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Haine à la personne: Roman policier
Haine à la personne: Roman policier
Haine à la personne: Roman policier
Livre électronique281 pages4 heures

Haine à la personne: Roman policier

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À propos de ce livre électronique

Que cache le dossier MISERY95, lié aux meurtres de SDF dans le Val-d’Oise ?

Val-d’Oise, au centre d’un tsunami social annoncé l’OPJ Omar Ling s’intéresse au dossier MISERY95 concernant des homicides perpétrés sur des SDF. Il est hanté par sa séparation d’avec sa concubine, l’étrange disparition d’une collègue et aussi l’agression sur un indic. Progressant en parallèle, policier et killer finiront par se rencontrer… au bal du diable. « On combat pas la précarité en supprimant les pauvres… Pour moi, c’est quelqu’un qui hait les exclus ».

Accompagnez l’OPJ Omar Ling dans cette enquête policière à suspense tissée d'agressions et d'étranges disparitions, dans ce roman qui dénonce l'impact de la précarité et de l'exclusion sur la société.

EXTRAIT

Trois morts étranges plus un marginal et une aide-ménagère assassinés et un indicateur à l’hôpital, et lui Omar Ling, agressé violemment. Un lourd tribut.
Après sa virée à Auvers, l’entretien avec Charlie en plein air l’avait anéanti. La douce chaleur du domicile le requinqua. Il prépara du café, prit un Advil 400 contre ses maux de tête et ouvrit un paquet de biscuits. Peu après il reposa la tasse vide sur la table et ouvrit Le Monde acheté sur le trajet du retour de Cergy. Il y était question de :
UN AUTRE SDF ASSASSINÉ DANS LE VAL-D’OISE.
Un dénommé Michel Vagerit, 53 ans, veuf, une fille, originaire des Yvelines, découvert à Auvers-sur-Oise le matin même. Les hommes de la brigade criminelle étaient sur les dents. En voudrait-on à une population stigmatisée depuis longtemps ? Rien de plus sur le SDF n° 3 comme le qualifiait dorénavant Ling, persuadé qu’il y aurait d’autres victimes. Il feuilleta les pages intérieures du quotidien, s’attarda sur un article qui rappelait le meurtre de Louise Raquin, sans nouvelles informations. Il avala un énième biscuit, sourit de l’allusion à la crim’ car les effectifs actuels ne permettaient plus de mobiliser le nombre de personnes nécessaire.
Il s’apprêtait à se servir un autre café lorsque son portable vibra. Il fondit dessus, écrasa la touche d’appel. Le brigadier-chef Duroy avait fait diligence. Il était passé par le SIV, système d’immatriculation des véhicules, et avait obtenu ce qu’il souhaitait. Le véhicule repéré par Dali à proximité de la Maison de l’Île d’Auvers, sa présence à la gare de Cergy-Préfecture confirmée par Charlie, était un Volkswagen type Crafter 30 Van court. Le titulaire du certificat était un nommé Fargot Kevin domicilié rue du Pilori à Boran-sur-Oise 60. Téléphone et profession n’étaient pas mentionnés.
À la demande de Duroy concernant les raisons de cette recherche et la destination des résultats, Ling donna une réponse évasive puis changea de sujet en demandant des nouvelles de leur cher commissaire Santi. Ce dernier n’était plus à prendre avec des tenailles. Ling remercia, se défaussa de nouveau quant aux instructions se rapportant au nouvel homicide, remercia et mit fin à l’entretien.
Les événements s’accéléraient. Chacun d’eux, dans sa spécificité, était structuré, réfléchi, mais une fois l’ensemble réuni ça devenait délirant. Il grilla une cigarette.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Né à Montmorency, Roland Sadaune se passionne de littérature policière dès l’âge de treize ans. Après une adolescence passée entre usine et hôtel, il corrige l’erreur d’aiguillage en plongeant dans la peinture. Sa carrière ne l’empêche pas d’entreprendre l’écriture d’ouvrages policiers. Précurseur du Polar – 95 avec Auvers d’Oz et Val-d’Oise rouge, ancien membre du bureau de l’Association 813, il participe à des revues et propose une exposition, Palette Noire.
LangueFrançais
Date de sortie4 sept. 2019
ISBN9782851138316
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    Aperçu du livre

    Haine à la personne - Roland Sadaune

    Du même auteur

    Romans

    Bison maudit, Val-d’Oise éd. 1998

    Froid devant, Val-d’Oise éd. 1998 (L’Isle-Adam J-5, Val-d’Oise éd. 2008)

    Grosse Galère, Val-d’Oise éd. 1999

    Pingouin sur champ d’azur, Val-d’Oise éd. 2000

    Pictural suspects, Val-d’Oise éd. 2001

    Cherchez la cible, éd. Albin Michel 2001

    Terminus Finistère, éd. du Bastberg 2002

    Auvers d’Oz, Val-d’Oise éd. 2002

    Le démon de midi moins une, éd. l’Ours Blanc 2002 (Un caddie nommé désir, Val-d’Oise éd. 2014)

    Le ciné de Mama, Val-d’Oise éd. 2002

    Honfleur de peau, éd. Charles Corlet 2003

    Val-d’Oise rouge, éd. du Valhermeil 2003

    Val-d’Oise trap, éd. du Valhermeil 2005

    Tours de force, éd. Cheminements 2005

    Terminus St-Lazare, Val-d’Oise éd. 2006

    Val-d’Oise blues, éd. du Valhermeil 2006

    Traque à Trouville, éd. Charles Corlet 2006

    Clap code 95, éd. du Valhermeil 2006.

    Des larmes dans le béton, éd. du bout de la rue, 2006

    Sacré cœur d’Oz, Val-d’Oise éd. 2007

    Marilyn’s killer, éd. du bout de la rue 2008

    Pélicans-les-Bains, éd. Ravet-Anceau 2009

    Rave-le-bol, Val-d’Oise éd. 2009

    Game Auvers, Val-d’Oise éd. 2009

    Alphaville 9-5, Val-d’Oise éd. 2010

    Le loup d’Abbeville, éd. Ravet-Anceau 2010 (Le souffle du loup, Val-d’Oise éd. 2019)

    Deauville entre les planches, éd. Ravet-Anceau 2011

    Dernière séance, Val-d’Oise éd. 2013

    Minna, Val-d’Oise éd. 2014

    Gisants-les-Rouen, Val-d’Oise éd. 2015

    Rebonds, éd. Sydney Laurent 2018

    Recueils Nouvelles

    Frigo pour tous, Val-d’Oise éd. 1997

    Pack de douze, Val-d’Oise éd. 2000

    La vie en ronces, éd. Editoo.com 2004

    22 stories selon la police, éd. Publibook 2005

    Brûlant devant, nouvelle numérique, sKa 2013

    Fatal plongeon, nouvelle numérique, sKa 2013

    Orange fusion, nouvelle numérique, sKa 2014

    Vue sur le cimetière, nouvelle numérique, sKa 2014

    De bar…, nouvelle numérique, sKa 2015

    Apparences, nouvelle numérique, sKa 2016

    Décroiser la lune, nouvelle numérique, sKa 2018

    Beau lapin, nouvelle numérique, sKa 2018

    Recueils Nouvelles Collectifs

    Buffet Noir, éd. Cheminements 2000

    Dessous Noirs, éd. Le Marque Page 2001

    Trait d’Union 2, éd. l’Ours Blanc 2001

    Écrans Noirs, éd. Le Marque-Page 2002

    La Mort, éd. l’Ours Blanc 2002

    La Femme et l’Automobile, Mauves-sur-Loire 2003

    Noël Noir, éd. l’Ours Blanc 2003

    Petit Soldat, éd. Le Papillon Epinglé 2005

    L’Armoire, Lélia 2006

    Dédales, Lélia 2007

    Treizième, PLS, Cognac 2008

    Dilemme, Lélia 2008

    Pigeons voyageurs, Mauves-sur-Loire 2010

    Les silences immobiles, éd. Le Rire du Serpent 2011

    Saveurs, Lélia 2011

    Braquages, éd. Le Rire du Serpent 2012

    Rendez-vous, Lélia 2014

    Sacré Noël, numérique, sKa 2015

    Sales faits, numérique, sKa 2016

    Haine : vive répugnance,

                            aversion.

    Regard « sombre » vers Sylvie. 

    Prologue

    Début janvier, quelque part en Val-d’Oise

    L’homme recouvra ses esprits. Ça résonnait dans son crâne. Une odeur de chlore et d’urine, mélangée à celle de moisis, agressait ses narines. Il écarta les paupières et scruta la pénombre. L’espace où il se trouvait pouvait ressembler à un sous-sol, une cave. Il devina une paire de soupiraux s’ouvrant sur le néant. On devait être le soir.

    L’homme, jeune, tenta de bouger. Il réalisa qu’il était assis dans un rocking-chair, ligoté, les bras ramenés derrière le dossier. Était-il ainsi depuis longtemps ? Difficile à évaluer. Certainement pas car il ne ressentait aucunement les affres de la soif. Pas encore… L’envie lui vint de crier, un bâillon l’en dissuada. Que s’était-il donc passé ?

    ***

    Peu auparavant, Cergy-le-Haut

    Un sapin de Noël dépouillé gisait dans le caniveau telle la colonne vertébrale élongée d’un poisson. Le jeune homme de 26 ans avait écrasé une boule jaune flashy rescapée des fêtes de fin d’année. Ça ne signifiait rien depuis qu’il avait quitté Grenoble, deux ans plus tôt, pour incompatibilité d’humeur avec des parents ne supportant plus son statut de chômeur.

    L’arrivée à Paris l’avait ressuscité. Pôle emploi, propositions de petits boulots, allocations pour les périodes intermédiaires. Il avait déchanté quand on l’avait expédié en Île-de-France. Pour accentuer son désarroi, une altercation musclée dans le centre social l’hébergeant, suite au vol de son portable, l’avait renvoyé à la rue. Ni argent ni amis, il avait dérivé, noctambule du hasard. La mendicité lui avait fait découvrir le réseau RER, et il avait pris ses habitudes sur la ligne A3.

    Ce soir-là, le jeune homme rôdait à proximité du terminus RER, espérant ramasser de quoi s’offrir un paquet de biscuits et une bière. Aux environs de 23 h 30, il s’était rendu au complexe UGC Ciné Cité. Hélas, il n’avait récolté que peu de pièces. Mouise démocratisée, mendiants multipliés, les gens sollicités en permanence montraient des signes de lassitude.

    Il frissonnait. Le froid traversait la toile râpée de son jean. Il avait relevé la capuche de son sweat zippé et resserré son foulard. Comment récupérer son baluchon à l’association après l’empoignade ? La capitale n’était plus la porte à côté !

    L’hiver était rude. La sélection naturelle parmi les insectes de la Rue avait débuté, les larves ne verraient pas le printemps. Il avait hâté le pas vers la gare RER, sachant où passer la fin de nuit à la belle étoile en attendant l’aurore d’espoir. Il traversait le parking aérien lorsqu’on l’avait interpellé. Une tête était penchée à la vitre avant d’un véhicule utilitaire. La BASPSA, brigade d’assistance aux personnes sans-abri ? Il s’était avancé. Non, cette brigade dépendait de la préfecture de Paris et les policiers ne circulaient pas en minibus banalisé immatriculé 60. Juste quelqu’un ayant besoin d’un coup de main, monnaie courante la nuit.

    — Un ennui ? s’était-il enquit.

    La tête avait disparu et la portière avant passager s’était entrouverte. Le jeune homme avait contourné l’arrière du van. Un déviant désireux d’une étreinte sauvage avec un d’en bas ?

    — Je me suis trompé, s’était-il repris, méfiant.

    On l’avait empoigné par le sweat et attiré dans l’habitacle.

    Pas le temps de réagir, une main écrasait sa bouche. Frédéric Blutau avait cligné de l’œil, puis sombré dans l’inconscience.

    Premier jour

    Aujourd’hui, mi-janvier, Enghien-les-Bains

    La surcharge pondérale réveilla Omar Ling. Il écarquilla les yeux. Une brunette nue s’évertuait à le ranimer en ondulant du bassin au-dessus de lui. Trois secondes pour apprécier, le double pour revenir à la réalité, il se souvint avoir ramassé l’agitée dans un bar proche de l’immeuble où il habitait depuis la séparation d’avec Élodie, sa concubine.

    — Y se passe quoi, la Mégane te plaît plus ? T’as pas dit ça cette nuit, murmura l’anguille brune à son oreille.

    Elle avait les cheveux en bataille, le maquillage saccagé et les seins alourdis. Elle ne déposerait pas les armes ! Peu enclin à poursuivre, la cervelle en compote, il déserta la couche, enfila son caleçon, puis écarta le double rideau. Sur la droite, la flèche du casino Barrière d’Enghien résistait au ciel de neige.

    — Chéri ? ! Mon sosie de Ryan Gosling ! persista la jeune émancipée, dans un ultime appel de mise à mort.

    Ling n’en avait que faire de sa soi-disant ressemblance avec l’acteur trentenaire. Il côtoyait les quarante et se trouvait plus viril. Certes, il avait le regard bleu de la star USA, mais avait hérité de la chevelure noire de parents kabyles. Né en France, il pensait que son instabilité d’esprit était un héritage maternel.

    — Ryan… roucoula-t-elle.

    — Désolé, un rendez-vous professionnel, dit-il, l’attirant vers la salle de bains.

    Il vérifia qu’argent, cartes, papiers et portable reposaient dans les poches de sa parka de cuir noir abandonnée la veille sur un fauteuil. Valait mieux se méfier. Impatient, il interrogea sa montre : 9 h 20. Fou ce que les joutes amoureuses influaient sur la pendule. La prénommée Mégane réapparut dans un trois-quarts rouge. Elle récupéra ses chaussures sous la table de nuit, les enfila et, vexée, quitta l’appartement sans un mot. Il avait un affreux mal de tête.

    L’alarme de son iPhone retentit. Le numéro affiché était celui qu’il espérait. L’interlocuteur voulait s’assurer que le rendez-vous tenait toujours. Ling confirma et fonça sous la douche. Il apprécia l’eau tiède. Son corps avait exulté, bonjour à l’esprit.

    ***

    Saint-Gratien

    En cette matinée d’hiver, les abords de la gare RER – C1 cristallisaient toute la misère du quartier. La façade claire de l’hôtel Ibis dissonait avec l’aspect terne du bâtiment 1900. La précarité était partout, apparente ou en sommeil.

    Ling s’engouffra dans la gare bondée. L’ambiance, avec son lot de mendiants, d’alcoolos, de présumés voleurs à la tire, l’indisposait. Il ne s’y habituerait donc jamais ? Il chercha du regard son « rendez-vous », en vain. Presque midi, qu’est-ce que ça signifiait ? Pas dans les habitudes de…

    — S’il vous plaît…

    Ling interrompit son inspection, un jeune Roumain tendait une main fébrile dans sa direction. Le métro régional entra en gare, provoquant l’effervescence. Il donna une pièce au gamin et fila vers la sortie. Un accordéoniste entreprit de massacrer ce qu’il crût être Mon homme, vieux tube d’Édith Piaf, une chanteuse prisée par ses parents, loin d’Idir et de la chanson traditionnelle. L’anarchie sociale s’affirmait. Dehors, il boutonna sa parka. Des mancheurs s’apprêtaient à cibler les voyageurs sortants. Il vaqua un moment place de la gare, puis retourna à l’intérieur. La salle d’attente s’était vidée. Midi 12, il n’allait pas attendre indéfiniment, et appela sur son portable. Sans succès. Il visualisa son répertoire, composa un numéro. La sonnerie persista dans le vide. Plus qu’à me rendre à son adresse, regretta-t-il.

    Il ressortait de la gare, déçu et intrigué, lorsqu’un inconnu se dressa devant lui. Méfiant par expérience, prêt à parer à toutes éventualités, il afficha un air interrogateur.

    — Monsieur Ling, dit l’autre d’un ton calme.

    La quarantaine déglinguée, un visage bouffi, rougeaud, avec des yeux sombres plissés, une barbe broussailleuse et une casquette Director maîtrisant mal sa tignasse noire. Son manteau court marron, aux boutons pendouillant, révélait un pantalon de jogging blanc congère qui bâillait sur des baskets défraîchies. Un cache-nez de laine rouge le strangulait.

    — Ling, lieutenant Omar Ling, répéta-t-il.

    — On se connaît ? ! s’étonna l’interpellé sur ses gardes.

    — Maxime Morgon, ça doit vous dire quelque chose, sourit l’inconnu, dévoilant une dentition en péril. Vous êtes tel qu’il l’a dit, un attrape-gonzesses. Bon, on se les gèle dehors, ajouta-t-il en indiquant la brasserie voisine.

    Ils pénétrèrent dans l’établissement. Ling le suivit jusqu’à une table de deux coincée entre un portemanteau et les toilettes. Ils s’assirent de concert.

    — Vous êtes ? demanda Ling toujours sur la défensive.

    — Paulo. Dans la rue, on se fout des identités, pas d’état civil, les ombres blanches ça se siffle. Je précise que j’ai plus de domicile fixe… Je profite de vous pour jouer les seigneurs car avec mon look pas évident de s’imposer dans les restos.

    Il avait parlé tout en déboutonnant son manteau. Le slogan PARTAGE POUR TOUS sur son pull déconcerta Ling.

    — Si vous me disiez où est passé Maxime Morgon et pourquoi vous me rencontrez à sa place.

    — Le Max a eu un problème de dernière heure. Vu que j’étais là quand il vous a téléphoné ce matin et la fois d’avant, je savais pour votre rancard. J’ai décidé de vous prévenir bien que par superstition j’évite les flics. Il ignore mon initiative…

    Ling ressentit son mal de tête du matin, Paulo le fatiguait.

    — Que lui est-il arrivé, nom de Dieu ? ! dit-il, exaspéré par les détours verbaux du sans domicile.

    Le serveur intervint, carnet et crayon en ostensoir.

    — Pour ces messieurs un apéritif ?

    — Ben, je vais prendre un petit…, s’avança Paulo.

    — Deux sandwichs jambon beurre, deux Kronenbourg et pas de café s’il vous plaît, dit Ling en déficit d’appétit.

    Une fois le serveur parti, confronté au regard interrogateur du messager volontaire, il demanda :

    — Vous venez m’annoncer l’impossible venue de Maxime Morgon, j’apprécie votre démarche mais encore faudrait-il que je connaisse le motif de son revirement.

    Paulo prospecta sa barbe d’un index hésitant, puis avoua :

    — Le Max s’est fait tabasser grave, en ce moment il est à l’hôpital d’Eaubonne.

    — Que s’est-il passé ?

    — Votre poteau avait pas la super pêche. Malgré le froid y venait se ressourcer, comme y disait, sur un banc du square de la Terre aux Clercs, mon fief et çui d’autres coreligionnaires. Le banc près de l’entrée principale ! On s’est lié d’amitié, ainsi qu’on a commencé à s’habituer l’un à l’autre et à discuter de tout et de rien. Le tout c’était lui, le rien vous avez deviné…

    — Au fait Paulo, au fait.

    — Y m’a confié qu’il frayait avec un officier de la PJ du départe, un Kabyle…

    Le serveur déposa commande et note, souhaita bon appétit et disparut.

    — … Pas une balance traditionnelle l’ami Max, juste un indic minimaliste, poursuivit le SDF.

    — C’est arrivé quand ? demanda Ling notant la nuance.

    — Vers les dix heures et quart, après votre conversation au téléphone. Y m’a dit que son moral remontait, une mignonne. Sûr que ça chamboule les données, c’est ce qui me manque.

    Ling l’observa qui croquait sans ménagement dans le pain. Il fit de même. Morgon sous influence féminine… ?

    — Vous ne l’avez pas épaulé ? ! s’étonna-t-il. 

    — J’aurais voulu vous y voir dans la baston ! Un balèze qui me plaquait au banc pendant que son acolyte savatait le Max, ces fumiers sentaient la mort. Pourtant, solide votre pote et teigneux. Les cris des passants les ont fait fuir. J’ai cru que le malheureux était trépassé mais il respirait encore. J’ai averti les keufs, y m’ont ordonné d’attendre. Y sont arrivés avec le SAMU et tout le bordel et m’ont traîné au commissariat du forum pour déposer. Vaut mieux pas être bon citoyen, j’y suis resté plus d’une plombe, un SDF c’est suspect, on te piège et on t’enfonce illico. J’ai donné le signalement des ordures, facile, trente ans, anoraks capuche bleu sombre, jean, boots.

    Les flics m’ont demandé de rester à disposition. La gueule qu’ils ont tirée en entendant la liste de mes centres sociaux !

    Ling but une gorgée de bière. La situation le contrariait. Il ne s’attendait pas à ressentir semblable déception.

    — Lors de vos discussions, Maxime Morgon vous avait-il parlé de ses craintes éventuelles, d’ennuis ou d’ennemis voire de menaces ? Se sentait-il surveillé ?

    L’autre parut réfléchir. Il avala une bouchée de sandwich, poussa avec la Kronenbourg et, visage empourpré, répondit :

    — Pas à ma souvenance, y m’a principalement parlé d’un ami flic du coin qui pourrait le sortir de ses ennuis. Puis y en avait que pour sa copine.

    Éclats de voix, navette aux toilettes, maintenant ça tournait à plein régime. Ling revint à la charge.

    — Il avait quelque chose de particulier à me confier, auriez-vous la moindre petite idée ?

    — Pas dans le secret… Non je vois pas…

    — Paulo, aviez-vous déjà vu la paire d’agresseurs avant ce matin dans Saint-Gratien ou ailleurs, que sais-je ?

    — Jamais vu, par contre je saurais reconnaître leur allure.

    — Parlez-moi de la fille.

    — Pas grand-chose à en dire, je l’ai pas vue. D’après Max elle était gentille, un rien canon, modeste…

    — Modeste, comment ça ?

    — Elle bosse chez des gens à problèmes, j’ai pas compris.

    — Son nom ? Son adresse ?

    — Je sais pas lieutenant et me demandez pas s’il l’a tirée, y me l’a pas dit. Poussez pas le bouchon, déjà que je me montre avec un keuf, l’éthique en prend un sacré coup.

    Ling s’efforça au calme.

    — Morgon va-t-il s’en sortir d’après vous ?

    — J’ai entendu parler de fracture du crâne, traumatismes, je suis pas toubib. Les Secours sont arrivés à temps car je crois que les deux enfoirés voulaient le liquider. Je peux pas aller le voir à Eaubonne, je me ferais serrer pour vagabondage intrusif, de toute façon j’ai pas de bagnole. Vous par contre…

    — Il habite rue Guynemer si je ne me trompe.

    — Ouais, c’est mieux que mon banc, dit Paulo en repoussant son assiette vide. Un caoua serait bienvenu…

    — Si j’ai besoin de vous revoir ? insista Ling.

    — Au square de la Terre aux Clercs ou autour du forum ou devant l’église… Pas la nuit, je suis ailleurs, ça dépend des disponibilités d’accueil. Coup de bol j’ai pas de chien, sinon pas d’abri, la seule présence affective possible t’est interdite.

    Ling étudia la note, fouilla dans sa poche et déposa l’appoint dans la soucoupe. Puis il récupéra une de ses cartes de visite, la tendit à Paulo et se leva.

    — Si la mémoire vous revenait et que vous souhaitiez me joindre. Lieutenant Ling commissariat d’Enghien-les-Bains antenne de police judiciaire. Au fait, comment avez-vous pu joindre les Secours en étant dans le square ?

    — J’ai…, hésita Paulo surpris de la question. J’ai eu l’idée de prendre le portable de Max… dans sa poche intérieure…

    — J’aimerais y jeter un œil, si vous me le permettez.

    De mauvaise grâce, Paulo l’extirpa de son manteau et le lui tendit. Ling empocha le Nexus 5, récupérant au passage de la menue monnaie qu’il déposa sur la table.

    — Je vous offre le café Paulo. Quant au mobile de Morgon, je le consigne, pièce à conviction. Vous comprendrez que je n’ai pas la possibilité de vous remettre un reçu de dépôt.

    Sur cette boutade, Ling tourna les talons, abandonnant le SDF qui le regarda partir d’un air ahuri. L’autre ne s’emmerdait pas. Bien un flic.

    ***

    Saint-Gratien

    Aller à l’hôpital prendre des nouvelles de Maxime Morgon ? Passer à son domicile proche ? s’interrogeait Omar Ling.

    Il ne pouvait s’attarder car il devait passer au commissariat, un briefing avec son supérieur et le préfet au sujet de l’arrivée de migrants sur le département. Pas drôle, l’entretien avec Paulo lui avait pris la tête. Hé ! Merde ! Il boutonna sa parka et accéléra le pas vers la rue Guynemer.

    L’immeuble ancien où vivait Maxime Morgon s’élevait sur trois étages. Un échafaudage attestait de la réfection du toit ou de l’obsession de l’amiante. Ling, bloqué devant le digicode, se dit que ça débutait mal, plus qu’à espérer la venue d’un résident. Las, il eut l’idée d’interroger le smartphone confisqué à Paulo. Morgon n’avait pas réagi à son appel de tout à l’heure et pour cause ! Paulo, détenteur du portable de Morgon, aurait pu répondre mais n’avait pas dû oser… Ling regarda défiler le répertoire. L’affichage 1894 l’interpella, l’année de naissance de Georges Guynemer, pilote de guerre renommé. Il composa ce chiffre, apprécia le déclic de la porte. Il jeta un regard alentour, puis s’engouffra dans l’immeuble sous le regard suspicieux d’un ouvrier perché sur une échelle.

    L’absence d’interphone le réjouit. La propreté des lieux était surprenante. La boîte aux lettres M. MORGON précisait 2D. Il actionna la minuterie, gravit l’escalier jusqu’au deuxième étage. Calme, excepté les coups provenant de la toiture. Pas de paillasson devant la porte repérée Morgon, ni de verrou. Il prêta l’oreille contre le panneau, pêcha son passe-partout dans sa poche et entreprit de titiller la serrure. La porte s’écarta en silence. Ouf, pas de voisin curieux. Il referma sur lui et souffla un instant. Cette effraction pourrait lui coûter cher mais l’indic avait des révélations à lui faire. Un rapport avec son agression au square ? Qui étaient ces gros bras qui l’avaient tabassé ?

    Il chercha le commutateur, alluma. Le voilage était ouvert sur les fenêtres aux volets tirés condamnés par les montants de l’échafaudage. Une rapide inspection révéla un deux-pièces relativement modeste, avec éclairages faiblards, décoration ringarde et ameublement restreint. Pas de téléviseur, était-ce possible ? Le répondeur téléphonique avait été désactivé. Il le réactiva, approfondit sa recherche en fouillant l’intérieur des placards et la totalité des tiroirs. De la paperasse sans intérêt. Son informateur possédait un minimum d’objets personnels. Une garçonnière de pauvre ? Ling n’aurait su le dire. Il s’assit au pied du lit fait. Réfléchit.

    Il poursuivit ses investigations, ne trouva rien de particulier, revint au tiroir contenant les papiers, approfondit encore plus sa recherche. Rien ! Dépité, ne sachant ce qu’il cherchait, il se résigna à une pause dans la cuisinette. Un transistor trônait sur le frigo. Que voulait lui révéler Morgon ? Pourquoi l’avait-on agressé ? Avait-ce un rapport ?

    La sonnerie du téléphone fixe le tira de sa réflexion. Il laissa passer l’annonce par défaut, puis concentra toute son attention. « Bonjour Maxime, je viens aux nouvelles, rappelle-moi sur le portable, surtout pas via Avenir-Plus, à plus ». Il réécouta le message. Une voix féminine sans spécificité, du moins par l’entremise de l’appareil. Une mignonne… La fille citée par Paulo ? qui ne prenait pas la peine de s’annoncer. Par réflexe, il effaça le message, soucieux cette fois.

    Ling avait rencontré Maxime Morgon quelques mois plus tôt à l’occasion d’une fusillade devant une boîte de nuit de St-Ouen l’Aumône. Bilan : un vigile mort et un dealer à l’hôpital. Le témoignage de Morgon, client des hôtesses de l’endroit, s’était révélé décisif. Le trentenaire vivotait entre son job de coursier occasionnel et les aides sociales. Ling avait flairé en lui un potentiel d’informateur. En contrepartie, il pourrait fermer les yeux sur certains délits mineurs et lui faciliter la vie, avec parcimonie car le dispatching de la caisse noire ministérielle ne parvenait pas jusqu’à eux. En revanche, le côté séducteur du personnage lui avait échappé. Paulo l’atypique lui avait-il rapporté la totalité de ce qu’il savait ?

    Ling se soulagea dans la minuscule salle de bains WC. La glace lui renvoya l’image d’un homme fatigué, avec des cabas pleins à ras bord

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