Sciences du territoire – Tome 2: Défis méthodologiques
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Avis sur Sciences du territoire – Tome 2
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Aperçu du livre
Sciences du territoire – Tome 2 - Martin Robitaille
Presses de l’Université du Québec
Le Delta I, 2875, boulevard Laurier, bureau 450, Québec (Québec) G1V 2M2
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Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales
du Québec et Bibliothèque et Archives Canada
Vedette principale au titre :
Sciences du territoire. Tome 2, Défis méthodologiques
(Science régionale ; 14)
Comprend des références bibliographiques.
ISBN 978-2-7605-4017-0
1. Aménagement du territoire – Méthodologie. 2. Aménagement du territoire – Québec (Province) – Études de cas. I. Robitaille, Martin, 1958- . II. Proulx, Marc-Urbain, 1955- . III. Collection : Science régionale ; 14.
HT391.S34 2014 307.1’201 C2013-942741-4
Les Presses de l’Université du Québec reconnaissent l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada et du Conseil des Arts du Canada pour leurs activités d’édition.
Elles remercient également la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC) pour son soutien financier.
Conception graphique
Richard Hodgson
Images de couverture
iStock
Mise en pages
Interscript
Conversion au format ePub
Samiha Hazgui
Dépôt légal : 2e trimestre 2014
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Bibliothèque et Archives Canada
© 2014 – Presses de l’Université du Québec
Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés
Table des matières
Liste des figures
Liste des tableaux
Introduction
Méthodologies de recherche en développement territorial : de la convergence à la transversalité des méthodes
Martin Robitaille et Marc-Urbain Proulx
1. Le cadre d’analyse et le choix méthodologique
2. La modélisation macro- et microéconomique
3. La transversalité des approches méthodologiques
4. La recherche en partenariat
5. L’analyse des disparités
6. Les innovations territoriales
Bibliographie
Première partie
Le cadre d’analyse et le choix méthodologique
Chapitre 1
Conceptualiser l’acceptabilité sociale : la force d’une notion faible
Yann Fournis et Marie-José Fortin
1. Le mot et la chose : une première délimitation de la notion d’« acceptabilité sociale »
2. Au cœur de l’acceptabilité sociale : le pari heuristique de la gouvernance territoriale
3. Vers une redéfinition de l’acceptabilité sociale
Conclusion
Bibliographie
Chapitre 2
Les approches quantitative et qualitative dans les études du développement territorial
Jandir Ferrera de Lima et Yvan Desbiens
1. Le choix de la méthode dans les études territoriales
2. Les influences sur le choix de la méthode
3. L’Interface méthodologique en développement territorial
Conclusion
Bibliographie
Deuxième partie
La modélisation macro- et microéconomique
Chapitre 3
Les modèles topodynamique et de la Nouvelle économie géographique : compatibilité, convergence et avantages comparés
Pierre Hansen, Christophe Meyer et Luc-Normand Tellier
1. La structure de base du modèle hybride
2. Les composantes topodynamiques TP et TY
3. La composante NEG
4. Le défi des données
5. La comparaison des projections
6. La pertinence à long terme des hypothèses de base du modèle hybride
Conclusion
Annexe 3.1. Solution géométrique du cas triangulaire du problème d’attraction-répulsion
Annexe 3.2. Un système métrique urbain
Bibliographie
Chapitre 4
L’économétrie spatiale au service de l’analyse territoriale : une approche mixte pour un système complexe
Jean Dubé et Nicolas Devaux
1. Quelques éléments théoriques : territoire, réseaux et capital social
2. Quelques considérations méthodologiques
3. Une application territoriale : analyse exploratoire sociale descriptive
Conclusion
Bibliographie
Chapitre 5
La promotion et l’attractivité territoriales : approches méthodologiques et modèles
Ibrahima Diallo
1. L’attractivité, déterminant de l’interaction territoriale
2. L’attractivité, fonction de la position relative territoriale
3. Des modèles d’analyse exploratoire et ciblée
4. L’analyse synthétique des relations axée sur une pluralité de signaux de détection des variables
5. Le modèle de réponse des politiques de promotion territoriale
6. Les outils de traitement des données
Conclusion
Bibliographie
Troisième partie
La transversalité des approches méthodologiques
Chapitre 6
La notion de « système régulatoire spatialisé » : une notion opératoire féconde pour analyser et comparer la gouvernance et la transformation des territoires
Serge Belley
1. Une méthode pour saisir la complexité du DT
2. Le développement territorial : un objet coulissant
3. Le territoire, l’action collective et la régulation
4. La notion de « système régulatoire spatialisé » (SRS)
5. Le territoire comme système (d’acteurs) apprenant(s)
6. Les questions centrales et transversales sous-tendant la notion de SRS
Conclusion
Bibliographie
Chapitre 7
L’approche monographique : une voie pour pratiquer la transversalité ?
Serge Côté
1. La monographie, une approche répandue, commode et accessible
2. La valeur intrinsèque de l’approche monographique
3. Les conditions de réussite d’une monographie
4. La transversalité et l’approche monographique
Bibliographie
Chapitre 8
Le social transversal
Suzanne Tremblay
1. Le post-keynésianisme et la dimension sociale du développement
2. Le social est-il transversal ?
3. Les concepts transversaux du social, de l’économie et du développement
4. Une vision transversale de quelques expériences de recherche portant sur la dimension sociale du développement
5. La recherche partenariale
6. Les paradigmes de développement et la transversalité
Conclusion
Bibliographie
Chapitre 9
L’approche méthodologique pour l’analyse des parties prenantes dans les projets de développement territorial
Thierno Diallo, Christophe Leyrie et Julien Bousquet
1. Une revue de la littérature
2. Une approche méthodologique pour l’analyse des parties prenantes dans les projets territoriaux
Conclusion
Bibliographie
Quatrième partie
La recherche en partenariat
Chapitre 10
La recherche participative et le développement territorial : quelques leçons de pratiques québécoises
Patrice LeBlanc
1. Le développement territorial et la méthodologie de recherche
2. Deux exemples de recherches
3. De la coconstruction à l’autoconstruction assistée des savoirs
Conclusion : de quelques défis de la recherche partenariale pour le développement territorial
Bibliographie
Chapitre 11
Les initiatives locales et l’évaluation habilitante : proposition d’une méthode proactive appuyée sur la reconstitution historique
Jean-Marc Fontan, Juan-Luis Klein et Christine Champagne
1. L’évaluation habilitante et l’implication des parties prenantes
2. Les outils conceptuels et les spécificités méthodologiques de l’évaluation habilitante pratiquée
3. L’évaluation habilitante en pratique : le cas d’un projet de revitalisation locale à Montréal
4. Les leçons de l’évaluation du projet Sur la main
Conclusion : l’évaluation de cinquième génération en perspective
Bibliographie
Chapitre 12
Les défis d’une étude sur les festivals de musique en Europe et au Québec : leçons d’une enquête de terrain
Diane Saint-Pierre et Claudine Audet
1. Des préalables obligés
2. Les grands paramètres et objectifs de l’enquête
3. Les défis liés au démarrage du projet, aux questions éthiques et à la méthodologie de recherche
Conclusion
Bibliographie
Cinquième partie
L’analyse des disparités
Chapitre 13
La mesure et l’analyse des disparités canadiennes et québécoises
Clermont Dugas
1. La mesure des disparités
2. Les disparités à l’échelle des provinces
3. Les disparités entre divisions de recensement
4. Les disparités entre subdivisions de recensement
5. La marginalité et la dévitalisation
Conclusion
Bibliographie
Chapitre 14
Indice composite de la dynamique territoriale (ICDT) : une méthodologie multidimensionnelle pour catégoriser les territoires
Augustin Ependa
1. La construction de l’indice composite de la dynamique territoriale (ICDT)
2. La justification du choix des variables entrant dans le calcul de l’ICDT
Conclusion
Annexe 14.1. Indice composite de la dynamique territoriale (ICDT) – RURAL 1991
Annexe 14.2. Indice composite de la dynamique territoriale (ICDT) – RURAL 2006
Bibliographie
Sixième partie
Les innovations territoriales
Chapitre 15
Capter l’innovation dans les régions périphériques : quelles méthodologies ?
Martin Robitaille, Guy Chiasson et Élodie Plassin
1. L’Outaouais forestier
2. L’innovation et les territoires périphériques : quelles articulations ?
3. Un système régional d’innovation dans le secteur forestier en Outaouais
Conclusion
Annexe 15.1. Questionnaire d’entrevue destiné aux entreprises
Annexe 15.2. Questionnaire d’entrevue destiné aux organismes de soutien de l’industrie
Bibliographie
Chapitre 16
Analyse des projets d’innovations et de leur impact sur les organisations : une approche méthodologique métaanalytique
Brahim Meddeb
1. Le cadre d’analyse
2. La stratégie et l’approche d’implantation des innovations
3. La méthodologie et les instruments de recherche : une métaanalyse
Conclusion
Bibliographie
Chapitre 17
Saisir la pratique québécoise de planification territoriale
Marc-Urbain Proulx
1. La science de l’action
2. L’objet de la planification
3. Le modèle d’analyse
4. L’observation de la pratique
5. La saisie des contenus
6. La saisie des acteurs
7. La saisie de l’innovation
8. La saisie de la médiation
Conclusion
Bibliographie
Notices biographiques
Liste des figures
Figure 4.1. Relations liant une observation et son voisinage (diagramme de Moran)
Figure 4.2. Relations liant une région administrative et son voisinage social – Indicateur retenu : taux de chômage (2000)
Figure 4.3. Relations liant une région administrative et son voisinage social – Indicateur retenu : croissance du produit intérieur brut (en % – 1999-2000)
Figure 6.1. Relier ce qui est encastré mais semble disjoint
Figure 6.2. La « boîte noire » de la gouvernance
Figure 9.1. Les étapes de l’analyse de la centralité des parties prenantes
Figure 9.2. Exemple de top 5 hebdomadaire au Québec (Semaine du 8 au 14 février 2011)
Figure 9.3. Exemple de liste des parties prenantes (au 10 février 2011)
Figure 9.4. Calcul de la centralité des parties prenantes
Figure 9.5. Exemple de tableau de centralité des parties prenantes
Figure 9.6. Exemple de matrice pouvoir/intérêt
Figure 9.7. Exemple de sociogramme des parties prenantes
Figure 10.1. Schémas des buts et objectifs identifiés par le Comité d’évaluation de JMR-AT
Figure 10.2. Schéma logique de la démarche de la Contrée en montagne
Figure 11.1. Cycle et effet structurant de l’initiative locale
Figure 11.2. La Coopérative d’habitation du Pélican (1993-1998)
Figure 11.3. Le Projet de la 2e Avenue (2001-2003)
Figure 11.4. Le Projet Sur la main (2003-2009)
Figure 11.5. Le projet Sur la main (2009-2011)
Figure 13.1. Les revenus moyens des familles économiques en 2005
Figure 13.2. Les revenus moyens des ménages en 2005
Figure 13.3. Les revenus moyens après impôts en 2005
Figure 13.4. Les revenus moyens des ménages dans les MRC en 2005
Figure 13.5. Revenus moyens des ménages dans les localités du Québec en 2005
Figure 13.6. Les localités marginales du Québec
Figure 15.1. Modèle opérationnel du système régional d’innovation
Figure 16.1. Cadre d’analyse des innovations en milieu de travail
Figure 16.2. Innovations et renouvellement des pratiques de gestion
Figure 16.3. Modèle conceptuel des innovations et de leur impact sur la performance
Figure 16.4. La roue de Deming : ensemble vers l’excellence
Figure 16.5. Processus du management du savoir
Figure 16.6. Le processus d’innovation : la méthode des 5I
Figure 17.1. Liaison entre connaissances et actions
Figure 17.2. Trois formes de planification territoriale
Figure 17.3. Modèle d’analyse des contenus de la planification territoriale
Figure 17.4. Positionnement des récents exercices de planification territoriale
Figure 17.5. Éléments de contenu mesurable
Figure 17.6. Les acteurs territoriaux de la planification
Figure 17.7. Critères pour mesurer le caractère innovateur d’une action
Figure 17.8. Fertilisation croisée d’expertises dans un esprit d’innovation
Figure 17.9. Observation de l’interaction créatrice entre experts
Liste des tableaux
Tableau 3.1. Complémentarité des modèles topodynamique et NEG
Tableau 3.2. Estimation des élasticités pour les États-Unis
Tableau 3.3. Valeur de l’indice de similarité des projections « topodyn » et « topoNEG » pour les États-Unis
Tableau 3.4. Écarts-types des projections « topodyn » et « topoNEG » pour les États-Unis basées sur les périodes 1980-2007, 1990-2007 et 2000-2007 exprimés en pourcentage de la moyenne des moyennes de leurs projections respectives
Tableau 4.1. Indicateurs économiques des régions administratives du Québec
Tableau 4.2. Classement de la performance institutionnelle des régions administratives du Québec et deux indicateurs sociaux
Tableau 5.1. Récapitulatif des méthodes
Tableau 5.2. Récapitulatif des modèles
Tableau 6.1. Exemples d’éléments de contexte, de conditions et de mécanismes de coordination permettant de reconstituer et de caractériser un SRS
Tableau 8.1. Projets de recherche en lien avec l’économie sociale, la revitalisation intégrée et le développement social et méthodes de recherche
Tableau 9.1. Dimensions et échelle d’évaluation de la centralité d’une partie prenante
Tableau 11.1. Le territoire d’intervention de Sur la main mis en perspective
Tableau 12.1. Offre musicale des festivals
Tableau 13.1. Revenus moyens des familles économiques en pourcentage par rapport à la moyenne canadienne dans les provinces et territoires en 1970, 1980 et 2005
Tableau 13.2. Revenus moyens des ménages dans les divisions de recensement du Canada
Tableau 13.3. Variabilité intraprovinciale des niveaux de revenus des ménages en 2005
Tableau 14.1. Exemple de variables pour calculer l’ICDT
Tableau 14.2. Les scores (Sij ) découlant des valeurs Vij des variables du tableau 14.1
Tableau 14.3. Exemple d’une typologie des territoires selon l’ICDT
Tableau 14.4. Effectif des territoires ruraux québécois, 1991
Tableau 14.5. Effectif des territoires ruraux québécois, 1991-2006
Tableau 15.1. Caractéristiques des modèles territoriaux d’innovation
Introduction
Méthodologies de recherche en développement territorial
De la convergence à la transversalité des méthodes
Martin Robitaille et Marc-Urbain Proulx
Cette publication vient en quelque sorte souligner le 10e anniversaire du Centre de recherche en développement territorial (CRDT). Rappelons que le CRDT est un centre de recherche interdisciplinaire et interuniversitaire qui s’est donné pour mission le développement de connaissances approfondies et pertinentes en ce qui a trait aux réalités du développement territorial dans les régions non métropolitaines. En plus de soutenir la planification, la prise de décision, la gestion et l’évaluation de politiques, de programmes et de projets de développement territorial d’institutions publiques et associatives, il a pour rôle de soutenir activement les initiatives de valorisation et de transfert des résultats de recherche aux acteurs du développement territorial.
Les travaux de recherche des quelque 60 membres du CRDT sont organisés autour de trois axes, soit 1) l’aménagement et la gestion durables du territoire et des ressources ; 2) les dynamiques économiques et les dynamiques de production et de proximité ; 3) les politiques publiques et la gouvernance territoriale. Mais les membres du CRDT partagent aussi la préoccupation de la transversalité, qui doit être perçue comme un regard critique et transversal sur nos méthodologies de recherche et sur les connaissances produites. Pour ce faire, le CRDT soutient un « Chantier transversal » offrant des occasions régulières d’échanges autour de ses productions scientifiques, lesquelles se sont avérées extrêmement fécondes pour l’intégration des chercheurs et des étudiants et ont permis de développer une pensée commune en matière de développement territorial. C’est lors de la tenue de deux séminaires transversaux de deux jours chacun en mars et en août 2012, séminaires auxquels ont participé pas moins de 50 chercheurs et étudiants de maîtrise et de doctorat, que furent présentés et discutés la plupart des travaux retenus pour cette publication.
Les défis à relever étaient alors importants, car rassembler des chercheurs provenant de disciplines aussi variées (géographie, économie, sociologie, démographie, science politique, anthropologie, sciences administratives, etc.), avec des pratiques disciplinaires diversifiées et autour d’une thématique aussi large que celle de la méthodologie n’est pas chose évidente. En effet, même si tous et toutes se rassemblaient alors autour d’un intérêt commun, soit l’utilisation d’une analyse territoriale reposant sur une base scientifique solide et riche, il n’en demeure pas moins que les perspectives de chacun en matière de méthodes de recherche nécessitent une réflexion sur leur convergence possible.
Au Québec, la réflexion collective du CRDT à propos des méthodologies de recherche peut s’appuyer certes sur des bases théoriques formant un corpus de connaissances bien modélisées, mais aussi sur une importante pratique de recherche ancrée dans la réalité des diverses catégories de territoires, qu’ils soient urbains, régionaux, métropolitains, ruraux ou périphériques. Outre les cartographes, les explorateurs, les arpenteurs et les colonisateurs du passé, Esdras Minville fut un analyste précurseur qui a utilisé dès les années 1930 les méthodes scientifiques d’observation territoriale proposées par l’Écossais Patrick Geddes en se référant au facteur classique du développement associé à la dotation territoriale en ressources. Dans le même esprit empirique, Raoul Blanchard a utilisé la méthodologie proposée par Paul Vidal de la Blache pour saisir et différencier les territoires régionaux du Québec sur la base de leur contenu. À cette époque des premiers essais d’analyse territoriale, il est intéressant de constater qu’à l’instar de la fameuse Tennessee Valley Authority (TVA), la compagnie Alcan fut, au Saguenay–Lac-Saint-Jean, très inspirée par la méthode de la Regional Planning Association of America consistant à rationaliser la mise en œuvre du développement en faisant converger systématiquement l’expertise pointue de différents spécialistes sur un projet global.
Ces travaux pionniers établissant les bases d’une approche territoriale au Québec ont par la suite débouché sur une période effervescente dans les années 1960. D’abord, l’analyse urbaine et régionale s’imposait lentement mais sûrement dans sa pertinence scientifique et sociale (Parenteau, 1964 ; La Haye, 1968) avec la création des premiers programmes universitaires et des premiers groupes de recherche. Ensuite, des travaux de recherche appliquée, du Bureau d’aménagement de l’est du Québec (BAEQ) d’une part et, d’autre part, du Conseil d’orientation économique du Québec (COEQ) ont bien illustré la grande pertinence sociale de l’approche territoriale, notamment par l’expérimentation d’une procédure de planification régionale de forme radicale dont les résultats concrets ont permis de tirer des leçons. Quant aux études territoriales novatrices du COEQ, elles ont conduit au premier découpage des régions administratives à institutionnaliser et aussi à l’établissement d’une armature hiérarchisée de pôles urbains permettant de croiser deux modèles théoriques offerts à l’analyse territoriale, soit le système urbain et la théorie de la polarisation. La mise en place de l’Office de planification et de développement du Québec (OPDQ) avec des antennes régionales, en 1968, créa une forte demande d’expertise et ainsi la multiplication des cellules organisées de recherche et d’enseignement.
Sur ces fondements, l’analyse des territoires québécois s’est poursuivie en générant une grande richesse de contributions issues de plusieurs disciplines scientifiques. Richesse québécoise de la perspective territoriale que certains ouvrages de synthèse ont tenté de mettre en exergue (Proulx, 1996 ; Massicotte, 2008 ; OT, 2008 ; RERU, 2012). Les territoires ont généralement servi d’assises ou de laboratoires pour observer des phénomènes sociologiques, politiques, juridiques, économiques, administratifs, voire ethnologiques ou anthropologiques. À travers la variété des méthodes, une certaine maturité s’est imposée au fil des publications scientifiques, des colloques, des séminaires et des équipes de chercheurs. Maturité qui a lentement transformé les territoires – sujets d’investigation par différentes disciplines scientifiques en territoires – en objets d’observation et d’analyse multidisciplinaire. Ce changement de perspective du sujet vers l’objet représente l’enjeu principal et universel de l’analyse territoriale contemporaine, notamment au Québec.
À cet effet, un premier défi de l’équipe du CRDT reposait sur une compréhension commune des méthodes utilisées pour circonscrire cet objet partagé qu’est l’analyse des territoires. Un second défi était d’apprécier les convergences entre ces méthodes, qu’elles soient qualitatives ou quantitatives, dans une optique d’interdisciplinarité qui permette de « sortir du cadre » afin d’en arriver à observer le territoire sous tous ses angles de développement. Enfin, un troisième défi était de faire apparaître la transversalité, soit de créer de l’horizontalité, avec des outils et des méthodes de recherche adaptés pouvant mieux répondre aux besoins concrets de solutions applicables pour cet objet difficile d’approche que représente la recherche sur le développement des territoires.
Certes, ces défis demeurent une préoccupation constante du CRDT et son chantier transversal permettra de les relever, par une réflexion soutenue, au cours des prochaines années. Ce livre se veut donc un premier effort important pour éclairer les lecteurs non seulement sur les différentes méthodes utilisées par les chercheurs pour comprendre les réalités des territoires, mais aussi pour leur donner des outils concrets (cadre d’analyse, dimensions, indicateurs, etc.) leur permettant de développer leurs propres recherches dans le domaine. Afin de pouvoir mieux nous repérer dans cet ouvrage collectif, nous l’avons divisé en six parties couvrant des thèmes centraux qui reflètent bien les préoccupations méthodologiques des chercheurs en développement territorial, soit 1) le cadre d’analyse et le choix méthodologique ; 2) la modélisation macro- et microéconomique ; 3) la transversalité des approches méthodologiques ; 4) la recherche en partenariat ; 5) l’analyse des disparités ; et, finalement, 6) les innovations territoriales.
1. Le cadre d’analyse et le choix méthodologique
Dans cette partie du livre, nous désirons faire le point sur deux aspects souvent au cœur du processus de recherche en sciences sociales que sont l’approche théorique soutenant l’analyse et le choix méthodologique, souvent difficile à faire, entre le qualitatif et le quantitatif. Dans le premier cas, des ouvrages classiques dans le domaine (Deshaies, 1992 ; Gauthier, 2008 ; Quivy et Campenhoudt, 2011) montrent bien comment le cadre d’analyse devient une base solide de références, mais que faire lorsque la définition des concepts demeure « floue » et, pire encore, quand leur emprise sociale est « éclatée » ? Ce phénomène, en études territoriales, n’est pas rare, et il appelle à une ouverture d’esprit dans le choix des approches méthodologiques. Ce réflexe doit aussi être de mise lorsque vient le temps pour le chercheur de poser le type de méthodologie (qualitatif ou quantitatif) à employer pour la collecte des données. Comme le disait bien Laflamme (2007), il est contre-productif de hiérarchiser ou d’exclure d’emblée une de ces approches méthodologiques, car elles se complètent en permettant d’accéder à des informations spécifiques qui enrichissent les connaissances.
Dans leur texte « Conceptualiser l’acceptabilité sociale : la force d’une notion faible », Yann Fournis et Marie-José Fortin nous amènent à réfléchir sur une étape fondamentale du processus de recherche en abordant la question de la définition du cadre d’analyse, qui crée un lien avec l’empirique et lui donne sens. Cette étape essentielle à la recherche déductive se veut en quelque sorte la porte d’entrée par laquelle on emprunte un dédale méthodologique. Ainsi, les auteurs abordent la question de la méthodologie « moins comme un défi technique, qui viserait à poser la boîte à outils
, que comme un défi intellectuel, pour passer du monde des idées aux réalités empiriques ». Il s’agit d’un défi important, surtout quand le chercheur est face à un phénomène contemporain auquel les approches théoriques ne peuvent apporter que des réponses partielles et insuffisantes. À cet effet, les auteurs illustreront leur propos avec l’étude d’une notion largement instrumentalisée ces dernières années : celle d’« acceptabilité sociale ». Leur propos sera éclairé par un sérieux « débroussaillage » social et scientifique de cette notion qui montre certains des paradoxes qui l’habitent. L’article présentera donc en conclusion une proposition de cadre d’analyse reposant sur une nouvelle définition permettant de rallier des réalités « fortes et éclatées » de ce que représente l’acceptabilité sociale aujourd’hui, et sur une grille d’analyse de cette notion.
Le second texte de cette partie, « Les approches quantitative et qualitative dans les études du développement territorial », nous rappelle que le débat entre qualitatif et quantitatif en sciences sociales est toujours présent, et si nous avons placé volontairement ce texte au début du livre, c’est pour lancer et clore aussitôt ce débat. En effet, dès le départ, Jandir Ferrera de Lima et Yvan Desbiens expriment ce que beaucoup de chercheurs dans le domaine des études territoriales soutiennent, à savoir que l’analyse territoriale est une activité de recherche thématique multidisciplinaire et que de ce fait, il est nécessaire de voir dans les approches qualitatives et quantitatives une complémentarité essentielle et souvent guidée par la stratégie de recherche du chercheur. Pour eux, la « complexité des recherches en développement territorial et en comportements sociaux indique qu’il y a besoin d’approfondir les analyses en s’appuyant sur la complémentarité des instruments et méthodes de recherche ». Ainsi, les auteurs feront une analyse du besoin des observations quantitatives et qualitatives des études en développement territorial tout en démontrant que le choix des méthodes d’analyse par le chercheur est fortement influencé par la philosophie même du chercheur.
2. La modélisation macro- et microéconomique
Pour les diverses sciences sociales, les territoires servent souvent d’assise de référence pour saisir les comportements macro et micro. Les comportements des consommateurs, des investisseurs, des travailleurs, des producteurs, sont souvent mieux saisis lorsque circonscrits dans leurs limites territoriales causées par la distance, la dispersion, la congestion, les institutions ou d’autres contraintes ou avantages. Il devient ainsi très pertinent de territorialiser les outils analytiques de la sociologie, de l’économie, de la science politique, etc. Cette pertinence est devenue encore plus grande pour l’application de ces outils directement sur les territoires afin de saisir et de comprendre les particularités et les spécificités qui différencient un lieu ou un milieu d’un autre à travers l’espace hétérogène. Cette différenciation entre les territoires s’accroît et se précise avec le niveau de détail de l’analyse territoriale.
Le texte de Pierre Hansen, Christophe Meyer et Luc-Normand Tellier, « Les modèles topodynamique et de la Nouvelle économie géographique : compatibilité, convergence et avantages comparés », a comme objectif de présenter un modèle topodynamique hybride qui permet de produire des projections démo-économiques mondiales à long terme dans des contextes variés, et ce, même si des données comme les salaires, le logement, les coûts urbains et les migrations interrégionales sont peu fiables, disparates ou difficilement conciliables. Les auteurs mettent à contribution le modèle topodynamique classique qui s’appuie sur la logique spatiale du développement et le modèle de la Nouvelle économie géographique (NEG), qui fait davantage référence à une logique microéconomique et d’équilibre général du développement, afin d’expliquer, de simuler et de prédire l’évolution de vastes systèmes spatiaux. L’originalité de leur démarche repose sur une tentative de coupler la composante NEG et le modèle topodynamique, ce qui pour eux permet de générer des projections plus fiables. Leur démonstration basée sur les deux modèles a été réalisée à partir de données provenant des États-Unis et montre bien la difficulté que représente l’utilisation de données statistiques internationales fiables permettant des projections à long terme.
À l’instar de Hansen, Meyer et Tellier, les auteurs Jean Dubé et Nicolas Devaux, dans leur texte intitulé « L’économétrie spatiale au service de l’analyse territoriale : une approche mixte pour un système complexe », s’intéressent à la Nouvelle économie géographique, à l’économie spatiale et aux techniques de modélisation spatiale qui en découlent. Cependant, ces auteurs relèvent un nouveau défi, soit celui d’utiliser une pondération « sociale » basée sur des distances séparant des profils sociaux plutôt que celle plus traditionnelle de la « distance géographique » pour analyser des réalités territoriales. Afin de démontrer empiriquement le potentiel de leur proposition, les auteurs utilisent une étude de L. Côté, réalisée en 2002, sur la performance institutionnelle des Conseils régionaux de développement (CRD) au Québec, qui conclut à l’existence d’une corrélation sociale entre certains indicateurs comme le taux de chômage et le PIB en région. Ainsi, dans leur étude, ils voient à associer les principes du capital social et de l’analyse structurale de réseaux à l’analyse spatiale pour permettre de comparer les territoires entre eux.
Dans son article « La promotion et l’attractivité territoriales : approches méthodologiques et modèles », Ibrahima Diallo s’intéresse particulièrement aux instruments de modélisation économique en mesure d’expliquer les dynamiques territoriales. L’auteur désire mettre en évidence le lien entre la promotion territoriale d’une région et l’attractivité du territoire qui en bénéficie. Pour répondre à ce défi, il propose des instruments pratiques permettant de mettre en relation ces deux dimensions. Même si plusieurs modèles macro-géographiques prennent en compte la problématique de l’attractivité en faisant la corrélation entre le niveau d’ancrage de la promotion territoriale et son attractivité, ils ne permettent pas nécessairement de connaître le sens de la causalité entre ces variables. Cette perspective est d’autant plus intéressante à étudier que maints territoires s’évertuent depuis plusieurs décennies à mettre en place des politiques d’attractivité territoriale dont il est difficile d’évaluer les apports concrets sur le développement, défi intéressant que l’auteur entend relever en analysant les agglomérations de Lyon, de Mbour et de Saguenay.
3. La transversalité des approches méthodologiques
Un territoire possède par essence plusieurs logiques exprimées par ses acteurs. Les connaissances se sont cumulées à leur propos grâce aux sociologies urbaine, rurale et régionale, à l’économie spatiale, urbaine et régionale, aux études sur la gouvernance territoriale, aux analyses écologiques à diverses échelles ou encore à la géographie sociale, politique et économique. Si chaque discipline scientifique met finement en exergue une logique particulière, il demeure que l’utilisation simultanée de plusieurs disciplines permet une analyse plus globale de la complexité causée par diverses logiques qui s’entrecroisent. Ce qui justifie, à nos yeux, l’appel à la transversalité dans les méthodes de recherche.
Pour bien vivre cette transversalité, il ne s’agit pas de compiler et de synthétiser les différents apports disciplinaires dans l’analyse d’un territoire, mais bien d’effectuer une lecture territoriale globale à l’aide des différents outils scientifiques. Des concepts transversaux deviennent nécessaires pour observer le phénomène d’intérêt, modéliser la réalité et progresser vers une théorie des territoires.
Dès le départ, dans son texte « La notion de système régulatoire spatialisé
: une notion opératoire féconde pour analyser et comparer la gouvernance et la transformation des territoires », Serge Belley pose une question fondamentale qui touche directement la complexité que représente l’étude des territoires : « comment faire se rencontrer et dialoguer, théoriquement et empiriquement, les acteurs, le territoire et le développement ? » Pour tenter d’y répondre, il présente une approche heuristique inspirée des travaux de Gilly et Pecqueur sur le dispositif régulatoire territorial (DRT), qu’il développera sous la forme de « système régulatoire spatialisé » (SRS). Ce système repose sur les concepts d’institution, de régulation et de coordination et peut s’appliquer à l’analyse des diverses formes de territoires, qu’ils soient urbains ou ruraux. Pour lui, cette approche a l’avantage de « permettre, théoriquement et empiriquement, le repérage et l’analyse des lieux de croisement et de tension des multiples facettes (sociale, politique, économique et culturelle) » qui sont au cœur du processus de coordination permettant à tout territoire de réaliser des projets et de se développer. Son texte, tout en permettant d’avoir un aperçu critique des théories et des méthodologies en développement territorial, nous initiera à une méthode qui permet de saisir la « transversalité » des dynamiques de développement.
Le texte de Serge Côté, « L’approche monographique : une voie pour pratiquer la transversalité ? », nous rappelle à quel point l’approche monographique peut être pertinente pour une meilleure compréhension des multiples réalités socioéconomiques des territoires, surtout quand vient le temps d’étudier la complexité d’organisations, d’entreprises et même de municipalités. Sur la base d’études concrètes réalisées par des étudiants de maîtrise et de doctorat en développement régional à l’Université du Québec à Rimouski (UQAR), dont celle de la ville de Gagnon, fermée en 1985, et celle de la papetière de Bathurst au Nouveau-Brunswick, il démontre comment cette méthodologie, par sa capacité à lier les aspects distinctifs du cas à l’étude à un ensemble plus vaste auquel il se rattache, demeure une des forces de la monographie. Sans spécifiquement entrer dans le débat sur la scientificité de la méthode, il établit clairement ses avantages, sa pertinence pour documenter et éclairer une situation et sa capacité à en rendre compte en croisant plusieurs sources de données tant qualitatives que quantitatives. Pour y arriver, il est cependant nécessaire de respecter des règles précises qui permettent à l’approche monographique de constituer une approche transversale basée sur une pluralité de regards disciplinaires et une multiplicité de perspectives théoriques.
Suzanne Tremblay, dans « Le social transversal », nous propose d’élucider le potentiel de transversalité du social par rapport à d’autres disciplines dans une démarche de recherche liée au développement territorial intégré (DTI). Sur la base d’une vision transversale de six expériences de recherche qualitatives, quantitatives et partenariales portant sur la dimension sociale du développement et qui ont été réalisés sur différents territoires urbains et ruraux du Saguenay–Lac-Saint-Jean, l’auteure a revisité plusieurs concepts transversaux comme ceux d’économie sociale, de capital social et de revitalisation sociale et intégré et celui de développement social pour montrer comment le jumelage des dimensions économiques et sociales devient fécond pour créer de nouvelles notions en mesure de dépasser le cadre de leur discipline et de leur pratique pour tendre vers des formes de multidisciplinarité.
Enfin, les auteurs Thierno Diallo, Christophe Leyrie et Julien Bousquet, dans leur texte « L’approche méthodologique pour l’analyse des parties prenantes dans les projets de développement territorial », nous proposent une approche méthodologique pour l’analyse des parties prenantes dans les projets territoriaux prenant en considération le poids des médias comme momentum de cette analyse. Considérant le fait que les projets territoriaux sont de puissants leviers de structuration des collectivités, de par leurs impacts socioéconomiques et parce qu’ils reposent sur une vision collective stratégique importante, ces projets n’échappent pas aux règles de bonnes pratiques en gestion de projet. Il importe donc pour eux de bien identifier les parties prenantes de ces projets et de cerner leur centralité dans l’optique d’une meilleure gestion de leurs relations de coopération et d’opposition, ce qui pour les auteurs permet d’identifier les acteurs clés et d’augmenter ainsi l’acceptabilité sociale des projets. Pour faire cette démonstration, ils utiliseront le cas largement médiatisé du projet d’amphithéâtre multifonctionnel de Québec tout en développant une approche méthodologique originale qui définit le poids média et son utilisation dans l’analyse des parties prenantes liées à ce projet.
4. La recherche en partenariat
À n’en pas douter, la recherche partenariale est en forte demande en développement territorial au Québec. Cependant, ce type de recherche impliquant plusieurs partenaires recèle des défis méthodologiques importants pour le chercheur, et cela tant au niveau de la définition des concepts qu’à ceux du choix de la démarche et de la méthode et de l’analyse des résultats. Ces défis peuvent relever tant du positionnement du chercheur, de la construction du partenariat et des appréhensions d’ordre culturel des groupes impliqués que de la compréhension commune des résultats, en passant par la définition des outils de recherche et les questions éthiques que pose la recherche partenariale. De même, la question de la coconstruction des savoirs se pose avec acuité dans ce type de recherche.
Dans la perspective théorique du développement territorial, le texte de Patrice LeBlanc, « La recherche participative et le développement territorial : quelques leçons de pratiques québécoises », vise à réfléchir à la méthodologie la plus appropriée pour produire des connaissances utiles aux collectivités et au mode de production des connaissances qui en découlent. Il souhaite s’intéresser aux besoins d’accompagnement des collectivités locales lors de la production d’un savoir utiles à leur développement. Après avoir établi la nécessité d’une méthodologie de recherche propre aux projets de développement territorial et exploré différentes approches de recherche qui favorisent la collaboration entre chercheurs et acteurs d’un territoire, l’auteur présente deux exemples de recherches réalisées en collaboration avec des acteurs de terrain. Le texte se termine sur une remise en question de l’idée de coconstruction des savoirs souvent admise dans la littérature et propose de lui substituer celle d’autoconstruction assistée des savoirs, tout en insistant sur l’importance de la planification du transfert de connaissances vers d’autres territoires de façon à ce que le savoir ainsi produit ne reste pas simplement local.
Jean-Marc Fontan, Juan-Luis Klein et Christine Champagne nous offrent un texte stimulant intitulé « Les initiatives locales et l’évaluation habilitante : proposition d’une méthode proactive appuyée sur la reconstitution historique », qui représente cette forme particulière de partenariat chercheur/milieu où la recherche se réalise avec toutes les parties prenantes du projet étudié. D’entrée de jeu, les auteurs posent une question centrale lorsqu’il est nécessaire de s’interroger sur la pertinence, l’efficacité et l’impact des actions d’une communauté : « Par quelle méthode d’enquête serons-nous en mesure de bien comprendre ce qui a été fait et l’impact de cette action sur une communauté territoriale ? » Ils nous proposent une méthode innovante d’évaluation d’une initiative locale, soit l’évaluation habilitante. Cette méthode, qui s’inscrit dans la quatrième génération de travaux portant sur l’évaluation, souscrit à une logique de négociation des parties prenantes dans le sens du développement du pouvoir d’agir des personnes, des organisations et des institutions. Elle repose principalement sur le principe que les parties prenantes concernées doivent participer à l’ensemble des étapes de la démarche évaluative, « de sa conception au suivi qui en découle en passant par sa réalisation ». La démarche des auteurs se fait en trois temps. D’abord, ils révèlent l’ancrage épistémologique de l’évaluation habilitante. Par la suite, ils présentent les bases théoriques et méthodologiques de cette démarche. Finalement, le projet Sur la main, qui est un projet de revitalisation d’un quartier de l’arrondissement Rosemont–La Petite-Patrie, à Montréal, leur sert d’exemple concret pour en démontrer la pertinence. Les réflexions inhérentes à leur analyse poussent les auteurs à mettre en évidence la nécessité de développer une cinquième énération d’évaluation qui en « appelle au développement d’une esthétique de projet mariant harmonieusement les différentes conditions requises ».
Diane Saint-Pierre et Claudine Audet, en présentant leur texte « Les défis d’une étude sur les festivals de musique en Europe et au Québec : leçons d’une enquête de terrain », nous amènent dans la sphère d’une relation partenariale particulière, celle entre chercheurs internationaux, où les questions méthodologiques se posent avec acuité. En effet, les auteures abordent les défis méthodologiques d’une étude internationale sur les festivals qui a regroupé pas moins d’une dizaine de pays et nécessité autant de partenariats à établir entre des équipes de chercheurs. Leur texte a non seulement comme objectif de présenter le secteur des festivals et les défis multiples qu’il pose à la recherche scientifique, mais aussi de « faire état des grandes lignes d’une enquête menée au Québec dans le contexte d’une étude internationale et des défis plus particuliers liés aux concepts opératoires et aux méthodes de recherche privilégiés pour recueillir, analyser et éventuellement comparer l’information sur les différentes facettes entourant la vie des festivals de musique actuellement à l’étude ».
5. L’analyse des disparités
La répartition de la population et des activités s’avère fondamentalement inégale à travers l’espace, et ce, depuis toujours. Différentes conditions contribuent en principe à réduire ces disparités, notamment la mobilité des facteurs, qui semble la plus juste malgré son imperfection. Aussi, ces inégalités se transforment au fil du temps. Certains lieux ou milieux jadis prospères périclitent. D’autres territoires sous-utilisés émergent fortement. D’autres encore évoluent par ruptures positives et négatives dans leurs trajectoires. Si comprendre ces disparités est essentiel dans l’analyse territoriale, les défis que posent les méthodes privilégiées pour en mesurer l’impact demeurent un chantier tout aussi important en science du territoire.
Pour Clermont Dugas, même si les disparités socioéconomiques canadiennes et québécoises sont visibles et que leurs conséquences sont bien connues, il n’en demeure pas moins que leur identification et leurs délimitations territoriales sont parfois discutables. C’est pourquoi il désire, dans son texte intitulé « La mesure et l’analyse des disparités canadiennes et québécoises », démontrer l’importance que revêt une démarche méthodologique appliquée à la mesure de ces disparités lorsque vient le temps de mettre en place des politiques publiques territoriales qui visent leur atténuation, et cela particulièrement pour les localités marginales ou dévitalisées. La méthodologie qu’il propose se base sur des choix importants à faire à chacune des étapes liées à l’analyse des disparités : le choix des approches pour appréhender les disparités, les échelles d’analyse à utiliser, les méthodes d’analyse préconisées, les variables à sélectionner, le traitement des données privilégié et l’importance de l’étude terrain pour vérifier la signification sociale des différents niveaux de revenus retenus pour l’analyse des disparités. Afin d’illustrer son propos et à l’aide d’une cartographie des disparités, l’auteur fera l’étude des disparités à l’échelle des provinces canadiennes entre 1970 et 2006 et se servira des disparités à l’échelle des divisions de recensement de 1995 à 2005 et à celle des MRC (2005) pour montrer comment on peut nuancer et préciser la lecture faite à l’échelle des provinces en « illustrant une forte différenciation spatiale attribuable à une grande diversité de facteurs de nature géographique, démographique et économique ».
Comme le titre de son article l’indique bien, Augustin Ependa, dans « Indice composite de la dynamique territoriale (ICDT) : une méthodologie multidimensionnelle pour catégoriser les territoires », traite des indices de développement permettant de mieux appréhender le développement des territoires. Tout en passant en revue les critiques formulées sur les principaux indices utilisés ces dernières décennies (produit intérieur brut – PIB ; indice de développement humain – IDH ; indice global de développement – IGD), l’auteur émet l’hypothèse que l’IGD, en mettant surtout l’accent sur le développement socioéconomique, n’a pas su apprécier correctement toutes les facettes du processus de dévitalisation ou de revitalisation des communautés au Québec. Dans les faits, la majorité des indicateurs (5 sur 7 utilisés par l’IGD) engendrerait un phénomène de colinéarité, soit un phénomène de redondance des indices qui remet en question sa robustesse. Il propose donc de corriger les indices existants ou encore de créer un nouvel indice, en l’occurrence, l’indice composite de la dynamique des territoires (ICDT). Pour l’auteur, ce dernier indice innove en ce sens qu’il donne une plus grande place aux dimensions non économiques, tels les aspects socioculturels, l’importance des services de proximité, le leadership local et surtout les aspects touchant la dynamique démographique et environnementale sur un territoire. Il présentera donc la composition des indicateurs et des variables ainsi que la méthode de calcul utilisée pour ce nouvel indice.
6. Les innovations territoriales
Saisir l’innovation sur les territoires n’est pas chose simple, tant ses formes sont variées (technologiques, organisationnelles, sociales, territoriales, etc.) et les cadres d’analyse et les outils doivent être adaptés à l’objet d’étude (produits, management, insertion sociale, territoires périphériques, etc.). Les défis sont importants, surtout quand vient le temps d’intégrer plusieurs facettes de l’innovation sur un territoire donné. Alors, comment choisir un cadre d’analyse adéquat ? Quels indicateurs choisir quand vient le temps d’évaluer l’impact de l’innovation ?
Dans le premier texte de cette partie de l’ouvrage, « Capter l’innovation dans les régions périphériques : quelles méthodologies ? », Martin Robitaille, Guy Chiasson et Élodie Plassin proposent une réflexion sur les cadres d’analyse pour l’étude de l’innovation dans les régions périphériques sur la base d’un projet de recherche portant sur l’innovation dans le secteur forestier de la région de l’Outaouais. Ce projet visait à saisir les forces et les faiblesses des dispositifs territoriaux mis en place pour accompagner l’innovation dans les entreprises actives dans la transformation de la forêt feuillue en région. L’originalité de la réflexion méthodologique des auteurs tient au fait qu’ils portent leur attention à la fois sur les cadres et sur les outils d’analyse appropriés pour réaliser ce type d’étude. Ainsi, ils font un choix éclairé entre les principaux cadres d’analyse existants, soit les districts industriels marshalliens, les clusters industriels, les systèmes régionaux d’innovation (SRI) et les régions apprenantes. De plus, ils explicitent les raisons qui les ont poussés