Découvrez des millions d'e-books, de livres audio et bien plus encore avec un essai gratuit

Seulement $11.99/mois après la période d'essai. Annulez à tout moment.

Casting aux Grottes: Roman policier
Casting aux Grottes: Roman policier
Casting aux Grottes: Roman policier
Livre électronique244 pages3 heures

Casting aux Grottes: Roman policier

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

À Genève, l'assassinat d'un top model révèle les plus sombres secrets du monde de la mode...

Au lendemain d'une soirée très mondaine donnée au Casting Café, bistrot genevois très branché, un top model est retrouvé assassiné dans un jardin voisin. Très vite, plusieurs pistes s'offrent au Commissaire Simon qui découvre ce monde de la mode, plein de jalousie et d'ambiguïtés. Val, la belle et grande blonde, aurait-elle fait chanter quelqu’un ? Mais qui ? Il y a, dans son entourage, tant de gens qui ont quelque chose à cacher ! Il faudra gratter tout le verni pour découvrir la moisissure. Dans ce quartier populaire en pleine rénovation, ce sont les starlettes et les homosexuels du show business qui font tache...

Découvrez le quatrième volet des aventures du commissaire Simon, dans ce roman policier haletant aux multiples pistes !

EXTRAIT

— Vous ne pensez pas que cela peut être lié à M. Daetwiler?
— Ah ça ! Serge, c’était un gros problème. Elle avait décidé qu’elle le garderait pour elle, mais un tel papillon se pose sur toutes les épaules. Butiner, c’est tout ce qu’il sait faire. Nous sommes plusieurs à avoir essayé de la convaincre. Impossible.
— Elle était très amoureuse?
— Je n’en suis pas certaine. Mais quand Val décidait quelque chose, elle s’y accrochait. Et elle tenait à son statut social. Comme beaucoup de gens qui sont partis de peu. Serge correspondait à ce statut.
— Il l’aimait?
— Non! Il n’aime personne, ce garçon. Je ne suis même pas sûre qu’il s’aime lui-même… il y a en lui quelque chose de refoulé, de non-dit…
— Homosexuel ?
— Peut-être. Mais non avoué, c’est certain.
— Est-ce que vous pensez que Valentine aurait pu tenter de lui faire un enfant ?
— Ce n’est pas impossible. Bien que cela me paraisse un peu tôt pour sa carrière.
— Pourquoi vous êtes-vous disputée avec elle?
La question de Simon était arrivée sans prévenir, cela ne laissait aucun recul à Marcelle.
— Eh bien…, chercha-t-elle, elle ne voulait plus travailler avec moi. Depuis le lancement de «fEmme», ma nouvelle ligne de prêt-à-porter, elle avait accepté de prendre sa part dans la promotion. La renommée de Val, son esthétique, tout cela était très important pour moi. Il y a quelques jours, elle m’a dit qu’elle renonçait, qu’elle arrêtait. Sans elle, «fEmme» ne bénéficiera plus de la même aura.
— C’est pourquoi vous l’avez tuée.
L’accusation de Calame avait profité d’un court silence.
— Quoi! Moi! Mais comment voulez-vous que je puisse… Val avait beaucoup plus de force que moi, et puis je l’aimais comme ma fille…
Les sanglots reprirent de plus belle. Simon avait apprécié l’audace de Calame, car il avait déstabilisé complètement la femme qui, si elle était coupable, aurait pu tout avouer sur ce genre de coup. Mais quelque chose disait à Simon que ce n’était pas elle. Pourtant, Calame devait continuer, il le laissa faire.
— Vous êtes arrivée en retard au Casting Café, d’après nos renseignements… où étiez-vous?

À PROPOS DE L'AUTEUR

La plume de Corinne Jaquet a animé pendant de nombreuses années la rubrique faits divers et la chronique judiciaire d’un quotidien genevois aujourd’hui disparu, La Suisse. Casting aux Grottes est le quatrième titre des aventures du Commissaire Simon après Le Pendu de la Treille, Café-Crime à Champel et Fric en vrac à Carouge. Cette série sur les quartiers genevois née il y a vingt ans a connu un grand succès à Genève et dans toute la Suisse romande.
LangueFrançais
Date de sortie15 juil. 2019
ISBN9782970129806
Casting aux Grottes: Roman policier

En savoir plus sur Corinne Jaquet

Auteurs associés

Lié à Casting aux Grottes

Livres électroniques liés

Procédure policière pour vous

Voir plus

Articles associés

Catégories liées

Avis sur Casting aux Grottes

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    Casting aux Grottes - Corinne Jaquet

    1

    Il valait mieux tout mettre par écrit et le cacher en lieu sûr. Après ce qui s’était passé aujourd’hui, elle craignait pour sa sécurité. Elle n’avait jamais été très douée en rédaction, mais un style presque télégraphique suffirait. S’il devait lui arriver quelque chose, celui qui ouvrirait cette lettre connaîtrait son assassin. Parce que les menaces avaient été claires.

    Le patron du bistrot lui avait apporté son café en silence. On voyait que ce n’était pas le jour à lui parler du beau temps. Sous son chapeau et ses lunettes, Jeannot avait très bien reconnu cette grande et belle fille qu’il croisait régulièrement dans le quartier. Il n’avait bien sûr jamais osé lui adresser la parole. Pas maquillée, elle restait magnifique. Même si ses longs cheveux blonds étaient cachés. Il regardait de loin la grande bouche aux lèvres pulpeuses. Les yeux étaient bleus, il le savait, mais là on ne les voyait pas. Les ailes du nez, un peu rouges, frémissaient très légèrement. Elle avait le rictus craquant d’une Faye Dunaway, dont la narine s’évasait dès qu’elle souriait. Sa mère aurait dit que c’était l’apanage de toutes les prétentieuses. Sa mère disait souvent des âneries.

    Il savait qu’elle s’appelait Valentine et qu’on la surnommait Val. En douce, il découpait son visage dans les pubs des magazines. Jusqu’ici, personne n’avait percé à jour cette passion secrète.

    La Cordelière se remplissait de monde. Bientôt, le bruit interdirait toute discussion, la musique prendrait le dessus. Val serait déjà partie, elle ne venait là que pendant la journée.

    2

    LÉMAN BLEU TÉLÉVISION – BULLETIN

    Bonsoir. Dans deux heures, sera donné à Genève le coup d’envoi de l’événement mondain de ce printemps: la Soirée de la mode. Pour cette soirée spéciale, nous serons en direct du Casting Café. Géraldine, notre journaliste, nous commentera l’événement en compagnie de Flo, la célèbre chroniqueuse mode de La Gazette.

    Vous m’entendez, Géraldine?

    Absolument, Jean-Bernard, je vous entends très bien. Pour le moment, le Casting Café est désert, on met la touche finale à l’installation. Dans deux heures, les lieux seront plus animés!

    Et vous ne serez plus seule!

    En effet! Je suis très impressionnée d’ailleurs! Flo devrait me rejoindre dans un moment pour commenter l’événement avec nous.

    Alors, que verrons-nous ce soir?

    Eh bien, devant nos caméras défileront les modèles choisis par les dix meilleurs jeunes stylistes suisses du moment.

    C’est une première, je crois?

    Tout à fait. Ce type d’événement se déroule plus souvent outre-Sarine. Mais les Romands se sont battus longtemps pour que la mode ait aussi droit de cité dans cette partie du pays. Genève et Lausanne se partageront désormais en alternance cette soirée dite «d’ouverture».

    De la mode été au programme?

    Pas du tout, Jean-Bernard! Vous savez que la mode a toujours une ou deux saisons d’avance. Nous découvrirons ce soir la mode de l’hiver prochain.

    Parfait, nous vous retrouvons tout à l’heure. Précisons à nouveau que toute la présentation aura lieu en direct sur notre chaîne locale. Merci.

    3

    La jeune Sofia se tenait droite, les seins pointés vers le miroir. Docile, elle attendait que Marcelle mette la dernière touche à sa tenue. La styliste ne défilait pas ce soir, puisque l’événement était consacré aux jeunes créateurs de mode. Toutefois, elle se rendrait au Casting Café, entourée d’une petite cour, et tenait à ce que ses filles soient impeccables, comme d’habitude. Pour que le monde de la beauté sache qu’il devait toujours compter avec elle.

    Menue, les cheveux roux sombre, Marcelle était plutôt discrète; c’étaient les autres qu’elle aimait mettre en avant. Elle restait aux yeux de tous la femme qui avait provoqué une véritable révolution avec sa ligne «fEmme», pour toutes celles qui n’ont pas la taille mannequin. Sa grande victoire.

    Marcelle reporta son regard sur Sofia. Sa vue se brouilla. Mon dieu, qu’elle ressemblait à Val! Les mêmes cheveux, les mêmes lignes fines. Sauf ce petit air de défi que Val avait toujours eu et qui faisait fondre les hommes. Et pas seulement les hommes. Val que Marcelle avait formée comme sa propre fille, Val qui lui avait tant donné. Mais Val aussi qui lui devait tant, songea-t-elle soudain avec rage. Val qui avait osé malgré tout prendre son envol. Val qui lui avait sorti de grandes phrases sur la liberté, l’indépendance, des bêtises, oui! Sans elle, Val ne serait rien. Et aujourd’hui, aujourd’hui qu’elle, Marcelle, avait plus que jamais besoin de Val et de ses relations, de sa notoriété, voilà que cette petite sauterelle oubliait son pygmalion.

    Sofia sursauta lorsque Marcelle serra un peu trop la ceinture de son ensemble.

    — Pardon, ma chérie, s’excusa la styliste. Je ne pensais pas à ce que je faisais…

    — C’est à cause de Val? demanda la jeune fille.

    — Quoi! Que veux-tu dire?

    — Tu sais, Marcelle, j’ai entendu votre discussion tout à l’heure…

    — Ah bon… Ce n’est peut-être pas plus mal. Tu pourras toujours dire que tu l’as entendue se moquer de moi. J’aurai un témoignage en ma faveur…

    — Pourquoi dis-tu ça? Vous allez vous battre au tribunal?

    Marcelle restait songeuse, les yeux rivés sur la moquette. Une larme se mit à rouler sur sa joue. Sofia n’en croyait pas ses yeux.

    — Tu pleures? Toi?

    Marcelle nia d’un geste de la main. La gamine poursuivit néanmoins:

    — Alors ça! Val disait toujours que t’avais pas de cœur…

    — Elle a dit ça? Et tu l’as crue?

    — Je dois dire que j’ai pas cherché à savoir… mais cet après-midi… (Elle avait une moue dubitative.)

    — Eh bien, dis, va jusqu’au bout!

    — Te fâche pas, Marcelle, mais quand j’ai entendu les menaces que tu formulais, je pouvais pas croire que t’étais capable de ça.

    La gosse ne savait plus où regarder. Son aveu spontané la mettait très mal à l’aise.

    Marcelle alla fermer la porte de la boutique. Avec une petite tape sur la fesse, elle congédia la jeune fille.

    — Ne t’en fais pas, je vais arranger ça. Ne dis rien à personne pour le moment. Rendez-vous comme prévu. Allez va!

    Quand elle se retrouva seule, Marcelle se précipita sur son téléphone. Comme d’habitude, pour être tranquille, Val avait enclenché son répondeur. Ce qu’elle voulait dire n’y avait pas sa place. Elle regarda sa montre: elle aurait le temps de passer lui parler avant la soirée. Val n’avait pas tous les droits, elle allait bientôt le savoir.

    4

    Elle appliquait son fond de teint avec une rigueur toute professionnelle. Steph ne laissait jamais rien au hasard. La moindre négligence coûtait cher dans ce métier. Et son visage lui assurait son gagne-pain depuis cinq ans déjà.

    Il faudrait donc qu’elle cherche un autre logement. Impossible, désormais, de continuer à partager cet appartement avec Val. Non. Pas après ce qui s’était passé ce matin.

    Quand la belle Val lui avait proposé de cohabiter, Steph n’avait pas hésité longtemps. Vivre à deux impliquait certes des obligations, mais en même temps, c’était beaucoup plus simple pour éviter que des garçons ne s’incrustent le soir. Sa hantise avant tout. Et puis Val avait toujours eu le bon goût d’aller rencontrer ses amants chez eux. Sauf Serge, bien sûr… C’était le plus difficile. Steph avait tant souffert la fois où elle l’avait croisé dans le corridor à deux heures du matin.

    Son visage entre les mains, à dix centimètres du miroir, elle se regardait dans les yeux. Après quelques minutes d’un examen attentif, elle décida que la rupture serait définitive. Pourtant, il faudrait tout de même qu’elles aient une explication claire et que Val s’engage à ne plus jamais la menacer ainsi. Elle avait eu des mots si durs… si cela arrivait aux oreilles de Serge, Dieu sait ce qui se passerait.

    5

    Comme d’habitude, les mémos de messages téléphoniques s’empilaient sur le bureau de Serge Daetwiler. Comme d’habitude, l’homme d’affaires y répondrait par degré d’urgence dans les heures ou les jours à venir. Il avait appris que l’autorité s’exprimait aussi par la non-précipitation que l’on mettait à faire certaines choses.

    Ayant pris la suite de son père, il investissait depuis une quinzaine d’années dans les matières premières combustibles. Il y a cinq ans, il s’était tourné vers la mode dans le souci d’adoucir un peu l’image d’une société qui ne commercialisait que des produits polluants. La mode redorait ainsi le blason de l’entreprise familiale. En plus, ce monde l’amusait énormément. Il y avait tissé des relations fortes et drôles; il sortait beaucoup, rencontrait du monde.

    Serge Daetwiler était le prototype du séducteur. Grand, large d’épaules, blond au teint hâlé en permanence, il attirait les femmes comme un aimant. Elles tombaient toutes. Il avait eu à Genève toutes celles qu’il souhaitait. Et Dieu sait si, dans le monde de la mode, son «carnet de chasse» était bien garni.

    Une seule résistait. L’idée seule lui arrachait une grimace. Steph. La meilleure amie de Val, la plus proche. Quel con! Dès le départ, il avait fait le mauvais choix. Le sachant en couple avec Val, Steph n’avait jamais accepté d’entrevoir entre eux autre chose qu’une amitié. Pourtant… Il sentait qu’elle était la seule femme à l’attirer vraiment. Il n’aurait jamais les mots pour le lui expliquer.

    Sa liaison avec Val avait été tempétueuse dès l’origine. Parce qu’il était viscéralement infidèle et qu’elle était maladivement jalouse. Dans ces conditions, il aurait dû pressentir qu’ils n’arriveraient à rien. Mais elle ne le lâchait pas. Serge avait tout essayé: la gentillesse, le dialogue, l’humiliation, il avait épuisé la gamme des sentiments dont il était capable. Val le voulait, Val avait décidé qu’elle deviendrait sa femme et il ne savait comment s’en débarrasser.

    La petite voix d’Hélène, sa secrétaire, grésilla dans l’interphone: «Pour vous Monsieur, privé.»

    — Femme ou homme?

    — Femme! lâcha la secrétaire avec une ondulation de voix signifiant «comme d’habitude».

    Il jura entre ses dents, mais décrocha.

    — Oui. Ben oui, c’est moi. Oui, j’y vais. Non, mais ça ne commence qu’à vingt heures… Quoi, maintenant? Mais pourquoi voudrais-tu…? OK! Non, on va encore perdre du temps…

    Il sourit et raccrocha; puis il s’assit, bâilla et s’étira. Il n’avait jamais su résister. Une fois de plus, il craquait. Il appela sa secrétaire. Quand celle-ci pénétra dans la pièce, il était déjà en train de glisser ses effets personnels dans les poches de son veston.

    Hélène retint difficilement un sourire. Il marmonna, embarrassé:

    — Finalement, je pars maintenant. J’ai encore un rendez-vous.

    Hélène fixa la moquette pour éviter de croiser le regard de son patron et d’éclater de rire.

    — Bien, Monsieur.

    — Prenez les appels. Je verrai ça demain.

    — Demain matin, Monsieur?

    — Oui, enfin… je ne viendrai peut-être pas avant dix heures, j’ai cette soirée au Casting Café ce soir et j’ignore à quelle heure cela finira.

    — Bien, Monsieur. N’oubliez pas votre voyage à Paris.

    — Pas de problème, Hélène.

    Il quitta rapidement le bureau, et la secrétaire retourna à sa place en secouant la tête. «Je ne sais pas pourquoi il s’obstine à me mentir.»

    6

    Depuis une semaine environ, on pouvait à nouveau vivre la fenêtre ouverte. Le bruit du trafic était plus intense, mais on se sentait mieux.

    Bob, patron de l’agence Flash, trônait au centre d’un immense bureau en forme de demi-lune blanche recouvert de dossiers multicolores. Il avait lui-même surnommé cette pièce «le cirque» puisque la forme de la table obligeait tout le monde à lui tourner autour. Cela convenait bien à ses façons maniérées. Il se trouvait plein d’humour.

    Mais en ce moment, il était nerveux. Plusieurs de ses «filles» défilaient au Casting Café, il savait que la télévision serait là, avec toute la presse. Avait-il commis une erreur en y envoyant deux ou trois de ses toutes nouvelles recrues? Il savait qu’il fallait de temps en temps forcer le destin.

    Val et lui avaient toujours procédé ainsi. Quand ils avaient fondé leur agence, ils y allaient au culot. C’est ce qui avait fait leur réputation. Aujourd’hui, il était seul et redoutait ce genre de coup de poker.

    Depuis deux mois, Val était partie. Et pas plus tard que ce matin, il avait appris qu’elle avait introduit une poursuite contre lui. Il lui devait de l’argent. Beaucoup. Des gains issus de l’entreprise qu’ils auraient dû partager en tant qu’associés. Mais Val n’avait plus de patience.

    Il ne reconnaissait plus son amie, autrefois si tolérante. Elle s’était mise à le critiquer à cause de sa vie décousue. Ses «petits amis» ne l’amusaient plus. Elle s’agaçait de tout. Alors, elle n’acceptait plus non plus qu’il dépense leurs bénéfices pour amuser ses «petits quatre-heures» comme ils appelaient ça au temps de la complicité.

    Elle exigeait son argent séance tenante. Il ne l’avait pas et le lui avait avoué. Elle avait explosé et déversé sur lui une haine qui devait remonter loin pour être aussi nourrie.

    Il avait pleuré, alors elle avait ri. Il avait supplié, évoquant leur amitié, l’amour de frère et sœur qui les unissait et qui avait fait d’eux un couple à succès dans le Tout-Genève. Mais ce matin, elle avait été cruelle.

    Le dialogue avait mal tourné dès son arrivée. Il avait tenté de sonder la raison de sa mauvaise humeur, mais il y avait bien longtemps qu’elle ne se confiait plus à lui. Ils s’étaient dit des choses horribles et quittés sur des menaces et des mots méchants. Ce soir, ils se croiseraient au Casting Café et rien ne serait plus comme avant.

    Il referma son agenda d’un geste rageur, prit ses clés et sortit. Il lui fallait un break. Il devait encore avoir chez lui ce dont il avait besoin.

    7

    Comme prévu, le bistrot de la rue des Grottes s’était lentement rempli de monde. Le café-pub La Cordelière résonnait déjà de bons vieux accords de Clapton grattés par des musiciens de tous les âges, qui céderaient un peu plus tard la place à un guitariste davantage flamenco.

    Val regarda sa montre. Si elle voulait encore poster sa lettre, puis passer se changer, il fallait qu’elle parte. Elle hésitait un peu à quitter cet endroit chaleureux, plein de gens qui avaient l’air sincèrement heureux de se retrouver. À deux pas du Casting Café, on était à cent mille lieues de l’ambiance de ce soir. Il faudrait pourtant sourire.

    En quelques heures, elle avait perdu beaucoup d’illusions, et ce n’est pas Serge qui la sortirait de là. Elle le savait, néanmoins elle ferait bonne figure. C’était la seule façon de garder sa place. Et de devenir Madame Daetwiler. En finissant sa tasse, elle se demandait comment elle en était arrivée à tant aimer l’argent. Seule, face à elle-même, elle devait reconnaître que c’était, à l’heure actuelle, sa principale préoccupation. La beauté faisait vivre, mais très peu de temps. La moindre ride coûtait cher. Même si quelques-uns parmi les meilleurs chirurgiens esthétiques du monde exerçaient à Genève, ce n’était pas une raison. La vraie beauté, celle de la jeunesse, était la plus payante comme la plus éphémère. Déjà maintenant, Val sentait la différence.

    Elle passa sa veste, fit comprendre au patron, d’un geste, qu’elle avait mis l’argent sur la table, puis s’éclipsa. Jeannot resta pensif en la regardant sortir. «C’est con qu’une si belle fille ait l’air si triste. Ça ne va pas ensemble. On se demande parfois s’il ne vaut pas mieux être moche, mais bien dans

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1