle. Il m’avait regardé de la tête aux pieds pour me jauger puis, en faisant une moue il s’était mis à l’écart avec le prévôt et l’abbé. Quand il revint, je me souviendrai toute ma vie de ce qu’il dit :

    – C’est bon mon garçon, on va faire quelque chose de toi, petit vaurien, mais je te préviens, je te prends pour le gite et le couvert. Tout homme doit mériter son pain, pas de fainéant chez moi, tu travailleras à l’entrepôt et ne t’attends pas à avoir un sou, tu me coûteras déjà bien assez cher comme ça.

    – Vous êtes bien aimable monsieur Feuillas dit l’abbé, vous ne le regretterez pas, Gaspard est bon travailleur, dur à la tâche et de plus, instruit.

    – Il sait compter ?

    – Oui et écrire aussi, il a quelques lacunes en latin, mais qui n’en a pas ? dit l’abbé Mauras en me regardant tendrement.

    – S’il sait compter, qu’il n’en profite pas pour rapiner ou, monsieur l’abbé, je vous le renvoie vite fait. Qu’il ramasse ses guenilles, s’il en a et qu’il me retrouve à Bordeaux avant la sainte Catherine, la foire va bientôt commencer et je serai bien pris alors avec mon commerce comme depuis cette paix nouvellement signée. Voilà mon adresse monsieur le prévôt, dit-il en tendant un bout de papier froissé et sale à l’homme de loi.

    L’oncle partit sans m’adresser la parole, rentrant par la malle-poste de Créon. Devant mon visage déconfit, l’abbé m’avait conté la fin de la guerre aux Amériques et la foire qui promettait beaucoup avec le commerce qui reprenait en cette fin d’année. Je savais bien que le brave homme tentait de me masquer son désarroi par de fabuleuses descriptions sur cette nouvelle vie qui m’attendait. Il était maintenant prolixe à me décrire la ville et ses merveilles, les bâtiments, le commerce et ce port qui voyait passer tant de marchandises et de richesses. Mais il n’avait pas su lire la détresse dans mes yeux.

    Je m’abritai sous un grand chêne qui trône au bord du chemin, sentant le besoin de faire une halte. Je marchais depuis grand matin et mes pieds me faisaient toujours autant souffrir. J’étais trempé avec cette pluie fine et froide, je grelottais et serrais les dents. Ma musette n’était pas bien épaisse, quelques affaires de rechange, une chemise et deux bas en laine, une couverture, ma Bible et deux livres de l’abbé sur les mathématiques ainsi que le couteau de Père étaient mes seules richesses. Ma musette contenait également de maigres provisions, j’en tirai un bout de pain et un oignon que je mordis à pleines dents.

    – Hé petit ! Que fais-tu là seul au bord du chemin ?

    Je me retournai et vis un homme juché sur une carriole remplie de sarments de vignes que je n’avais pas entendu venir.

    – Tu vas où comme ça ? À l’armée du Roi ?

    – Non monsieur, je suis attendu par mon oncle à Bordeaux.

    – À Bordeaux ? Mais t’es pas rendu, garçon et la nuit va tomber. M’est avis que tu vas attraper la mort à rester dormir dans le fossé comme un mendiant.

    – Ça va aller monsieur, je n’ai pas peur, il faut seulement que j’y sois à la sainte Catherine.

    – Pour sûr, tes guenilles ne vont pas attirer le bandit de grand chemin ! Viens et monte donc, on te trouvera bien un coin dans l’écurie et une bonne soupe pour te réchauffer.

    Je montai et m’assis à côté de lui en le remerciant et remerciant le Ciel intérieurement pour avoir mis ce bon paysan sur mon chemin. Il reprit la route et se décida à engager la conversation que je n’osais moi-même entamer car comme me l’avait enseigné l’abbé, je préférais me taire en présence de cet homme inconnu qui avait l’âge de mon Père.

    – Je reviens de mes vignes, la récolte de sarments après les dernières vendanges m’a été profitable cette année, grâce à Dieu. Les temps sont durs. J’irai à Bordeaux demain grand matin pour les vendre, il leur en faut de mes fagots pour caler les barriques vu qu’un grand départ pour les Amériques est prévu. Je t’amènerai, me dit-il, en regardant avec pitié l’état de mes sabots tout crottés.

    – Je n’ai pas le sou pour la soupe monsieur, ni la paille.

    – Qui t’a parlé de payer, c’est pas bien drôle de voir un gamin de ton âge sur le bord du chemin, m’est avis que t’as pas trop envie de connaitre Bordeaux, non ?

    – Je n’y suis jamais allé, c’est le prévôt qui m’a placé après la mort de Père chez un oncle que je ne connais pas, Fernand Feuillas.

    – Le Feuillas ? C’est ton oncle ? Ben tu vas pas rigoler tous les jours mon garçon, foi de Marie-Joseph ! C’est un fieffé gredin celui-là, il commerce la farine pour les Amériques, maintenant que la guerre est finie – enfin quand les Grands de ce monde auront signé le traité – et c’est pas joli joli la manière dont il remplit ses tonneaux.

    – Il vend de la farine ?

    – Oui, avant il était marchand de vin des pays comme on dit et puis il a fait faillite, enfin c’est ce qu’il dit. Je crois plutôt que c’est avant de se faire attraper par le sénéchal. C’est façon de cacher ses affaires louches, d’après moi la faillite n’est pas arrivée toute seule !

    – Qu’est-ce qu’il a fait ?

    – Tu vois petit, les marchands de vin à Bordeaux, ben ils vendent que le vin de Bordeaux, les autres régions peuvent le vendre aussi pour les envoyer dans les colonies, mais avec des petits tonneaux et moins cher, tu comprends ?

    – Oui mais pourquoi des petits tonneaux ?

    – Pour pas les confondre avec ceux de Bordeaux qui se vendent plus cher ! Ton oncle a eu l’idée de transvaser du vin pas de chez nous dans des tonneaux de chez nous, tu comprends ? Et au passage, il se faisait beaucoup de profit mais c’était pas légal. Bon, assez parler de tout ça, tu verras bien par toi-même. On est arrivés, je sens la soupe de la Thérèse d’ici.

    – Nous rentrâmes dans un corps de ferme de belle allure, en pierres blondes. J’aperçus les écuries sur ma droite et vis sortir sur le pas de la porte une femme en tablier vert, entourée d’enfants pour certains encore accrochés à ses jupes. J’aidai l’homme à dételer, brosser son mulet dans l’écurie, lui changer sa litière. Je portai moi-même un seau que je tirai du puits pour abreuver la bête. Le paysan me montra un coin dans la pièce où j’allais dormir. Au moins me dit-il, je serais au chaud et à l’abri de ce temps qui n’allait pas en s’améliorant.

    – Allons, c’est l’heure de la soupe gamin, mais comment t’appelles-tu ? Je ne t’ai pas demandé.

    – Gaspard Dufourg, monsieur, de Cursan.

    – Moi, c’est Marie-Joseph. On va souper maintenant, la Thérèse nous attend.

    La salle était vaste mais basse de plafond, avec de grosses poutres où étaient accrochés de l’ail tressé et un jambon, maigres ressources au vu des clous vides disséminés le long des pièces de bois, comme s’il manquait une bonne partie des provisions qui auraient dû y pendre en cette saison de l’année. Le sol, en tomettes de terre cuite disjointes, brillait de sa dernière couche de cire d’abeille. Ce foyer modeste était chaleureux, propre et bien tenu. Je pris mon écuelle et ma cuillère dans ma besace et m’installaI à son invitation sur le banc à côté de mon hôte. Il me servit une pleine louche de soupe aux légumes avec quelques morceaux de lard. Toute la famille était là, y compris une grand-mère qui ne causait guère, au bout de la table en bois. La cheminée renvoyait une douce chaleur et la veillée fut agréable, le père Marie-Joseph me conta la ville et ses merveilles. Je buvais ses descriptions de ce monde si différent qu’il fallait que j’apprenne à connaitre. Cela dura une bonne partie de la soirée, puis il m’amena à l’écurie, éclairé de sa lanterne. Je me couchai alors bien content de ma bonne fortune, dans la paille fraiche et sèche, le ventre plein, la tête remplie de rêves de cette grande cité qui m’attendait. Je remerciai encore dans mes prières le Seigneur d’avoir mis ces paysans sur ma route, ils m’avaient nourri et logé malgré, je le voyais bien, une gêne matérielle comme on en trouvait beaucoup dans toutes les campagnes alentour. Le lendemain, on reprit la carriole et sans oublier de saluer la Thérèse, en la remerciant encore de sa bonne hospitalité, je pris avec Marie-Joseph le chemin de Bordeaux.

    Nous entrâmes dans la ville par une immense porte cochère en pierre de taille et ce qui me surprit tout de suite fut la hauteur des bâtiments. Il y avait le long des quais toute une enfilade d’entrepôts d’où sortaient et rentraient de nombreux travailleurs, livreurs et porteurs. J’avais déjà aperçu ces rangées de façades semblables à des remparts depuis la barge qui nous avait fait traverser le fleuve, à la carriole et nous. Je regardais partout, je n’avais jamais vu autant de monde. J’étais fasciné par cette ruche extravagante de bruits et de mouvements.

    – C’est la première fois que tu viens à la ville mon gars ? demanda Marie-Joseph.

    – Oui c’est la première fois, c’est grand et plein de gens !

    Il éclata de rire devant ma naïveté et me montra les maisons importantes, ajoutant le nom des grandes familles qui les possédaient et m’amena à la Bourse. C’était le début des préparatifs pour le marché qui s’ouvrait dans quelques jours. Les étals commençaient à être montés, les cageots entreposés dans un capharnaüm organisé où seuls se retrouvaient les habitués reconnaissables aux ordres qu’ils donnaient aux porteurs et autres gamins de courses. Il y avait de tout, de la vaisselle la plus fine, des ustensiles que je n’avais jamais vus et dont l’usage m’échappait, mais aussi des draps, des meubles du plus beau bois, des cuivres, des verroteries, tout pour meubler une maison de prince et surtout des briques à bâtir, des pierres de toutes tailles et en nombre, en très grand nombre.

    – C’est une ville riche, tu verras Gaspard, elle regorge de marchands en tous genres et de toutes les contrées du royaume. Il y a aussi des étrangers, comme ce Hollandais là-bas. Ici tout s’achète et se vend, même les hommes tu verras, lui, c’est un marchand d’esclaves.

    Il me désigna un homme dont les habits n’étaient pas communs : il portait une sorte de manteau en cuir et tissus, dont la forme était étrange, du moins à mes yeux. Je regardai attentivement ce personnage comme pour en étudier le moindre détail. Je ne comprenais pas ces commerces dont je n’avais jamais entendu

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