Découvrez des millions d'e-books, de livres audio et bien plus encore avec un essai gratuit

Seulement $11.99/mois après la période d'essai. Annulez à tout moment.

Tourisme et événementiel: Enjeux territoriaux et stratégies d'acteurs
Tourisme et événementiel: Enjeux territoriaux et stratégies d'acteurs
Tourisme et événementiel: Enjeux territoriaux et stratégies d'acteurs
Livre électronique582 pages5 heures

Tourisme et événementiel: Enjeux territoriaux et stratégies d'acteurs

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

Permettre de vivre un moment « hors quotidien » grâce aux rencontres et à la découverte de ce qui est « autre », tel est l’objectif tant des événements que du tourisme. Une approche par publics, acteurs et territoires permet de traiter singulièrement la relation « tourisme et événementiel » par une lecture pluridisciplinaire. Si les dimensions sociétale, économique et environnementale constituent des leviers de valorisation des entreprises comme des territoires, les effets de la mondialisation interrogent sur les conditions d’agir et d’intervenir au sein des territoires.

Grâce à 16 textes issus de la cinquième édition des Rendez- vous Champlain sur le tourisme, organisée à La Rochelle, en France, cet ouvrage propose un éclairage sur les enjeux territoriaux et les stratégies d’acteurs. De la clarification conceptuelle aux solutions managériales, les auteurs y fournissent des clés de lecture sur les paradoxes, les interrogations et les défis auxquels les acteurs de l’événementiel et du tourisme sont confrontés.
LangueFrançais
Date de sortie1 févr. 2017
ISBN9782760546240
Tourisme et événementiel: Enjeux territoriaux et stratégies d'acteurs

Lié à Tourisme et événementiel

Livres électroniques liés

Industries pour vous

Voir plus

Articles associés

Catégories liées

Avis sur Tourisme et événementiel

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    Tourisme et événementiel - Jérôme Piriou

    d’impacts

    INTRODUCTION

    TOURISME, ÉVÉNEMENTIEL

    DES RENCONTRES, UNE QUÊTE D’ALTÉRITÉ

    Jérôme Piriou, Priscilla Ananian et Cécile Clergeau

    Puisqu’ils permettent aux hommes et aux femmes de rompre avec une routine quotidienne, le tourisme comme l’événementiel constituent des échappatoires de la vie sociale pariant sur les rencontres et la recherche de ce qui est «autre». L’événementiel, pris comme catégorie d’analyse, est pourtant mis à mal par les sciences sociales dans les années 1960-1970 (Delacroix, 2003). À l’époque, on observe un enchaînement de critiques sociologiques portant notamment sur le quotidien des individus envahis par les «pseudo-événements» (Boorstin, 1963), sur la «société du spectacle» construite sur un étalement des marchandises (Debord, 1992), lesquelles permettent la réalisation d’une «société de consommation» basée sur le simulacre (Baudrillard, 1970). De même, le tourisme n’est pas considéré comme une pratique sérieuse à l’inverse du voyage (Boorstin, 1961). D’ailleurs le touriste est, dans ce cas, considéré comme une mauvaise imitation du voyageur, ne profitant guère des contrées traversées (Urbain, 1993).

    Cette vision négative du tourisme et de l’événementiel est aujourd’hui oubliée. Le tourisme peut ainsi être considéré comme la mise en place d’un projet par les touristes, projet qui mobilise des prestations offertes par les professionnels et qui s’inscrit dans un lieu animé par tous les acteurs du tourisme, faisant de ce lieu un lieu pratiqué (Équipe MIT, 2002), imprimant au tourisme et aux événements des enjeux socioéconomiques importants. Le tourisme comme l’événementiel constituent ainsi les options stratégiques pour des territoires industriels en quête de reconversion économique ou des territoires essentiellement touristiques souffrant de la monoactivité.

    De plus, la relation entre tourisme et événementiel s’articule de manière dépendante. L’histoire des lieux touristiques nous enseigne que l’événementiel amène une fréquentation touristique des lieux (Boyer, 2005), de même que la fréquentation touristique des lieux appelle des manifestations événementielles (Rollan, 2005). Dans un contexte de mondialisation, les villes sont particulièrement dépendantes de cette relation «tourisme et événementiel»: elles profitent de l’organisation des grands événements, pour mettre en œuvre des stratégies de développement qui génèrent des transformations importantes sur les systèmes de centralités urbains et métropolitains.

    Le tourisme et l’événementiel deviennent les leviers ou les prétextes d’une restructuration complexe des territoires par des projets urbains d’envergure conjugués à la requalification des lieux existants à travers la mise en valeur du patrimoine matériel. Ils connaissent des mutations importantes demandant des adaptations: nouveaux marchés et marchés émergents, mutations technologiques, hybridation des pratiques, singula-risation des prestations et individualisation, nouvelles demandes sociétales touchant l’aménagement de l’espace, le respect de l’environnement ou encore la qualité des rapports sociaux. Les défis sont majeurs et affectent tant l’environnement des entreprises que leur stratégie, et celle, bien sûr, des destinations.

    Les mutations dans l’événementiel interrogent la société dans laquelle s’insèrent les événements, encourageant même des effets tels que le changement d’attitude, la réduction de la pauvreté et la gestion de crise. Hediger (2000), par exemple, suggère qu’une composante du principe de durabilité est d’induire un changement culturel au sein de la société se traduisant par une mutation des attitudes, la fierté civique, le capital social entendu comme «réseau durable de relations plus ou moins institutionnalisées d’interconnaissance et d’interreconnaissance» (Bourdieu, 1980, p. 2), la qualité de vie, la cohésion sociale et la santé (Raj et Musgrave, 2009; Foley et al., 2005, p. 2). Ces auteurs plaident en faveur d’un état d’esprit de développement qui se déplace vers la gestion à moyen terme, en vertu de laquelle les événements ne doivent pas simplement s’inscrire dans une logique de profitabilité à court terme, mais aussi répondre à l’aspiration à des pratiques et comportements éthiques. Getz (2009, p. 62) déclare, en effet, que le «nouveau paradigme durable et responsable des événements» ne concerne pas seulement l’évaluation des impacts de l’événement, mais aussi la valeur de l’événement. Finalement, les événements ne sauraient être réduits à une observation de type managérial ou économique. Ils appellent une vision plus sociétale, comme le soulignent Raj et Musgrave (2009, p. 4) qui écrivent: «Les événements sont explicitement liés aux principes fondamentaux de la race humaine – valeurs sociales et culturelles –, ainsi qu’aux échelles fondamentales de l’inclusion sociale, aux sentiments d’appartenance et d’identité.» Les événements sont des rendez-vous offrant des occasions pour contribuer à l’assise de valeurs sociétales. Ainsi, les événements peuvent être évalués non seulement en fonction de leurs impacts économiques, mais aussi selon les avantages environnementaux, économiques, sociaux et culturels qu’ils peuvent apporter à la communauté.

    Le présent ouvrage se compose de cinq parties indépendantes. Dans la première partie «Contextes événementiels et publics», nous proposons de cerner les types d’événements selon les publics et leurs effets auprès des territoires concernés. Sylvie Christofle et Martine Ferry abordent les concepts de tourisme et d’événements en s’intéressant à leurs liens avec le territoire et les acteurs. Dans cette partie, il s’agit également d’identifier la multiplicité des acteurs qui agissent dans l’organisation d’événements culturels et sportifs notamment au sein de lieux déjà fréquentés par une population touristique. Lise Piquerey traite des événements sportifs à la montagne comme un moyen de promotion et de positionnement des territoires. Christine Salomone s’intéresse au rayonnement de la ville italienne de Naples par les régates ACWS de la Coupe de l’America 2012-2013. La deuxième partie intitulée «Ville et événementiel» porte sur l’événement comme outil d’attractivité et de compétitivité des villes et des métropoles. Les conditions d’aménagement et de développement touristique sont d’ailleurs utilisées par les acteurs locaux dans les discours de rayonnement des villes. Boualem Kadri, Maria Bondarenko et Mohamed Reda Khomsi revisitent la notion d’événement urbain à l’aune d’une analyse scientifique. Benjamin Pradel en s’intéressant à quatre grands événements à Paris, Bruxelles et Montréal propose une compréhension de la production politique et une appropriation sociale de l’urbanité événementielle. Enfin, Mohamed Reda Khomsi par une comparaison entre Montréal et Barcelone présente les stratégies d’aménagement touristique dans le cadre de l’accueil de Jeux olympiques. La troisième partie est centrée sur l’expérience: «Événementiel, une aventure expérientielle». L’expérience tant perçue que vécue qui définit les orientations à donner aux événements par les gestionnaires. Christophe Clivaz nous propose un focus sur l’influence de l’organisation de grands événements sportifs sur la gouvernance des destinations. Noémie Lago a étudié le cas de Paris Plages et s’est intéressée à cet événement urbain par une approche marketing. Enfin, André Suchet décrypte les stratégies de territoires concernés dans la gestion et l’utilisation de l’héritage matériel des Jeux pyrénéens de l’aventure et des Jeux méditerranéens organisés en France et en Espagne en 1993. La quatrième partie «Développement des territoires par l’événementiel et le tourisme» interroge la capacité des territoires à mobiliser des ressources et permettre un positionnement sur la carte des destinations touristiques et d’événements. Olivier Bessy évoque le rôle de l’événementiel dans l’attractivité touristique des territoires. Sophie Lignon-Darmaillac, à partir de l’offre événementielle des vignobles, questionne l’intérêt de ce produit dans la reconnaissance de l’œnotourisme français. Enfin, Mohamed Reda Khomsi et Sanaâ Malyadi ont étudié la relation entre la croissance économique et la performance touristique à partir du cas de la province de Québec. Dans la cinquième et dernière partie «Développement durable et responsabilité des événements», nous questionnons la durabilité et la responsabilité sociétale des entreprises et des projets événementiels. Elodie Paget et Yohann Rech ont regardé comment les acteurs agissent dans le cadre de l’organisation d’événements sportifs en milieux protégés. Cécile Clergeau et Krystel Paulus ont intégré la multiplicité des parties prenantes dans leur recherche sur les dynamiques d’apprentissage dans le cadre de relations interorganisationnelles. François Bédard et Stefano Speck s’intéressent aux festivals musicaux et à leurs démarches concernant la responsabilité sociétale des entreprises. Finalement, Maryse Boivin, Isabelle Marquis et Georges A. Tanguay focalisent sur cette stratégie globale de durabilité à partir d’une analyse de l’impact des événements.

    Bibliographie

    BAUDRILLARD, J. (1970). La société de consommation, Paris, Denoël, coll. «Folio Essais».

    BOORSTIN, D.J. (1961). The Image. A Guide to Pseudo-Events in America, New York, Atheneum.

    BOORSTIN, D.J. (1963). L’image ou ce qu’il advint du rêve américain, Paris, Julliard.

    BOURDIEU, P. (1980). «Le capital social», Actes de la recherche en sciences sociales, n° 31, p. 2-3.

    BOYER, M. (2005). Histoire générale du tourisme du XVIe au XXIe siècle, Paris, L’Harmattan.

    DEBORD, G. (1992). La société du spectacle, Paris, Gallimard.

    DELACROIX, C. (2003). «Événement», dans J. Lévy et M. Lussault (dir.), Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés, Paris, Belin, p. 352-353.

    ÉQUIPE MIT (2002). Tourisme 1 et 2. Lieux communs, Paris, Belin, coll. «Mappemonde».

    FOLEY, J., et al. (2005). «Global consequences of land use», Science, vol. 309, n° 5734, p. 570-574.

    GETZ, D. (2009), «Policy for sustainable and responsible festivals and events: Institutionalization of new paradigm», Journal of Policy Research Tourism, Leisure and Events, vol. 1, n° 1, p. 61-78.

    HEDIGER, W. (2000). «Sustainable development and social welfare», Ecological Economics, vol. 32, n° 3, p. 481-492.

    RAJ, R. et J. MUSGRAVE (2009). Event Management and Sustainability, Wallingford/Cambridge, CABI Publishing.

    ROLLAN, F. (2005). «Les réseaux d’équipements sportifs dans les stations balnéaires: l’exemple du tennis», Situ, Revue des patrimoines, n° 4, <http://insitu.revues.org/1846>, consulté le 21 juin 2016.

    URBAIN, J.-D. (1993). L’idiot du voyage: histoires de touristes, 2e éd., Paris, Payot.

    CONTEXTES ÉVÉNEMENTIELS ET PUBLICS

    L’événementiel par ses multiples acceptations s’avérerait être un objet insaisissable à décrypter et à analyser. L’événement peut se diriger au grand public comme à un groupe restreint dans des conditions privées. Par ailleurs, des événements organisés à destination d’un public cible, de type manifestation sportive ou culturelle, se dirigent en fait à un public multiple jouant sur la coprésence d’individus acteurs et spectateurs. Ainsi les périmètres entre l’événementiel et le tourisme deviennent flous. L’émergence même de l’événement peut ainsi naître d’un intérêt qui dépasse même l’événement en tant que tel, au profit d’un développement économique d’un territoire, d’une entreprise. Dans cette thématique, il s’agit de saisir les conditions de l’émergence d’événements et l’insertion de l’événementiel dans la société.

    Tout d’abord, dans une recherche épistémologique, Sylvie Christofle et Martine Ferry proposent une observation scientifique par les interfaces afin de différencier les différentes formes de tourisme et d’événementiel (chapitre 1). Elles présentent ainsi «l’événementiel touristique» comme une interface, soit un système localisé entre deux autres systèmes «tourisme» et «événement». Dans ce texte, les auteures cherchent à mettre évidence les composants qui entrent en interaction dans la mise en réseau des acteurs et des matériaux au sein d’un territoire. Un modèle proposé permet de discerner les groupes d’acteurs qui agissent au sein du territoire donné. Ce système étant évolutif, une explication de la dynamique complète le modèle proposé.

    Ensuite, Lise Piquerey présente, par événements proposés à destination des touristes et visiteurs comme un moyen de faire de l’événementiel, un vecteur de positionnement d’un territoire, jouant sur l’image donnée pour la promotion touristique (chapitre 2). Il s’agit des tournois de polos sur neige organisés dans les stations alpines de Saint-Moritz en Suisse, et de Courchevel, Megève, Val d’Isère en France. Parmi une typologie de la destination d’événements aux publics, ceux de tournois de polos sur neige qui se déroulent dans ces stations montagnards révèlent un caractère sélectif et électif. L’étude de cas proposée montre les liens existant entre les événements et la représentation de l’entre soi, notamment une sélection d’individus plutôt élitiste. On comprend ainsi que l’événement initié joue sur les stratégies d’ouverture des territoires créant une véritable distinction sociospatiale.

    Enfin, nous verrons que l’événementiel appliqué à un contexte urbain nécessite une mobilisation des acteurs locaux jusqu’à une volonté d’ancrage. Christine Salomone nous propose une analyse du rayonnement et de l’organisation de la ville de Naples en Italie dans le cadre des régates ACWS de la Coupe de l’America en 2012-2013 (chapitre 3). En partant d’une approche multidimensionnelle, des indicateurs ainsi que d’outils et de techniques d’analyse permettent d’évaluer l’événement en amont, mais également pendant et après son déroulement. Dans le cas de Naples, la participation de la population locale ainsi que l’action des acteurs déci-sionnaires et financiers concourent à une valorisation touristique par l’événement et contribuent à alimenter la notoriété de la ville.

    TOURISME ET ÉVÉNEMENTIEL

    Modélisation et analyse d’un système interfacique

    Sylvie Christofle et Martine Ferry

    Comme déjà exprimé par Hede, Jago et Derry en 2003, la recherche en tourisme et événementiel a besoin de bases méthodologiques solides. Dans le cadre d’une recherche sur les objets d’étude «Événement» et «Tourisme», dont les champs académiques sont relativement récents, il est intéressant, pour la communauté scientifique, au-delà d’études de cas et de traitements statistiques, d’approfondir une démarche conceptuelle. Nous proposons donc ici une modélisation du phénomène «événement touristique». Une première approche de notre étude porte sur les principales acceptions des termes «événement» et «tourisme». Il n’est évidemment pas envisageable d’effectuer ici une revue exhaustive de la littérature. Il s’agit plutôt de donner quelques pistes quant aux principaux sens véhiculés afin, dans un deuxième temps, d’aborder l’analyse de l’événement touristique grâce à une approche systémique centrée sur l’utilisation de l’outil théorique «Interface».

    1.ÉVÉNEMENTS ET TOURISME

    1.1.Quelques définitions

    Plusieurs orthographes du terme «événement» sont admises et les acceptions sont multiples en physique, probabilité, psychologie… Plusieurs définitions académiques permettent cependant de mieux cerner le point de départ de notre recherche. Sont considérés ici les «événements décrétés, décidés plusieurs années avant leur déroulement et susceptibles d’être consommés et d’avoir des impacts plusieurs mois voire des années après leur fin» (Gravari-Barbas et Jacquot, 2007, p. 2). Pour Getz (2008, p. 404): «Les événements planifiés sont des phénomènes spatiotemporels et chacun est unique du fait des interactions entre le cadre, les personnes et le système organisationnel, incluant la conception de l’événement et son programme.»

    Le Conseil national du tourisme (2008, p. 4) définit l’événement comme «toute animation se déroulant sur une période bien délimitée et capable d’attirer un flux de fréquentation inhabituel». Augier (2009, p. 4) écrit «[c’est] une manifestation qui, concernant principalement un secteur d’activité (sport, culture, économie), a des répercussions territoriales de tous ordres (création de valeur, effet d’image, facteur de cohésion sociale, divertissement) et, à un titre ou à un autre, un impact international (venue de touristes étrangers, effet d’image, réplication de l’événement à l’étranger) bénéfique pour le pays ou le territoire d’accueil».

    Ces définitions font apparaître cinq paramètres majeurs:

    un public (participants ou spectateurs);

    des activités;

    un usage de l’espace (structure ou infrastructure supportant la manifestation et le territoire d’accueil);

    une temporalité spécifique (période déterminée à l’avance);

    une unicité.

    À ce stade, nous pouvons proposer une définition: l’événement serait une «manifestation visant la satisfaction des organisateurs comme des participants, entre des personnes ayant en commun un loisir ou une activité (professionnelle ou non) dans un espace défini, sur une période déterminée, et dont l’aire d’attractivité peut être aussi bien mondiale que locale» (Ferry, 2005, p. 19). Précisons à présent le périmètre des différents événements.

    1.2.Typologie des événements

    Il existe plusieurs typologies liées aux événements, notamment celle de Getz (2005), qui permet de déterminer les opérations. L’auteur envisage sept types d’événements:

    1.célébrations culturelles: festivals, d’Avignon, ou par exemple, de jazz de Montréal, carnavals, commémorations;

    2.événements politiques et d’État: sommets du G20, visites d’État;

    3.événements d’affaires et de commerce: réunions entrepreneuriales, foires et salons professionnels;

    4.événements pédagogiques et scientifiques: congrès, séminaires, posters;

    5.événements liés au sport et à la compétition: Jeux olympiques, Coupe du monde de football;

    6.événements liés aux loisirs: tournois de bridge ou de scrabble;

    7.événements privés: mariages, soirées.

    Cette typologie considère des manifestations attirant des publics variés, issus de différents secteurs d’activité – politique, culturel, informationnel, professionnel, sportif –, à plusieurs échelles, opérations mises en place par des acteurs également hétérogènes, à des temporalités et sur des territoires parallèlement très divers.

    Afin de mieux cerner l’événement, il convient d’en appréhender maintenant les différentes catégories. À ce titre, Jago et Shaw (1998) distinguent les «special events» et les «ordinary events». Ces deux catégories font référence à la définition de l’événement de ces auteurs, correspondant à un acte «au-delà de l’expérience quotidienne» (Jago et Shaw, 1998, p. 29; traduction libre). Les événements «spéciaux» sont classés en sous-catégories: les festivals, les événements «mineurs» et «majeurs». Les événements dit mineurs, de taille relativement modeste, seraient plutôt tournés vers la population locale et utilisés pour renforcer le sentiment d’appartenance et de fierté de cette dernière, alors que les opérations majeures seraient plus porteuses d’universalité. Dans la classification des événements «spéciaux majeurs», à un second niveau, se trouvent deux types de manifestations. D’une part, les événements «hallmark» portent le nom de leur territoire d’intervention comme, par exemple, le Tour de France. D’autre part, les «mega events», comme les Jeux Olympiques de 2016 à Rio de Janeiro, attirent une attention mondiale sur un territoire.

    Dans le cadre des opérations planifiées, cette classification, versus celle de Getz, met davantage le poids sur la taille des événements et sur une différenciation entre les opérations liées à une marque territoriale («hallmark») et les très grands événements («méga»). Ces deux typologies, mettant l’accent, l’une, sur la détermination des différents événements, et l’autre, sur leur envergure et sur leur portée spatiale, permettent de mieux caractériser notre objet d’étude. Au-delà de cette indispensable, même si non exhaustive, revue de définitions académiques et classifications de l’événement, apparaît maintenant d’actualité le besoin d’une réflexion sur la recherche universitaire dans le champ de l’événementiel et parallèlement du tourisme.

    1.3.Événement, tourisme et champs universitaires

    Si les pratiques sont multiples, variées et connues depuis la deuxième moitié du XXe siècle (Boyer, 1996; Wackerman, 1988), une définition institutionnelle du tourisme a mis du temps à apparaître. L’Organisation mondiale du tourisme (OMT) a créé une définition à visées statistiques que la France a reprise (Institut national de la statistique et des études économiques – INSEE) au même titre que de nombreux pays à travers le monde. Cette définition institutionnelle fait débat au sein de la communauté scientifique mais aucun consensus pour l’adoption d’une définition académique formelle et partagée n’a été trouvé. La définition de l’OMT demeure donc communément utilisée. Dans ce contexte, le tourisme est «l’ensemble des activités déployées par les personnes au cours de leurs voyages et séjours dans des lieux situés en dehors de leur environnement habituel, pour une période consécutive qui ne dépasse pas une année, à des fins de loisirs, pour affaires et autres motifs non liés à l’exercice d’une activité rémunérée dans le lieu visité» (OMT-ONU, 2001, p. 13).

    De manière concomitante, l’étude académique du tourisme et de l’événementiel est relativement récente au regard de l’épistémologie. Néanmoins, le champ universitaire du tourisme est antérieur de plusieurs décennies à celui de l’événementiel. Il existe toutefois une différenciation importante entre le monde anglo-saxon et la France. En effet, autant, dans le premier cas, il existe un champ universitaire distinct, les «tourism studies», autant, a contrario, en France, la recherche sur le tourisme demeure disciplinaire. Dans les deux cas cependant, probablement lié à la relative jeunesse de l’investigation scientifique en tourisme, l’approche théorique est peu développée par rapport aux études empiriques.

    Deux principaux points communs apparaissent entre Tourisme et Événement:

    la mobilité hors du domicile habituel¹;

    des motivations de départ variées incluant la participation à des événements (Getz, 2005).

    Les liens entre événement et tourisme méritent alors une analyse spécifique. En effet, des touristes assistent à des événements, soit comme motif principal du séjour, soit en saisissent l’occasion lors d’un déplacement touristique. Pour Getz, les événements font ainsi partie intégrante de l’offre touristique d’un territoire.

    L’étude scientifique des événements, malgré des pratiques peu récentes², est montée en puissance essentiellement ces dernières années. À cet égard, Getz (2010) signale que le Canadian Journal of Applied Recreation Research a dédié un numéro spécial aux festivals et événements. Cette revue canadienne a été, en 1991, la première revue scientifique à consacrer un numéro spécial à ce type d’activités. On note cependant quelques tentatives plus anciennes, comme celles de Brent Ritchie et Béliveau qui, dès 1974, ont évoqué les événements comme facteurs essentiels pour pallier la fluctuation de la demande touristique et de la saisonnalité. Des travaux d’origine anglo-saxonne ont mis depuis en lumière le phénomène et présenté le champ académique des «event studies». L’approche a d’abord été disciplinaire puis, dans le monde anglo-saxon, s’est muée en approche pluridisciplinaire³. Des chercheurs ont créé des outils de recherche en ce sens dès 2004 suivant les premiers travaux de Burns, Hatch et Mules (1986) sur le Grand Prix de Formule 1 d’Adelaïde et le congrès «Events beyond 2000» à la suite des Jeux olympiques de Sydney. Néanmoins, comme le soulignent Hede, Jago et Derry dès 2003, l’approche conceptuelle mérite un intérêt accru des chercheurs.

    In fine, autant en recherche scientifique sur le tourisme que dans l’étude sur les événements, il semble nécessaire de créer ou d’utiliser des outils méthodologiques d’où notre approche modélisatrice.

    2.MODÉLISATION DU SYSTÈME ÉVÉNEMENT-TOURISME: STRUCTURATION ET DYNAMIQUE

    2.1.Approche systémique, l’événement touristique comme interface

    Plusieurs tentatives universitaires de modélisation sont ainsi issues de la volonté de différents auteurs d’expliquer le phénomène touristique⁴, parmi eux, Miossec (1977), Clary (1993), Mill et Morrison (1985), Gunn et Turgut (2002), Goeldner et Brent Ritchie (2003), Leiper (2004), dans une approche méthodologique de type systémique. Le système est ici envisagé comme «[une] unité globale organisée d’interrelations entre éléments, actions ou individus» (Morin, 1990, p. 101); «a system comprises a set of elements (sometimes also called entities), the set of relationships between the elements, the set of relationships between those elements and the environment» (Hall, 1992). Plus particulièrement, dans la recherche en géographie du tourisme, «la démarche systémique se veut globale et dynamique; elle tend à identifier et à hiérarchiser les relations induites par la logique commune d’un ensemble» (Balfet et Lozato-Giotart, 2004).

    Dans le cadre de l’analyse de type systémique, l’intérêt de l’observation scientifique par les interfaces réside dans la puissance explicative forte de cet outil pour l’étude des phénomènes spatiaux et des dynamiques territoriales liées au tourisme, dans ses multiples formes. L’outil théorique «Interface» (Groupe de recherches Interface, 2008) se révèle effectivement intéressant pour aborder l’étude de différentes formes du tourisme et de l’événementiel; déjà, le tourisme de réunions et de congrès international, l’événementiel congressuel a été caractérisé et modélisé comme système interfacique avec ses composantes et sa propre structuration, originale et complexe (Christofle, 2010, 2012). Effectivement, l’analyse par les interfaces «privilégie la régulation et la valorisation de flux en des lieux spécifiques par des acteurs, et la compréhension des conséquences sur le fonctionnement de l’espace. L’interface est un système localisé, constitué d’interactions entre les espaces et les sociétés […]. Les échanges entre les territoires constituent les entrées et les sorties de ce système. Son organisation interne permet la sélection et la valorisation des échanges. L’interface est alors un système ouvert, essentiellement caractérisé par ses relations avec son environnement» (Groupe de recherches Interface, 2008, p. 198). Nous considérons comme «interface» l’événement touristique, tel que démontré en partie 1, qui correspond au contact entre deux systèmes, le système «Événement» et le système «Tourisme». L’interface «Événement touristique» est comprise comme un sous-système doté d’une structure, d’un réseau de processeurs et assurant des activités spécifiques. Elle est donc un objet géographique qui naît de l’existence de discontinuités, c’est-à-dire de différentes sortes de séparation, rupture, saut, variation… entre espaces (lieux de résidence habituels des touristes événementiels: touristes participant ou assistant à un événement) et sociétés (d’où sont issus ces voyageurs). Elle assure avant tout une fonction de mise en relation de différents systèmes territoriaux par les touristes et joue un rôle privilégié de régulation, c’est-à-dire que l’interface capte, filtre, transforme et oriente les multiples échanges qui s’y déroulent. «L’interface met en relation des lieux, mais dans le même temps en exclut d’autres. Une nouvelle hiérarchisation de l’espace émerge alors, entre les lieux qui ont accès à l’interface ou qui sont localisés dans sa dynamique forte (les lieux «in»), et les autres (les lieux «out»). Les systèmes interfacés vont ensuite être modifiés par l’existence même de l’interface, ce qui aura des conséquences sur le plan économique, social, culturel, etc.» (Groupe de recherches Interface, 2008, p. 7).

    Il s’agit donc d’abord de comprendre les éléments majeurs qui, en interagissant les uns avec les autres, mettent en contact une activité fonctionnant en réseau (le tourisme événementiel) et son territoire d’accueil (ville…). L’interface «Événement touristique» assure à cet effet un double rôle d’échange, d’abord entre participants et ensuite entre lesdits participants et le territoire. En conséquence, elle est un régulateur entre une cause (les interactions sociospatiales) et un effet (les transformations spatiales). Le système Événement-Tourisme, notamment international, fonctionne ainsi grâce à un équilibre entre acteurs, réseaux et territoires se traduisant par l’organisation, la promotion… des événements. Ce système se fonde sur les différences, voire les ruptures structurelles et fonctionnelles des réseaux qui sous-tendent la création événementielle touristique: réseaux culturels, sportifs, informationnels, festifs… à des échelles variées (locale, régionale, nationale, internationale). Le site d’accueil de l’événement est la porte d’entrée de cette activité complexe, dont la dynamique est liée à des chaînes d’interfaces, à un deuxième niveau. En effet, l’événement touristique est le point de contact nodal, rassembleur de chaînes d’interfaces. L’utilisation de cette méthodologie ouvre donc des espaces à l’exploration de l’événementiel touristique. Nous allons en amorcer l’étude par la mise en place et la discussion autour de deux modèles.

    Dans un premier temps, est modélisée et explicitée la structuration du système interfacique Événement / Tourisme et ses quatre principaux groupes d’acteurs sur un territoire donné: organisateurs-planificateurs, gestionnaires d’équipements et fournisseurs de biens et services, collectivités et institutions, et enfin, participants et accompagnants. Ensuite, est abordé le phénomène de l’emboîtement des interfaces intraréticulaires, interréseaux et réseaux-territoires du système Événement-Tourisme à partir de l’événement touristique (interface connective-immatérielle) associé au site aménagé (interface facilitatrice-matérielle) et de leur contribution aux stratégies de développement sectorielle propre à chaque événement (culture, congrès, sport, etc.), de développement économique, de destination (touristique) et territoriale (globale).

    2.2.Système interfacique événement-tourisme: structuration

    Le système interface Événement-Tourisme s’articule autour de l’événement touristique, interface immatérielle de cet ensemble d’unités, fondement du système, noyau d’agrégation (figure 1.1). Il prend place sur un territoire, support surfacique sur lequel prend appui matériellement la manifestation. Ce territoire d’accueil est ici symbolisé par un cadre simple (voir légende) mais peut aisément être perçu, pour l’analyse, de façon multiscalaire: site, quartier, commune, département, région, pays, international. Il peut également être envisagé, dans le cas d’événements multisites: courses sportives, par exemple, un espace événementiel de type linéaire ou en boucle, avec différents éléments spatiaux juxtaposés.

    Figure 1.1 – SYSTÈME INTERFACIQUE ÉVÉNEMENT-TOURISME

    Les acteurs parties prenantes de l’événement touristique sont plus ou moins nombreux et variés en fonction de divers critères: type et envergure de l’opération planifiée, récurrence ou non de l’événement, niveau de complexité structurelle et organisationnelle, échelle pertinente de référence (événement régional versus mondial), temporalité, etc. Quatre grands groupes semblent néanmoins émerger.

    Les organisateurs-planificateurs publics ou privés, associatifs, professionnels, etc. ont en charge particulièrement la conception (technique, artistique, programmatique…) et la mise en place matérielle de l’événement touristique: il peut s’agir, par exemple, dans le cas d’événements congressuels, d’organisateurs professionnels de congrès travaillant de concert avec un ou plusieurs laboratoires scientifiques, universitaires ou entrepreneuriaux; il peut être également être question de planificateurs de courses sportives ou de programmateurs de festivals…

    Parallèlement, la mise en place de l’événement touristique exige l’implication des gestionnaires des équipements d’accueil et des fournisseurs de biens et services nécessaires au bon déroulement du rassemblement, qui forment un sous-groupe hétérogène. Nous avons dans ce cadre, par exemple, les infrastructures de réception: parc d’expositions, palais des congrès, stades, chapiteaux…, mais aussi les hôtels, restaurants, buvettes, commerces… et de multiples corps de métier: techniciens, juristes, assureurs, traducteurs, techniciens, intermittents… Certains membres de ce groupe interviennent ou peuvent s’engager sur tout type d’événement touristique planifié, comme les agences événementielles par exemple…; d’autres sont spécifiques à un certain type de manifestation, par exemple, les arbitres internationaux de compétitions sportives.

    Le troisième groupe est composé des collectivités locales, institutions et autres unions liées au secteur du tourisme et de l’événementiel. En étant en charge du développement territorial, ces acteurs s’appuient sur le ou les événements touristiques comme agent de croissance et non en tant qu’instigateurs éventuels de l’événement même si, et c’est banal, une collectivité peut être fondatrice ou organisatrice de l’événement touristique (à travers, par exemple, des services spécialisés). Ce groupe agit particulièrement pour améliorer ou consolider l’image des lieux («branding»; Barry, 2009) et leur médiatisation, pour renforcer l’attractivité et la dynamique touristique et globale du territoire (Jago et al., 2003; Kolb, 2006) et engendrer des retombées, espérées positives, diversifiées: économiques, culturelles, communicationnelles, médiatiques, etc. L’événement touristique a, dans ce cadre, souvent pour mission parallèle d’aider ce groupe à assurer une action politique en direction de la population locale: animation, voire fierté, identification, cohésion sociale… (Augier, 2009; Hertanu, Boitor et Bratucu, 2013).

    Le dernier groupe d’acteurs rassemble les participants à l’événement touristique, qu’ils soient directement engagés (concertistes, carnavaliers, sportifs concourant, etc.) ou spectateurs. N’oublions pas les professionnels de la communication et des médias présents sur les lieux pour informer les personnes intéressées par l’événement touristique, mais qui n’ont pu se déplacer.

    Tous ces participants et spectateurs sont la clé de la réussite de l’événement touristique par leur fréquentation et les retombées, particulièrement économiques, en découlant.

    Ces acteurs interagissent donc les uns avec les autres, sur un territoire donné, pour la tenue de l’événement touristique, qui, par son rôle d’interface, concrétisera des attentes variées, propres à chacun des groupes interfacés. L’analyse de la dynamique du système va permettre à présent de comprendre le fonctionnement des trois grandes chaînes d’interfaces à l’origine de ces interactions (voir figure 1.2), les chaînes d’interfaces intraréticulaires, interréseaux et réseaux-territoires et l’intérêt de la mise en place, par les acteurs identifiés dans la figure 1.1, de stratégies multiples, stratégies sectorielles de développement économique, de destination touristique et de croissance globale du territoire, autour de l’événement touristique.

    2.3.Système interfacique événement-tourisme: dynamique

    D’abord, les importantes discontinuités entre les territoires créent des interfaces intraréticulaires liées à l’événement touristique, interface connective. En effet, les aires territoriales, à quelque échelle que ce soit (régionale, nationale, continentale) ne sont pas de même niveau en termes de ressource touristique, événementielle, festive, culturelle, sportive, etc., ce qui entraîne des mouvements de populations en faveur des espaces proposant une offre jugée plus attractive. Dans un contexte de mondialisation et d’ouverture politique de grands pays émergents, il est observé des croissances générales de flux de personnes et de biens; de manière concomitante, la baisse relative des tarifs et l’évolution technique des transports élargissent l’aire géographique

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1