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Les confins du patrimoine
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Livre électronique465 pages6 heures

Les confins du patrimoine

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À propos de ce livre électronique

Le patrimoine est aujourd’hui multiscalaire, présent à toutes les échelles territoriales, depuis le quartier, voire la rue, jusqu’à l’espace globalisé par la mondialisation et le tourisme. Le présent ouvrage invite à une réflexion sur les variations du sens du patrimoine et des dimensions qu’il prend dans diverses situations, de même que sur ses enjeux au point de vue praxéologique ou théorique – particulièrement dans le contexte quotidien. Plutôt que de présenter une succession de cas de patrimonialisation, les auteurs privilégient l’analyse de tensions entre des conceptions patrimoniales issues des milieux territorial, politique ou culturel. Les textes rassemblés ici permettent à ceux qui étudient le patrimoine, qui cherchent à le protéger ou qui, simplement, s’y intéressent, d’explorer :

- les discordances entre des perceptions du patrimoine et des modes de gestion de cet héritage  - les différenciations linguistiques des représentations et des cultures différenciées du patrimoine  - la transformation de la notion et des objets patrimoniaux sur un territoire ou au sein d’une communauté  - la perméabilité des conceptions du patrimoine entretenues par des communautés culturelles variées.

Né d’une volonté d’explorer les conceptions du patrimoine, cet ouvrage nous entraîne ainsi aux confins et dans les confins de cette notion.

Martin Drouin est professeur au Département d’études urbaines et touristiques de l’École des sciences de la gestion de l’Université du Québec à Montréal (ESG UQAM).

Lucie K. Morisset est professeure au Département d’études urbaines et touristiques à l’ESG UQAM et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en patrimoine urbain.

Michel Rautenberg est professeur de sociologie à l’Université Jean Monnet Saint-Étienne et membre du Centre Max Weber.

LangueFrançais
Date de sortie11 sept. 2019
ISBN9782760552050
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    Aperçu du livre

    Les confins du patrimoine - Martin Drouin

    2019.

    DU BON VIEUX MONUMENT AUX POLITIQUES DE LA RECONNAISSANCE

    LA DÉPATTERNISATION DU PATRIMOINE EN TERRAIN POSTINDUSTRIEL (FRANCE/ROYAUME-UNI)

    Sarah Rojon

    Le thème de l’imposition du pouvoir par le haut ou des résistances par le bas, décliné selon différents contextes nationaux, s’est avéré une entrée fondamentale dans les études sur le patrimoine, admis comme une ressource partageable ambiguë, tant culturelle qu’économique¹. Si les patrimonialisations renvoient bel et bien à des relations conflictuelles, une grille de lecture top-down/bottom-up n’est en revanche guère satisfaisante pour décrire des processus et des configurations aussi complexes. Il convient de renoncer à toute perspective dichotomique, car les pratiques et les expériences patrimoniales contemporaines résultent plutôt d’une production horizontale. Celle-ci est facilitée par des innovations sociotechniques, tenant à la fois de l’autonomie et de l’hétéronomie, combinant des dynamiques ascendantes et descendantes, connectant des échelles globales et locales, associant des humains et des non-humains. En outre, la question du pouvoir peut être couplée à celle du désir, comme on le verra.

    Mon dessein est d’interroger des pratiques culturelles (ré)créatives et interactives, qui s’épanouissent en dehors du contrôle des institutions patrimoniales traditionnelles – sans pour autant dénier l’influence de ces dernières. En insistant plus particulièrement sur l’apport des médiations numériques dans le vécu urbain postindustriel, je souhaite mettre en évidence des situations dans lesquelles les attachements à la ville se manifestent et s’agrègent «spontanément». En quoi ces attachements médiés numériquement peuvent-ils alors être qualifiés de «patrimoniaux»? Mon cheminement vise à défendre un changement de paradigme, la dépatternisation du patrimoine, dans le sens où les pratiques sociotechniques ciblées – novatrices, voire hétérodoxes, mais non forcément contestataires – engendrent des voies de patrimonialisation décalées et démodélisées par les dispositifs mêmes qu’elles instaurent et dans lesquels elles s’inscrivent. Comment cette dépatternisation – qui ne se veut pas nécessairement subversive – opère-t-elle? Passant inaperçue, voire à l’insu de ses protagonistes, elle se produit à travers la métamorphose quotidienne des cadres d’expérience urbaine: la ville contemporaine s’éprouve dans un flux continuel et se collecte en réseau, en ligne et hors ligne. L’attachement au milieu vécu ressortit en partie à cette forme actuelle de connectivité et de visibilité matérialisée et partagée à l’écran, générant ce qui pourrait être interprété par les termes d’une patrimonialisation fluide.

    Dans un premier temps, je reviendrai brièvement sur la portée critique des études patrimoniales (heritage studies) en me concentrant sur le Royaume-Uni et la France. Je tâcherai, d’une part, de prolonger la réflexion à la faveur d’une ouverture pragmatique et, d’autre part, de remettre en cause l’établissement du patrimoine en tant que domaine spécifique monopolisé par des institutions phares. Je proposerai de saisir, à l’aune des transformations technologiques de l’information et de la communication, de nouvelles modalités de patrimonialisation procédant de pratiques individuelles interconnectées, brouillant les codes et les frontières, et fuyant de toutes parts. Afin d’étayer ces propos, je m’appuierai sur une étude de cas comparative tirée d’un travail de terrain ethnographique sur l’appropriation par l’image d’espaces urbains postindustriels chez des photographes amateurs de la région stéphanoise (France) et du sud du Pays de Galles (Royaume-Uni).

    Heritage studies:se frayer un chemin entre critique et pragmatique

    De part et d’autre de la Manche, l’entrée dans une période de crise des sociétés industrialisées a suscité un intérêt sans précédent des sciences humaines et sociales pour les usages contemporains du passé. L’accent a d’abord été mis sur l’écart entre les narrations officielles fixées par des institutions dominantes et les imaginaires sociaux issus de communautés subalternes, minoritaires ou opprimées; puis sont apparus des traitements davantage empiriques soulignant le caractère expérientiel du patrimoine. Ces récentes grilles de lecture sont bien sûr tributaires du terreau qui les a nourries. En l’occurrence, les politiques britanniques et françaises se sont assez nettement distinguées en matière de gouvernance patrimoniale. Sur le plan heuristique, les premières ont préférentiellement misé sur un développement économique par le tourisme, tandis que les secondes se sont plutôt orientées vers un développement social par la culture².

    Au Royaume-Uni, David Lowenthal et Patrick Wright ouvrent la marche d’une tradition critique du patrimoine au milieu des années 1980, en plein thatchérisme³. Contrairement aux entreprises historiques, les représentations patrimoniales sont assimilées à une sorte d’opium du peuple, empêchant les luttes d’émancipation. Le passé y serait idéologiquement reconstruit comme un âge d’or perdu qui éveille la nostalgie populaire et fait céder les masses à l’illusion des mythes patriotiques. Dénonçant l’instrumentalisation politique et économique de l’héritage britannique dans un contexte de déclin, Robert Hewison va jusqu’à soutenir que le parti conservateur et l’industrie du tourisme n’hésitent pas à enterrer vivante la culture ouvrière pour la consacrer en culture marchandise, destinée avant tout à la consommation et au divertissement des classes moyennes⁴. Une économie touristique tournée vers la mémoire et le patrimoine prend en effet son essor sur les décombres du capitalisme industriel. Mais ce succès ne doit pas être exclusivement imputé à une manipulation identitaire de la part des dirigeants; l’élan populiste emporte moins l’adhésion du public qu’il ne rencontre le désir des individus. L’effondrement des grands récits, de surcroît, pousse les gens «ordinaires» à s’approprier l’histoire qu’ils vivent et font eux-mêmes⁵.

    En France, il faut attendre les années 1990 pour que des historiens, à l’instar de Jean-Michel Leniaud et de Dominique Poulot, commentent la fin d’une chasse gardée du patrimoine avec la prolifération de «médiateurs» non institutionnels⁶. L’État centralisateur oscille entre bienveillance et méfiance à l’égard de ces nouveaux acteurs à contrôler, car ils mettent à l’épreuve une conception patrimoniale élitiste bien assise, qui pourrait être tout autant confortée que renversée. Sous le couvert de la démocratisation et au nom de l’intégration, les pouvoirs publics emploient le patrimoine à des fins de promotion d’un modèle culturel républicain aveugle à la diversité, s’accordant avec le capital symbolique détenu par les classes sociales supérieures ou instruites, au détriment des milieux populaires ou immigrés. Ethnologues, historiens et sociologues formalisent l’idée selon laquelle la patrimonialisation est, à tort, cantonnée à l’étude des institutions culturelles et des procédures administratives. Se dessinent alors les contours d’une logique sociale du patrimoine – par opposition à une logique savante – basée sur l’invention et la reconnaissance de références culturelles pouvant être mobilisées comme des ressources de l’agir par tout un chacun – et non plus seulement par les puissants⁷.

    Dans La rupture patrimoniale, Michel Rautenberg fait référence à un bouleversement des manières de penser les terrains de la patrimonialisation plus qu’à un contraste épistémologique avec la prétendue continuité mémorielle⁸. À l’aube des années 2000, de nombreux auteurs issus de différentes disciplines montrent que le patrimoine s’avère une préoccupation contemporaine majeure, partagée par une multitude d’acteurs, exprimée sous diverses formes et entrant dans la composition de domaines variés de la vie sociale⁹. De telles approches amènent à (re)considérer les patrimonialisations comme des pratiques pour le moins «ordinaires¹⁰». «[H]eritage is defined more by the cultural work of ordinary people than by official heritage lists», rappelle Elisa Giaccardi¹¹. Érigé à la façon d’un constat inébranlable, cet énoncé suggère de mettre entre parenthèses le statut du patrimoine au profit de sa valeur, en s’intéressant aux «arts de faire» et à l’«intimité culturelle», à l’inventivité et à l’imaginaire que les individus cultivent au quotidien¹². Le projet fait écho à celui de Raphael Samuel lorsqu’il revendique la restitution du point de vue indigène en histoire, et adopte ainsi une posture émique largement répandue en anthropologie¹³.

    Aujourd’hui, dans le paysage institutionnel renouvelé du PCI, cette attention aux communautés est presque devenue une injonction pour les professionnels qui sont tenus de travailler main dans la main avec les acteurs du terrain. Pour les ethnologues et les anthropologues, animés par une vieille obsession nommée «persistance du passé¹⁴», la situation paraît inchangée, voire avantageuse, puisqu’ils sont rompus à une démarche de participation, d’observation et d’immersion sur le terrain auprès des communautés étudiées. Mais c’est sans compter l’effet du déferlement, partout sur le globe, des «agents non institutionnels de la mise en patrimoine¹⁵».

    Est-il un village en France sans collectionneur-scénographe d’objets anciens qui ait organisé dans une grange, une salle de la mairie ou une galerie du patelin une exposition publique laissant deviner la vie d’autrefois? Pas une ville en tout cas sans sa poignée (des légions) d’accros à la photo rétro¹⁶ qui affichent la couleur locale au monde entier par l’entremise d’Internet. Chez d’aucuns, la fièvre de la passion mue jusqu’à se convertir en fonds de commerce, tel un projet rêvé qui se réalise; chez d’autres, passe-temps et affaires s’interpénètrent sans crier gare, comme s’ils jouaient à cache-cache. Les ambassadeurs de la localité et les «courtiers de la tradition¹⁷» se trouvent à chaque coin de rue; les ethnologues, quant à eux, figurent parmi ces passeurs de mémoires – ce qui est loin d’être anodin.

    Chiara Bortolotto le remarque judicieusement, c’est à peine si l’on ose encore prononcer le mot informateur pour qualifier nos interlocuteurs (l’auteure utilise les guillemets pour prendre de la distance avec ce termesoumis à rude épreuve par une partie, et non la moindre, des anthropologues)¹⁸. Car, non seulement ils sont estimés en tant que partenaires de l’enquête, mais ils prennent également l’allure tantôt de collaborateurs, tantôt de concurrents. Face à une (re)distribution de l’«agencéité» éminemment remarquable dans les champs de la patrimonialisation, l’un des filons consiste à scruter l’hétérogénéité des régimes d’action et des modes d’existence. Le pragmatisme a le vent en poupe. Les chercheurs sont invités à relever des défis stimulants hors des sentiers battus. Reste que l’exercice requiert de l’audace et de l’agilité…

    La sortie du «domaine patrimonial»: s’éloigner du GLAM

    ¹⁹

    Le patrimoine est couramment entendu comme une notion évidente, liée à un domaine clairement circonscrit; par conséquent il apparaît crucial de défricher des terrains discutables pour mettre à l’épreuve ce qui est établi.

    Ainsi que le constatent Ellen Hertz et Suzanne Chappaz-Wirthner, «en règle générale, les patrimonialisations ordinaires sont le parent pauvre des études sur le patrimoine, même en anthropologie, alors même que la discipline demeure marquée par son tropisme originel²⁰». Aussi étonnant que cela puisse paraître, les anthropologues se sont assez peu intéressés à la patrimonialisation en dehors du pôle institutionnel. Si l’on ne peut assurément pas enlever la genèse du phénomène aux institutions patrimoniales, je propose néanmoins de les dépatterniser vis-à-vis d’une génération hybride conçue comme une sorte de patrimoine de patrimoine, pour paraphraser Gilles Deleuze et Félix Guattari parlant de «production de production²¹».

    Les machines désirantes sont des machines binaires, à règle binaire ou régime associatif; toujours une machine couplée avec une autre. La synthèse productive, la production de production, a une forme connective: «et», «et puis»… C’est qu’il y a toujours une machine productrice d’un flux, et une autre qui lui est connectée, opérant une coupure, un prélèvement de flux (le sein – la bouche). Et comme la première est à son tour connectée à une autre par rapport à laquelle elle se comporte comme coupure ou prélèvement, la série binaire est linéaire dans toutes les directions. Le désir ne cesse d’effectuer le couplage de flux continus et d’objets partiels essentiellement fragmentaires et fragmentés. Le désir fait couler, coule et coupe²².

    Je soutiens que le patrimoine émane de cette production sociale que décrivent le philosophe et le psychanalyste: une production désirante sans fin, faite de coupures et de prélèvements multidirectionnels. Pour en parler, j’introduis ici un néologisme, la dépatternisation, inspiré à la fois du concept de séparation de paternité (dépaterniser) et du mot anglais pattern qui, accompagné du préfixe dé-, renvoie à l’idée de cesser de suivre un modèle, de s’écarter d’une organisation répétée. Ainsi, la dépatternisation conduirait les patrimonialisations à s’autonomiser, à se décrocher/raccrocher loisiblement ou fortuitement à de multiples logiques d’action, en bref à devenir radicalement autres par entrecoupement. Dépatterniser le patrimoine, c’est donc le déprogrammer en lui ôtant l’ascendant institutionnel que nous avons pris l’habitude de tenir pour évident.

    En France comme au Royaume-Uni, la plupart des recherches sur le patrimoine se sont focalisées sur les contextes de production et de réception de ce que Laurajane Smith a appelé «authorised heritage discourse» (AHD)²³. Il convient certes de souligner l’apport résolument critique et l’effort de décentrement de certains travaux qui s’évertuent à prendre en compte la diversité des perceptions au-delà de visions dogmatiques portées par des sphères d’influence, instituant les objets du patrimoine et leurs interprétations²⁴. Toutefois, ce type d’étude parvient difficilement à saisir le patrimoine autrement que comme une réalité objectivée (un déjà là) du fait qu’il soit appréhendé à partir du résultat et des retombées de sa légitimation. Jusqu’à présent, l’acception prédominante voulait que le patrimoine découle d’un processus d’expertise réunissant des professionnels et des spécialistes en vue de la mise à disposition de ressources régulées, rendues plus ou moins accessibles au public – visiteur et éventuellement contributeur. Cette bipartition doit-elle rester irréductible? Malgré une impulsion démocratique encourageant la participation par le bas (se reporter à la Convention de Faro²⁵), l’autorité compétente intervient toujours en amont quand la société civile interagit en aval. Le clivage s’annonce hélas incontournable. Même abordée à la lumière du tournant numérique, la problématique de la patrimonialisation est encore trop souvent associée à la suprématie des circuits institutionnels, notamment au GLAM sector, selon la terminologie anglo-saxonne désignant les galeries, les bibliothèques, les archives et les musées²⁶. Or, peu importe que l’objet en question soit ou non institutionnalisé, proclamé, labellisé, etc., je crois que ce qui lui confère sa qualité se joue vraisemblablement dans l’instauration d’une relation au passé par des regards agissants et convergents: le patrimoine culturel serait une découverte socialisée comprise comme un processus de «filiation inversée²⁷» offrant le loisir de se créer ses héritages et permettant de prendre pied dans l’histoire.

    Dès lors, je souhaite traiter de manière privilégiée ce que les ethnologues Hertz et Chappaz-Wirthner dépeignent comme «des formes d’expression culturelle moins instrumentalisées, moins institutionnalisées et, somme toute, plus expressives que le patrimoine patrimoine de l’UNESCO²⁸». Pour ce faire, il faut éviter de tomber sur un écueil de l’anthropologie qui consisterait à vouloir découvrir des formes «pures» de patrimonialisation qui n’aient pas encore été contaminées par une quelconque institution, à commencer par le capitalisme hégémonique. Je me contenterai d’essayer de repérer des pratiques qui produisent, peut-être indifféremment ou à leur insu, des régimes patrimoniaux entremêlés à d’autres régimes d’actions, de sorte que les premiers soient indissociables des seconds et donc peu aisément détectables. Il s’agit d’observer comment se singularisent des attachements patrimoniaux non ou faiblement intentionnels, lesquels fabriquent du patrimoine inopiné dans un mouvement connectif, perpétuellement reconduit, à partir de l’association de flux et d’ingrédients hétérogènes. Ce patrimoine inopiné s’exprime justement là où nulle visée patrimoniale n’est affirmée. Sa valeur se comprend selon des coïncidences signifiantes, par le concours des circonstances, soit sur le mode de la synchronicité pour employer un terme jungien²⁹.

    Quel est alors le rôle des médiations numériques dans cette patrimonialisation spontanée? Il serait possible de conjecturer que ce qui est inscrit au panthéon du patrimoine (les appellations ne manquent pas) bénéficie d’une aura propre à attirer l’attention des foules et que ce privilège d’attraction se voit renforcé par les nouveaux médias, mais je préfère tabler sur des manifestations en marge de ce bruit afin d’observer en quoi la circulation horizontale des informations favorise également l’exposition et la qualification de ce qui n’a a priori aucune notoriété patrimoniale. À l’ère du numérique, rien ne semble plus condamné à rester invisible, dans l’ombre des images de monuments, de personnages, d’objets, de lieux et de pratiques célébrés pour leur exceptionnalité (artistique, historique, technique, etc.). Or, tout ce qui est susceptible d’être découvert et partagé ne peut-il pas faire patrimoine? J’émets l’hypothèse que les cultures médiatiques et numériques, fondées sur la participation³⁰, la connectivité³¹, ou encore la recommandation³², transforment profondément les modes de

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