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Mazout
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Livre électronique229 pages3 heures

Mazout

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À propos de ce livre électronique

« Tu l’as dis ! Qui t’a dit que j’avais des morpions ? Je vais te découper ! C’est ton ami, il a eu des morpions, il a dit que c’était moi…
- C’est vrai qu’il a eu des morpions aussi…
- Tais-toi. Paye-moi le mazout. Je vais te taper, tu vas voir si j’ai des morpions. Il est où mon verre ? »
Le grand écart parait immense entre Pauline, l’africaine truculente des quartiers de Libreville et Anne, la vive et dédaigneuse petite bourgeoise de Paris. Ce sont les souvenirs tendres et drôles d’Antoine qui les rapprochent, des souvenirs factices aussi, récréés plus de vingt ans plus tard alors que tout s’est évaporé. C’est avec Eric, l’ami retrouvé devenu ministre, qu’il traversera Paris le havane au bec pour se fabriquer un bon, un vrai souvenir, un souvenir qui ne doit rien au passé.
Et si les sottises de la vie constituaient, quand vient l’âge ridicule de la sagesse, l’élément le plus pesant de notre maturité trop digne ? Et que reste-t-il d’Antoine sans les mignardises de Bagatelle et les galipettes équatoriales ? Mazout aborde avec légèreté et humour ces minces futilités qui nous font tels que nous sommes.
LangueFrançais
Date de sortie14 févr. 2018
ISBN9791029008122
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    Aperçu du livre

    Mazout - Jean-Dominique Reffait

    cover.jpg

    Mazout

    Jean-Dominique Reffait

    Mazout

    Les Éditions Chapitre.com

    123, boulevard de Grenelle 75015 Paris

    © Les Éditions Chapitre.com, 2018

    ISBN : 979-10-290-0812-2

    Les anges

    Il se souvenait du moment où sa main fine et froide s’était soudain posée sur la sienne. Il avait marché longtemps puis s’était assis désœuvré sur un banc non loin de la pagode qui surplombe la roseraie de Bagatelle. Quelques minutes plus tard, la jeune fille l’avait furtivement interrogé du regard pour s’asseoir à l’autre bout du banc. Il avait renvoyé un sourire poli en retour puis continua de regarder devant lui, voyant tout sans rien voir. Elle ouvrit un livre et le temps passa. Devant lui, en contrebas, les promeneurs humaient les fleurs, les commentaient. Les hommes suivaient les femmes d’une rose à l’autre et paraissaient consentir à ce doux ennui au soleil d’été. Il devinait la présence de la jeune fille comme une ombre à droite de son champs de vision mais il persistait à regarder face à lui. Il se sentait curieusement une forme de devoir envers elle. Ne pas la déranger, respecter son moment de tranquillité. Il pensait qu’elle s’était assise là par dépit de n’avoir pu trouver un banc isolé et libre. Cela le contraignait, il ne bougeait plus trop ses jambes qu’il tenait allongées devant lui.

    Un gamin déboula dans la pente sur un tricycle manœuvré en expert. Loin derrière, sa mère papotait avec une autre femme. Décidément, les hommes sont des animaux lents, comme les orangs-outans dont les gestes sont si mesurés. Il en voyait qui parcouraient la roseraie géométriquement, le côté gauche puis le côté droit. D’autres, des femmes, observaient une station devant chaque spécimen, l’une d’elle avec un carnet où elle notait visiblement les références. D’autres encore erraient, c’était les désordonnés qui repassaient agacés devant les mêmes arbustes en se demandant s’ils avaient déjà tout vu. Le soleil fit une incursion à travers la ramure et il se décala légèrement vers la droite pour ne pas être ébloui. Un léger répit et le soleil le rattrapait. Il lorgna vers le feuillage pour déterminer si une stratégie lui permettrait d’échapper aux rayons. Non, il fallait jouer à cache-cache jusqu’à ce qu’une autre branche chargée de feuilles prenne le relais et rétablisse l’ombre. À son tour, la jeune fille fut harcelée par l’éclat lumineux. Elle se décala vers la gauche en souriant puis repris sa lecture.

    Les instants passèrent, il semblerait qu’en fait, ce furent des heures. L’ombre recouvrait la roseraie, l’air s’était rafraîchi à ce point exquis où l’on ne sentait ni chaleur ni froid. Il revit plus loin le gamin au tricycle mais il gambadait à pied et sa mère portait l’engin. Engourdi, il remua doucement ses jambes et porta son regard vers la lectrice. Elle fermait son livre justement. Il parvint juste à deviner le nom de l’auteur : « Sulitzer » mais il demanda quand même : « C’est quoi ?

    – Popov de Sulitzer. Ça me détend. Vous, vous ne lisez pas.

    – J’ai du mal à lire dehors.

    – Et vous ne dormez pas non plus !

    – C’est curieux non ? J’aurais pu cela dit, cela m’arrive de somnoler sur un banc quand je suis seul.

    – Je vous ai dérangé alors ?

    – Bien sûr que non ! Mais je ne me vois pas roupiller en présence de quelqu’un !

    – Donc je vous ai dérangé.

    – Si j’avais été dérangé, je serais parti depuis longtemps. Je ne crois pas qu’on reste un après-midi assis sur un banc en bois dur si on est dérangé. C’était agréable de vous avoir à côté, vous lisiez, je regardais devant moi. À nous deux, nous n’aurons pas perdu notre temps !

    – Vous n’auriez peut-être pas lu Sulitzer !

    – Certainement pas ! Mais je ne peux tout de même pas demander à ma voisine de lire selon mon choix alors que je ne lis pas…

    – Dites un peu… vous m’auriez conseillé quoi ?

    – Je n’en sais rien du tout ! Le mieux, c’était peut-être Sulitzer après tout… »

    Et c’est alors qu’elle avait posé sa main sur la sienne. Le ciel s’ouvrit, de gros anges entonnèrent un air majestueux avec leurs trompettes. Les oiseaux s’étaient tous éparpillés de leurs arbres pour danser dans l’air. Les roses furent écloses en un instant. Il avait eu le réflexe d’accrocher son pouce avec celui de la jeune fille et le caressait doucement. Tous deux regardaient en face l’immense lac du Bourget sans croiser leurs regards.

    Puis elle dégagea sa main doucement, il la regarda ranger son livre dans son sac, elle souriait, lui aussi. Ils avaient tous deux ce sourire ironique de ceux qui n’en revenaient pas. Elle se leva, balbutia une sorte de « merci » et s’en alla. Le parc était plongé dans l’ombre encore lumineuse de la fin de journée et il entendit les sifflets des agents qui indiquait la fermeture imminente. Tout était beau.

    L’ami

    Lorsque je le revis après cette journée, il ne me la raconta pas tout de suite. Et quand il m’en parla, il n’en dit pas fort long. Je passais chez lui deux ou trois fois par semaine, il était mon meilleur ami, un ami d’enfance. J’y restais cinq minutes ou plusieurs heures, c’était selon l’humeur et le temps que nous pouvions nous consacrer à cet instant. J’ouvrais le frigo, prenais deux bières et nous causions. Son appartement était minuscule, un studio avec un lit en mezzanine près de la mairie du 18ème arrondissement, métro Jules Joffrin. Il évoqua cet épisode sans y croire : « C’est incroyable, non ? » Je lui demandais s’il était amoureux. « C’est vite dit tout de même ! C’est vite dit mais quand même… »

    Je ne puis dire de lui que des banalités. Non qu’il fut banal, serait-il mon ami si précieux s’il l’était ? Mais je ne puis que le décrire par ces aspects les plus communs, ce qu’il fait, où il vit, d’où il vient, c’est pauvre. Il s’appelait Antoine. Pas de diminutif officiel sauf que moi seul l’appelait parfois Toto, pas toujours, lorsque j’avais quelque chose à lui reprocher, une remarque acide à lui faire. Il avait alors vingt-quatre ans, j’ai moi-même le même âge. Je ne suis pas juge de ses qualités esthétiques, j’aurais aimé avoir sa mèche rebelle qui lui donnait un genre mais pas son nez, trop sinueux. Deux yeux verts qui faisaient leur effet sans qu’il s’en doute. Il devait avoir quelques centimètres de moins que moi, ça n’en faisait pas un nain mais je ne suis pas non plus un géant. Je ne vais tout de même pas vous décrire ses mains, sa bouche, ses oreilles, sa stature musculeuse ou non, je n’y ai jamais prêté attention. Disons qu’il avait des mains, des pieds, des oreilles, une bouche et c’est heureux. Une amie m’avait confié un jour qu’il avait de belles fesses, révélation qui m’avait fait rire, comme si j’étais intéressé par une révélation de cette nature. « Si, si, je t’assure ! » avait-elle renchéri. Soit, il a de belles fesses, cette info qui provenait d’une experte semble-t-il, peut clore cet impossible portrait physique.

    Nous avions passé le bac ensemble puis il avait choisi la voie royale de la khâgne d’Henri IV vite devenu un parcours de cross boueux. Il s’était donné le genre pendant deux ans de ne survivre qu’avec un Gaffiot et un Bailly à portée de main pour obtenir des notes misérables, en progrès certes, mais clairement microscopiques. Plus raisonnablement, il avait poursuivi par la fac d’histoire où il avait entamé un doctorat jamais terminé. Il expliquait que son sujet était en or mais trop beau pour être vrai : un manuscrit de la Marquise de Pompadour qui prétendait décrire et critiquer la politique étrangère de Louis XV. Il lui fallut quelques mois pour découvrir que le document était un apocryphe rédigé par un exilé français aux Pays-Bas. Fin du doctorat. Depuis il était lecteur dans une grande maison d’édition, il s’appuyait des manuscrits d’auteurs, rédigeait des fiches destinées au comité de lecture qui ne l’informait jamais de la destinée des œuvres proposées. Il avait également obtenu par piston de remplacer un enseignant démissionnaire d’un centre de formation de fonctionnaires. Il gagnait ainsi raisonnablement sa vie tout en conservant un temps libre appréciable. Parfois, il lui arrivait de fricoter dans un cabinet ministériel ou auprès d’un parlementaire pour des missions d’études très ponctuelles où l’on appréciait son style direct et critique. Ça, c’était très mal payé et encore fallait-il attendre des mois avant de toucher les sous. Mais il se disait, et je l’encourageais dans cette idée, que c’était toujours des relations utiles à entretenir. Dans ce milieu, on le croyait détenteur de son doctorat et il ne le démentait pas. C’était le monde du faux-semblant et du bobard, il n’avait aucun scrupule parmi ces gens et il aurait eu bien tort d’en avoir.

    Côté filles, il plaisait gentiment, comme moi, comme nous tous de cette extraction bourgeoise tranquille et sans afféterie. Les filles devaient se dire la même chose, qu’elles aussi plaisaient gentiment. Son truc en plus, c’est qu’il était drôle. On l’invitait pour ça, il le savait et on lui réservait un moment où il faisait le show. Il avait son stock d’anecdotes, ses vannes, son ton de comédie. Cette gentillesse amusée lui permettait de ne jamais faire l’effort de draguer, ce dont il eut été d’ailleurs incapable tout en terminant souvent sa soirée dans un canapé avec une fille un peu plus collée à lui que ne l’exigeait la sympathie ordinaire. Jolie ou moins, il honorait toujours la personne d’une câlinerie galante même s’il ne persévérait pas toujours vers la conclusion fornicatrice. Il n’estimait cependant pas déroger à son rang en satisfaisant les désirs d’une fille pas trop jolie et c’était un plaisir qu’il ne se refusait pas quand celle-ci était fraîche, souriante et vive. Nous lui avions fait le tour cruel de lui faire accroire que telle demoiselle plutôt moche brûlait de désir pour lui. Eh bien, il y allait de bon cœur ! Quand on lui révélait le traquenard, il nous insultait d’abord puis prenait l’air rêveur de celui qui a passé un moment d’exception dont nous devrions être jaloux. Et nous l’étions !

    Je lui avais connu des relations plus durables, de véritables amours, avec de fort jolies filles dont il aimait les fronts bombés, les sourcils dissymétriques et le regard profond. Il lui fallait de l’intelligence visible, de celle qui modèle le visage. Il avait ainsi vécu une année avec une superbe fille de famille qui habitait l’aile droite d’un hôtel particulier appartenant à son père, du côté du boulevard Malesherbes. Malgré l’étendue considérable de la maison sur trois étages, il lui arrivait de croiser le père de la créature et celui-ci le détestait. Craignait-il une mésalliance, un coureur de dot, un fainéant vivant à ses crochets, le digne homme ne manquait pas de manifester son hostilité. Un jour, une dispute éclata sur un sujet infime et il se fit mettre à la porte. La belle ne le rappela jamais, il ne la croisa plus. Elle s’appelait Axelle, nous tairons son nom. Il y eut aussi une jolie actrice, déjà oubliée au moment où tout cela est écrit. Il en fut fou. Ils se séparèrent, il revint, elle revint, ils devinrent amis puis à nouveau amants mais elle ne pouvait se contenter d’un seul partenaire sexuel, elle l’aimait mais elle avait la cuisse légère. Il pleura onze jours après la dernière séparation, il ne se nourrit que de yaourts et de whisky et, quand je le revis après cette période de torpeur morbide, je lui trouvais une mine étincelante ce qui le fit éclater de rire. Il y en eu une autre ensuite, jeune et exotique mais comme elle est, depuis, devenu ministre, nous jetterons un voile pudique sur cette relation passionnée qui s’est mal finie en bagarre dans une cage d’escalier à propos de la garde d’un téléviseur.

    Il semblait toujours sur le départ. La tentation de l’exil, d’un monde de Robinson, une virginité de l’âme qui ne pouvait se retrouver que dans l’éloignement. Comme si la complexité de l’existence civilisée faisait obstacle à toute sincérité, comme si la vie lui tendait chaque seconde mille miroirs dont il devait fuir les reflets, cette inexistence narcissique qui n’avait d’autre but que de se tenir debout face aux autres, autres reflets d’autres miroirs. Je me souviens d’une longue conversation nocturne avec un cartel d’amis. Il y exprimait son faible sentiment d’exister et son étonnement que les autres ne s’en aperçoivent pas. Il semblait ne pas concevoir sa vie comme réelle et perdait d’ailleurs tout souvenir des situations passées. Il citait pour exemple sa tristesse devant un beau paysage dont il ne faisait pas partie : il aurait voulu être le rocher face à la mer plutôt que celui qui regardait le rocher. Alors son désir de départ – plus une nécessité qu’un désir – se résumait à une simplification. C’est cela, il voulait simplifier son existence sans y parvenir. Tout ça peut paraître fort grave mais j’ai dit qu’il était drôle, il riait de ses propres assertions et consentait à ce qu’on le trouvât burlesque.

    On pourrait croire que je l’admirais. Oui, c’est vrai, j’ai toujours été heureux en sa présence, toujours j’ai ressenti ce sentiment aristocratique d’être meilleur avec lui mais je crois qu’il m’admirait aussi pour les mêmes raisons : nous étions des amis.

    Chez Plumb

    Antoine revint à Bagatelle le mercredi suivant. Il passa devant le banc vide sans s’y asseoir. Il continua sa promenade jusqu’à la cascade puis il revint le mercredi d’après. Il s’assit sur le banc mais personne ne vint le rejoindre. Il jeta alors sa lubie à la corbeille et choisit de ne plus revenir le mercredi. Le lendemain, jeudi, il vint donc s’asseoir sur le banc persuadé d’avoir modifié l’espace-temps par ce changement de calendrier en ouvrant une nouvelle séquence. Mais la jeune fille arriva et s’assit en lui souriant. Elle sortit un livre mais ne l’ouvrit pas. Il crut à un tour de magie, comment pouvait-elle être là ce jeudi, au même endroit que l’autre mercredi ? Il demeurait interdit, fixant sottement le livre posé sur les genoux de sa voisine. « Tu l’as terminé ? Enfin, vous…, tu…

    – Ce n’est pas le même ! Celui-là, je ne l’ai pas commencé encore. Puisque vous… enfin, tu es là, tu pourrais me dire si je dois le commencer !

    – Quelle idée ! C’est quoi ?

    – Alexandre Jardin. Je le trimballe avec moi depuis deux semaines, juste pour… pour t’énerver ! Mais tu n’étais pas là, alors je l’ai gardé en attendant. C’est bien Jardin ? Je peux le lire ?

    – Comment je n’étais pas là ? J’étais là, hier et l’autre mercredi, j’étais là aussi.

    – C’est bien. Mais moi je n’étais pas là mercredi parce qu’on s’est vu l’autre jeudi et je suis venue jeudi dernier et aujourd’hui. Je peux ?

    – Allons-y pour Jardin. Après c’est quoi ? King ? C’était jeudi ? J’étais persuadé que c’était mercredi.

    – Eh bien non ! Le mercredi, je m’occupe de mon petit frère donc aucune chance de me voir ici seule un mercredi. Ça fait quel effet de venir et de trouver le banc vide ?

    – Un pincement. Un caillou dans la chaussure.

    – Un pincement oui, moi aussi. Mais un caillou dans la chaussure, ça n’est pas très gentil. »

    Cela faisait deux fois en quelques jours que le ciel s’ouvrait et que les anges embouchaient leurs trompettes. Espèce d’âne, chantaient les anges, tu t’es trompé de jour ! Puis d’autres anges moins jolis chantaient en canon d’une voix aigre : « Rappelle toi, tu t’étais trompé de jour aussi lorsque tu as perdu Laure et que tu t’étais frappé la tête contre les murs ! » Un vilain nuage passait seul devant le soleil, un nuage blanc très laid. Antoine le scruta en attendant qu’il détale.

    « Sulitzer, Jardin, c’est très bien mais toi, tu es qui ?

    – Anne. Oui Anne, c’est bien ça. Et toi ?

    – Antoine. Tu en penses quoi ?

    – Je pense quoi de quoi ?

    – Question ridicule, oublie. Je suis intimidé sans doute, toi aussi j’imagine, nous sommes intimidés, voilà.

    – C’est possible. J’habite pas loin, je viens à pied. Mes parents ont un grand appartement mais j’habite la chambre de bonne au dessus, c’est plus indépendant. Tu pourrais me raccompagner… Non, je ne suis pas venue pour lire, cher Monsieur, et vous le savez bien !

    – Tu es venue me chercher par la main pour te raccompagner ! Bon, allons ranger ta bibliothèque, je crois qu’elle en a besoin ! »

    Elle s’appelait Anne, elle devait avoir une petite vingtaine d’années, il l’aurait trouvée jolie s’il l’avait regardé franchement mais leurs regards ne se croisaient pas encore ou plutôt, ils ne faisaient que se croiser sans se poser et c’était, somme toute, normal. Elle marchait prestement alors qu’il avait l’habitude de flâner. Il se demandait ce qu’il y avait de si pressé mais il pensa aussi qu’elle ne voulait pas se raviser en se donnant du temps. Il sentait en fait qu’elle ne voulait plus réfléchir, depuis ce moment où elle lui avait pris la main. Ils sortirent du parc, longèrent le mur puis s’engagèrent dans la rue de Longchamp. Un peu plus loin dans la rue était un immeuble d’architecture ancienne, années trente dirait-il, avec des colonnettes aux fenêtres. Pendant le trajet, elle lui avait commenté le trajet. Ça n’est pas désagréable, pensait-il, de ne rien avoir à se dire dans l’immédiat.

    Ils entrèrent dans l’immeuble, elle le précéda dans l’escalier et poussa une porte qui semblait déjà ouverte au premier étage. « C’est moi ! clama-t-elle. Et j’ai du monde ! » Puis, à Antoine : « Je préviens car on ne sait jamais dans quelle tenue sont les gens de cette maison ! » L’appartement semblait bien vaste de part et d’autre d’un long couloir. Sur la droite, on entra dans un salon dont les fenêtres donnaient sur la rue. « Assieds-toi, j’arrive. Tu veux un thé ? C’est l’heure mais c’est pas obligatoire. Je vais juste faire un thé quand même, j’arrive. » Elle était chez elle, elle avait vaincu quelque chose et paraissait rassurée. Antoine se retrouva seul et choisit un fauteuil près d’une fenêtre, celui qui ne semblait pas attribué à une personne de la maison, pas même au chien

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