La LITTERATIE MEDIATIQUE MULTIMODALE APPLIQUEE EN CONTEXTE NUMERIQUE - LMM@: Outils conceptuels et didactiques
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À propos de ce livre électronique
Nathalie Lacelle
Nathalie Lacelle, Ph. D., est professeure en didactique des langues à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et directrice de la Chaire en litteératie meédiatique multimodale (LMM). Elle dirige plusieurs recherches sur les compétences à lire et à produire des œuvres numériques, et mène une recherche-action en soutien à l’édition numérique jeunesse au Québec. En 2019, elle a obtenu le Prix d’excellence en recherche de la Faculté des sciences de l’éducation de l’UQAM. Ses recherches impliquent des thématiques en didactique des langues, en littérature et en arts visuels et médiatiques.
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La LITTERATIE MEDIATIQUE MULTIMODALE APPLIQUEE EN CONTEXTE NUMERIQUE - LMM@ - Nathalie Lacelle
désavantages
INTRODUCTION
Un monde toujours plus en communication
«Est-il permis de s’arrêter dans un monde qui continue?» se demande légitimement Jean d’Ormesson (2015). Ensemble, nous habitons une planète où tout, ou presque, s’accélère, de plus en plus: travail, repos, loisirs, changements climatiques, développement économique, crises (géo)politiques, conflits de tout acabit, consommation, matérialisme, individualisme, communautarisme, partage, divertissement, isolement, etc. Bref, nos existences – individuelle, sociale, physique, virtuelle – tourbillonnent en accéléré, rendant d’autant plus incontournable, voire ontologique, l’interrogation de l’académicien français.
À l’origine d’une telle accélération globale se trouve l’être humain, artisan d’un destin qui semble de plus en plus syncopé. «Notre civilisation est engagée dans un processus de transformation accéléré» (Vandendorpe, 2012, p. 18). Pourquoi une telle frénésie, pourquoi de telles lancées? Nous pensons qu’une partie appréciable de la réponse à ces interrogations réside dans le besoin intrinsèque à l’espèce humaine de communiquer, de transmettre, de partager avec ses pairs du sens et d’en recevoir, en contrepartie, toujours davantage, ne serait-ce, par exemple, que pour assurer sa survie la plus fondamentale. La notion de sens s’incarne de façon plus nette dans celle d’information. Issu du latin informatio, qui signifie mettre en forme, le mot information renvoie ainsi à la mise en forme d’une idée, bref au passage, pour une unité de sens, de son intuition à sa formalisation. En guise d’illustration, si je pense que je suis heureux, alors je souris, j’écris la phrase «Je suis heureux» dans un cahier de notes, je la partage oralement à mes pairs, j’utilise une émoticône conséquente – – dans un message texte, je dessine un cœur dans le sable, etc.
Depuis l’aube des temps, l’être humain a développé un appétit sans cesse croissant pour l’échange d’informations de toute sorte et à partir de moyens de communication – médias – de plus en plus complexes et diversifiés. Cette disposition à la communication – c’est-à-dire cet habitus, dixit Bourdieu¹ – s’est progressivement développée, toujours en s’accélérant, au fil du temps. L’évolution de la communication humaine, à cet égard précis, révèle explicitement comment nous avons progressivement appris à communiquer davantage, toujours un peu plus, pour des raisons de plus en plus diversifiées et originales, avec des outils technologiques² et des formes sans cesse renouvelés: grognements, signes gestuels, figures peintes sur les parois d’une grotte, alphabets sonores puis symboliques, gravures dans la pierre, pictogrammes, papyrus, théâtre, débat oratoire, codex, peinture sur objets, sur le corps, sur toile, copie monastique, impression, tatouage, poésie, lectures publiques, signalisation, téléphonie – par fil puis cellulaire – ondes radiophoniques, cinéma, télévision, stylo à bille, ordinateur, arts numériques, réseaux sociaux, montre intelligente, casque de réalité virtuelle, etc.
Avant d’aller plus loin, il semble essentiel de préciser comment nous apparaît aujourd’hui le fonctionnement de la communication. À partir de la proposition épistémologique de Bougnoux (1998), nous proposons une représentation des principales actions associées à la communication (figure I.1), sous l’influence de la perspective pragmatique des sciences de l’information et de la communication, qui correspond assez bien, il nous semble, à la réalité contemporaine des échanges – transactions informationnelles – où l’être humain est directement impliqué.
La communication, ce complexe processus qui assure la formalisation et le partage du sens, fonctionne soit de façon analogique, soit de façon binaire. Dans le cas de la communication dite analogique, la mise en forme et la distribution du sens s’effectuent toujours à partir d’un principe de similarité. Il s’agit, en fait, de maintenir la contiguïté – la ressemblance – entre les différents éléments de sens tout au long de l’échange. On parlera, plus précisément, de communication analogique indicielle ou de communication analogique iconique. La première est fondée sur le recours systématique à des éléments de sens appelés indices, par exemple des traces de pas dans le sable ou des restes de table dans une assiette; pour sa part, la communication iconique mise plutôt, pour parvenir à de mêmes fins, sur la mise en action d’icônes, par exemple un dessin, une photographie ou même une sculpture (ibid., p. 50-51).
FIGURE I.1 / Une représentation du fonctionnement de la communication actuelle
Source: Inspiré de Bougnoux (1998).
La communication dite binaire, quant à elle, assure plutôt la formalisation et le partage du sens dans une dynamique dialectique, donc d’opposition et de distinction. La communication binaire symbolique s’articule autour de systèmes de symboles, par exemple n’importe quel jeu de signes conventionnels tel l’alphabet. Enfin, la communication numérique, donc fondamentalement binaire car constituée intrinsèquement d’une multitude de suites de 1 et de 0 (ibid., p. 51), occupe de plus en plus d’espace dans notre existence au point d’en devenir la forme dominante.
Aujourd’hui, on peut regretter qu’encore trop peu d’acteurs prennent acte du caractère incontournable de la communication, de sa réelle ubiquité synchrone ou asynchrone, c’est-à-dire de son omniprésence en temps réel comme en temps différé et, surtout, qu’ils n’osent en questionner les tenants et aboutissants sociaux, notamment en contexte scolaire, là où, précisément et justement, enseigner et apprendre en sont des incarnations propres (Kress, 2010). Pourtant, c’est précisément au sein de cette institution sociale, mais pas exclusivement là, nous y reviendrons à maintes reprises dans cet ouvrage, qu’on y enseigne – et qu’on y apprend – à toujours mieux communiquer le savoir et la culture, donc à transiger tout ce capital de l’humanité. Cela s’avère heureux, du moins d’un point de vue théorique, car le savoir est constamment en évolution et ne peut donc pas, en conséquence, être définitivement déterminé (Vandendorpe, 2009).
Or ce savoir et cette culture qu’on communique – et qu’on apprend à mettre en forme et à distribuer à l’école et hors de celle-ci – n’échappent plus, désormais, à la dynamique 1) d’intensification et 2) d’accélération des pratiques de communication qui caractérise définitivement l’irrésistible métamorphose des civilisations contemporaines vers toujours plus de transmission, de partage et même de virtualité (Cope et Kalantzis, 2013; Gee et Hayes, 2011) analogiques et binaires.
C’est précisément cela qui pose problème, plus globalement, aux sociétés actuelles dans leur ensemble, mais aussi, et par la force des choses, aux systèmes éducatifs que chacune sous-tend. Nombreux sont les écueils pragmatiques qui sont soulevés par «cette expansion effrénée de la communication entre les humains à l’aide certes de l’écrit, mais […] surtout de modes sémantiques et de supports technologiques toujours plus diversifiés, originaux, interactifs et donc complexes» (Lebrun, Lacelle et Boutin, 2012, p. 1). Conséquemment, quelle place devrait-on accorder, désormais, aux pratiques de communication contemporaine en classe? Comment ajuster les pratiques d’enseignement/apprentissage issues de la tradition scolaire à ce mouvement de plus en plus senti vers la communication numérique à l’école? Quelles postures (ouverture, enthousiasme, prudence, doute, etc.) devrait-on manifester à l’égard des innovations technologiques liées à la communication en contexte scolaire? Voilà autant de questions, parmi d’autres, qui soulignent à quel point l’école actuelle a réellement besoin de réfléchir de façon expansive à la place qu’elle accorde au phénomène social le plus caractéristique de notre époque.
Afin de développer des communicateurs compétents à l’école, il faudra alors adopter des principes pédagogiques et didactiques qui remettront en question l’héritage épistémologique traditionnellement associé aux concepts de communication, de média et de modalité sémiotique. En demandant aux élèves de communiquer de façon multimodale, nous les inciterons constamment 1) à traiter et à filtrer l’information; 2) à (re)mixer les différentes modalités et 3) à déployer et à (ré)inventer diverses pratiques. On formera ainsi des communicateurs capables de s’adapter en tout temps à l’évolution des échanges et des transactions d’information (Dusenberry, Hutter et Robinson, 2015, p. 300, traduction libre).
Les élèves d’aujourd’hui, sans doute de façon davantage intuitive, pragmatique et implicite que scolaire et surtout didactique, semblent avoir fort bien intégré ces manières novatrices d’agir et d’être en société comme dans leur profonde intimité. En fait, ils ont à ce point dépassé, par leurs pratiques réelles, la conception toujours dominante – et assurément traditionnelle – du lire/écrire en contexte scolaire qu’ils rendent les instructions officielles et autres programmes anachroniques (Rowsell, 2013). Communiquer avec ses pairs – réels et virtuels – de multiples réseaux, peu importe les lieux et les temps, synchrones ou asynchrones, en toute ubiquité et à l’aide d’un arsenal de plus en plus diversifié et sophistiqué d’outils médiatiques qui combinent de plus en plus, eux aussi, et de mieux en mieux les modalités sémiotiques, voilà le maître mot auquel bien peu d’individus résistent aujourd’hui.
I.1 /De la sémiotique sociale
Notre époque, faut-il encore le rappeler, est profondément marquée par l’information, par sa transmission, son partage quasi perpétuel, son accès grandement libéralisé, etc. S’informer et informer est devenu le leitmotiv des masses contemporaines comme de l’individu d’aujourd’hui… Cette omniprésence de l’information dans notre quotidien incarne ce que les sémioticiens du XXe siècle ont appelé de tous leurs vœux: un retour au sens, projet fondateur s’il en est un de la sémiotique sociale (Halliday, 1978; Kress, 1997 et 2010; Kress et Van Leeuwen, 2001), théorie en émergence à la fin des années 1970, sous l’impulsion des travaux précurseurs des Bakthine, Sartre, Barthe, Eco et Harste qui ont tous exprimé vivement le souhait qu’on passe alors d’une vision «verbo centrée» de la littératie à une conception sémiotique au sein de laquelle l’interaction de toutes les structures de sens issues de tous les supports de la communication impliquée dans un événement sémiotique est considérée comme intrinsèque à ce dernier (Kendrick, 2015).
Or il ne suffit pas, pour mieux comprendre l’actuel bouleversement du paysage communicatif, de procéder à un tel virage sémiotique. Il faut aussi que ce dernier prenne en compte les différents contextes où le sens est (re)produit et partagé, qu’il soit sémiotique, certes, mais aussi social: «…un message n’aboutit vraiment que grâce à une réception concrète dans un contexte qui le qualifie» (Eco, 1993, p. 240). Dans ce sens, si la littératie est acceptée comme une pratique sociale, on doit alors nécessairement la contextualiser, c’est-à-dire mettre en relief les différents paramètres culturels qui lui permettent de participer à la construction et à la communication du sens (Duncum, 2004). Bloome et Greene (2015) avancent d’ailleurs que cette ouverture de la sémiotique au social a déjà eu et aura encore bien davantage de conséquences sur l’analyse de la littératie en tant que phénomène intrinsèque de socialisation – et de scolarisation – parce que la prise en compte de vecteurs tels que l’histoire, la culture, le développement personnel, les relations sociales et les conceptions, bref l’habitus et le contexte, encadrent les pratiques et les événements associés à la littératie.
La sémiotique sociale, qui prend véritablement forme dans les propositions conceptuelles de chercheurs comme Halliday, Kress, Van Leeuwen, Jewitt, Street et Gee, pour n’en nommer que les principaux, constitue le paradigme épistémologique (qui mobilise d’ailleurs ces deux domaines de la connaissance que sont la linguistique et la communication) à la pensée multimodale et médiatique. Ce cadre théorique éprouvé permet notamment de mieux comprendre comment, précisément, les enfants – et leurs pairs de tout âge – produisent du sens à partir d’une variété de modes et dans de très nombreux contextes (Rowsell et Pahl, 2015), et comment, à vrai dire, cette construction n’est possible qu’à partir d’une réelle synergie de la représentation sémantique (Unsworth et Cleirigh, 2009).
Ainsi, comme l’a démontré Vandendorpe (2009), le sens ne peut avoir d’existence concrète sans interaction sociale, donc sans contexte, car il nécessite d’être partagé dans un effort de compréhension. Pas du tout inné ni donné, le sens est le produit de notre activité de compréhension et (ou) d’expression et prend précisément forme au sein du processus collaboratif qui le génère. Le sociolinguiste Street et ses collègues rappellent d’ailleurs qu’il est impossible de séparer le processus de représentation sémiotique des pratiques sociales et des contextes dans lesquels sont conçus et produits les différents messages (Street, Pahl et Rowsell, 2009).
En d’autres termes, en tant que grille pragmatique de compréhension du modèle cybernétique, la sémiotique sociale postule que les signes, matrices intrinsèques du langage, sont toujours générés par des interactions sociales. Ces fameux signes, ces relations binaires de sens et de formes, pas du tout arbitraires, sont plutôt déterminés et orientés par ceux qui les produisent (Kress, 2010). Ils deviennent alors partie intégrante des ressources sémiotiques d’une culture donnée (Wang, 2015).
Or l’essor technologique actuel contribue nettement à décloisonner la pratique concrète de la sémiotique. Il la rend donc omniprésente au sein de nos sociétés, et ce, par l’intermédiaire de l’outil de prédilection de la communication: le langage. Cet aspect précis séduit tout particulièrement les jeunes générations qui mobilisent de plus en plus aisément une variété toujours grandissante de ressources sémiotiques, qu’elles soient d’origine textuelle, visuelle, sonore et (ou) cinétique afin de repousser les limites traditionnellement associées au statut privilégié du langage écrit (Siegel, 2012). Des modes distincts proposent alors aux communicateurs contemporains des ressources particulières pour les aider à produire du sens de façon novatrice, et les manières dont ces modes y contribuent varient constamment et de plus en plus (Jewitt, 2005), faisant ainsi éclater l’ancien monopole humaniste d’un langage socialement dominé par la tradition de l’écrit et de l’imprimé.
Un dernier aspect mérite d’être mentionné ici. L’usage social – contextualisé – des signes, celui du langage, dans la démarche de mise en signification du monde et dans l’articulation de nouveaux modèles de sa représentation nécessite, pour être opératoire, certaines balises qui en délimitent le champ d’action. Des cadres, tout comme des moyens d’encadrer, s’avèrent essentiels à la production et à la communication du sens. Ils servent de limites spatio-temporelles aux entités sémiotiques. Comme le rappelle Kress (2010), sans cadre – frame –, il nous est impossible de mettre en relation les idées et les symboles, nous ne pouvons pas lier, réunir, associer, etc. Sans encadrement, comment reconnaître les frontières des interprétations? On ne peut produire de sens sans cadre.
I.2 /Vers une littératie médiatique multimodale appliquée
L’adaptation des institutions scolaires au mouvement d’accélération de la communication et de l’apprentissage par les technologies passe obligatoirement par une redéfinition de la littératie. C’est ainsi que nous avons formalisé notre conception de la finalité de la littératie à partir d’une position épistémologique commune, de notre connaissance des enjeux sociaux et éducatifs et d’une vigilance face aux éléments concrets d’apprentissage, à leur modernité et à leur ajustement constant à la réalité:
La littératie médiatique multimodale est la capacité d’une personne à mobiliser adéquatement, en contexte communicationnel synchrone ou asynchrone, les ressources et les compétences sémiotiques modales (ex: mode linguistique seul) et multimodales (ex: combinaison des modes linguistique, visuel et sonore) les plus appropriées à la situation et au support de communication (traditionnel et (ou) numérique), à l’occasion de la réception (décodage, compréhension, interprétation et évaluation) et (ou) de la production (élaboration, création, diffusion) de tout type de message³.
Plus qu’un concept à redéfinir, la littératie médiatique multimodale s’incarne dans la mission même de l’école et s’applique à toute programmation des cursus scolaires, de la maternelle à l’université. Le présent ouvrage témoigne d’une évolution de sa visée pragmatique dans le contexte des humanités numériques, de ses méthodologies multiples, de la complexité de ses nouveaux objets tels que les genres, la lecture et l’écriture numériques, des applications scolaires à travers des exemples de designs didactiques diversifiés et des enjeux liés à de grands paradigmes tels que la cybernétique ou des approches novatrices et porteuses, par exemple le connected learning. Il est aussi né de la volonté de renforcer un domaine de recherche nécessaire pour penser la littératie médiatique appliquée (LMM@) à la classe, à la société, à la vie.
Bibliographie
BLOOME, D. et GREENE, J. (2015). «The social and linguistic turns in studying language and literacy», dans J. Rowsell et K. Pahl (dir.), The Routledge Handbook of Literacy Studies, Londres, Routledge, p. 19-34.
BOUGNOUX, D. (1998). La communication par la bande. Introduction aux sciences de l’information et de la communication, Paris, Éditions La Découverte et Syros.
COPE, B. et KALANTZIS, M. (2013). «New media, new learning and new assessments», E-Learning and Digital Media, vol. 10, n° 4, p. 328-331.
D’ORMESSON, J. (2015). Œuvres, Paris, Gallimard.
DUNCUM, P. (2004). «Visual culture isn’t just visual: Multiliteracy, multimodality and meaning», Studies in Art Education, vol. 45, n° 3, p. 252-264.
DUSENBERRY, L., HUTTER, L. et ROBINSON, J. (2015). «Filter. Remix. Make: Cultivating adaptability through multimodality», Journal of Technical Writing and Communication, vol. 45, n° 3, p. 299-322.
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GEE, J. P. (2013). The Anti Education Era. Creating Smarter Students through Digital Learning, New York, Palcrave MacMillan.
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HALLIDAY, M. A. K. (1978). Language as Social Semiotic, Londres, Arnold.
JEWITT, C. (2005). «Multimodality, reading and writing for the 21st century», Discourses: Studies in the Cultural Politics of Education, vol. 26, n° 3, p. 315-331.
KENDRICK, M. (2015). «The affordances and challenges of visual methodologies in literacy studies», dans J. Rowsell et K. Pahl (dir.), The Routledge Handbook of Literacy Studies, Londres, Routledge, p. 619-633.
KRESS, G. (1997). Before Writing. Rethinking the Paths to Literacy, Londres, Routledge.
KRESS, G. (2010). Multimodality. A Social Semiotic Approach to Contemporary Communication, Londres, Routledge.
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LEBRUN, M., LACELLE, N. et BOUTIN, J.-F. (dir.) (2012). La littératie médiatique multimodale. De nouvelles approches en lecture-écriture à l’école et hors de l’école, Québec, Presses de l’Université du Québec.
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SIEGEL, M. (2012). «New times for multimodality? Confronting the accountability culture», Journal of Adolescent & Adult Literacy, vol. 55, n° 8, p. 671-680.
STREET, B., PAHL, K. et ROWSELL, J. (2009). «Multimodality and new literacy studies», dans C. Jewitt (dir.), The Routledge Handbook of Multimodal Analysis, Londres, Routledge, p. 191-200.
UNSWORTH, L. et CLEIRIGH, C. (2009). «Multimodality and reading. The construction of meaning through image-text interaction», dans C. Jewitt (dir.), The Routledge Handbook of Multimodal Analysis, Londres, Routledge, p. 151-163.
VANDENDORPE, C. (2009). From Papyrus to Hypertext. Toward the Universal Digital Library, Urbana, University of Illinois Press.
VANDENDORPE, C. (2012). «De nouveaux horizons de lecture et leur implication pour l’école», dans M. Lebrun, N. Lacelle et J.-F. Boutin (dir.), La littératie médiatique multimodale. De nouvelles approches en lecture-écriture à l’école et hors de l’école, Québec, Presses de l’Université du Québec, p. 18-32.
WANG, Q. (2015). «Study on the new model of college English teaching under the settings of multimodality», Universal Journal of Educational Research, vol. 3, n° 8, p. 473-477.
1Voir notamment ses contributions majeures à La sociologie que sont La distinction (Paris, Les Éditons de Minuit, 1979), Ce que parler veut dire: l’économie des échanges linguistiques (Paris, Fayard, 1982), Les règles de l’art. Genèse et structure du champ littéraire (Paris, Seuil, 1992) et Raisons pratiques. Sur la théorie de l’action (Paris, Seuil, 1994).
2Par outil, nous faisons référence ici aux idées de tool et, par extension, de technological tool et de digital tool, telles qu’elles sont explicitées par Le sociolinguiste américain Gee et sa collègue Hayes (voir leurs ouvrages en bibliographie).
3Voir le site Web suivant:
CHAPITRE 1 /
Les humanités numériques et la LMM
Le terme d’«humanités numériques» date d’à peine plus de 10 ans. On peut, à l’instar de Mounier (2012), s’interroger sur les paradigmes intellectuels qui fondent ces nouvelles humanités, mais il n’en reste pas moins qu’elles sont appelées à occuper un champ toujours plus vaste, tant dans la littératie numérique en général que dans des domaines particuliers tels que les pratiques de lecture et d’écriture.
Nous verrons dans ce chapitre comment le concept d’humanités numériques s’est imposé dans le champ de la réflexion sur la littératie, comment il a révolutionné la conception moderne de la culture et du patrimoine, en s’imprégnant, entre autres, de la culture populaire, comment il a changé les perceptions de la lecture et du livre et en quoi il est susceptible de bouleverser la notion même de curriculum.
1.1 /Le passage des humanités anciennes aux humanités nouvelles
Lévi-Strauss (1973) a identifié trois humanismes: l’humanisme aristocratique de la Renaissance, centré sur la redécouverte des textes de l’Antiquité gréco-romaine; l’humanisme bourgeois de l’exotisme, centré sur la découverte des cultures d’Orient, et enfin, l’humanisme démocratique du XXe siècle, centré sur l’anthropologie. Le 4e humanisme est celui du numérique, aux dires de plusieurs, dont Schreibman, Siemens et Unsworth (2016), Ahr (2015) et Douehi (2011). Pour Lévi-Strauss (1973), les deux premières formes d’humanisme étaient restreintes, puisque ses bénéficiaires se limitaient à la classe culturellement favorisée. On ne peut en dire autant de l’humanisme numérique.
Pour Douehi (2011, p. 9), l’humanisme numérique est «le résultat d’une convergence entre notre héritage culturel complexe et une technique devenue un lieu de sociabilité sans précédent». Ce nouvel humanisme redistribue les concepts, les objets et les pratiques dans un environnement nouveau. Pour lui, le numérique est plus qu’un outil: il engendre une nouvelle culture, soit une façon différente de voir le monde, basée sur les potentialités de l’informatique. La nouvelle culture est une culture d’anthologie, de l’hybridation du réel et du virtuel, d’anciennes et de nouvelles pratiques.
Four (2013) évoque la grande extension du terme «humanités numériques» et, par-là, la difficulté à définir le concept. Pour lui, il s’agit d’un champ en émergence caractérisé par de nouveaux environnements de recherche (cyberinfrastructures), des collaborations interdisciplinaires, la constitution de bases de données gigantesques et la production d’outils très performants pour les analyser.
Partant des différents concepts définitoires des humanités numériques du manifeste de 2011 (collectif, 2011), Blanchard et Sabuncu (2015) en isolent quatre qui leur semblent incontournables, soit la numérisation, la participation, la sémantique et l’interopérabilité. La numérisation évoque le travail en cours sur le patrimoine écrit. La participation contient les concepts de communauté et d’interdisciplinarité. On peut parler de sémantique, également, car les moteurs de recherche peuvent balayer un grand nombre de données rapidement et en filtrer de façon systématique les résultats; c’est d’ailleurs la base des wikis et de la toile sémantique. L’interopérabilité, enfin, permet la reproductibilité de la recherche; elle est organisationnelle, sémantique et technique (panoplie exponentielle d’outils d’exploitation, de production, de publication).
C’est une «transdiscipline», ainsi que l’affirme le Manifeste des Digital humanities (Dacos, 2011), qui unit les savoirs disciplinaires particuliers aux perspectives du numérique: «Les Digital Humanities désignent une transdiscipline, porteuse des méthodes, des dispositifs et des perspectives heuristiques liés au numérique dans le domaine des Sciences humaines et sociales.» Davidson (2010) croit lui aussi que les concepts, méthodes et outils utilisés dans les nouvelles humanités mériteraient une formation particulière: nous développerons d’ailleurs plus loin cette idée en parlant de curriculum.
Liu (2011), promoteur et directeur du Transliteracies Project à l’Université de Californie de 2005 à 2010, emploie pour sa part le terme de «translittératie», une «multidiscipline» qui explore les pratiques technologiques, sociales et culturelles de la lecture en ligne. Il y a eu, selon lui, reconfiguration des médias de littératie avec l’arrivée du numérique. Cette reconfiguration, c’est le big bang de la littératie, l’arrivée d’un monde nouveau.
1.2 /La nature de l’humanisme numérique
1.2.1 /À la recherche d’une définition
Alors qu’en anglais le domaine des humanités numériques n’inclut pas les sciences sociales (par exemple, l’économie et la sociologie), en français, il les englobe, de même d’ailleurs que les sciences humaines, soit l’histoire, la géographie, la linguistique, la littérature, les arts et le design (Abiteboul et Hachez-Leroy, 2015).
Trois concepts de base nous semblent importants pour définir cet humanisme: 1) la représentation des savoirs sous forme numérique (p. ex. les bases de données); 2) l’existence de l’Internet et de la possibilité de la communication entre utilisateurs (p. ex. le Web participatif); 3) la primauté de l’hypertexte, qui facilite les liens entre les savoirs et donc, éventuellement, l’interdisciplinarité.
Pour certains, l’association entre les concepts d’«humanités» et de «numérique» relèvent de l’oxymore. Cependant, le numérique ayant aujourd’hui envahi toutes les disciplines, on peut à bon droit penser qu’il transforme les sciences humaines et sociales, et donc les «humanités». Les connaissances, dans ces domaines, sont désormais largement véhiculées sous forme numérique (textes, images, etc.), et ces produits numériques sont indexés afin de structurer les données et de faciliter la gestion de bases de données. De plus, comme dit plus haut, l’Internet permet le fonctionnement des savoirs en hypertextes. Bases de données et hypertextes favorisent la création de bibliothèques numériques d’envergure, démocratisant ainsi la culture. Le Web participatif, enfin, permet à chacun d’apporter sa contribution à l’édification du savoir, en collaboration. Il faut toutefois bien prévoir les techniques d’archivage de ce savoir, en progression exponentielle. Mentionnons enfin que les valeurs humanistes imprègnent la culture numérique, inséparable des modèles sociaux et économiques de notre ère de partage et d’échange.
Selon Berra (2015), l’ouvrage Humanities Computing de Willard McCarty, publié en 2005, constitue le meilleur traité d’épistémologie critique des humanités numériques. McCarty «analyse le devenir des genres de production savante et le statut des disciplines; il montre la computer science comme une entreprise intellectuelle ouverte et plurielle; il propose enfin un programme et appelle à l’action collective» (p. 619). Cette idée de mise en commun des savoirs et des actions, fondamentale aux humanités numériques, se retrouve d’ailleurs depuis ce temps sous la plume des spécialistes du domaine.
1.2.2 /Une certaine conception de la culture
Grâce à l’Internet, il est désormais facile de trouver de l’information sur à peu près tous les sujets, par les moteurs de recherche et les portails dédiés. On peut ainsi faire gratuitement des visites virtuelles de musées, regarder des spectacles de musique divers, suivre gratuitement des cours, assister à des conférences, voir des films, lire des livres du domaine public ou en libre accès. On peut acheter des livres numériques ou non en ligne, en emprunter à sa bibliothèque, consulter des journaux en ligne, acheter des albums de musique, réserver des billets de spectacle, voir les derniers succès du cinéma et de la musique sur des plateformes payantes, effectuer des visites de sites culturels en suivant des commentaires sur téléphones connectés, jouer à des jeux, etc. La culture est ainsi dématérialisée, car son support est numérique. Un des intérêts de l’Internet est également qu’il fournit la possibilité de discuter avec des internautes du monde entier sur des sujets les plus divers, dont les sujets culturels. L’ère numérique est donc celle d’une culture ouverte, foisonnante, relativement non structurée et sans réels garde-fous. À l’utilisateur le soin de créer des liens entre les différents éléments qu’il découvre. Par exemple, il peut chercher à se renseigner sur un auteur dont il découvre l’œuvre, participer à des groupes de discussion virtuels sur un roman, écrire des fanfictions et entamer des discussions sur le sujet avec ses lecteurs, etc. Les possibilités sont quasi infinies.
De plus, les écrans mobiles de type tablettes et téléphones intelligents font que toute cette culture est portable sur soi, ubiquitaire, disponible à tout instant, à l’égal d’une encyclopédie de poche. Les «applications» de ces écrans mobiles se comptaient déjà par centaines de milliers en 2010 (Atelier BNP-Paribas et Forum d’Avignon, 2010), dont une part importante touchait les services culturels, et tout porte à croire que le mouvement s’est accéléré. En 2010, le Forum d’Avignon affirmait ceci: «L’association d’objets high-tech avec des plates-formes de services en ligne est une des nouvelles clés de l’accès à la culture» (p. 16). Du moins, pourrions-nous ajouter, aux formes numériques de la culture, en priorité. Les images deviennent de plus en