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Le numérique en éducation: Pour développer des compétences
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Le numérique en éducation: Pour développer des compétences
Livre électronique505 pages5 heures

Le numérique en éducation: Pour développer des compétences

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À propos de ce livre électronique

Le numérique fait chaque jour davantage partie de nos vies. Dans le domaine de l’éducation, impossible d’ignorer les nouvelles avenues qu’il rend possibles. En effet, dans un monde où les jeunes sont captivés par ses différentes plateformes, les enseignants et les formateurs n’ont d’autre choix que de lui réserver une place privilégiée dans leurs interventions éducatives. Cela permet aux apprenants de développer les diverses dimensions de la compétence numérique.

L’intégration du numérique dans la formation prend plusieurs formes et sollicite une multitude d’habiletés, tant chez les enfants de la maternelle que chez les apprenants adultes. Le présent ouvrage, qui intéressera les enseignants et les formateurs des milieux scolaire et universitaire, s’inspire du Plan d’action numérique en éducation et en enseignement supérieur élaboré par le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur (MEES) du Québec. Il propose des résultats de recherche, des réflexions ainsi que des pistes d’action inhérentes à l’utilisation du numérique en éducation, et ce, du primaire au postsecondaire. Les auteurs montrent, par la méthode et la recherche, que la circulation de l’information sur le numérique est le gage d’une évolution des pratiques, du repérage des plus intéressantes d’entre elles, et qu’elle permet d’explorer les nouvelles connaissances dans le domaine, qui ne manquent pas de s’imposer d’abord à la société, puis à l’école.
LangueFrançais
Date de sortie8 mai 2019
ISBN9782760551442
Le numérique en éducation: Pour développer des compétences

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    Aperçu du livre

    Le numérique en éducation - Thierry Karsenti

    Introduction

    Thierry Karsenti et Simon Parent¹

    En septembre 2018, Google fêtait ses 20 ans. En janvier dernier, Wikipédia atteignait la majorité (18 ans). Avec Facebook (2004), YouTube (2006), Twitter (2006) et Instagram (2010), ces outils numériques ont grandement marqué l’humanité au cours des 20 dernières années. Et ce n’est pas terminé, car nous vivons résolument à une époque de mutations rapides où le numérique a une influence considérable sur l’évolution de l’ensemble des sociétés et affecte de façon significative toutes leurs dimensions économiques, sociales ou culturelles. Et l’éducation, de la petite enfance à l’université, ne fait résolument pas exception. Dans un monde où la place du numérique s’affirme chaque jour davantage, et où les jeunes sont captivés par le numérique, les enseignants et formateurs ne semblent avoir d’autre option que de réserver une place de choix au numérique dans le cadre de leur travail avec les apprenants, et ce, afin de leur permettre de développer les diverses dimensions que comporte la compétence numérique. C’est d’ailleurs ce que nous avons montré avec notre équipe de recherche (Karsenti et al., 2018), où un important travail de synthèse nous a permis de découvrir que la compétence numérique comporte une douzaine de dimensions qui dépassent largement la traditionnelle définition liée à la maîtrise d’outils. La première, c’est le fait d’agir en citoyen éthique, à l’ère du numérique. Il s’agit d’ailleurs d’une dimension centrale du travail de synthèse que nous avons réalisé. Dans ce travail, nous avons notamment souligné l’importance, à la fois pour les enseignants et les apprenants, d’apprendre à agir de manière éthique et responsable en considérant la diversité sociale, culturelle et philosophique des parties prenantes de la société numérique ainsi que du contexte social, économique, environnemental ou professionnel dans lequel se déroulent leurs interactions. Nous avons également souligné l’importance d’être conscients, et cela vaut aussi bien pour les enseignants que pour les apprenants, de l’effet de leur usage du numérique sur leur bien-être physique et psychologique et sur celui des autres. Nous avons aussi rappelé, comme plusieurs l’ont fait avant nous, l’importance de comprendre les enjeux liés à la marchandisation des renseignements personnels, à l’influence de la publicité numérique et à la perception de la crédibilité des sites Web. Nous avons enfin parlé de l’importance de développer l’esprit critique des étudiants et de mener avec eux une réflexion éthique sur la règlementation ou les lois en vigueur, incluant la reconnaissance des droits d’auteur qui encadre le numérique. Derrière cette dimension cruciale de la compétence numérique se trouvent 11 autres dimensions définies par les visées suivantes :

    Exploiter le potentiel du numérique pour l’apprentissage

    Développer et mobiliser sa culture informationnelle

    Collaborer à l’aide du numérique

    Communiquer à l’aide du numérique

    Produire du contenu avec le numérique

    Mettre à profit le numérique en tant que vecteur d’inclusion et pour répondre à des besoins diversifiés

    Adopter une perspective de développement personnel et professionnel avec le numérique dans une posture d’autonomisation

    Résoudre une variété de problèmes avec le numérique

    Développer sa pensée critique envers le numérique

    Innover et faire preuve de créativité avec le numérique

    Développer et mobiliser ses habiletés technologiques

    En 2019, impossible donc d’ignorer les transformations sociétales et les nouvelles avenues qu’ouvre le numérique à l’éducation. L’intégration du numérique en éducation, on le voit, prend plusieurs formes et nécessite résolument une multitude de compétences ou d’habiletés, tant chez les enfants de la maternelle que chez les apprenants adultes. C’est d’ailleurs un peu l’un des objectifs de cet ouvrage, qui, en s’inspirant du Plan d’action numérique en éducation et en enseignement supérieur du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur (MEES), propose des réflexions, des résultats de recherche, voire des pistes d’action inhérents à la présence du numérique en éducation, et ce, du primaire au postsecondaire. Par exemple, le premier chapitre (Karsenti et Collin) propose une synthèse des modèles d’intégration du numérique en place. On y traite notamment de modèles connus, tels que le SAMR (Substitution, Augmentation, Modification, Redefinition Model) ou le TPACK (Technological Pedagogical Content Knowledge Model), utilisés du primaire au postsecondaire. Le deuxième chapitre (Michelot et Poellhuber) porte sur les modèles de compétences informationnelles ou encore de recherche d’information, à l’ère du numérique. Le troisième chapitre (Fiset Vincent, Peters, Bujold, Dubois, Lagarde, Martin, Painchaud, Enright et Godbout) aborde les formations appréciées des enseignants du primaire pour le développement de leurs compétences technopédagogiques. Le quatrième chapitre (Cody, Gagné, Giroux, Coulombe et Gaudreault) traite de l’accompagnement de stagiaire dans des contextes où les tablettes sont utilisées en mode dit 1:1 (un pour un). Comme l’écriture est au cœur de l’apprentissage de toutes les disciplines scolaires et que sa maîtrise est indispensable à une insertion réussie dans notre société du savoir où le numérique éducatif transforme le processus d’écriture, le cinquième chapitre (Grégoire) porte sur l’enseignement-apprentissage de l’écriture à l’ère du numérique. Quant à lui, le sixième chapitre (Lefebvre, Gareau, Samson et Brouillette) fait le point sur les connaissances à mobiliser et les actions à déployer pour intégrer le tableau numérique interactif (TNI) à ses pratiques d’enseignement. Les stratégies de créacollage numérique et les compétences qui les mobilisent sont l’objet du septième chapitre (Peters, Vincent, Gervais, Morin et Pouliot). Le huitième chapitre (Meyer, Barré, Lefebvre et Gandon) décrit une pratique pédagogique utilisée du primaire au postsecondaire : la classe inversée. Le neuvième chapitre (Raby, Villeneuve, Tremblay-Wragg, Charron, Chaillez, O’Connell, St-Onge et Josselin) propose des pistes, basées sur l’expérience de deux cohortes d’enseignants et de leurs stagiaires au sein d’une communauté d’apprentissage, pour utiliser le TNI de manière collaborative avec des enfants du préscolaire. La ludification (gamification) est abordée au dixième chapitre (Parent, Karsenti et Bugmann) où les auteurs se penchent sur l’arrimage du jeu Minecraft aux attentes institutionnelles dans les écoles. Enfin, le onzième chapitre (Bugmann et Karsenti) porte sur les usages pédagogiques des robots en classe.

    Bonne lecture !

    Bibliographie

    Karsenti, T., Poellhuber, B., Michelot, F., Tremblay, C. et Parent, S. (2018). Vers de nouvelles compétences numériques. Communication présentée dans le cadre du 5e Colloque international éducation, Montréal, 4 mai.

    1 Thierry Karsenti et Simon Parent, comme plusieurs autres auteurs de cet ouvrage, sont membres du Groupe de recherche interuniversitaire sur les impacts pédagogiques des technologies de l’information et de la communication (GRIIPTIC). Pour une présentation du GRIIPTIC, voir l’annexe à la fin de l’ouvrage.

    PARTIE 1 /

    LES MODÈLES

    Il est d’un ambitieux et d’un cerveau présomptueux, vain et envieux, de vouloir persuader les autres qu’il n’y a qu’une seule voie d’investigation et d’accès à la connaissance de la nature.

    Et c’est d’un insensé et d’un homme sans discours de se le donner à croire à soi-même.

    Donc bien que la voie la plus constante et ferme, la plus contemplative et distincte, le mode de réflexion le plus élevé, se doivent toujours préférer et le plus honorer et cultiver ; néanmoins, il ne faut pas blâmer telle autre manière, qui n’est pas sans bons fruits, quoique ces fruits ne soient pas du même arbre.

    (GIORDANO BRUNO, 1548-1600)

    CHAPITRE 1 /

    Les modèles d’intégration du numérique en classe

    Thierry Karsenti et Simon Collin

    Résumé

    Bon nombre d’études ont clairement démontré que l’intégration des technologies en éducation représente un processus complexe relevant de plusieurs facteurs. Ce processus, qui vise à amener les enseignants et leurs élèves à faire un usage plus important du numérique, est souvent le résultat d’un travail collectif au sein d’un établissement scolaire. Cependant, force est de constater que cette intégration représente encore un immense défi pour les enseignants, et ce, malgré l’omniprésence des technologies dans notre société. Afin d’appuyer ces derniers dans leur cheminement, plusieurs modèles d’intégration des technologies – dont sept font l’objet d’une présentation plus détaillée dans le présent chapitre –, peuvent être utilisés. Une bonne connaissance de ces principaux modèles facilite la compréhension du processus d’intégration des technologies en éducation et guide l’enseignant souhaitant faire un usage davantage réfléchi des technologies en salle de classe pour honorer la mission de l’école (instruire, socialiser et qualifier). Ce chapitre détaille les caractéristiques, les forces et les limites des sept modèles d’intégration des technologies suivants : le modèle du Processus d’intégration des technologies des enseignants de Raby (2004) ; le modèle TPACK (Technology Pedagogy Content Knowledge Model) de Mishra et Koehler (2006) ; le modèle SAMR (Substitution, Augmentation, Modification, Redefinition Model) de Puentedura (2006) ; le modèle TAM (Technology Acceptance Model) de Davis, Bagozzi et Warshaw (1989) ; le modèle TIM (Technology Integration Matrix) développé par le Florida Center for Instructional Technology (2014) ; le Continuum d’approches de l’UNESCO (2004) ; le modèle ASPID (modèle illustrant l’adoption, la substitution, le progrès, l’innovation… et la possible détérioration) de Karsenti (2013). La conclusion de ce chapitre souligne notamment que l’intégration pédagogique des technologies en éducation est un processus fort complexe qui ne devrait pas nécessairement être simplifié, car cela pourrait réduire la qualité et le potentiel des technologies en éducation. En somme, la présentation de ces modèles vise avant tout à enrichir le registre de l’intégration pédagogique des technologies que possèdent les enseignants, et non pas nécessairement l’atteinte d’un niveau donné aux dépens des niveaux précédents.

    Plusieurs études ont clairement montré que l’intégration des technologies en éducation est un processus complexe qui relève de plusieurs facteurs de nature sociale, institutionnelle, scolaire et pédagogique (Afshari et al., 2009 ; Aldunate et Nussbaum, 2013 ; Karsenti et Collin, 2013 ; Means, 2010). Dans cette perspective, l’intégration des technologies est un processus systémique (Depover et Strebelle, 1997). L’adoption des technologies par l’enseignant représente l’aboutissement ultime de ce processus, mais aussi un immense défi (Hutchison et Reinking, 2011 ; Karsenti et Collin, 2013 ; Livingstone, 2012), malgré l’omniprésence des technologies dans notre société (Ertmer et Ottenbreit-Leftwich, 2010 ; Thibert, 2012).

    En effet, pour qu’un enseignant intègre durablement et efficacement les technologies en classe, il est impératif pour lui de saisir la complexité des enjeux, bien au-delà d’une simple maîtrise de certains outils. Or la plupart des initiatives d’intégration pédagogique se contentent d’arrimer équipements technologiques, formation des enseignants et contenus d’intégration en classe. Selon Missaoui (2012), « cette synchronisation simpliste n’est parfois qu’une vue de l’esprit car en réalité plusieurs domaines s’interpénètrent ».

    Pour cerner la complexité de l’intégration pédagogique des technologies, plusieurs chercheurs ont élaboré des modèles, c’est-à-dire des représentations théoriques de ce processus. Ces modèles fournissent des balises et peuvent même servir de schéma directeur au processus d’intégration des technologies à l’école en présentant les différentes dimensions qui permettent de progresser d’un niveau à l’autre. Ils permettent aux enseignants de s’initier aux étapes sous-jacentes à l’usage des technologies en éducation, de se situer (à quel stade suis-je ?), de favoriser la pratique réflexive individuelle ou collective, voire de progresser dans leur intégration des technologies en leur donnant une vision claire de ce qui est souhaité. Avant de présenter plusieurs de ces modèles, il convient de bien distinguer les modèles d’intégration pédagogiques des technologies d’autres modèles existants.

    1 / L’intégration pédagogique des technologies : processus ou compétences ?

    Comme mentionné plus haut, l’intégration pédagogique des technologies correspond à un processus qui s’échelonne dans le temps. En ce sens, les modèles d’intégration pédagogique des technologies sont complémentaires à d’autres modèles, notamment à ceux qui décrivent les compétences dont doivent disposer les enseignants pour intégrer les technologies dans leurs pratiques pédagogiques. Parmi ces modèles, le plus influent est assurément le modèle TPACK conçu par Mishra et Koehler (2006). Ce modèle vise à préciser la nature des connaissances requises par les enseignants pour leur permettre de mieux intégrer les technologies en éducation. Il est en grande partie fondé sur la théorie des connaissances disciplinaires et des connaissances pédagogiques de Shulman (2007). Au cœur du modèle TPACK (figure 1.1), on retrouve l’interrelation complexe de trois formes de savoirs ou de connaissances : les connaissances disciplinaires, les connaissances pédagogiques et les connaissances technologiques. L’un des grands apports du modèle TPACK est précisément la considération de l’arrimage de ces trois composantes, au lieu de les considérer de façon isolée. Selon Mishra et Koehler (2006), l’usage efficace de l’intégration pédagogique des technologies en lien avec des disciplines scolaires requiert de la part des enseignants une grande sensibilité à la dynamique entre ces différentes composantes ou nouvelles formes de connaissances, en fonction des contextes. Autrement dit, pour eux, l’enseignant, la classe, l’école, le contexte socioéconomique, la culture, de même qu’une multitude d’autres facteurs, rendront unique chacune des situations d’apprentissage. Il lui faudra donc trouver un juste équilibre entre la technologie, la pédagogie et le savoir enseigné, et ce, selon le style d’enseignement, le cours enseigné, voire selon ses convictions pédagogiques.

    FIGURE 1.1 / Sept composantes du modèle TPACK

    Source : Adapté de Koehler et Mishra, 2009.

    La composante « Connaissances disciplinaires » peut être représentée par les connaissances que possède l’enseignant de la discipline qui doit être enseignée. Comme le fait remarquer Shulman (1986), cette connaissance doit comprendre à la fois les concepts, les théories et les idées. Pour sa part, la composante « Connaissances pédagogiques » est reflétée par la connaissance qu’a un enseignant des processus, des pratiques, des méthodes et des stratégies d’enseignement et d’apprentissage. Cette composante peut comprendre, entre autres, une sensibilité à la façon dont les élèves apprennent ou acquièrent des connaissances, aux meilleures stratégies de gestion de classe ou de planification de l’enseignement. À titre d’exemple, un enseignant qui ne comprend pas comment un élève apprend à lire sera moins outillé pour l’accompagner dans la lecture d’un livre numérique. De son côté, la composante « Connaissances technologiques » est liée à la connaissance que possède l’enseignant des usages des technologies et des outils technologiques susceptibles de l’aider dans une situation donnée. Cette composante, selon Koehler et Mishra (2009), comprend également une connaissance générale des technologies en éducation, de même que la connaissance des technologies qui pourraient participer ou nuire à l’apprentissage ou à l’enseignement.

    Pour Mishra et Koehler (2006), la compétence à intégrer les technologies ne réside pas dans la maîtrise de ces trois compétences (connaissances disciplinaires, pédagogiques et technologiques), mais dans leur interdépendance. Autrement dit, être compétent dans l’intégration des technologies consiste à savoir comment combiner ces compétences en adéquation avec les objectifs et la situation pédagogiques.

    Le modèle TPACK permet de décrire les compétences que les enseignants acquièrent et mobilisent lors de leur processus d’intégration des technologies. En ce sens, il est complémentaire aux modèles d’intégration pédagogique des technologies. Dans la prochaine section, nous décrivons les caractéristiques des principaux modèles d’intégration des technologies en éducation tout en relevant quelques-uns de leurs points forts et de leurs points faibles. Cependant, nous tenons à rappeler que notre objectif n’est pas d’établir le meilleur modèle, mais bien d’en présenter plusieurs afin que les enseignants actuels et futurs puissent disposer d’une variété de pistes pour faire un usage réfléchi des technologies dans leurs pratiques.

    2 / Les principaux modèles d’intégration pédagogique des technologies

    Cette section porte sur les caractéristiques, points forts et points faibles de six modèles d’intégration des technologies. Nous commençons par la présentation du processus d’intégration des technologies des enseignants, un modèle qui fut d’abord élaboré et testé au Québec par Raby (2004). Nous poursuivons avec un modèle actuellement en vogue dans les écoles occidentales, à savoir le modèle SAMR de Puentedura (2006), pour ensuite discuter des modèles d’adoption des technologies en décrivant le modèle TAM (Technology Acceptance Model) créé par Davis et al. (1989) et enrichi par Venkatesh et al. (2003). Nous enchaînons avec le modèle TIM (Technology Integration Matrix) développé à l’origine par le Florida Center for Instructional Technology avant de décrire le Continuum d’approches de l’UNESCO (2004). Enfin, nous terminons en présentant le très récent modèle ASPID (un modèle illustrant l’adoption, la substitution, le progrès, l’innovation… et la possible détérioration) élaboré par Karsenti (2013).

    3 / Le modèle de Raby (processus d’intégration des technologies par les enseignants)

    En 2004, Raby a élaboré son modèle d’intégration des technologies par les enseignants à partir d’une synthèse de trois modèles populaires à l’époque : le modèle de Moersch (1995, 2001), celui de Sandholtz, Ringstaff et Owyer (1997) puis celui de Morais (2001). Ainsi, il constitue une synthèse des étapes que traversaient et traversent encore parfois les enseignants dans leur intégration pédagogique des technologies.

    3.1 / Une description du modèle de Raby (2004)

    Ce modèle se compose de quatre stades décrivant le processus d’utilisation des technologies en salle de classe :

    La sensibilisation

    L’utilisation personnelle

    L’utilisation professionnelle

    L’utilisation pédagogique

    Selon Raby (2004), l’enseignant est nécessairement d’abord dans une situation initiale de non-utilisation des technologies. Ce point est toutefois de moins en moins probable actuellement dans la mesure où une grande majorité d’enseignants du Québec ont déjà eu l’occasion d’exploiter les technologies, ne serait-ce qu’à des fins personnelles, dans leur quotidien familial ou social. À l’inverse, lorsqu’un enseignant est passé à travers les différents stades du modèle de Raby, il a eu l’occasion de développer des pratiques exemplaires d’utilisation des technologies.

    Au premier stade, celui de la sensibilisation, l’enseignant a un contact indirect avec les technologies. Bien qu’il ne les utilise pas lui-même, il y est exposé soit dans son entourage personnel (p. ex. par l’intermédiaire de ses enfants ou de son conjoint) ou professionnel (p. ex. par le biais des collègues de son école). Ce premier stade est sans doute moins pertinent à l’époque actuelle pour les mêmes raisons que précédemment : une grande majorité d’enseignants du Québec sont déjà des utilisateurs directs des technologies dans leur quotidien personnel, ce qui renvoie au stade 2 du modèle de Raby. Il s’agit toutefois d’un passage préalable qui ouvre la voie à différentes entrées possibles et cumulables les unes aux autres : l’enseignant peut s’initier aux technologies à des fins personnelles, par exemple pour communiquer avec ses amis ou rechercher de l’information liée à ses intérêts personnels (stade 2) ; il peut également commencer à utiliser les technologies à des fins professionnelles, notamment pour rechercher de l’information pour son enseignement, communiquer avec ses collègues, etc. (stade 3) ; une autre voie peut consister à utiliser les technologies à des fins pédagogiques, donc durant les activités d’enseignement et d’apprentissage qu’il anime en salle de classe, notamment pour développer les compétences disciplinaires des élèves (stade 4). Chacun de ces stades se caractérise par une progression d’usages possibles allant de la motivation à la familiarisation puis à des étapes ultérieures. La figure 1.2 illustre le modèle de Raby en présentant quatre stades d’utilisation des technologies, avec pour point de départ leur non-utilisation et pour point d’arrivée l’utilisation exemplaire des technologies.

    À l’instar des modèles sur lesquels il se base, le modèle de Raby propose une gradation de l’intégration des technologies sur plusieurs plans :

    une gradation selon le profil de l’enseignant, allant de l’enseignant non usager des technologies à l’enseignant ayant une utilisation exemplaire des technologies ;

    une gradation selon le contrôle des technologies, allant du contrôle des technologies par l’enseignant (dans le cas d’un enseignement magistral, par exemple) aux usages par les apprenants ;

    une gradation des pratiques technopédagogiques, allant de celles qui reproduisent les pratiques déjà existantes de l’enseignant à d’autres plus créatives, qui exploitent les multiples possibilités des technologies.

    Pour bien comprendre le modèle de Raby, il importe d’insister sur le caractère non linéaire du processus d’intégration que celui-ci décrit. En effet, malgré l’utilisation des termes stades et étapes et leur organisation séquentielle dans la figure 1.2, le modèle prévoit qu’après le stade 1 (sensibilisation), un enseignant peut s’initier à l’utilisation des technologies par n’importe lequel des stades 2, 3 et 4, voire par plusieurs d’entre eux simultanément. Autrement dit, bien qu’ils soient numérotés, les stades ne sont pas nécessairement ordonnancés de manière fixe dans le processus d’intégration pédagogique des technologies.

    FIGURE 1.2 / Modèle synthèse du processus d’intégration des technologies

    Source : Raby, 2004, p. 36.

    Raby (2004, p. 35) est d’ailleurs explicite sur ce point :

    Il est important de noter que le stade de « sensibilisation » sera suivi par le stade de l’« utilisation personnelle », de l’« utilisation professionnelle » ou de l’« utilisation pédagogique », selon les motivations qui poussent chaque enseignant à poursuivre son processus d’intégration des TIC. De plus, ces différents stades ne se déroulent pas nécessairement l’un après l’autre ; ils peuvent se chevaucher et donc se développer simultanément.

    Ainsi, d’après Raby, le processus d’intégration des technologies par les enseignants est très dynamique et modulable. À ce titre, une utilisation exemplaire n’est pas mesurable par le stade atteint, mais par la diversité des stades et des étapes que l’enseignant peut mobiliser pour répondre efficacement à la situation et aux objectifs d’enseignement et d’apprentissage.

    Cela s’explique notamment par la multiplicité des motivations et des facteurs qui peuvent l’influencer, suivant les caractéristiques de chaque enseignant et de son contexte scolaire et social. Sur le plan des motivations, Raby explique qu’un enseignant peut vouloir utiliser les technologies aux stades 2, 3 ou 4 pour diverses raisons, qui relèvent notamment de la curiosité (p. ex. pour apprécier la pertinence pédagogique d’une application de tablette numérique), du besoin (p. ex. pour soutenir un élève ayant un besoin particulier) ou de l’obligation (créée par la direction d’école, par la commission scolaire, par son implication dans un projet, etc.). Le type de motivation à la base de l’utilisation des technologies par un enseignant ne serait pas non plus sans conséquence sur la qualité de son processus d’intégration. Ainsi, l’obligation d’utiliser les technologies engendre souvent un inconfort chez les enseignants et peut allonger la durée de leur processus d’intégration, lequel pourra au contraire être plus court si leur motivation est intrinsèque. Outre la motivation à l’origine de l’utilisation des technologies, le processus d’intégration est également conditionné par divers types de facteurs évoqués par Raby (2004) : les facteurs contextuels (p. ex. la formation technopédagogique fournie aux enseignants) ; les facteurs institutionnels (p. ex. les politiques éducatives encourageant l’utilisation des technologies) ; les facteurs sociaux (p. ex. la qualité de la dynamique entre collègues d’une équipe-école) ; les facteurs pédagogiques (p. ex. les valeurs et croyances de l’enseignant relatives à l’enseignement et à l’apprentissage) ; et enfin, les facteurs personnels (p. ex. l’accès à un ordinateur à la maison).

    3.2 / Les points forts et les points faibles du modèle de Raby

    Le modèle de Raby (2004) présente plusieurs forces et faiblesses pour décrire le processus d’intégration des technologies par les enseignants. Au regard des points faibles, signalons que le modèle se base sur des modèles qui ne reflètent pas notre contexte technologique sociétal actuel (les plus récents datant de 2001). Ainsi, certains aspects du modèle semblent moins actuels, notamment les cas de non-utilisation ou de sensibilisation aux technologies, qui s’avèrent marginaux étant donné la massification sociale du numérique observée depuis l’élaboration de ces modèles, plus particulièrement en Occident. Cela dit, il convient de noter que ces points ont déjà été pris en considération par Raby (2004) à la suite de la validation empirique de son modèle, ce qui lui a permis d’ajuster ce dernier en conséquence. À ce titre, ces limites initiales du modèle ont déjà été résolues. Pour ce qui est des points forts, le modèle de Raby (2004) a fait l’objet d’une validation empirique rigoureuse et il a été repris dans de nombreuses études depuis (Attenoukon, 2011 ; Coulibaly et al., 2010 ; Ngono, 2012), ce qui lui confère une plus grande crédibilité scientifique que certains autres modèles (p. ex. le modèle SAMR). En outre, ce modèle présente le grand avantage de fournir une description systémique du processus d’intégration des technologies. En effet, les utilisations effectives des technologies en éducation sont mises en relation avec l’utilisation personnelle qu’en font les enseignants, ainsi que les motivations et les facteurs qui les influencent. Cette vision systémique du processus d’intégration des technologies se doit d’être soulignée, car elle est souvent absente d’autres modèles.

    4 / Le modèle SAMR (Substitution, Augmentation, Modification, Redefinition Model)

    L’un des modèles actuellement les plus populaires en éducation est peut-être le modèle SAMR de Ruben Puentedura (2006). En Amérique du Nord, la popularité de ce modèle dans les écoles primaires et secondaires peut paraître surprenante puisque, d’une part, il a été élaboré à la suite d’observations d’étudiants universitaires en sciences et, d’autre part, à notre connaissance, aucune étude n’a vérifié la validité de ce modèle. D’ailleurs, en 2018, Puentedura n’a toujours pas publié de résultats empiriques à propos de son modèle.

    Toutefois, ce modèle d’intégration des technologies semble surtout avoir séduit le monde de l’éducation par sa grande simplicité, un peu comme si le processus d’intégration des technologies était quelque chose de très simple pour les enseignants. Relevons au passage les nombreuses critiques sur la vision trop simpliste avec laquelle est parfois envisagée l’intégration des technologies, alors qu’il est plutôt nécessaire de tenir compte de la complexité et de la diversité des enjeux présents en contexte scolaire.

    4.1 / Une description du modèle SAMR

    Le modèle SAMR vise avant tout à aider les enseignants à intégrer les technologies dans leur pratique afin de rendre plus riches et plus authentiques, par l’usage des technologies, certaines des expériences d’apprentissage des apprenants. Le modèle SAMR a l’avantage de proposer aux enseignants une hiérarchisation des stades d’intégration des technologies (substitution, augmentation, modification, redéfinition) qui permet, notamment, de se situer sur ce continuum.

    La figure 1.3 illustre ce modèle dont les deux premiers stades (substitution, augmentation) correspondraient, suivant son auteur, à l’amélioration de l’enseignement, tandis que les deux derniers (modification, redéfinition) constitueraient une transformation de la pratique en salle de classe.

    Le premier stade de ce modèle est Substitution. Il s’agit d’un stade où la technologie est utilisée pour une tâche qui était auparavant effectuée sans technologie. Il peut s’agir, par exemple, d’élèves qui écrivent un texte à l’ordinateur au lieu de l’écrire sur du papier avec un crayon. La tâche ne change pas réellement, mais elle est réalisée avec les technologies. À ce stade du modèle SAMR, selon Puentedura (2006), la technologie n’amènerait pas l’enseignant à réaliser de nouvelles tâches, voire des pratiques pédagogiques différentes de ce qu’ils réalisaient déjà sans les technologies. Toujours selon l’auteur, la technologie au stade de substitution n’apporterait aucun gain réel à l’enseignement.

    FIGURE 1.3 / Modèle SAMR de Puentedura

    Source : Puentedura, 2009.

    Le deuxième stade du modèle SAMR est Augmentation. L’usage des technologies rendrait alors plus efficace la réalisation de tâches scolaires ; il y aurait ainsi un gain au regard du temps. Par exemple, l’usage des technologies faciliterait la compilation des notes des apprenants. Un autre exemple de cet usage serait un élève qui réaliserait des exercices à l’aide de sa tablette tactile. Avec certaines applications, la rétroaction est immédiate, ce qui serait un avantage par rapport à la réalisation d’exercices sur papier avec un crayon où la rétroaction, par l’enseignant, demanderait plus de temps.

    Le troisième stade (Modification) représente pour Puentedura le premier stade qui mène vers une réelle transformation des pratiques en salle de classe. La technologie est alors utilisée non pas pour accomplir la même tâche, mais pour réaliser les activités d’apprentissage de façon très différente. Un exemple pourrait être l’usage d’une technologie comme MoPad¹ ou Google Docs², pour amener les élèves à écrire un texte de façon collaborative.

    Le quatrième et dernier stade du modèle SAMR est Redefinition. À ce stade, l’élève ou l’enseignant fait usage des technologies pour exécuter des tâches qu’il n’était aucunement possible de concevoir sans les technologies. Les exemples sont

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