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Lux Tenebris: Roman policier
Lux Tenebris: Roman policier
Lux Tenebris: Roman policier
Livre électronique407 pages3 heures

Lux Tenebris: Roman policier

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À propos de ce livre électronique

La Clé d’Osiris. Un pétroglyphe millénaire. Un fragment perdu au milieu des ruines du temple d’Abydos. Ni gravée, ni sculptée, mais brûlée dans la structure atomique de la roche. Un physicien qui disparaît après avoir décodé son secret. Un puissant lobby à sa recherche. Le patron de la Cellule Secret Défense recevant un courrier au contenu improbable. Celui d'une  découverte scientifique qui bouleverserait l’ordre et l’équilibre mondial. Toutefois, reste un problème et pas des moindres… Pour  retrouver la Clé d'Osiris, il faudra remonter la piste dissimulée dans une mystérieuse gravure jamais décryptée. Melencolia de Dürer. Vérité ? Canular ? Quoiqu’ il en soit, la CSD ne peut l’ignorer. Mais qui pourrait résoudre une telle énigme ? Le choix se portera sur Leonardo Cavindi, surnommé l’Archange et Valentine Eymar. Mais, pour l’heure, le temps presse. Le mystérieux lobby a déjà lâché à leurs trousses un tueur atypique. Maître au jeu d’échecs. De Genève à Azay-le-Rideau, en passant par Vézelay et  l’Ecosse, une course contre la montre s’engage. Car le pétroglyphe dissimule bien d'autres secrets. Les deux agents apprendront bien vite que La Clé d’Osiris fait partie de ces Secrets d’État si absolus, que tous ceux qui l’approchent doivent disparaître...

À PROPOS DE L'AUTEURE

Ex-professeure de Lettres modernes, Rosemary Villani-Ameri est titulaire d’une Maîtrise en Littérature comparée. Auteure de deux autres romans Verbum dimissum, l'alchimiste (Tome I) et Le Verbe de Dieu, le passeur (Tome II), Lux Tenebris est son troisième opus.
LangueFrançais
Date de sortie23 juil. 2020
ISBN9791037710970
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    Aperçu du livre

    Lux Tenebris - Rosemary Villani-Ameri

    Prologue

    Meyrin

    Canton de Genève

    Maxime Valeryan regarda le motard s’installer à la terrasse de la brasserie. Il esquissa un sourire désabusé, avala une dernière gorgée de whisky, plongea la main dans la poche de son pardessus, saisit le billet et l’enveloppe, les fit glisser sur la banquette, se leva et sortit.

    Anaïs attendit que le client passe la porte pour desservir. Se penchant pour essuyer la table, elle vit la missive sur le siège. Elle la saisit, retint une exclamation. Sous le courrier, un billet de cinquante euros. Un coup d’œil par-dessus son épaule… Le patron discutait avec un habitué, dehors le motard avait disparu sans commander. La lettre était dûment libellée et timbrée, l’agence postale de l’autre côté de la rue, elle fit disparaître la coupure dans la poche de son tablier, ramena le plateau au comptoir et lança :

    — Le client a oublié son courrier. Je vais le jeter dans la boîte aux lettres.

    Sans attendre la réponse, elle se précipita dehors. Pour cinquante euros, c’était le moins qu’elle puisse faire.

    *

    Maxime ne fut pas surpris lorsqu’il découvrit la grosse berline, aux vitres teintées, garée devant le chalet. Mieux, il éprouva comme un soulagement. Quel que soit le dénouement, il avait fait son possible pour que rien, absolument rien, ne tombe entre leurs mains. Pour le reste, c’était maintenant à Dieu ou au Diable d’y pourvoir. Il jeta un coup d’œil dans le rétroviseur. Le motard avait fait demi-tour, laissant le champ libre à l’occupant du véhicule. Il respira profondément puis, d’un geste déterminé, il ouvrit le vide-poche, saisit l’arme. Quelques instants plus tard, il franchissait le seuil de sa demeure.

    Partie I

    L’expérience m’apprit que les bonnes choses de l’univers

    ne le sont que suivant l’usage que nous en faisons

    Daniel Defoe

    Il n’y a point de plus cruelle tyrannie que

    celle que l’on exerce à l’ombre des lois […]

    Montesquieu

    L’humanité ne commence dans l’homme

    qu’avec le désintéressement.

    Henri – Frédéric Amiel

    1

    Genève

    Consortium Planêtes Energia

    Autour de la table de conférence, les visages de ses deux vis-à-vis trahissaient la déception, la frustration, la colère.

    — Vous l’avez sous-estimé, siffla l’un d’eux.

    — Une erreur impardonnable, asséna froidement l’autre.

    Jean Elbstein encaissa les accusations injurieuses sans ciller, tapota son cigare, prit le temps de regarder la cendre voleter au-dessus de la coupelle de cristal, avant d’assurer :

    — Je doute qu’il ait détruit quoi que ce soit. Aucun chercheur ne s’y résout. Ils sont bien trop narcissiques. Nous trouverons.

    — De quelle manière ?

    — Les dispositions nécessaires ont déjà été prises, se contenta-t-il de répondre d’un ton glacial.

    Il se leva. La réunion était terminée.

    Paris

    Hôtel de Brienne

    Cellule Secret Défense

    — Ce n’est qu’une simple photocopie conforme à l’original.

    Se méprenant sur le silence du boss, Bertrand Tardet proposa :

    — On peut refaire tous les…

    — Inutile.

    — OK. Comme tu veux. 

    La porte à peine refermée sur son second, le patron de la Cellule Secret Défense ouvrit la chemise cartonnée posée devant lui. Il parcourut une nouvelle fois le dossier. Il concernait la disparition d’un certain Maxime Valeryan, physicien. Après un temps d’absence injustifié, un portable obstinément muet, une porte résolument close malgré la présence de son véhicule, et le fait que le CERN¹ soit l’un des plus grands et prestigieux laboratoires scientifiques du monde, son directeur de programme s’était résolu à contacter les autorités policières. Un juge des libertés fut saisi. Il accorda une perquisition. Les policiers helvètes pénétrèrent dans un chalet désert où régnait un ordre méticuleux, des armoires emplies de vêtements, des réfrigérateur et congélateur garnis. L’enquête de voisinage ne révéla rien, si ce n’est la discrétion de ce résident solitaire. Quant au véhicule, il ne dévoila aucun indice suspect. Bref, Maxime Valeryan semblait s’être subitement volatilisé. Dans la mesure où des centaines de gens décidaient un jour de larguer les amarres sans prévenir, l’enquête conclut à une disparition volontaire. Toutefois, un appel à témoins fut lancé et le dossier mis en sommeil. L’affaire aurait pu en rester là et ne jamais se retrouver sur son bureau… S’il n’y avait eu ce foutu courrier ! Un sacré foutu courrier qui sonnait comme une foutue dernière révérence. Il saisit la lettre reçue quelques jours auparavant, la relut pour la énième fois.

    Bruno

    Le temps m’étant compté, il fait de toi mon dernier recours.

    J’ai fait une découverte dont l’enjeu est tel, que j’ai choisi de la faire disparaître avant qu’ils ne s’en emparent. J’aurais pu la détruire mais je n’ai pu m’y résoudre car, si elle est susceptible de bouleverser l’ordre et l’équilibre de nos sociétés, au risque de les faire sombrer, elle peut également leur faire retrouver ce que l’on appelait l’Âge d’Or. Imagine donc à quel point ce fut un cruel dilemme ! Toutefois, c’est cette dernière raison qui l’emporta.

    Aujourd’hui, je dépose entre tes mains un pouvoir… Ou plutôt un fardeau… immense, que je n’ai pu ni su assumer.

    Tu es en droit de le refuser. Mais si tu l’acceptes, sache qu’il te faudra te méfier de tout et de tous, car ils ne reculeront absolument devant rien pour obtenir ce qu’ils convoitent. 

    Tout est codé dans la gravure ci-jointe. Si tu réussis à la décrypter, ce sera à toi, et à toi seul, de décider de ce que tu en feras.

    Ton ami

    Maxime

    Il reposa le feuillet alors que les souvenirs ressurgissaient… L’amitié de quartier. Le primaire, le collège, le lycée. Puis la fac. Droit et politique internationale pour lui. Science pour Maxime. Lui revinrent leurs beuveries estudiantines. Les soirées mémorables. Les filles. Leurs révoltes face à un système qu’ils jugeaient décadent. Leurs engagements… Quand s’étaient-ils perdus de vue ? Quand leurs chemins avaient-ils bifurqué ? À côté de la lettre, l’ange de Dürer semblait le narguer. Un sentiment d’incrédulité, d’impuissance, d’exaspération l’envahit… Bordel de merde, Maxime ! Dis-moi que c’est une blague ! jura-t-il. Et pourtant, blague ou non, il savait qu’à la place qu’il occupait, rien, absolument rien, ne devait être tenu pour une blague. 

    Il soupira, se leva, ouvrit la porte, aboya :

    — Valérie, convoquez-moi l’Archange. Je le veux dans mon bureau d’ici une demi-heure… et interdiction de se pâmer ! rajouta-t-il, en voyant le sourire béat de sa secrétaire.

    *

    Lorsque Léonardo Cavindi franchit le seuil du bureau, Bruno Hocht ne put s’empêcher de reconnaître que le surnom dont on l’affublait n’était en rien usurpé. Comment pouvait-on être aussi beau ? C’en était inconvenant ! D’autant plus, qu’à cette hérésie, s’ajoutait celle d’être un petit génie des enquêtes inextricables, voire complètement tordues… Un Archange pour un Ange… Il réprima un soupir d’agacement, attendit que l’autre se fût assis dans l’un des deux fauteuils de cuir noir, face à son bureau, avant de lancer sans préambule :

    — Vous avez demandé une année sabbatique.

    — Elle m’a été accordée ?

    Il se contenta de le regarder un long moment, se décida :

    — Elle le sera. Rémunérée.

    Il savoura dans l’ordre, la stupéfaction, le silence méfiant puis la question qu’il attendait :

    — En échange ?

    — Ceci.

    Du bout des doigts, il poussa la gravure vers lui. Cavindi se pencha. Un bref froncement des sourcils. Un regard interrogateur.

    — Melencolia ? Quel rôle joue Dürer dans cette mansuétude ?

    — Regardez-là et dites-moi ce que vous y voyez, se contenta-t-il de répondre.

    — La même chose que vous. Un ange assis au centre d’un amas d’objets disparates et incongrus pour un représentant céleste.

    — Mais encore ?

    Il compila ce qu’il en savait. Pas grand-chose. Voire rien. Hasarda un vague :

    — D’aucuns la considèrent comme une énigme ésotérique à décrypter. À ma connaissance, personne n’y est arrivé à ce jour.

    — Réjouissez-vous Cavindi ! La gloire vous attend !

    — Je ne saisis pas.

    — Lisez ceci.

    Un autre feuillet glissa vers lui. Une pause, puis le verdict.

    — Si je comprends bien, résuma l’agent en lui rendant la missive, on vous a balancé dans les pattes un détonateur et pour éteindre la mèche, on vous propose de déchiffrer une gravure sibylline, sur laquelle, on se casse les dents depuis cinq siècles.

    — Exactement.

    Un éclat incrédule éclaira le foutu regard polaire posé sur lui.

    — C’est un canular ?

    — Cavindi, croyez-vous qu’un physicien, participant au programme du Boson de Higgs, perde son temps à concocter des canulars et à me les envoyer ? Et même si cela était, notre boulot est de le vérifier ! Je vous rappelle que c’est un chercheur français et qu’il s’est volatilisé !

    — Vous ne savez vraiment rien de plus ?

    — Pourquoi croyez-vous que je vous propose un an de vacances aux frais du contribuable ! Vous êtes le seul qui puisse arriver à en savoir plus justement.

    — Rien n’est moins sûr. Mais votre deal foireux me convient.

    — Tant mieux car, de toute façon, vous n’avez pas le choix. Bon, poursuivit-il, voilà le dossier que m’a faxé le flic genevois, chargé de l’affaire. Faute d’éléments, il a conclu à une disparition volontaire. À sa décharge, il n’avait pas en main ce complément d’info. Ignorant le sourire en coin, il continua… Localisation muette du portable et sa banque confirme qu’il n’y a eu aucun mouvement sur son compte depuis sa disparition. Donc, pour l’instant, il va falloir vous contenter de ce foutu dessin et, avec un peu de chance, d’un élément ambigu dans les fadettes² ou relevés bancaires, que je vous ferai parvenir. Par contre, la seule chose dont je suis sûr, ajouta-t-il, c’est que, si c’est fichtrement détonnant, comme vous dites, vous avez peu de temps pour le trouver.

    — Melencolia ! Votre ami est un pervers. Ça me rappelle cette histoire de Notre-Dame, s’amusa-t-il, en saisissant la chemise grise tendue.

    — Les Voloski et le Hongrois³ ?

    — Oui.

    Hocht se souvenait de cette affaire. Elle lui était tombée dessus, environ un mois après qu’il avait pris ses nouvelles fonctions. Vu les pointures internationales arrêtées cette nuit-là, le 36⁴ leur avait fait parvenir le PV de la flic à l’origine de l’arrestation, pour un complément d’enquête Sécurité Secret Défense.

    — Si je me souviens bien, un simple vol d’objets d’art. Les jumeaux Voloski ayant confirmé. Pas de quoi affoler la CSD, selon votre rapport.

    — Exact.

    — Quelle relation alors ?

    — Quelque chose m’avait chiffonné.

    — Quoi donc ?

    — Le hongrois. Pour quelle raison, quelqu’un qui peut tout s’offrir en toute discrétion irait lui-même s’échiner à charrier des pierres en pleine nuit ? Quant aux Voloski, le trafic d’objets d’art est aux antipodes de leurs occupations. J’ai donc pris contact avec le commissaire du Ve. Il ne m’a rien appris de plus que ce que mentionnait le procès-verbal, jusqu’à ce qu’il me confie… Et, c’est là que ça rejoint votre hurluberlu de chercheur… Je cite… Qu’il était soulagé que cette affaire soit terminée car elle tournait à la lubie obsessionnelle chez la petite ! » Je lui ai demandé à quoi il faisait allusion, il m’a répondu « que cette dernière s’était persuadée que toute cette affaire avait des origines ésotériques où tremperaient templiers, francs-maçons, rose-croix et que, pour le prouver, elle avait pris un congé sans solde. D’ici qu’elle ait résolu l’affaire en décryptant de vieilles gravures, elle aussi ! acheva-t-il en regardant ironiquement son supérieur.

    — Que disait son dossier ?

    — Vingt-cinq ans. Études brillantes. Doctorat de Droit. Major de sa promotion au concours d’entrée à l’ENSOP⁵. Affectation à sa demande au commissariat du Ve arrondissement. Excellent élément.

    — Ils ont oublié de terminer par Hystérique.

    — Le commissaire a terminé par une sacrée chieuse. Mais à son air attendri, je soupçonne ce célibataire d’assouvir une paternité refoulée.

    Un sourire vint éclairer les traits austères de Hocht à l’idée de mettre une sacrée chieuse hystérique, versée dans les enquêtes occultes, dans les pattes d’un Archange solitaire et tordu.

    Une idée saugrenue.

    Une idée absurde.

    Une idée insensée.

    Une idée irrationnelle.

    De celles qui vous font lâcher sans qu’on le veuille…

    — Eh bien, Cavindi, je crois que vous avez trouvé la coéquipière idéale.

    2

    La sonnerie stridente vrilla le calme de la chambre.

    Valentine râla, sortit un bras frileux pour éteindre ce foutu réveil. Frileux mais vigoureux ! La chute d’un objet acheva de la réveiller. Elle se redressa, se pencha. La montre de Guillaume⁶, qu’elle gardait comme une relique sur la table de nuit, gisait sur le parquet. Elle la saisit, refoula la douleur lancinante, ferma les yeux, chercha la chaleur du bijou accroché à son cou. Où était-il ? Pensait-il à elle ? Elle repoussa rageusement la couette, se leva. Un jour de repos à tourner en rond dans cet appart. Et ce soir, le sempiternel dîner hebdomadaire de sa mère. Il n’y avait même plus le séduisant Renaud de Samine ⁷ pour la faire rire. Elle se dirigea vers la cuisine, sortit un bol, brancha la cafetière. C’est au moment où celle-ci crachotait un dernier jet de fumée hargneux que le portable sonna. Elle tendit la main. Quentin.

    — Cellule de crise. Je me gare en double file. Grouille.

    *

    En retrait, dans la pénombre, Léonardo Cavindi suivit du regard la jeune femme venant de franchir la porte du bureau sans le voir.

    — J’espère pour vous commissaire, que vous avez un motif plus que sérieux pour bousiller mon jour de repos !

    Beau brin de fille. Entrée originale. Sourire moqueur du coéquipier. Le ton était donné, la suite le confirma.

    — Dans la mesure où vous, vous bousillez toutes mes journées, ce n’est pas cher payé ! rétorqua l’autre, avant d’esquisser un signe de tête vers l’entrée… Vous avez de la visite.

    Valentine et Quentin se retournèrent de concert. D’un coup d’épaule, Cavindi se détacha de la cloison.

    — Qu’est ce que c’est que cette putain de blague ? marmonna Quentin entre ses dents.

    … Cette putain de blague était une putain de beauté mi-ange, mi-démon ! corrigea mentalement Valentine médusée, en regardant l’homme, tout de noir vêtu, qui s’avançait vers eux. Guère plus âgé qu’elle, grand, athlétique, teint mat, un carré de boucles de jais balayant sa mâchoire, un sourire qui n’atteignait pas le regard. Et quel regard ! La jeune femme plongea dans un puits de lumière d’un bleu si pâle qu’il en paraissait translucide. Un regard de givre, surnaturel, sur un visage angélique indécent. Elle s’agita, soudain mal à l’aise.

    — Léonardo Cavindi, présenta Côme, ravi que l’apparition lui cloue le bec. Il a quelques questions à vous poser. Alto, poursuivit-il en se retournant vers Quentin, suivez-moi, nous avons une réunion avec le reste de l’équipe.

    La porte refermée sur les deux hommes, Valentine mâchonna un :

    — Quelques questions ?

    — En fait, une seule, répondit une voix rauque, en lui tendant une photocopie.

    Elle baissa son regard sur le feuillet, haussa un sourcil interrogateur. Il précisa :

    — Melencolia. Dürer. Qu’y voyez-vous ?

    — Un ange assis.

    — Mais encore ?

    — Dépassé par l’ampleur du ménage à faire, railla-t-elle. Vous avez encore d’autres questions à la con ?

    La collaboration promettait.

    — Pas pour l’instant.

    — Pour l’instant ?

    — Votre patron n’a pas eu le temps de vous avertir. Vous êtes détachée à la Cellule Secret Défense… Pour un temps indéterminé, la cloua-t-il.

    *

    * *

    Valentine ignorait encore comment l’ange finalement démoniaque pouvait être assis sur son canapé ! Dans son salon ! En train de siroter un verre de son Chablis ! Ce dont elle savait, c’est qu’elle était furax. Lui, la regardait, amusé du ciel orageux de ses prunelles. Il avala une gorgée, savoura la sécheresse du vin blanc, avant de décider qu’il était temps de lui expliquer pourquoi il était là. Ce qu’il n’avait pu faire au commissariat, pour la simple raison qu’elle l’y avait carrément planté. Furibonde. Il posa son verre sur la table basse.

    — Bon. Prenons les choses au commencement…

    Dix minutes plus tard, intriguée malgré tout, Valentine examinait la gravure que Cavindi avait déposée devant elle.

    http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/1/14/Melencolia_I_(Durero).jpg

    — Tout ce bric-à-brac… On dirait un puzzle ésotérique.

    — Exactement.

    — Et alors ?

    — Nous devons l’assembler.

    — Je ne comprends pas ? C’est un expert en la matière qu’il vous faut !

    — Tout à fait. C’est la raison pour laquelle vous avez été choisie. On m’a soufflé que vous étiez versée dans les décryptages occultes.

    — Qui vous a dit cette connerie ? Côme ? fulmina-t-elle.

    Un sourire en coin pour toute réponse.

    3

    Genève

    Consortium Planêtes Energia

    La secrétaire frappa discrètement à la porte du bureau présidentiel avant de s’effacer pour le laisser entrer. Thierry Hans s’avança vers le PDG du Consortium Planêtes Energia frappé, comme à chaque fois, par l’aura ambiguë que dégageait Jean Elbstein. Cet homme d’une soixantaine d’années, mince, élégant, d’une froide courtoisie, avait une particularité dérangeante… Son regard gris ne cillait jamais.

    Pas d’invitation à s’asseoir dans l’un des vastes fauteuils de cuir, juste un bref signe de tête. Elbstein aimant les propos concis. Lui aussi. Il alla directement à l’essentiel.

    — Valeryan a adressé un courrier à Bruno Hocht.

    — La Cellule Secret Défense ?

    Il retint un sourire de satisfaction. L’étonnement avait percé dans la voix de son interlocuteur. Une rareté.

    — Lui-même, monsieur. Une amitié de jeunesse. Je pars pour Paris ce soir, annonça-t-il.

    Il capta l’illusion d’un froncement de sourcils, l’apparence d’une brève réflexion, avant qu’Elbstein ne se contente de proférer un froid :

    — Je peux donc espérer rapidement de vos nouvelles.

    — Bien entendu, monsieur.

    Ce n’était pas une question mais une exigence.

    À peine le seuil du Consortium Planêtes Energia franchi, son portable vibra. Un message.

    [Deux flics, Leonardo Cavindi et Valentine Eymar, viennent visiter le chalet de Maxime Valeryan, demain]

    Il tapota en retour :

    [Arrivée reportée. Vous recontacterai]

    4

    Ils avaient quitté la capitale aux aurores pour le Canton de Genève. Encore trois cents kilomètres, soit un peu plus de trois heures à rouler sous une pluie, giflant en cadence le pare-brise, avant de rencontrer William Aghard, le policier chargé de l’affaire Valeryan. Tout en conduisant, Léonardo coula un regard oblique vers sa passagère.

    — Verdict ?

    Elle l’avait pris en flag. Le joli petit hérisson dardait ses piquants. À vrai dire, elle n’avait toujours pas décoléré.

    — Ça vous dit une pause café ? biaisa-t-il amusé.

    Pour toute réponse, un haussement d’épaules indifférent.

    — OK. Prochaine aire.

    *

    Le quartier Les Acacias se partageait entre la ville de Genève et la commune de Carouge. Il n’était pas loin de midi lorsqu’ils arrivèrent devant un cube blanc sans aucune originalité. Faisant fi du panneau Réservé, Leonardo se gara sur la place de parking jouxtant la volée de marches menant à l’entrée du bâtiment. La pluie avait cédé sa place à un froid glacial qui les cueillit dès les portières ouvertes. Aussi, leur suffit-il d’une poignée de secondes pour franchir la porte vitrée et se retrouver dans le hall chauffé. Un coup d’œil à leurs cartes et le planton leur indiqua un couloir éclairé par une enfilade de néons grésillant. Tout au bout, ils trouvèrent leur confrère suisse devant l’inévitable machine à café. Les présentations faites, Aghard les invita à le suivre au cœur d’un véritable capharnaüm, qui rappela à Valentine le bureau de Côme.

    — Je vous ai photocopié le procès-verbal, jeta-t-il, en tirant une chemise froissée de dessous une pile de dossiers branlante.

    — Nous le connaissons.

    — Ah oui. Exact ! Votre bureau m’avait demandé de le lui faxer, sourit-il. Sinon, malgré l’alerte lancée, rien de nouveau. Et vous ?

    — Rien non plus. Mais

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