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Patrimoine et développement local: De l’attractivité des territoires à la qualité des milieux de vie
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Patrimoine et développement local: De l’attractivité des territoires à la qualité des milieux de vie
Livre électronique324 pages3 heures

Patrimoine et développement local: De l’attractivité des territoires à la qualité des milieux de vie

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À propos de ce livre électronique

Patrimoine et territoire sont intrinsèquement liés. Le premier cristallise des rapports particuliers tissés avec le temps, le second, avec l’espace ; tous deux portent des dimensions de mémoire et d’identité essentielles au développement des communautés.

Cet ouvrage pose un regard sur le patrimoine comme agent de construction des territoires et comme levier de transformation socioterritoriale.

La formulation récente d’approches critiques du patrimoine et du développement invite à prendre en compte des formes plus diverses de patrimoine et à considérer des options de développement local qui privilégient la qualité des milieux de vie, l’usage des territoires et la participation citoyenne. C’est ce que se proposent de faire les autrices et auteurs de cet ouvrage. S’éloignant de conceptions traditionnelles dans lesquelles les pouvoirs publics prenaient en charge les processus patrimoniaux et ceux de développement local, les expériences rassemblées ici explorent diverses initiatives dans lesquelles des communautés – en Europe, au Canada, en Amérique Latine et en Afrique – se saisissent d’éléments de leur passé pour bâtir, par elles-mêmes, des futurs désirables.

Patrimoine et développement local : de l’attractivité des territoires à la qualité des milieux de vie s’adresse à celles et ceux qui s’intéressent au patrimoine et qui s’interrogent sur ses effets et son rôle dans le développement des territoires.
LangueFrançais
Date de sortie5 juin 2024
ISBN9782760560024
Patrimoine et développement local: De l’attractivité des territoires à la qualité des milieux de vie
Auteur

Laurent Dambre-Sauvage

Laurent Dambre-Sauvage est docteur en études urbaines. Il est chercheur au Centre de recherche sur la ruralité de l’Université de Moncton et chercheur associé à la Chaire de recherche du Canada en patrimoine urbain.

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    Patrimoine et développement local - Laurent Dambre-Sauvage

    INTRODUCTION

    Patrimoine et développement local : de l’attractivité des territoires à la qualité de milieux de vie

    Laurent Dambre-Sauvage et Myriam Joannette

    Dès 1994, le géographe Guy Di Méo analysait la proximité des notions de patrimoine et de territoire ¹. Les deux termes décrivent des rapports sociaux articulés autour du temps pour le premier, de l’espace pour le second, qui cristallisent, dans une double nature matérielle et immatérielle, des fonctions mnémoniques, identitaires et sociales. L’élargissement géographique des dispositifs de protection (des objets à des zones), de même que l’introduction de la notion de patrimoine culturel immatériel, dont l’ancrage territorial est plus diffus qu’en ce qui concerne le patrimoine bâti, concourent à une patrimonialisation des territoires. Patrimoine et territoire entrent alors dans une relation symbiotique que l’on peut décrire de la manière suivante : le patrimoine est territorialisé, le patrimoine est territorialisant. Territorialisé, il s’inscrit dans un espace construit et rend compte, justement, du processus historique de construction du territoire en en donnant à voir les étapes importantes, tout en mettant en valeur les ressources – cadre bâti, traditions, savoir-faire, etc. – mobilisées dans cette construction. Le patrimoine est également territorialisant, c’est-à-dire qu’il est un agent de la construction du territoire, notamment en catalysant les jeux d’acteurs engagés dans l’identification, la préservation et la valorisation d’éléments porteurs d’une identité commune. Ce faisant « le patrimoine […] est ce qui donne de la valeur à un lieu, ce par quoi et ce pourquoi nous attachons à ce lieu ² ».

    Poser le patrimoine en agent de construction des territoires, c’est envisager qu’il puisse être également un agent de leur transformation, ce qui justifie d’y recourir dans des expériences de développement local. De telles expériences se sont multipliées depuis les dernières décennies du siècle dernier, donnant naissance à de nombreux travaux scientifiques qui en montrent la diversité. Souvent, le patrimoine y est considéré comme une ressource spécifique au territoire, c’est-à-dire dont la valeur intègre des éléments issus du milieu géographique perçu comme un lieu d’histoire et de culture³. Le patrimoine devient alors un actif mobilisé, par exemple, dans l’élaboration de produits à haute valeur ajoutée (reconnus par des labels tels que les appellations d’origine contrôlée ou AOC), dans la création d’une offre touristique mettant en scène l’histoire des lieux, ou encore dans des opérations de requalification territoriale construites sur les dimensions culturelles du territoire, parfois choisies avec soin, pour favoriser l’attraction d’entreprises ou de personnes censées appartenir aux classes moyennes ou aisées. Toutes ces expériences s’appuient sur l’impressionnante faculté du patrimoine – parce qu’il rassemble des éléments du passé sélectionnés pour être transmis aux générations futures – à ancrer le développement des territoires dans des trajectoires historiques particulières qui contribuent à les distinguer les uns des autres. Cette faculté amène les communautés locales à construire des projets qui mobilisent le passé pour imaginer des futurs soutenables et désirables⁴.

    Cet ouvrage rassemble des textes issus de présentations sélectionnées lors des Quatorzièmes Rencontres internationales des Jeunes Chercheurs en patrimoine qui ont eu lieu à Montréal en novembre 2021. Cette édition, logée à l’enseigne de la programmation de la Chaire de recherche du Canada en patrimoine urbain, instigatrice des Rencontres, s’inscrit par ce thème dans la lignée de plusieurs travaux menés sur ce sujet ; en 1991, le colloque Patrimoine et développement : connivences ou divergences tenu à Lyon, dans le cadre des quatrièmes Entretiens Jacques-Cartier, est, à notre connaissance, le premier consacré à cette thématique⁵. Toutefois, les contributions présentées ici témoignent d’un tournant épistémologique significatif. Ce tournant est le fruit d’un changement radical de contexte : les crises environnementales, sanitaires, sociales et culturelles se succèdent et se cumulent aux crises économiques consécutives aux chocs pétroliers des années 1970. Il se fait également en lien avec l’émergence d’approches critiques du patrimoine⁶ et du développement⁷ ; approches critiques qui s’appuient sur des fondements convergents et qui viennent interroger les relations entre les deux notions⁸.

    Ainsi, patrimoine et développement prennent racine dans la modernité occidentale en tant que système de valeurs et de pensée articulé à une vision linéaire du temps qui induit la notion de progrès (demain est forcément mieux qu’hier). Patrimoine et développement sont des discours portés par des « experts », discours qui façonnent le réel en en naturalisant certains aspects : le patrimoine serait alors ontologiquement patrimonial parce qu’intégrant des valeurs prétendues universelles, quand le développement est perçu comme un processus naturel qui, depuis les débuts de l’humanité, fait passer territoires et sociétés d’une étape moins évoluée à une étape plus évoluée. Cette naturalisation évacue toute dimension politique. Patrimoine et développement font naître une kyrielle d’institutions, agissant à des échelles différentes (du local au supranational) qui n’ont d’autre fonction que de légitimer les idéologies patrimoniales et développementalistes. Enfin, les critiques du patrimoine et du développement mettent en lumière le caractère profondément colonialiste de ces notions qui présupposent les valeurs de l’occident moderne comme idéal absolu, ce qui écrase, de fait, des visions et des approches alternatives issues d’autres cultures. Pour mieux saisir les voies ouvertes par ces approches critiques, nous voulons, dans les lignes qui suivent, les resituer dans leurs champs épistémologiques respectifs dont nous retraçons les grandes lignes.

    De la croissance aux milieux de vie : évolution des approches du développement local

    Depuis qu’en 1949, s’ouvrait l’ère du développement avec le discours d’investiture du second mandat de Truman, plusieurs modalités d’action en développement local se sont succédé⁹. Une première tendance, issue du fordisme et du keynésianisme, prônait l’implication directe des états pour assurer l’équilibre et la convergence économique des territoires infraétatiques. Il s’agissait alors de permettre le rattrapage des régions moins développées en y construisant des infrastructures et en y facilitant l’implantation d’entreprises. À la suite de la crise du fordisme, dans les années 1970, une seconde approche est devenue hégémonique. Elle implique des acteurs plus diversifiés (entreprises, états locaux, universités, organismes et parfois citoyens) et engage les territoires dans des logiques de spécialisation, de différenciation et, finalement, de concurrence. Ces logiques peuvent prôner le renforcement de systèmes productifs locaux ou prendre appui sur l’économie sociale et l’action collective pour assurer le développement économique et social par l’innovation sociale¹⁰. Dans ce cadre, l’attractivité des territoires – pour y faire venir, par exemple, des travailleurs hautement qualifiés¹¹, des touristes ou des retraités¹² – est un enjeu majeur.

    Ces deux tendances visaient principalement la croissance économique. Loin d’assurer un développement harmonieux des territoires, elles ont contribué à accroître les phénomènes d’inégalités et de fracturation sociales et spatiales. Plus récemment, les réflexions sur l’Anthropocène¹³ ou le Capitalocène¹⁴ remettent en question la pertinence de modèles fondés sur la croissance dans un monde fini, à un moment où à la fois les dérèglements climatiques, l’effondrement de la biodiversité et la raréfaction des ressources naturelles constituent autant de menaces pour la survie de l’humanité. Plusieurs postulent que c’est, bel et bien, dans une crise civilisationnelle que nous sommes finalement entrés. Elle nous invite à réexaminer des modèles de développement ancrés dans une modernité occidentale remise en question¹⁵, adossés à une vision linéaire du progrès rendue obsolète, et déployés sur l’ensemble de la planète dans une logique ontologiquement coloniale. Face à ce constat, de nouvelles approches ont émergé, regroupées parfois sous la notion de post-développement¹⁶. Les logiques de différenciation entre territoires sont maintenues sans que toutefois la performance économique constitue le principal objectif du développement. Le post-développement va, cependant, plus loin dans la différenciation territoriale en posant le fait que le progrès ne soit pas une notion universelle et que les trajectoires de développement doivent s’adapter aux aspirations (non univoques) des communautés locales. Le post-développement est donc pluriversel. Deux cadres épistémologiques, issus de traditions non occidentales pour l’un, et prémodernes pour l’autre, peuvent nous permettre de penser ces approches émergentes¹⁷ : le buen vivir¹⁸ et les commons¹⁹. Tous deux prônent un changement de paradigme articulé sur une transformation de la relation entre les humains et leur environnement, leur milieu de vie²⁰ et sur la participation, via des changements institutionnels locaux, des membres des communautés à la prise de décision sur les sujets qui les concernent. La question se pose alors de savoir quel rôle a joué, joue et pourra jouer le patrimoine au sein de ces différentes approches du développement local.

    Le patrimoine et le développement local : des relations en constante redéfinition

    Comme discuté précédemment, le développement local se fonde sur le principe selon lequel un territoire donné peut être en mesure de générer sa propre dynamique de développement, que celle-ci soit économique, sociale, culturelle ou communautaire, en s’appuyant sur ses propres ressources et sa capacité d’organisation et d’initiative autour de projets communs. Les textes présentés dans cet ouvrage suggèrent que certaines initiatives de développement local sont intrinsèquement liées à la création, à l’appropriation et à la mise en valeur de patrimoines communs qui se voient autoproclamés par certaines communautés. À ce titre, nombre d’interrogations se posent, notamment : comment le patrimoine et le développement local se trouvent-ils aujourd’hui liés dans des logiques de développement territorial, d’une part, et de développement des communautés, d’autre part ? Comment comprendre et saisir les différentes logiques d’accompagnement et d’appropriation des patrimoines transcendant les expériences de développement à travers le prisme de certains lieux et temporalités ?

    Les textes présentés dans cet ouvrage permettent d’appréhender les nombreuses manières dont le devenir et la continuité se posent comme enjeux centraux dans la création et la mise en devenir des communautés, et comment les patrimoines communs s’inscrivent comme acteurs centraux de ces dynamiques. Si le sentiment d’identité de lieu et celui d’appartenance qui en découle se heurtent, dans le monde contemporain, à un manque de mémoire, le patrimoine contribue à les lier²¹.

    Cette réflexion nous porte à nous pencher sur la nature collective du patrimoine. Le patrimoine, envisagé par les communautés non plus comme bien public ou privé, se voit ainsi valorisé dans une logique de bien commun dont l’existence même, par les actions qui l’entourent pour se l’approprier, a un impact sur le développement des communautés qui s’en réclament. Considérant ainsi que le patrimoine se constitue de manière générale sous la forme d’un écosystème en mesure de produire diverses formes de lien social²², il semble ici possible de l’envisager comme un ensemble de biens (matériels, immatériels) ou de pratiques (culturelles, sociales) auquel un groupe donné octroie, à un certain moment de son histoire, une ou des valeurs communes. Ces patrimoines, qui prennent des formes diverses présentant des paysages, des traditions, des savoir-faire et des immeubles, notamment, s’articulent dès lors autour de projets communs visant à améliorer le quotidien des habitants. S’ils peuvent s’intégrer à plusieurs échelles géographiques, ces projets liant patrimoine et développement local ne peuvent faire abstraction de la constitution d’une communauté autour du projet patrimonial.

    Ces valeurs, pourtant, ne peuvent toujours constituer le reflet des valeurs déterminées par les collectivités territoriales où se situe le patrimoine. Le patrimoine forme alors un nouvel écosystème de valeurs auxquelles adhèrent certains membres des communautés. Plus qu’un lieu purement géographique, l’espace ainsi créé par le patrimoine insiste sur l’importance des valeurs partagées par les personnes qui y vivent et par leur capacité commune de se projeter du passé au futur. Ces réflexions font écho aux travaux de Lucie K. Morisset qui, dans l’ouvrage Des régimes d’authenticité²³, introduisait la notion de mémoire patrimoniale ; celle-ci associerait patrimoine et patrimonialisation, c’est-à-dire les éléments du passé auxquels une valeur a été attribuée par un groupe, de même que le processus par lequel cette valeur leur a été attribuée. Suivant cette logique, la mémoire patrimoniale serait constituée « des représentations patrimoniales superposées ou juxtaposées dans le temps²⁴ ». C’est ainsi que l’on envisage le patrimoine comme bien collectif socialement construit selon un système partagé par un certain nombre ; or, l’extension même de la notion de patrimoine, passant du patrimoine monumental, construit et exclusivement matériel au patrimoine de proximité et parfois immatériel, pose de nouvelles interrogations quant à la place occupée par les conceptions, les pratiques et les savoir-faire dans l’appropriation collective du patrimoine et sur sa capacité subséquente à générer des formes de développement local. Les textes présentés dans cet ouvrage s’interrogent ainsi sur le patrimoine comme vecteur de liens à la base de la création de certains groupes et initiatives sociales, patrimoine qui touche ainsi « aux mythes fondateurs de toute entité sociale construite dans une certaine durée²⁵ ». Ces textes font également état des défis qui se posent lorsque les initiatives de développement local prennent notamment appui sur des enjeux patrimoniaux ; les acteurs du développement local, qu’ils soient communautaires, municipaux ou citoyens, se trouvent alors confrontés à une gestion complexe de ce qui était, de ce qui est, de ce qui sera et ce qui pourrait éventuellement être.

    De manière plus précise, soulignons que les textes présentés dans cet ouvrage s’inscrivent, comme mentionné en début d’introduction, dans le courant des Critical Heritage Studies (CHS) qui cherche à diversifier les études sur le patrimoine en élargissant le champ des disciplines utilisées dans celles-ci tout en questionnant les relations traditionnelles, notamment de pouvoir, induites entre les différents acteurs du patrimoine. Les CHS cherchent par le fait même à mettre en lumière les initiatives citoyennes et communautaires originalement marginalisées dans la mise au jour de nouvelles formes de patrimoine et dans l’utilisation subséquente de celles-ci dans diverses initiatives communautaires. Le premier Manifesto des CHS (2012) cherchait ainsi à déconstruire la manière traditionnelle d’envisager le patrimoine (l’Authorized Heritage Discourse [AHD] de Smith²⁶) privilégiant les sites, les bâtiments et les objets anciens tels que déterminés par un certain nombre d’experts, largement occidentaux. Dans le courant du Manifesto de 2012, cet ouvrage collectif suggère de soutenir l’intérêt du recours aux sciences sociales, notamment l’anthropologie et la sociologie, dans la compréhension des phénomènes liant le patrimoine et le développement local. Les conceptions largement quantitatives du développement local (notamment économique), bien que d’importance, laissent ainsi place à une vision qualitative de ce patrimoine et du développement qu’il induit. Les recherches présentées ici permettent de fait d’appréhender l’exploration de nouvelles méthodes d’analyse dans l’élaboration de connaissances théoriques sur le patrimoine, remettant en question certaines des conventions établies du positivisme et de l’analyse quantitative dans les études sur le patrimoine.

    Une présentation des textes

    Les textes réunis dans ce volume témoignent des évolutions épistémologiques que nous avons brièvement présentées et interrogent la place et le rôle du patrimoine dans des initiatives de développement local aux visées diverses, mobilisant des acteurs très différents (des communautés locales, organisées ou non en association, aux représentants des gouvernements locaux, nationaux ou d’organisations internationales), dans des logiques, elles aussi, diverses : descendantes (top-down) ou ascendantes (bottom-up).

    La première partie présente deux initiatives dans lesquelles le patrimoine est mobilisé comme une ressource servant l’attractivité des territoires.

    Armand Kpoumie Nchare analyse les effets territoriaux du Nguon, cérémonie traditionnelle qui se déroule dans l’ouest du Cameroun, dans l’ancien royaume Bamoun. Cette cérémonie, qui revêt des dimensions sociales, religieuses et politiques, se déroule en plusieurs temps : festival destiné au grand public, rituel mobilisant une coutume multiséculaire et cérémonie sacrée réservée aux initiés de sociétés secrètes. Interdit en 1924, le Nguon a été réinstauré dans les années 1990 pour devenir un événement culturel qui, non seulement, réunit les habitants et les membres de la diaspora, mais attire également des dizaines de milliers de touristes. L’auteur montre comment cet événement, intégré à des politiques de marketing territorial, parvient à mobiliser les acteurs locaux et concourt à transformer l’image – voire l’identité – du territoire pour renforcer la notoriété de l’ancien royaume et affirmer son caractère « dynamique, moderne, créatif et approprié aux attentes du touriste culturel et urbain » (chapitre 1). L’auteur interroge, enfin, les modalités d’articulation de forces endogènes (chefferies, regroupements communautaires) et exogènes (Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture [UNESCO]) dans la réussite d’un projet qui parvient à donner une dimension internationale à des pratiques culturelles locales sans les dénaturer.

    Le texte d’Arthur Blind replace le label Entreprise du patrimoine vivant (EPV) – créé en 2005 dans le but de reconnaître, protéger et valoriser les entreprises détentrices de savoir-faire traditionnels – dans une histoire déjà longue des labels patrimoniaux en France. L’auteur avance l’importance territoriale des labels patrimoniaux qui permettent de mettre en valeur des ressources locales pour accroître l’attractivité touristique et renforcer ainsi le développement économique de certaines régions. Arthur Blind interroge ensuite les effets du label EPV dans la région du Limousin, région qui accueille un nombre important d’entreprises portant ce label et œuvrant dans les secteurs de la porcelaine, de la ganterie et de la tapisserie. L’auteur met en avant les difficultés de coordination des différents acteurs mobilisés dans les processus de labellisation et insiste, finalement, sur les effets territoriaux limités d’une politique qui modifie assez peu des dynamiques entrepreneuriales préexistantes.

    Dans la seconde partie de cet ouvrage sont réunis des textes qui s’articulent autour du rôle joué par le patrimoine dans la qualité des milieux de vie. Ici aussi, le patrimoine est considéré comme une ressource, mais avec une définition, sans doute un peu différente d’« un mot trop simple pour être honnête²⁷ », pour paraphraser l’historien Mathieu Arnoux. Ce dernier démontre que le sens que nous donnons aujourd’hui au terme de ressource est largement façonné par les réflexions de l’économiste Jean-Baptiste Say, qui fait de la nature « un réservoir inépuisable de solutions disponibles aux besoins et aux désirs des individus et des groupes²⁸ ». Une acception plus ancienne du terme dérive du mot « resoudre » qui veut non seulement dire « jaillir à nouveau », mais également « se relever », « se redresser », voire « ressusciter ».

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