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Dictionnaire de la Préhistoire: Les Dictionnaires d'Universalis
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Dictionnaire de la Préhistoire: Les Dictionnaires d'Universalis

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À propos de ce livre électronique

Les plus grands spécialistes pour comprendre la Préhistoire

Composé de textes empruntés à l’Encyclopædia Universalis, Le Dictionnaire de la Préhistoire réunit plus de deux cent cinquante articles qui invitent à la découverte de la préhistoire : les grandes périodes, les Hominidés et les premiers peuplements des divers continents, les sites, l’art rupestre, les œuvres d’art et les outils, la vie quotidienne, les techniques et l’habitat, les cultures ou civilisations préhistoriques, les préhistoriens et l’histoire des découvertes.
Les auteurs, de José BRAGA à Denis VIALOU, sont les plus stimulants des guides pour parcourir ce foisonnant terrain de découvertes.

L'ouvrage de référence immanquable dans le domaine de la Préhistoire !

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LangueFrançais
Date de sortie20 mars 2017
ISBN9782341002233
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    Dictionnaire de la Préhistoire - Encyclopaedia Universalis

    Dictionnaire de la Préhistoire (Les Dictionnaires d'Universalis)

    Universalis, une gamme complète de resssources numériques pour la recherche documentaire et l’enseignement.

    ISBN : 9782341002233

    © Encyclopædia Universalis France, 2019. Tous droits réservés.

    Photo de couverture : © Marques/Shutterstock

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    ABRI DE LA MADELEINE (SITE PRÉHISTORIQUE DE), France


    L’abri de la Madeleine s’ouvre au cœur même du Périgord, à Tursac en Dordogne. Il s’agit de l’un des plus vastes et des plus riches gisements paléolithiques connus sous abri. Il offre une importante séquence stratigraphique de la fin de la dernière ère glaciaire. Depuis 1872 et les travaux de Gabriel de Mortillet, la Madeleine constitue le site éponyme de l’ultime époque de la fin du Paléolithique : le « Magdalénien » (environ 18000-12000 av. J.-C.). Plus tard, les subdivisions du Magdalénien supérieur établis par Henri Breuil se fonderont sur la séquence stratigraphique mise au jour et interprétée par Denis Peyrony entre 1910 et 1913.

    Le site est découvert en 1863 par Édouard Lartet. À cette époque l’ancienneté de l’homme et sa contemporanéité avec certaines espèces animales disparues font encore l’objet d’âpres débats dans le monde académique. La découverte en 1864 d’une défense d’ivoire ornée d’un mammouth soigneusement gravé va constituer une preuve décisive de cette ancienneté.

    • Un vaste abri naturel

    L’abri est creusé au pied d’une imposante falaise calcaire de 45 mètres de hauteur et de 500 mètres de longueur. Elle est orientée au sud et bénéficie donc d’un exceptionnel ensoleillement. L’abri préhistorique s’étend sur près de 250 mètres de longueur, sur la rive droite de la Vézère et au sortir d’un ample méandre.

    L’abri est fouillé sans méthode jusqu’en 1865 par E. Lartet et le banquier Henry Christy. Seuls les niveaux supérieurs du site dans sa partie centrale sont alors explorés. Les couches archéologiques affleurent et, dès les premiers coups de pioches, ce sont des milliers de silex, d’outils en os et bois de renne, d’ossements ainsi que des dizaines d’objets ornés (ossements et pierres gravés) qui surgissent. Les industries préhistoriques issues de ces premières fouilles sont utilisées en 1872 par G. de Mortillet pour caractériser l’époque baptisée « Magdalénien ».

    D. Peyrony entreprend, de 1910 à 1913, l’évacuation des anciens déblais et l’exploration méthodique des parties restées vierges. Il fouille ainsi du fond de l’abri à la limite du surplomb rocheux sur toute la longueur du gisement. On lui doit la première reconnaissance stratigraphique de trois couches principales de Magdalénien qu’il distingue sur une base sédimentologique et archéologique et qu’il publie tardivement (1928). H. Breuil adapte en 1912 les stades IV, V et VI de sa chronologie du Magdalénien récent aux couches inférieure, moyenne et supérieure de la stratigraphie Peyrony.

    Le site est de nouveau étudié de 1968 à 1983 par Jean-Marc Bouvier. Ses fouilles apportent des précisions sur la séquence stratigraphique, les paléoenvironnements et fournissent plusieurs datations au carbone 14 qui calent précisément la séquence magdalénienne. Il identifie dix-huit niveaux archéologiques entrecoupés de niveaux d’effondrements ou d’inondations sur une épaisseur de 6,50 m. La faune chassée et consommée montre deux ensembles distincts, l’un avec une forte proportion de renne et une présence importante du cheval et l’autre où le renne domine très largement.

    Le site de la Madeleine déroule le film de la vie magdalénienne sur près de 1500 ans. L’empierrement des sols, les nombreux foyers, les structures remarquables en cuvettes où étaient déposés des blocs et des dalles gravés, mais aussi les milliers d’objets (armes et outils) taillés dans le silex, l’os ou le bois de renne et les centaines d’objets gravés et sculptés découverts sur toute la séquence stratigraphique témoignent de la richesse et de l’intensité des occupations humaines sous l’abri. Mais la vie durant la préhistoire peut être brève. En 1926, Peyrony découvre la sépulture d’un enfant de deux à quatre ans accompagnée d’un mobilier funéraire riche de plus de mille cinq cents objets de parure.

    • Le mammouth gravé de la Madeleine

    En mai 1864, Édouard Lartet et deux autres paléontologistes, découvrentcinq fragments d’ivoire gravés. Une portion de défense de mammouth de 25 cm de longueur est immédiatement reconstituée et la gravure interprétée comme une représentation de mammouth. L’animal est le symbole des espèces disparues. Il est ici représenté sur sa propre dépouille. La découverte est donc capitale car elle constitue la démonstration de la contemporanéité de l’homme et du proboscidien. Si l’on en juge par les nombreux détails anatomiques figurés il est indubitable que l’homme a vu l’animal qu’il représentait. Il est donc antérieur à sa disparition.

    Cette découverte confirme également la haute antiquité de l’art et les capacités esthétiques de leurs créateurs. Elle constitue une étape décisive dans l’histoire des sciences à un moment où sévissent encore à l’Académie des sciences les détracteurs les plus acharnés de l’ancienneté préhistorique de l’homme. Le mammouth de la Madeleine est l’une des représentations les plus achevées et les plus dynamiques du corpus paléolithique. Le dessin est d’une grande qualité et il constitue le premier portrait connu du mammouth et l’un des plus fidèles, à une époque où les restes de mammouths découverts en Sibérie se résument encore à des ossements. L’objet est conservé au Muséum national d’histoire naturelle à Paris.

    Patrick PAILLET

    BIBLIOGRAPHIE

    P. PAILLET, « Le Mammouth de La Madeleine Tursac (Dordogne) dans son siècle et aujourd’hui », in Paléo, no 22, Les Eyzies-de-Tayac, déc. 2011

    D. PEYRONY & L. CAPITAN, La Madeleine, son gisement, son industrie, ses œuvres d’art, Nourry, Paris, 1928.

    ABRI-SOUS-ROCHE


    Parmi les divers types de gisements préhistoriques, les abris-sous-roche, sites d’habitat installés au pied des falaises et simplement protégés par un surplomb rocheux, sont extrêmement nombreux dans toutes les régions du globe, non seulement en Europe, notamment dans la région dite franco-cantabrique, mais également en Afrique et en Amérique, là où de telles structures naturelles ont existé.

    Contrairement à une idée communément admise, l’homme préhistorique n’était pas un troglodyte. Il a peu habité les profondeurs des grottes. Dès l’Acheuléen supérieur, il a préféré les auvents des abris exposés au midi ou au soleil levant (les gisements exposés au nord sont rares et leurs dépôts sont pauvres). Sous l’abri de La Baume des Peynards (près d’Apt) comme au Bau de l’Aubesier (Vaucluse), Henri de Lumley a mis en évidence les vestiges d’une cabane aménagée contenant plusieurs foyers, et datant du Würm II. Les fouilles reprenant l’étude des gisements anciennement explorés ont souvent permis de retrouver des couches de dépôts intactes s’étendant sur d’importantes surfaces et s’avançant très au-delà des sols antérieurement fouillés par les préhistoriens qui limitaient autrefois leur champ de fouilles à la zone couverte par la voûte actuelle, dans les grottes comme dans les abris. (À Combe-Grenal en Dordogne, François Bordes a découvert une occupation du sol en plein air s’étendant jusqu’à 25 mètres en avant de l’auvent de la grotte.) Les abris-sous-roche ont l’avantage, sur les autres gisements de plein air, de présenter très généralement d’excellentes stratigraphies non remaniées, les couches archéologiques ayant été préservées de l’érosion et des intrusions humaines par les éboulements périodiques du plafond rocheux sous l’action du gel. C’est la riche stratigraphie de l’abri-sous-roche de Laugerie-Basse (Dordogne) qui permit à Breuil et Peyrony d’établir la séquence de datation du Paléolithique supérieur. Si les peintures et les gravures pariétales se sont mieux conservées dans les salles et les couloirs profonds des grottes, elles existaient cependant sur les parois des abris en plein air, comme l’attestent les blocs et les écailles gravés et peints qui sont tombés et qu’on recueille dans les couches archéologiques (les abris Blanchard et Labattut à Sergeac en Dordogne en ont fourni l’exemple). En revanche, les sculptures pariétales se rencontrent exclusivement dans les abris. Leur aire de répartition est très réduite : elles font la célébrité de quelques abris situés entre la Loire et les Pyrénées (Cap Blanc, Le Fourneau du Diable en Dordogne ; Roc-de-Sers, La Chaire-à-Calvin en Charente ; Angles-sur-l’Anglin dans la Vienne, entre autres). Maints abris restent célèbres pour le matériel livré par leurs dépôts. Les abris de Laugerie-Haute et de Laugerie-Basse, comme celui de La Madeleine (long de 50 mètres) renfermaient des chefs-d’œuvre de l’art mobilier et tous les éléments typologiques de l’outillage osseux magdalénien ; ceux de La Ferrassie contenaient six squelettes néandertaloïdes et les témoignages du rituel funéraire moustérien ; l’abri de Cro-Magnon, aux Eyzies, les célèbres ossements d’Homo sapiens retirés de son niveau aurignacien.

    Les énigmatiques arts rupestres post-glaciaires d’époques préhistorique et historique non encore déterminées, au Levant espagnol, au Sahara dans le Hoggar, en Libye, en Afrique du Sud, en Amérique, ornent fréquemment la paroi d’abris-sous-roche.

    Marie-Thérèse BOINAIS

    ACHEULÉEN


    L’Acheuléen est une civilisation de la préhistoire ; son nom vient du gisement de Saint-Acheul, faubourg d’Amiens, où fut découvert un outillage du Paléolithique inférieur dont la pièce caractéristique est le biface. Cette culture apparaît en France vers — 700 000, mais en Afrique orientale l’Acheuléen semble débuter il y a 1,4 Ma. Le biface est partout l’outil le plus représentatif auquel sont associées une pièce tranchante et de grande taille, le hachereau, et des pièces nombreuses et variées sur petits éclats. La civilisation du biface, œuvre principalement de l’Homo erectus, est signalée du nord au sud de l’Afrique et de l’Europe occidentale jusqu’en Chine.

    Michèle JULIEN

    AFANAS’EVO


    Afanas’evo est le nom d’une sépulture qui a servi à désigner une civilisation. L’Afanas’ievskaja Gora, c’est-à-dire le mont Athanase, se trouve en Russie, au nord de Minoussinsk, près de Bateni, dans la région de Khakassie.

    La culture d’Afanas’evo est la plus ancienne civilisation d’éleveurs connue dans l’est de l’Asie centrale. Elle dura du IIIe millénaire au début du IIe, et s’étendait sur les territoires du haut Ienisseï et de l’Altaï. De caractère chalcolithique – on savait fabriquer des haches de bronze – elle est contemporaine de la seconde culture de Kelteminar qui, à l’ouest, s’étendait des régions situées entre la mer d’Aral et la Caspienne jusqu’au pied de l’Oural. À l’image de cette dernière, elle s’est propagée au sud jusqu’à la barrière montagneuse de l’Altaï, dans les terres qu’occupaient déjà les chasseurs du Paléolithique supérieur. À la différence des populations périphériques mongoloïdes, les hommes d’Afanas’evo appartenaient au type paléo-européen. Ils fabriquaient une poterie rappelant celle du Néolithique de l’Europe orientale, surtout celle des sépultures à puits de la mer Noire, et leurs poignards en bronze suggèrent les mêmes rapprochements : ces constatations conduisirent certains savants, comme A. P. Okladnikov, à croire les Afanas’eviens issus d’une souche occidentale. Mais la présence d’un autre type de céramiques proche des vases de Suse ou d’Anau laisse supposer que les rapports entre Afanas’evo et les centres occidentaux n’étaient pas directs et se faisaient par le relais des tribus contemporaines de l’Asie centrale. Kiselev a démontré que la culture d’Afanas’evo était en fait née d’un fonds autochtone original. Les sépultures, seuls vestiges témoins de cette culture, étaient constituées de cercles de dalles en pierre, bientôt remplacées par les kourganes à cercles de pierre. La fréquente inhumation d’une ou de plusieurs femmes dans la tombe d’un homme indique qu’il s’agissait d’une société patriarcale. La représentation de faucons et de personnages masqués sur les dalles funéraires est proche des gravures rupestres de la culture de Karasuk, les masques évoquent aussi la représentation chinoise du t’ao-t’ie : ainsi se trouvent soulignés les rapports entre Afanas’evo et Karasuk et l’influence des éléments sibériens dans la civilisation chinoise. Au IIe millénaire, les cultures de Kelteminar et d’Afanas’evo s’uniformisèrent pour se fondre dans la grande unification des steppes, née de l’apparition et du développement de la métallurgie.

    Vadime ELISSEEFF

    AFRIQUE


    Introduction

    La préhistoire de l’Afrique est littéralement la préhistoire de l’humanité. Les recherches archéologiques effectuées en Afrique sont le fait de toutes les traditions académiques, offrant ainsi une multiplicité de perspectives sur l’évolution des sociétés humaines. En outre, le continent présente la plus longue séquence archéologique du monde, des débuts incertains de l’humanité jusqu’à la période contemporaine. Il sera ici question des grands traits de la préhistoire de l’Afrique, depuis les lointaines origines des premiers outils jusqu’au développement des premières villes et États.

    1. Aux origines

    • La fabrication d’outils

    Les recherches sur les origines de l’humanité sont pluridisciplinaires par nécessité et se composent d’une vaste panoplie de disciplines faisant partie de ce que l’on peut appeler la « nébuleuse paléoanthropologie ». La branche archéologique se concentre sur l’étude des produits des activités hominidés/humaines et vise à comprendre les modes de vie et leurs transformations dans le temps. L’idée des « origines des cultures humaines » est relativement aisée à conceptualiser dans ses dimensions matérielles : la culture commence avec la fabrication d’outils. Ce commencement est cependant très difficile à détecter dans les vestiges archéologiques. L’utilisation et la manipulation d’objets naturels peu modifiés sont en effet un aspect de cette dynamique d’émergence, mais conduit-elle nécessairement à la fabrication d’outils ? L’utilisation d’objets naturels légèrement modifiés marque-t-elle nécessairement un sans-retour à destination de l’univers culturel ? Ces questions, aussi difficiles à débattre les unes que les autres, revêtent une importance cruciale dans le développement des sciences paléoanthropologiques.

    Il est difficile d’établir une ligne de démarcation nette et précise entre le « pré-culturel » et le « culturel » ; la sélection, l’utilisation et la fabrication d’outils font partie d’un continuum qui se trouve à l’interface entre les hominidés et le monde environnant. Cependant, la systématisation de l’utilisation et de la fabrication d’objets artificiels place l’humanité émergente dans une trajectoire d’évolution particulière, qui l’éloigne de fait de l’« animalité ».

    Les plus anciens outils en pierre ont été découverts dans un petit nombre de sites le long de la Rift Valley, qui s’étire de Djibouti à la Tanzanie, en Afrique orientale. C’est le cas le long de la rivière Gona, dans le membre Kada Hadar de la formation Hadar au nord de l’Éthiopie, où des « outils » en pierre ont été trouvés et associés à des ossements d’animaux, dans un contexte datant de 2,7 à 2,4 millions d’années (Ma). Ces outils se répartissent en deux catégories principales : nucléus et éclats, entiers ou fragmentés. Certaines pièces lithiques, c’est-à-dire relatives à l’industrie de la pierre, présentent des traces d’utilisation, sous forme d’abrasion et de surface légèrement polie. En général, ces premières pièces sont de formes irrégulières et de petites dimensions. Les ossements d’animaux sont eux aussi très fragmentés, avec des fractures longitudinales et spirales, mais ne présentant pas de traces de boucherie. Au moins six espèces sont représentées dans l’assemblage récolté, y compris l’hippopotame, l’éléphant, les équidés et plusieurs bovidés.

    • Les premiers sites

    Des vestiges similaires, associant ossements d’animaux et pièces lithiques, ont été mis au jour dans d’autres sites de la Rift Valley, dans des contextes datés de 2,2 à 1,6 Ma. C’est le cas des membres E et F de la formation de Shungura, dans la vallée de l’Omo en Éthiopie, de l’industrie K.B.S. dans la formation de Koobi Fora au Kenya et dans le Bed I des gorges d’Olduvai en Tanzanie. « Oldowayen » est le terme générique donné à ces premières manifestations des aptitudes techniques proto-humaines. Les sites se retrouvent le plus souvent à proximité des cours d’eau, en bordure de lacs, dans des matrices sédimentaires de sable fin et de limon. Ces sites, qui font partie de territoires d’exploitation beaucoup plus vastes, ont été répartis en trois catégories, en fonction de leur état de conservation. Dans la première sont classés les sols d’occupation avec forte concentration de vestiges relativement peu perturbés. Dans la deuxième, les sites légèrement perturbés, dont les vestiges ont été traînés sur de courtes distances. Enfin, dans la troisième catégorie, les accumulations hydrauliques à faible densité de vestiges se trouvant dans des sédiments de plus d’un mètre d’épaisseur. Les sites du plateau sud-africain – Makapansgat, Kromdraai, Swartkrans et Sterkfontein – n’ont pas servi de lieu d’habitation. Les vestiges archéologiques abandonnés en surface dans les collines ont été siphonnés dans les sédiments de remplissage des grottes souterraines.

    Media

    Sites plio-pléistocènes et pléistocènes anciens, Afrique. Sites plio-pléistocènes et pléistocènes anciens de 4 à 1,5 Ma.

    Les premières traces des cultures proto-humaines sont essentiellement des accumulations plus ou moins diffuses d’ossements d’animaux et de pièces lithiques. Certains des vestiges lithiques sont constitués de blocs naturels non modifiés. D’autres sont altérés par l’utilisation, d’autres encore intentionnellement taillés pour faire des hachoirs et des éclats tranchants. Certains ossements d’animaux sont le fait des proto-humains, tandis que d’autres sont accumulés par les agents naturel d’érosion, ou sont le résultat d’une mort naturelle ou accidentelle. La systématique des sites hominidés, avec des camps de base, ateliers de production lithique, sites de boucherie et bivouacs dérivés de l’ethnographie des chasseurs-cueilleurs contemporains, insère des données émergentes dans des modèles comportementaux qui se sont développés beaucoup plus tard. Les discussions sur la nature de l’habitat et des systèmes de subsistance proto-humains, libérés de la chape homo sapiens sapiens, sont d’autant plus intéressants.

    • L’émergence de comportements proto-humains

    Différentes hypothèses ont été avancées pour expliquer l’émergence de comportements proto-humains ayant engendré la création des plus anciens sites archéologiques. Formulée dans la foulée des découvertes faites dans les grottes sud-africaines, l’hypothèse de la chasse considère celle-ci comme le moteur de l’évolution socioculturelle des proto-humains. Elle explique la fabrication et l’amélioration « constante » des outils, partant de l’industrie ostéodontokératique (c’est-à-dire utilisant os, dents et cornes), qui aurait précédé la technologie lithique. Elle instaure les premiers éléments de division sociale du travail : les hommes chassent et les femmes cueillent. Les chasseurs assurent la protection du groupe et du territoire. L’hypothèse de la cueillette, développée dans les années 1960, réfute, quant à elle, les implications sexistes du modèle de l’« homme chasseur ». La cueillette des produits végétaux est moins aléatoire que la chasse et assure une sorte de sécurité alimentaire. En outre, ce sont essentiellement les femmes qui assurent la reproduction du groupe, et seraient, de ce point de vue, le moteur de l’évolution socioculturelle proto-humaine. L’hypothèse du partage, développée dans les années 1980, est une tentative de synthèse des deux précédentes. Au-delà du partage des ressources alimentaires, cette dernière hypothèse insiste sur le partage des informations et sur le développement des formes rudimentaires de communication. Aucune de ces hypothèses ne permet de comprendre les comportements émergents des proto-humains, toutes s’inspirant de l’ethnographie des Homo sapiens sapiens. L’hypothèse du charognage, s’appuyant sur l’écologie des communautés et sur les structures de la chaîne trophique, explique avec parcimonie l’occupation de l’espace, la technologie et la nature des sites proto-humains. Combinée aux modèles dérivés des études des primates, elle explique l’accès des hominidés à des carcasses de grands animaux, comme la chasse de petits animaux et la construction de nids dans les arbres, au lieu de huttes dans des zones aussi exposées que les rives des lacs.

    En résumé, la période de 2,7 à 1,6 Ma se caractérise par une extraordinaire diversification des hominidés, avec Australopithecus afarensis, A. Boisei, A. africanus, Paranthropus robustus et Homo habilis. Cette évolution buissonnante se termine avec l’émergence d’Homo ergaster, autour de 1,7-1,6 Ma.

    2. Les chasseurs-cueilleurs acheuléens et la dispersion de « Homo » sp.

    Les sites acheuléens datant de 1,7-1,6 Ma à 200 000-150 000 B.P. (before present, c’est-à-dire par convention avant 1950, pour les datations obtenues à l’aide de la méthode du carbone 14) se distribuent sur l’ensemble du continent, avec cependant d’importantes variations régionales. Les densités sont relativement élevées en Afrique du Sud, en Afrique orientale, dans la vallée du Nil et dans le Sahara oriental. Le Sahara, l’Afrique de l’Ouest et le bassin du Congo présentent de faibles densités de sites. Au Sahara, ils se concentrent autour des chaînes montagneuses et se retrouvent dans les plaines sableuses du Mali et de Mauritanie. En Afrique de l’Ouest, du matériel acheuléen a été mis au jour à Djita et Sansande, en haute Falémé, à Asochrokona sur la côte Atlantique du Ghana et dans le plateau de Jos au Nigeria. Les trouvailles effectuées au Cameroun, au Gabon, au Congo et en Centrafrique proviennent de contextes fortement perturbés.

    Media

    Sites acheuléens, Afrique. Sites acheuléens.

    En général, les plus anciens sites acheuléens se trouvent le long de la Rift Valley en Afrique orientale et sur le plateau sud-africain. Le nord-ouest du Maroc, l’Algérie, la Tunisie ainsi que la basse vallée du Nil et le Sahara oriental semblent avoir été colonisés par des groupes d’Homo erectus, entre 1,2 et 1 Ma. L’Afrique occidentale et l’Afrique centrale ont été atteintes plus tard, entre 500 000 et 250 000 ans avant notre ère. L’outillage acheuléen, de composition variable selon les sites et les régions, comprend des bifaces (bifaces stricto sensu, pics et hachereaux), des outils sur éclats (grattoirs, racloirs, perçoirs) et, selon les cas, une forte proportion d’éclats non retouchés. Le charognage paraît avoir été prédominant tout au long de la période acheuléenne. La chasse se développe pendant le dernier tiers de la période, comme l’indique la pointe de Kalambo Falls. Le site D.E./89A d’Olorgesailie au Kenya a été interprété comme instance de chasse intensive de babouins géants, résultant d’expéditions nocturnes. Cette interprétation a cependant été contestée ; le charognage répétitif de carcasses de babouin pouvant produire des signatures archéologiques identiques. L’utilisation du feu n’est pas prouvée à ce jour pour la période acheuléenne en Afrique. Les traces de feu de Chesowanja au Kenya, qui datent de 1,4 Ma, résultent en effet d’une association fortuite. Un biface brûlé de Lagreich, dans la vallée du Tilemsi au Mali, a été daté de 250 000 B.P. L’habitat acheuléen se diversifie avec l’occupation des grottes et abris sous roche. Des sites de chasse, gîtes d’exploitation de matières premières et ateliers de fabrication de pièces lithiques ont été découverts à Adrar Bous, Blaka Kalia I et Mouchi Sounosso au Sahara central. Une plate-forme rectangulaire faite de galets et interprétée comme un « sol d’habitation » a été mise au jour à Melka Kontoure en Éthiopie. Les matières premières exploitées (lave refroidie, chaille, quartzite, silex et obsidienne) sont plus diverses que pour les périodes précédentes, les transferts s’effectuant sur des distances plus importantes. De même, les territoires d’exploitation des bandes acheuléennes, que l’on peut évaluer par l’extension du bassin d’approvisionnement en matières premières, paraissent beaucoup plus vastes.

    3. Les chasseurs-cueilleurs du Paléolithique moyen et l’émergence d’« Homo sapiens »

    La transition de l’Acheuléen au Paléolithique moyen s’étale sur près de 200000 ans, de 400000 à 200000 B.P., quand les processus de régionalisation se déclenchent dans plusieurs parties du continent. Les hommes modernes apparaissent durant cette même période, suggérant une seconde migration hors d’Afrique. La technique de débitage Levallois (qui permet d’obtenir des éclats ou des pointes de formes prédéterminées, en préparant le nucléus et en prévoyant la suite d’opérations techniques multiphases) est représentée dans toutes les parties du continent. Les éléments de mobilité sont beaucoup plus évidents et l’exploitation des ressources marines est attestée aux deux extrémités du continent, à Klasies River Mouth sur la côte sud-africaine et Haua Fteah sur la côte libyenne au nord. L’Afrique du Sud, avec des sites comme Blombos, Bushman Rock Shelter, Duinefontein II, Eland’s Bay Cave, Klasies River Mouth, etc., présente une forte densité de sites du Paléolithique moyen fouillé. Quatre sous-ensembles, M.S.A. I, M.S.A. II, Howieson’s Poort Complex et M.S.A. III, semblent caractériser cette période en Afrique australe. La séquence de la vallée de Semliki présente une surprenante industrie osseuse, avec des harpons à simple et double rang de barbelures, date de 90000 B.P. Les deux grands types de culture, le Sangoen (du site de Sango Bay, sur les bords du lac Victoria en Ouganda) et le Lupembien (du site de Lupemba, au Zaïre), constituent l’essentiel de la séquence en Afrique centrale. La Nubie, la vallée du Nil, le Sahara et l’Afrique du Nord présentent des industries à affinité technique moustérienne, avec le développement d’un complexe unique, l’Atérien (de Bir el-Ater en Algérie), qui remonte à 100000 B.P. Une gamme d’outils particulière présente des pédoncules développés pour assurer un meilleur emmanchement.

    L’apparition de l’homme moderne paraît se situer au cours du Paléolithique moyen, mais la chronologie et les lieux font encore l’objet de débats contradictoires. L’hypothèse multirégionale s’appuie sur une continuité des traits anatomiques et propose une évolution convergente vers Homo sapiens. L’hypothèse de l’« Ève africaine », dérivée de l’analyse de l’ADN mitochondrial des populations actuelles, suggère l’émergence des hommes modernes en Afrique, suivi d’une nouvelle phase d’expansion. Les restes fossiles attribués aux hommes modernes archaïques proviennent de sites datés de 300000 à 60000 B.P : Djebel Irhoud (vers 300000 B.P.) au Maroc, Mo en Ethiopie (130000 B.P.), Klasies River Mouth (94000-88000 B.P.) et Border Cave (62000-82000 B.P.) en Afrique du Sud.

    4. Les chasseurs-cueilleurs spécialisés du Pléistocène final

    Les différenciations régionales s’accentuent au cours du Pléistocène final, de 40000 à 15000-12000 B.P. Le débitage laminaire se généralise, suivi, quelques millénaires plus tard, par la production de microlithes. Les pointes, lamelles à dos, microlithes géométriques insérés comme barbelures des flèches, constituent des armes redoutables, utilisées indifféremment contre les animaux ou contre les humains. Les traces de traumatismes par pièces lithiques sont largement attestées dans le squelette de l’homme de Wadi Kubbaniya, qui date d’environ 20000 B.P., et dans les vestiges retrouvés dans le cimetière de Jebel Sahaba en Nubie (autour de 13000 B.P.).

    • En Afrique septentrionale

    Le maximum glaciaire final, de 20000 à 12000 B.P., a eu un impact considérable sur le peuplement de l’Afrique septentrionale. Les populations de chasseurs-cueilleurs se sont retrouvées confinées dans certains secteurs : le littoral méditerranéen, où prospèrent les groupes ibéromaurusiens chasseurs de mouflons à manchettes (Ammotragus lervia), la vallée du Nil (Wadi Kubbaniya, Jebel Sahaba), la relique forestière du Cameroun (Shum Laka et Mbi Crater) et la côte Atlantique de Côte d’Ivoire, avec le site de Bingerville-Autoroute. Les Ibéromaurusiens occupent les vastes territoires des plaines littorales méditerranéennes et des massifs montagneux de l’arrière-pays dus à la baisse considérable du niveau de la mer (approximativement 100 m au-dessous de son niveau actuel). Ils enterrent leurs morts dans des cimetières, tel que Mechta el Arbi. Certains de ces groupes pratiquent l’avulsion dentaire. Les groupes capsiens (de Gafsa en Tunisie) prennent le relais, au début de l’Holocène ancien, et se répandent dans la zone des chotts, les dépressions de l’arrière-pays de l’Afrique du Nord. Constituant de petits groupes très mobiles, ils vivent de l’exploitation intensive des ressources aquatiques, qui laissent des centaines d’amas coquilliers (ou Ramadiyya) dans le paysage. Ils développent un art expressif sur support mobile – essentiellement les gourdes en coquille d’œuf d’autruche.

    Les industries à base de lames sont littéralement absentes de l’Afrique de l’Ouest. Les assemblages lithiques de Mbi Crater et Shum Laka sont constitués d’industries sur éclats, et celles de Bingerville-Autoroute de microlithes plus ou moins géométriques. Les complexes à microlithes se retrouvent aussi bien dans la savane, à Rim, Maadaga, Rop Shelter, que dans la forêt, ainsi à Iwo Eleru, site dont l’occupation est intermittente pendant près de six millénaires, de 11000 à 5000 B.P.

    • En Afrique méridionale

    La situation est différente dans la moitié méridionale. Les bandes de chasseurs-cueilleurs tshitoliens occupent les savanes arborées de la partie occidentale du bassin du Congo.

    En Afrique orientale, les sites de Kisese II, Twilight Cave et Lukenya montrent la présence d’industries à base de lames et lamelles. En Afrique australe, les assemblages lithiques ont été subdivisés en sous-ensembles chronologiques : Early Later Stone Age (E.L.S.A., 19000 av. J.-C.), Robberg (vers 19000-7600 av. J.-C.), Oakhurst (vers 10000-6000 av. J.-C.), Wilton ancien et classique (vers 7600-2500 av. J.-C.), Wilton postclassique (vers 2500 av. J.-C.-200 av. J.-C.), Wilton à céramique (vers 100-1870), et Smithfield (vers 1200-1870). L’art pariétal daté de 27000 B.P. fait son apparition dans la grotte Apollo 11 en Namibie et se généralise progressivement dans tout le sous-continent. Les images, pour la plupart en noir, rouge, ocre, blanc, représentent des animaux, des humains, des objets, isolés ou en groupes. Les interprétations varient, mais les compositions des trois derniers millénaires présentent des scènes de danse et de transe en association plus ou moins directe avec l’élan de Derby (Taurotragus derbianus), animal totem, mais aussi proie habituelle des chasseurs-cueilleurs d’Afrique australe.

    5. Émergence et expansion des économies de production

    La phase de réchauffement, qui marque le début de l’Holocène, facilite le repeuplement du Sahara et la recolonisation forestière de l’Afrique équatoriale. De multiples innovations se produisent au cours de cette brève période. Des traces de contrôle en captivité des mouflons à manchettes ont été mises au jour à Uan Afuda, dans le Tadrart Acacus, en Libye du Sud-Ouest. La production de poterie apparaît entre 10000 et 8500 B.P. dans un vaste territoire compris entre le Sahara oriental et la falaise de Bandiagara, au sud du Mali. C’est notamment le cas à Nabta Playa au Sahara oriental, Gabrong dans le Tibesti, Amekni et Site Launay dans l’Ahaggar, à Uan Afuda, Ti-n-Torha et Ti-n-Hanakaten dans le Tadrart Acacu, à Tagalagal dans l’Aïr, à Onjoungou dans le Bandiagara. Les formes de ces premiers récipients varient, des bols ouverts du Sahara oriental aux pots hémisphériques de Tagalagal. Ils ont probablement servi au stockage et à la consommation de nourriture et de liquides. Les sites de cette période contiennent, de manière constante, une bonne proportion de matériels de pierre à gros grain : meules, broyeurs, percuteurs, pilons, mortiers, etc., ayant servi d’une manière ou d’une autre dans le traitement et la préparation de la nourriture. Des restes de sorgho sauvage ont été trouvés en abondance à Wadi Kubbaniya et Nabta Playa. Ceux de mil sauvage et de Panicum sont prédominants à Ti-n-Torha. L’exploitation systématique et intensive des vastes étendues de graminées sauvages a contribué à ancrer les groupes de chasseurs-cueilleurs du Pléistocène final-Holocène ancien dans des secteurs privilégiés du paysage. C’est le cas des lacs des playa du Sahara oriental en Égypte, les vallées des oueds des massifs centraux sahariens et les rives des grands lacs sahariens de l’Holocène ancien. La pêche et l’exploitation intensive des ressources aquatiques et des oiseaux migrateurs fournissaient des ressources moins aléatoires et précaires que la chasse aux gros gibiers.

    Comme l’indiquent les données de Wadi Kubbaniya, Nabta Playa et Wadi Ti-n-Torha, l’exploitation intensive des ressources tend à confiner les groupes de chasseurs-cueilleurs dans des territoires de plus en plus restreints. Ces situations engendrent des pressions soutenues des populations humaines sur la faune et la végétation environnante. Diverses options émergent au cours de l’Holocène ancien. Dans la majeure partie des cas, le système de chasse-cueillette se maintient et, dans certaines parties du continent, se poursuit pendant des millénaires jusqu’au XXe siècle.

    • Des économies de chasse-cueillette et élevage

    La deuxième option conduit à l’émergence des économies de chasse-cueillette incluant une part d’élevage, qui se développera quelques millénaires plus tard en pastoralisme intégral, plus ou moins nomade selon les situations. Cette forme pionnière, datée de 10000 à 8000 B.P., se développe dans la partie nord-est du continent, dans une zone comprise entre la vallée du Nil et le Sahara oriental à l’est et le Tadrart Acacus à l’ouest. Les sites de Jebel Nabta, Bir Kiseiba, Ti-n-Torha et Uan Afuda contiennent une faible mais persistante proportion de restes de bovidés, attribués aux bovins domestiques. Il y aurait donc eu, dans ces cas, une domestication locale de bovins au cours de l’Holocène ancien. En dépit des controverses ayant suivi la publication de ces découvertes, les analyses d’ADN mitochondrial indiquent une séparation des stocks sauvages africain, eurasien et du sud-est asiatique remontant à environ 25000 B.P., et renforce considérablement l’hypothèse d’une domestication locale. Les formes variées de pastoralisme se développent en Afrique du Nord, Sahara, vallée du Nil, Afrique occidentale, orientale et australe. Le Cardial (ou Néolithique ancien méridional) de la côte nord-marocaine, l’occupation néolithique de Huah Fteah en Cyrénaïque (Libye) et le Néolithique capsien de la grotte Capeletti dans les Aurès (Algérie orientale) présentent des formes de transhumance de petits groupes de pasteurs-nomades à partir de 6000 avant J.-C. Des pratiques similaires se mettent en place dans les massifs centraux sahariens autour de 5500 avant J.-C., avec cette fois-ci une véritable explosion de la création artistique. Les fresques du Tassili et des massifs voisins donnent accès à une information iconographique riche, complexe et ambiguë. Les bovins et ovins-caprins atteignent l’Afrique de l’Ouest vers 2000 avant J.-C., l’Afrique orientale à partir de 2500 avant J.-C. et l’Afrique australe au cours des premiers siècles de notre ère.

    • Des pratiques agricoles

    La troisième option s’articule davantage autour des pratiques agricoles, aussi bien céréaliculture qu’horticulture, dans les sous-zones équatoriales et tropicales. La céréaliculture comporte deux volets : l’un septentrional avec la culture du blé, de l’avoine et d’autres plantes moyen-orientales répandues de l’Égypte jusqu’au nord du Maroc. L’autre, à base de céréales africaines, se retrouve essentiellement au sud du Sahara ; le mil (Pennisetum sp.), le sorgho (Sorghum sp.) et le riz africain (Oryza glaberrima) sont les principaux cultigènes. Les témoins de mil domestique datés d’environ 2000-1800 avant J.-C. ont été mis au jour dans les villages néolithiques du Dhar Tichitt en Mauritanie et à Birimi dans le nord du Ghana. Sa culture se généralise autour 1000 avant J.-C., atteint la forêt équatoriale du Sud-Cameroun et se répand dans le reste du continent. Les pratiques horticulturales, qui ont vraisemblablement conduit à la domestication des ignames africaines (Dioscorea cayenensis, D. rotundata), apparaissent autour de 2000 avant J.-C. au Ghana, Nigeria, Cameroun et République centrafricaine, avec un cortège de plantes comportant en plus des ignames sauvages, la protection et l’exploitation du palmier à huile (Elaeis guineensis), des fruits de l’aiélé (Canarium schweinfurthi Engl.) et du karité (Butyrospermum parkii). Les bananes douces et à cuire s’insèrent plus tard dans ce complexe horticultural africain avec des témoins sous forme de phytolithes, datés de 500 avant J.-C. au Sud-Cameroun. Les découvertes récentes de phytolithes de bananes (Musa sp.), datés de 3220 avant J.-C. dans les sédiments du marécage de Munsa en Ouganda, ouvrent un important espace de recherche sur les agricultures africaines libérées de toutes les présuppositions handicapantes.

    • Des économies mixtes

    Une quatrième option se matérialise avec des « économies mixtes » articulées sur des villages plus ou moins sédentaires combinant agriculture et élevage, comme le montrent les données de la dépression du Fayoum en Égypte du Nord, datés de 5000 avant J.-C. Le mode de vie en village, avec des communautés d’agriculteurs et éleveurs, se répand le long de la vallée du Nil. Le seul cas comparable d’Afrique de l’Ouest, plus tardif car daté de 2000 à 400 avant J.-C., est celui du Dhar Tichitt en Mauritanie où l’élevage des bovins, chèvres et moutons se combinait à l’agriculture du mil. À partir de 2200 avant J.-C., avec l’adoption de la métallurgie du cuivre et du fer, les formes d’économie mixte se généralisent et se répandent dans la forêt équatoriale, la zone des grands lacs d’Afrique orientale et l’Afrique australe.

    6. Urbanisation et émergence des sociétés complexes

    Le concept de « complexité » est particulièrement ambigu et difficile à définir de manière satisfaisante en sciences sociales et historiques. Ici, il renvoie à la dynamique des grands nombres, qui se manifeste par l’accélération des modes de différenciation sociale et la diversification croissante des attributs et formes de spécialisation. La concentration des populations en des points particuliers de l’espace habité peut rester modeste et demeurer au-dessous du seuil ne nécessitant aucun ajustement structurel. Cela a été le cas dans la majeure partie de la forêt équatoriale et à sa périphérie, l’Afrique australe, l’arrière-pays de l’Afrique orientale. Les populations vivaient regroupées en petits hameaux le long des cours d’eaux, qui leur fournissaient non seulement boisson et ressources, mais servaient aussi d’axes de circulation. Ailleurs, dans la vallée du Nil en Égypte et en Nubie, sur le haut plateau éthiopien, en Afrique occidentale, sur la côte de l’Afrique orientale et sur le plateau du Zambèze, des centres urbains, États, royaumes et empires se développent à des échelles et rythmes différents selon les circonstances.

    • L’Afrique du Nord-Est

    Égypte

    Les fondements de l’État égyptien se trouvent dans la période Nagada II (au sud)-Maadi (au nord) au cours de la seconde moitié du IVe millénaire avant J.-C. Des centres urbains se développent le long de la vallée du Nil, à Hiérakonpolis, Naqada, Maadi et Buto, s’appuyant sur des flots constants d’échanges entre la Haute et la Basse-Égypte. L’émulation, la compétition et le renforcement différentiel des pouvoirs des « nomarques » (gouverneurs de province ou nomes) engendrent rivalités, alliances et contre-alliances. Ce processus culmine avec la formation de l’État « unifié » d’Égypte autour de 3050 avant J.-C. sous le règne de Narmer, le Roi-Scorpion.

    Nubie

    Le royaume de Kerma se développe au cours du IIIe millénaire le long de la vallée du Nil au sud de l’Égypte. Kerma, le principal centre urbain, comporte des édifices massifs en brique, un palais royal et un vaste cimetière. Certaines des tombes monumentales sont entourées de centaines de bucranes, et la pratique de sacrifices humains semble avoir été très courante. La rivalité entre l’Égypte et Kerma s’est poursuivie pendant des siècles. Le royaume de Kerma est finalement conquis au milieu du IIe millénaire pendant le Nouvel Empire.

    Le royaume de Kush se développe un peu plus au sud pendant la première moitié du Ier millénaire. Les premiers rois et élites kushites parviennent à bâtir un vaste empire commercial et politique s’étendant de la Palestine au Soudan central. D’imposantes constructions, représentées par les pyramides nubiennes, ont marqué la phase « Napatéene » (700-250 av. J.-C.) du développement du royaume. Celle-ci est suivie par la phase « Méroïtique » (250 av. J.-C.-400 apr. J.-C.). Le royaume de Kush, comme la Nubie tout entière, a effectivement été un corridor entre l’Afrique noire, le delta du Nil et le Levant. Le christianisme prend racine pendant le VIe siècle de notre ère et trois royaumes chrétiens succèdent à celui de Kush : Nobatia avec sa capitale Faras au nord, Makouria avec sa capitale Old Dongola au centre et Alodia (ou Aloa) avec sa capitale Soba au sud. Le Batn, traité signé avec les troupes musulmanes, permet aux royaumes nubiens de préserver leurs acquis pendant près de sept siècles.

    Éthiopie

    La culture sud-arabique se répand sur les deux rives de la mer Rouge et prend racine en Érythrée, au Tigray et dans les hautes terres éthiopiennes au cours du Ier millénaire avant J.-C. Des centres urbains se développent, comme celui de Yéha, qui devient la capitale du royaume de Daamat au V-IVe siècle avant J.-C. Ce royaume s’effondre à la fin du Ier millénaire, produisant une série de petites « principautés ». Axum, une de ces principautés, devient la puissance dominante au IIIe-IVe siècle après J.-C., adopte la religion chrétienne, amasse des richesses considérables et se lance dans une politique expansionniste, aussi bien dans le sud arabique que dans la vallée du Nil. Les stèles spectaculaires, qui marquent les tombes des membres de l’élite axumite, témoignent des périodes de prospérité de ce royaume, qui s’effondre à son tour à la fin du Ier millénaire après J.-C.

    • Afrique du Nord et Sahara

    Cette partie du continent est habitée par des groupes de pasteurs nomades, éleveurs de chèvres et moutons. Ils enterrent leurs morts dans des monuments en pierre très élaborés et vivent en groupes dispersés sur de vastes territoires. L’installation des Phéniciens en Méditerranée occidentale, au tout début du Ier millénaire avant J.-C., crée des conditions nouvelles. La fondation de Carthage autour de 800-700 avant J.-C. ouvre le chapitre de l’urbanisation de l’Afrique du Nord. Les Grecs créent des colonies en Cyrénaïque. Les Romains s’installent de la côte marocaine au delta du Nil et s’aventurent jusqu’en Nubie. Les rivalités entre les puissances méditerranéennes – Carthaginois, Romains, Perses et Grecs – prennent une tournure particulière avec les guerres puniques. Ces dernières se soldent par la destruction de Carthage au IIe siècle avant J.-C. L’intérieur du Sahara est habité par les Numides, Atlantes et autres Garamantes, que les Romains considèrent comme des barbares. Les Garamantes fondent un royaume dans le Fezzan (Libye) et développent, au tout début du Ier millénaire après J.-C., un système d’échanges par caravanes reliant l’Afrique subsaharienne à l’Afrique méditerranéenne et au Moyen-Orient.

    • Afrique de l’Ouest

    Le paysage sociopolitique de l’Afrique de l’Ouest se modifie au cours du Ier millénaire avant J.-C. La concentration de villages d’agro-pasteurs dans le sud-ouest du Sahara et dans le Dhar Tichitt-Walata-Nema (Mauritanie) entraîne l’émergence de centres proto-urbains tout au long des trois cents kilomètres de ces falaises de grès. Pendant la dernière phase d’occupation de ces régions, entre 700 et 400 avant J.-C., le site de Dakhlet el Atrous I (Mauritanie), principal centre proto-urbain, s’étale sur 93 hectares environ. Le sous-secteur des Dhar Tichitt-Walata comporte alors cinq grands villages – des centres sous-régionaux, mesurant de 3,50 à 32 hectares de superficie –, plusieurs petits villages et plus de 70 hameaux en position plus ou moins périphérique. Ces premières chefferies ouest-africaines s’effondrent au cours de la seconde moitié du Ier millénaire avant J.-C., à la suite d’une accentuation de l’aridité. Les populations se dispersent et colonisent les secteurs humides du sous-continent. Dia et Jenne-Jeno (Mali), fondés respectivement en 800 et 300 avant J.-C., sont les résultats de cette nouvelle répartition des populations. D’autres centres urbains se développent au cours du Ier millénaire après J.-C., à Bono Manso et Daboya au Ghana, Niani en Guinée, Koumbi Saleh et Aoudaghost en Mauritanie, Gao au Mali, Azelik et Marandet au Niger, Daima au Nigeria, Houlouf au Cameroun... Ce mouvement général d’urbanisation, amplifié par les échanges interrégionaux, entraîne l’émergence des États rivaux. Les royaumes de Ghana et Tekrour sont les premiers à se développer. Le commerce transsaharien accentue l’enrichissement et le pouvoir de certaines cités sahariennes et sahéliennes. Les produits tropicaux, l’or du Sahel et les esclaves noirs sont échangés contre des biens du Maghreb, de la Méditerranée et d’ailleurs. L’empire du Mali prend le relais du Ghana autour de 1200 après J.-C. Il est supplanté à son tour vers 1450 après J.-C. par l’empire Songhaï.

    • Afrique orientale et australe

    La colonisation de Madagascar et des Comores entre dans le processus global d’« internationalisation » de la partie occidentale de l’océan Indien. Des groupes d’agriculteurs bantu se répandent de la zone des Grands Lacs vers la côte et développent à terme les cités-États swahili de Ntwapa, Chibuene, Masuguru, Kaole, Kilwa, Manda, Pate, etc. entre 1000 et 1500 après J.-C. L’élite swahili adopte la religion musulmane, accumule d’impressionnantes richesses par le biais du commerce maritime et se construit de luxueuses résidences en pierre de corail. La marine portugaise sonne le glas des cités-États swahili et anéantit cette civilisation africaine originale.

    Media

    Afrique orientale : côte swahili du Xe au XVe s.. Fondation de comptoirs marchands le long de la côte swahili qui devient, entre le Xe et le XVe siècle, un important nœud commercial dans la région.

    Mapungubwe, dans la vallée du Shashe Limpopo, et les chefferies toutswe du Botswana oriental émergent au début du IIe millénaire de notre ère dans la partie australe de l’Afrique. Bambandyanalo, Mapungubwe et Schroda étaient en contact avec le commerce transocéanique. L’État de Mapungubwe se perpétue sur près de deux siècles (vers 1100-1280 après J.-C.). L’État de Great Zimbabwe, situé sur le plateau du même nom un peu plus au nord, lui succède vers la fin du XIIIe siècle. L’élevage bovin constitue la principale source de richesse. Les échanges à longue distance s’articulent autour du cuivre, de l’or, de l’ivoire, des pierres précieuses, des peaux d’animaux exportés contre des perles en pierre et en verre aux couleurs chatoyantes. L’architecture connaît des développements spectaculaires, tel la tour conique de Great Zimbabwe. La cour royale et les membres de l’élite s’installent en hauteur, sur les collines dominant le reste de la ville. Les États concurrents de Torwa, Mutapa et Rozwi se développent au cours du XVe siècle et provoquent la dévolution de Great Zimbabwe.

    Augustin HOLL

    ÂGE DU BRONZE EN EUROPE


    L’ajout d’étain au cuivre, dans une proportion d’environ 10 p. 100, a permis aux métallurgistes de la protohistoire d’obtenir un alliage plus résistant, le bronze. L’Âge du bronze européen s’étend de — 2200 à — 800. Il s’agit moins, en ses débuts, d’une période de transformations économiques et sociales que d’une simple innovation technique. Le bronze permet la réalisation de nouvelles formes, surtout pour des objets de prestige : épées, casques, jambières, épingles, parures diverses et élaborées, harnachements et ornements des chevaux et des chars, etc. Ce n’est que peu à peu que le bronze sera également utilisé pour l’outillage courant. L’orfèvrerie de l’or se développe aussi, avec des productions spectaculaires : parures, récipients, objets rituels, etc. Certains thèmes figuratifs sont caractéristiques de cette époque : chariots miniatures, chevaux, volatiles (cygnes ou canards), soleil. L’art de l’Âge du bronze s’exprime aussi, comme en Scandinavie, dans les gravures rupestres.

    Media

    Char provenant de Trundholm, Danemark. Cheval tirant le disque solaire provenant de Trundholm, Danemark. Âge du bronze, IIe millénaire. Bronze et or. Hauteur : 50 cm. Nationalmuseet, Copenhague. (AKG)

    Jean-Paul DEMOULE

    ÂGE DU FER EN EUROPE


    Connue des Hittites au IIe millénaire, la métallurgie du fer apparaît en Europe vers — 800. On parle alors d’Âge du fer (— 800-— 50), même s’il ne s’agit, comme pour le bronze, que d’une simple invention technique. Plus répandu dans la nature que le cuivre, le fer nécessite pour être réduit une température plus élevée, soit 1 500 degrés. Il est dans un premier temps, le Premier Âge du fer (— 800-— 480), réservé à des objets de prestige : épées en fer, plus résistantes que les épées en bronze, bracelets et colliers. Dans une zone comprise entre le Bassin parisien et la Bohême s’étend alors la civilisation de Hallstatt, du nom d’une riche nécropole d’Autriche. Au VIe siècle avant notre ère apparaît une société plus hiérarchisée, organisée autour d’un système de places fortes dont les maîtres sont enterrés sous de grands tumulus, accompagnés d’objets somptueux, parfois importés de Grèce ou d’Italie (tombes de Vix, Châtillon-sur-Seine, Côte-d’Or, ou de Hochdorf, Bade-Wurtemberg, Allemagne).

    Media

    Torque provenant de la tombe de Vix (Côte-d'Or). Torque provenant de la tombe de la princesse de Vix. Âge du fer, culture de Hallstatt. Vers 500 avant J.-C. Or. Diamètre : 27,4 cm. Les extrémités du torque ont la forme d'une patte de lion posée sur une sphère et accompagnée d'un petit cheval ailé. Le lieu de production de cette œuvre exceptionnelle est encore l'objet de débats : production locale originale ou importation des mondes grec, ibérique voire scythique. Musée archéologique, Châtillon-sur-Seine. (Erich Lessing/ AKG)

    Jean-Paul DEMOULE

    ÂGE ET PÉRIODE


    Introduction

    Toutes les sociétés humaines ont découpé le temps de leur passé, réel ou mythologique, en segments de taille variable. Ces découpages reposent sur une certaine conception du temps, mais aussi sur une interprétation plus globale du passé qui permet de comprendre le présent (évolution, dégradation, cycles, etc.), et, enfin, sur un outillage permettant la production de ces unités temporelles. Dans la mesure où le temps passé ne laisse de traces matérielles que dans l’espace, l’archéologie, en tant qu’étude des traces matérielles humaines, est par excellence la discipline du temps. Son premier travail est toujours de replacer les vestiges dans une série temporelle, découpée en unités de taille variable, elles-mêmes historiquement interprétables.

    • Premières mises en ordre

    Parmi les sociétés traditionnelles, l’Inde a produit, par exemple, une théorie des « âges du monde », fondée à la fois sur la notion de décadence et sur celle de cycle. En Grèce, Hésiode narre dans sa Théogonie (VIIIe-VIIe s. av. J.-C.) le récit des cinq « races » successives – d’or, d’argent, de bronze, des héros et de fer –, une tradition reprise ensuite par Platon, Virgile ou encore Ovide, et que l’on tend actuellement à interpréter moins comme une pensée de la décadence que comme un système classificatoire. Les religions messianiques, et en particulier celles dites « du Livre », proposent un découpage où « l’Âge d’or » se trouve à la fin des temps, promesse d’un paradis éternel.

    Si le temps de la Bible, qui compresse en six millénaires la durée de toute l’histoire du monde, s’impose durant le Moyen Âge occidental, ce mythe d’origine perd peu à peu sa crédibilité pendant les siècles suivants (même si toute lecture non littérale des livres saints reste passible d’excommunication jusqu’au début du XXe siècle). Lorsque les érudits, à partir de la Renaissance, réunissent dans des « cabinets de curiosités et d’antiques » des échantillons archéologiques, mais aussi géologiques et ethnologiques, ils cherchent à les reclasser dans un cadre chronologique. La redécouverte de l’Antiquité, comme la découverte des civilisations du Nouveau Monde, ouvrent de nouveaux espaces de pensée. Déjà Pascal, en préface à son Traité du vide (1647), esquisse l’idée d’une évolution, au moins intellectuelle, de l’humanité : « Ceux que nous appelons anciens étaient véritablement nouveaux en toutes choses, et formaient l’enfance des hommes proprement ; et comme nous avons joint à leur connaissance l’expérience des siècles qui les ont suivis, c’est en nous que nous pouvons trouver cette antiquité que nous révérons dans les autres. » En 1794, Condorcet pourra ainsi rédiger une Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain, reclassant toutes les sociétés humaines selon une échelle évolutive en dix époques successives.

    • Grandes classifications

    Toutefois, le temps biblique reste l’ultime référence, et le Déluge, en particulier, constitue l’une des bornes temporelles de référence : peut-on, se demandent les savants, retrouver les restes d’un homme « antédiluvien » ? C’est en ces termes que l’un des fondateurs de la préhistoire, Boucher de Perthes, publie en 1847 et 1857 ses Antiquités celtiques et antédiluviennes, définitivement reconnues par le monde scientifique en 1859. Il y rend compte de la découverte, dans les graviers des terrasses alluviales de la Somme, de nombreux outils de silex prouvant la très grande ancienneté de l’homme (plusieurs centaines de milliers d’années). Ainsi, l’émergence de la préhistoire s’effectue de concert avec celle de la géologie, de ses strates, de ses fossiles, et donc de ses ères successives ; ou plus précisément, la géologie sert de modèle, de paradigme à la préhistoire. Un temps long, et même très long, se met en place, et avec lui les grandes classifications chronologiques construites au XIXe siècle, et toujours en vigueur dans leurs traits principaux.

    Ainsi, Christian Jürgensen Thomsen, nommé en 1816 conservateur du tout nouveau Musée national danois des antiquités, à Copenhague, met en ordre les nombreux objets préhistoriques de ses collections dans un « système des trois Âges », exposé en 1836 dans un Guide de l’archéologie nordique traduit en anglais en 1848. Ces âges successifs, « de la pierre », « du bronze » et « du fer », sont caractérisés par les matériaux employés, mais chacun représente en outre un stade de développement de l’humanité. Ce système est progressivement perfectionné. En 1865, dans Prehistoric Times, l’Anglais John Lubbock subdivise l’Âge de la pierre en un « Âge de la pierre ancienne » ou « Paléolithique » et un « Âge de la pierre nouvelle » ou « Néolithique ». Ami de Charles Robert Darwin, il participe du climat évolutionniste qui suit en Europe la publication de L’Origine des espèces (1859, trad. franç., 1862), référence également explicite pour l’archéologie scandinave. Le Suédois Oscar Montelius subdivise en 1885 l’Âge du bronze scandinave en six périodes et définit la « méthode typologique » qui, par référence explicite aux sciences naturelles, permet la reconnaissance de types d’outils et d’armes stables, chacun caractéristique d’une période donnée. La comparaison, de proche en proche, depuis les objets bien datés du monde méditerranéen jusqu’aux rives de la Baltique, permet à Montelius d’asseoir son système sur une chronologie absolue. En France, Édouard Lartet, géologue et préhistorien, distingue en 1861 les âges « de l’ours des cavernes », « de l’éléphant », « du renne » et « de l’aurochs », tandis qu’en 1872 Gabriel de Mortillet, directeur du musée des Antiquités nationales, subdivise en quatorze époques, dont certaines sont toujours en usage (l’Acheuléen, le Moustérien, le Solutréen, le Magdalénien) et dénommées d’après le site archéologique le plus représentatif, le système de Thomsen et Lubbock.

    Ainsi, dès la fin du XIXe siècle, sont mis en place les principaux éléments d’une chronologie générale de l’histoire humaine, qui repose sur deux modèles, celui de la géologie et de ses strates d’une part, et celui de l’évolutionnisme darwinien de l’autre.

    • Mesure et construction du temps

    Le XXe siècle verra à la fois la mise au point d’outils de plus en plus précis pour la mesure du temps, et la poursuite des débats sur l’interprétation historique et sociale des unités temporelles définies.

    Les techniques de datation absolue (mises en œuvre quand on ne dispose pas de textes anciens permettant de dater directement les découvertes archéologiques) sont en progrès régulier. Elles reposent sur l’analyse d’un processus d’évolution biologique ou physico-chimique supposé régulier et mesurable : croissance des cernes des arbres (dendrochronologie), croissance de la patine des outils d’obsidienne (hydratation), enregistrement des radiations du sol par des objets minéraux ayant subi la chaleur, comme les poteries ou les pierres (thermoluminescence), variation de la direction et de l’intensité du champ magnétique terrestre enregistrées également par des objets minéraux chauffés (archéomagnétisme), dégradation des acides aminés (racémisation), baisse progressive du taux de radioactivité des organismes vivants après leur mort (carbone 14, uranium et thorium, potassium et argon). Chacune de ces méthodes a son champ particulier : le carbone 14 n’est guère mesurable au-delà de 50 000 ans, en revanche potassium et argon sont utilisés à partir de 500 000 ans. Mais les processus mesurés ne sont pas toujours uniformes et les marges d’erreur peuvent être importantes.

    On distingue par ailleurs les datations « relatives », qui situent les traces d’événements passés les unes par rapport aux autres. Certaines peuvent se faire directement sur le terrain. Le cas le plus connu est celui des couches archéologiques successives, lorsqu’une population a longtemps vécu au même endroit – ce que l’archéologue allemand Heinrich Schliemann fut l’un des premiers à mettre en évidence par ses fouilles du site de Troie, dans les années 1870. Ces couches sont effectivement comparables, à une échelle réduite, aux couches stratigraphiques à travers lesquelles les géologues lisent l’histoire de la Terre. L’archéologie peut ainsi produire des diagrammes très complexes, établissant la séquence chronologique relative de l’ensemble des faits reconnus lors d’une fouille, qui resteront ensuite à dater de manière absolue. Ainsi s’établit une hiérarchie de l’ensemble des unités temporelles, du plus petit événement observable (la trace d’un geste, par exemple) aux grandes périodes de l’histoire humaine.

    Il existe une autre approche « relative », celle qui met les objets en série, en fonction de l’évolution progressive de leurs formes. Ainsi, dans un cimetière qui aura été utilisé durant plusieurs siècles, la forme des bijoux, des armes ou des poteries évolue dans le temps, à un rythme plus ou moins rapide. Des méthodes statistiques permettent de placer les tombes les unes par rapport aux autres en fonction des objets qu’elles contiennent et de retrouver ainsi l’ordre des inhumations, donc de reconnaître des phases ou périodes successives, chacune caractérisée par certains types d’objets. Cette approche repose sur un trait particulier des civilisations humaines : une invention technique ou stylistique augmente progressivement en quantité au fil du temps, puis disparaît.

    • Le sens du temps

    Au-delà des événements immédiats, et au-delà des périodes simplement stylistiques (période orientalisante, époque gothique ou baroque, etc.), l’archéologie et l’histoire reconstruisent de grandes unités temporelles, qui sont autant de moments dans l’histoire de l’humanité. La pensée évolutionniste, marquée par les noms de Condorcet, mais aussi de l’ethnologue américain Lewis H. Morgan (La Société archaïque, 1877), de Friedrich Engels (Origine de la famille, de la propriété privée et de l’État, 1884), et plus récemment, de Marshall D. Sahlins et Elman R. Service (Evolution and Culture, 1960), considère classiquement que l’ensemble des sociétés humaines a suivi le même chemin, depuis les sociétés les plus simples, celles des chasseurs-cueilleurs, dont certaines survivent encore de nos jours, jusqu’aux sociétés industrialisées actuelles les plus complexes.

    Les débats actuels portent donc sur la linéarité ou la non-linéarité de ces processus évolutifs, sur les rythmes d’évolution, et enfin sur les causes de ces évolutions. Celles-ci peuvent être très diverses : inventions techniques, événements historiques (migrations, invasions), politiques, voire idéologiques, ou même phénomènes biologiques (formes humaines successives) ou climatiques (glaciations, désertifications). Aussi ces débats recoupent-ils ceux qui agitent non seulement les sciences humaines et sociales de notre temps, mais même nos propres sociétés, présentes et futures.

    Jean-Paul DEMOULE

    Bibliographie

    E. GRAN-AYMERICH, Naissance de l’archéologie moderne, 1798-1945, C.N.R.S., Paris, 1998

    M. GRŒNEN, Pour une histoire de la préhistoire : le paléolithique, J. Million, Grenoble, 1994

    J.-P. MOHEN dir., Le Temps de la préhistoire, 23e Congrès préhistorique de France, éd. Archeologia, Paris, 1989

    A. SCHNAPP, La Conquête du passé : aux origines de l’archéologie, Carré, Paris, 1993.

    ALIMENTATION


    Introduction

    Reconstituer l’alimentation des hommes préhistoriques est un exercice difficile et pourtant indispensable pour comprendre l’histoire de notre espèce. Les vestiges archéologiques ne reflètent qu’indirectement l’alimentation, notamment par les ossements fossiles des animaux consommés, rarement par des restes végétaux, beaucoup plus fragiles. Depuis les années 1980, l’analyse géochimique des ossements humains éclaire cet aspect de la vie de nos ancêtres.

    • Nous sommes ce que nous mangeons

    L’os se forme à partir des éléments chimiques apportés par la nourriture, notamment le carbone et l’azote, qui serviront à la synthèse du collagène. Cette protéine fibreuse très stable constitue la matrice organique de l’os, et représente environ 20 p. 100 de son poids sec à l’état frais. Tous les collagènes contiennent à peu près les mêmes quantités de carbone et d’azote mais, selon les aliments consommés, les teneurs en isotopes stables de ces éléments varient de façon mesurable et prévisible. Les éléments chimiques carbone et azote présentent chacun deux isotopes stables (non radioactifs), de propriétés chimiques globalement similaires mais de masses légèrement différentes : ¹³C et ¹²C, ¹⁵N et ¹⁴N. Les isotopes lourds (¹³C et ¹⁵N), peu abondants dans la nature, ne se comportent pas tout à fait de la même façon lors des réactions chimiques, ce qui entraîne des différences faibles mais mesurables des rapports isotopiques selon le produit analysé. Ces rapports sont exprimés par rapport à des références internationales sous la notation δ¹³C et δ¹⁵N.

    Le rapport ¹³C/¹²C du carbone d’un organisme est similaire à celui du carbone contenu dans les aliments consommés. Donc, dans un type de chaîne alimentaire, tous les consommateurs, herbivores et carnivores, présentent un rapport ¹³C/¹²C déterminé, similaire à celui des plantes situées au départ de cette chaîne. Ces plantes se distinguent en différents groupes selon leur rapport ¹³C/¹²C, selon le type de photosynthèse utilisé et selon les conditions environnementales. Ainsi, les rapports les plus bas sont mesurés sur des plantes de forêts denses, tandis que les plantes herbacées de savane présentent des rapports nettement plus élevés. Les autres plantes terrestres, arbres et plantes herbacées de milieux tempérés présentent des rapports intermédiaires. Quant aux plantes marines, leurs rapports isotopiques sont intermédiaires entre ceux des arbres et ceux des herbes de savane.

    Pour situer un individu à son niveau trophique (végétarien, omnivore ou carnivore), on utilise les signatures isotopiques en azote. En effet, tout individu est enrichi en ¹⁵N par rapport à sa nourriture. De ce fait, un carnivore est enrichi en ¹⁵N par rapport aux herbivores qu’il consomme, eux-mêmes enrichis en ¹⁵N par rapport aux plantes. Au sein d’un réseau trophique, constitué par les animaux consommant des nourritures provenant de différentes chaînes alimentaires, il est possible de replacer un individu en comparant ses signatures isotopiques en carbone et en azote avec celles d’animaux de régimes alimentaires connus. Le collagène, en tant que fraction de l’organisme, enregistre également ces signatures au moment de sa biosynthèse et présente l’avantage de pouvoir se conserver pendant des dizaines de milliers d’années dans des conditions favorables, comme les grottes, les milieux froids ou les milieux immergés.

    • La transition alimentaire du Mésolithique au Néolithique en Europe

    Un moment clé de la préhistoire est le passage d’une économie de subsistance fondée sur la cueillette, la chasse et la pêche, qui représentaient le seul mode de vie de l’humanité depuis son origine, à une économie fondée sur la production des aliments, par l’agriculture et l’élevage. Cette révolution néolithique a modifié profondément les rapports de l’homme et de la nature. Comment s’est-elle traduite dans l’alimentation des populations européennes ? L’approche géochimique a été particulièrement fructueuse dans le cas de milieux frontières, comme le littoral marin, où deux chaînes alimentaires isotopiquement distinctes offrent des nourritures potentielles aux populations humaines. Au Portugal, en milieu côtier, des vestiges humains datant des deux périodes ont montré comment l’homme est passé, au Mésolithique, d’une alimentation essentiellement basée sur des ressources marines – qui se traduisent archéologiquement par des amas coquilliers impressionnants – à une alimentation strictement terrestre au Néolithique, et cela malgré une disponibilité aussi grande des ressources marines à cette période. Une situation comparable a été mise en évidence au Danemark, où les teneurs isotopiques des ossements humains montrent que les coquillages marins étaient consommés en abondance au Mésolithique, période d’accumulation d’amas coquilliers, tandis qu’au

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