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Serdhif: Saga fantasy
Serdhif: Saga fantasy
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Livre électronique311 pages4 heures

Serdhif: Saga fantasy

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À propos de ce livre électronique

Auriane se retrouve coincée dans l'autre monde... et elle n'est pas au bout de ses peines !

Pour sauver Solim, Onil est revenu chercher de l'aide auprès d'Auriane et l'a entraînée dans une dimension parallèle, un "Monde Parfait" qui est loin d'être aussi parfait qu'il en a l'air.
Le resil a disparu, et la possibilité pour Auriane de retourner dans son propre monde s'est évanouie avec lui. La voilà obligée de partager la cavale d'Onil, prisonnière d'un environnement inconnu qu'elle va essayer de déchiffrer.
Où trouver de l'aide dans ce monde partial et arbitraire dont l'équilibre social est garanti par une police omnisciente ? Le danger est partout et Auriane doit apprendre à vivre avec sa peur. Comment imaginerait-elle se retrouver bientôt dans une situation encore plus angoissante ?

Le deuxième tome de la saga Le monde d'Anaonil vous entraîne dans une nouvelle intrigue passionnante entre deux mondes !

EXTRAIT

Auriane avançait dans la bonne direction, c’était déjà ça… Elle ne se retournait pas. Au début, elle avait de temps en temps envoyé valser de grosses pommes de pin d’un violent coup de pied. Maintenant elle filait droit devant elle. Ulysse la suivait de loin. Voilà des heures qu’elle marchait d’un pas rapide sans jamais ralentir l’allure. L’orage grondait depuis un moment. La pluie se mit à tomber. Ce fut soudain, et tout de suite très fort. De grosses gouttes drues et… mouillées.
Auriane se rapprocha de la paroi rocheuse qu’ils longeaient et chercha un abri. Elle finit par trouver une cavité peu profonde creusée dans la roche et pénétra à l’intérieur. L’eau avait déjà traversé ses vêtements. Elle s’accroupit au fond du trou, là où les gouttes poussées par le vent ne pouvaient l’atteindre.

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

Les promesses entrevues lors du premier tome se révèlent comblées. Ce va et vient entre deux mondes si loin et si proches à la fois nous tient en haleine, le destin des personnages nous cadenasse à l’histoire. Fruit d’une imagination débordante, mais diablement maîtrisée, le récit se veut fluide et limpide... et prenant en diable. Pour un coup d’essai dans le monde littéraire, toute cette petite aventure commence à ressembler à un coup de maître... - Stéphane, lecteur

L'écriture fluide et le suspense magistralement orchestré par l'auteur dans le premier volume, fonctionne tout autant dans le second. - Tatty, Babelio

À PROPOS DE L'AUTEUR

Cécile Koppel vit dans le sud de la France. Elle est éducatrice de jeunes enfants en crèche depuis plus de 20 ans. Un jour, elle commence à écrire cette histoire et découvre à quel point elle aime écrire... travailler le texte jusqu'à ce qu'il soit simple et fluide et se glisse dans l'esprit du lecteur. Aujourd'hui, les éditions Sudarènes vous invient à aller à la rencontre de son univers et à faire cet insolite et étonnant voyage au côté d'Onil... Lancez-vous !
LangueFrançais
Date de sortie5 sept. 2017
ISBN9782374641447
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    Aperçu du livre

    Serdhif - Cécile Koppel

    15

    ---désarroi---

    Auriane avançait dans la bonne direction, c’était déjà ça… Elle ne se retournait pas. Au début, elle avait de temps en temps envoyé valser de grosses pommes de pin d’un violent coup de pied. Maintenant elle filait droit devant elle. Ulysse la suivait de loin. Voilà des heures qu’elle marchait d’un pas rapide sans jamais ralentir l’allure. L’orage grondait depuis un moment. La pluie se mit à tomber. Ce fut soudain, et tout de suite très fort. De grosses gouttes drues et… mouillées.

    Auriane se rapprocha de la paroi rocheuse qu’ils longeaient et chercha un abri. Elle finit par trouver une cavité peu profonde creusée dans la roche et pénétra à l’intérieur. L’eau avait déjà traversé ses vêtements. Elle s’accroupit au fond du trou, là où les gouttes poussées par le vent ne pouvaient l’atteindre.

    Tout ce qui n’était pas trempé était humide et le froid renforçait cette sensation déplaisante d’imprégnation liquide. Un moment passa avant que la silhouette d’Ulysse ne se découpe à l’entrée de la petite grotte. Auriane, pelotonnée au fond, avait suivi sa progression. Elle continua de le regarder sans rien dire et il resta planté là.

    L’eau ruisselait dans ses cheveux et sur son visage mais, mis à part sa tête et ses pieds, il n’était pas mouillé. Son thermato le protégeait parfaitement et le tenait au chaud. Il savait que ce n’était pas le cas d’Auriane. Son pull en laine avait dû absorber l’averse et, la température aidant, elle devait être transie.

    L’ombre gagnait. Les arbres et les épais cumulus rendaient la luminosité encore plus faible.

    Le soleil se coucherait dans quelques minutes et lentement, la nuit ferait disparaitre le décor. Ulysse s’assit sous la pluie devant l’entrée de la grotte, à même les flaques et les ruissellements d’eau. Il ne bougea plus. Auriane le regardait toujours. Ils ne s’étaient rien dit. Le froid se fit plus intense et la pluie repartit de plus belle.

    Par moment, un éclair illuminait le fond de la grotte. Une fraction de seconde, Ulysse apercevait Auriane recroquevillée contre la paroi, toujours éveillée. Le temps passait et elle ne bougeait pas. Dans la position où elle était, il était impossible qu’elle se soit endormie puisque qu’elle tenait sa tête droite et fixait toujours l’extérieur.

    Il se revit contre le mur de son cachot, essayant de conserver un peu de la chaleur qu’il fabriquait. Il se souvint du bruit de son cœur qui battait dans ses tempes, alors que des frissons glacés le secouaient sans arrêt. Il espéra qu’elle n’avait pas aussi froid que lui à ce moment-là, quand il était prisonnier dans ce nid de siols dont il avait bien cru ne jamais ressortir.

    Auriane regardait Ulysse. Plus exactement, elle regardait à travers lui l’eau qui ruisselait partout. À chaque éclair elle voyait ses yeux tournés vers elle. Il ne l’avait pas lâchée du regard une seule seconde. Elle s’était enfermée dans un mutisme qui rendait la présence d’Ulysse aussi près d’elle sinon acceptable, du moins tolérable. Si elle ouvrait la bouche, les seuls mots qui franchiraient ses lèvres seraient : « Vat’en ! »

    Elle avait froid. Elle avait faim aussi. Il n’y avait rien dans le sac. À part ces maudites plantes bien emballées. Tout ce qui pouvait se manger était resté dans le resil. Le dernier repas qu’elle avait pris, c’était… Hier midi ? Non ?! Elle calcula à nouveau… Si ! Hier midi ! Hier à midi, elle avait mangé chez elle avec son frère et Sylvain… Hier… C’était… ahurissant ! Le temps n’était plus le même quand Ulysse était présent…

    Elle était partie droit devant elle et Ulysse l’avait suivie. De loin. Elle n’avait pas vérifié une seule fois s’il la suivait toujours. Elle n’essayait pas de le semer non plus. En fait, elle n’essayait rien. Elle n’avait aucun objectif. Aucune idée de ce qu’elle voulait faire. Il fallait qu’elle marche. Il fallait qu’elle marche sans s’arrêter, sinon elle… imploserait. L’orage l’avait obligée à stopper son élan et ses pensées, son énergie vitale, toute cette violence exacerbée qui l’habitait et se heurtait partout en elle, tourbillonnaient et revenaient sporadiquement dans son esprit par vague de conscience glaciale… toujours le même constat… toujours le même effroyable constat : Elle était coincée dans ce monde !

    Ulysse laissait l’eau ruisseler sur lui. C’était comme une caresse apaisante. Mais elle ne l’apaisait pas. La même question revenait sans cesse. Pourquoi n’avait-il pas pu entrer ? Pourquoi le resil ne s’était-il pas reconstitué autour de lui ? Ulysse ne voyait qu’une seule explication possible : parce que Solim n’y était plus. Solim était mort. Son corps était toujours là, mais son esprit l’avait déserté et son telib s’était arrêté. Et c’était lui, Ulysse qui avait refermé le piège sur Auriane. C’était lui qui l’avait enfermée dans un monde qui n’était pas le sien.

    Des souvenirs de petites tranches de vie se bousculaient dans sa mémoire : Auriane embrassant son père ou sa mère… Auriane provoquant son frère dans des échanges pleins d’une malicieuse raillerie qui disait leur complicité… Auriane assise devant son piano, faisant écouter par téléphone à son amie Morgane le dernier morceau qu’elle avait déchiffré… Maintenant qu’il l’avait arrachée à tout ça et bien plus encore, Ulysse ne savait plus comment agir. Il évitait de son mieux de prendre la mesure de la frayeur dans laquelle cette prise de conscience avait dû plonger Auriane…

    Il ne voyait qu’une chose à faire : tenter de joindre Sienne. Elle avait aidé Solim à fabriquer ce resil, peut-être possédait-elle un resil à elle ? Peut-être savait-elle où en trouver un autre ? Peut-être… Mais tous ces peut-être lui interdisaient de s’adresser à Auriane. Avec des peut-être, impossible de la rassurer. Elle exploserait encore et l’enverrait promener... et sa colère gonflerait à nouveau jusqu’à les noyer tous les deux dans ce profond désarroi qu’il se refusait à imaginer…

    Auriane était partie au hasard mais par chance, ils marchaient vers Serdhif. Ulysse ne devait pas la contrarier. Il fallait qu’elle continue de filer dans la même direction. La pluie n’avait pas faibli. Ulysse avait à peine dormi quelques heures depuis plusieurs jours. Il sentait par instant sa tête tomber et il la rattrapait dans un sursaut.

    Bien avant la fin de la nuit, l’orage se calma. La voute nuageuse semblait avoir épuisé toute son énergie dans cette éclatante démonstration de puissance et même la pluie s’arrêta. Auriane sortit de la grotte et passa à côté d’Ulysse comme s’il n’avait pas été là. Elle partit d’un pas vif, toujours dans la même direction. Ulysse se leva et la suivit à une distance respectable, mais suffisamment proche pour ne pas la perdre dans le noir. Ils marchèrent jusqu’au lever du jour et même après. L’orage avait nettoyé le ciel et le soleil brillait, réchauffant progressivement une atmosphère glaciale qui demeurerait quand même très fraîche.

    Un moment, Ulysse avait perdu Auriane de vue. Elle avait bifurqué pour tâcher de rejoindre un gué où elle pourrait traverser le cours d’eau. Elle s’arrêta sur la rive à un endroit qui lui semblait accessible. De loin il la vit ôter ses bottes et remonter le bas de son pantalon. Puis elle se ravisa. S’asseyant sur la berge, elle se déshabilla entièrement. Elle rassembla ses vêtements en un petit paquet compact et avança. Au milieu du lit de la rivière, l’eau lui arrivait à la taille et le courant la faisait tanguer. D’une main elle frictionnait son corps en continuant d’avancer.

    Ulysse n’attendit pas qu’elle atteigne l’autre rive pour la suivre. Lui n’avait pas besoin de se déshabiller. Son thermato ne nécessitait aucune précaution particulière. Il le protégeait et le maintenait à la température qu’il avait choisie quelle que soit la situation. Les chaussures, par contre… Elles ne bénéficiaient d’aucune technologie particulière et elles étaient totalement imbibées. Ulysse les garda aux pieds. Ce choix ne fit aucune différence quand il pénétra dans la rivière.

    Sur l’autre rive, Auriane ne se rhabilla pas immédiatement. Debout, les bras écartés, tournée vers le soleil, elle attendait que le vent la sèche. Ulysse arriva derrière elle et s’assit sur un rocher. Il voyait son corps de dos. Auriane frissonnait et elle avait la chair de poule. Il aurait bien voulu lui proposer d’échanger leurs vêtements, mais il n’osa pas lui adresser la parole. Sans se retourner, sans même sembler se rendre compte de sa présence, elle enfila un à un tous ses habits, se chaussa et repartit, toujours droit devant elle en reprenant la même direction.

    Ulysse marchait loin derrière Auriane. Parfois il la perdait de vue… longtemps… puis il l’apercevait à nouveau, plus loin, quand le terrain se dégageait. Ne pas la voir l’angoissait. Que ferait-elle s’il la perdait ? Elle n’avait aucune idée de ce qu’était la vie chez lui. Elle était habillée d’une manière surprenante. Un thermato pouvait faire illusion dans l’autre sens. Mais ici, la tenue d’Auriane étonnerait, attirerait l’attention. Et puis… Elle ne savait rien des dangers. Elle n’était recherchée par personne, mais où irait-elle ? Elle n’était pas non plus traçable puisqu’elle ne possédait pas de telib… Quiconque s’en apercevrait, ne manquerait pas de trouver ce point très étrange… et chercherait des explications…

    Il devait mettre Auriane en sécurité. Il avait encore un peu de temps, mais tous deux avançaient vers Serdhif et il faudrait bientôt qu’il réussisse à renouer le contact avec elle…

    Auriane continuait d’avancer, mais le regard qu’elle portait sur la situation était en train d’évoluer. Ils finiraient bien par tomber sur des gens… Et alors ? Que se passerait-il ? Sa colère baissait en intensité et l’angoisse sourde qui l’habitait commençait lentement à repasser au premier plan. Elle refusait de se l’avouer, mais elle vérifiait maintenant qu’Ulysse la suivait toujours… Il la suivait de loin. Comme un chien puni que son maitre ignore et qui attend patiemment le calme qui suivra forcément la tempête.

    Ulysse lui faisait pitié, maintenant… Cette idée relança sa colère. Non. Pas de pitié ! Ulysse était un salaud !... Mais elle n’en était plus autant convaincue… Elle l’avait regardé des heures durant laisser ruisseler sur lui des litres et des litres de pluie. Elle avait essayé malgré elle de se représenter les angoisses qui le tenaient éveillé… d’imaginer ce qui l’attendait dans ce monde qu’il avait réussi à fuir par hasard… La disparition de Solim devait profondément l’affecter, lui qui avait tout mis en œuvre pour le sauver…

    Elle pensa au syndrome de Stockholm, ce phénomène psychique qui induit un sentiment de confiance, et même d’empathie entre le responsable d’un enlèvement et son otage… Le premier but de l’être humain étant sa survie, l’inconscient de la victime l’incite sérieusement à s’attacher à la seule personne qui « veille » sur elle : son ravisseur.

    Était-elle en train de développer un sentiment similaire ? Elle pouvait fuir aussi loin qu’elle voulait, elle serait toujours prisonnière. Son unique espoir, s’il en restait un, c’était Ulysse… qu’elle le veuille ou non… Cette évidence faisait lentement son chemin. Elle s’arrêta enfin et attendit qu’il la rejoigne.

    Ulysse la vit au loin, assise sur une grosse pierre. Il s’approchait de plus en plus, mais elle ne repartait pas. Il finit par arriver à sa hauteur. Elle le regardait. Pas ce regard qui semblait passer à travers lui… Elle le regardait vraiment. Ulysse sentit tout de suite que la situation avait évolué et l’appréhension le gagna. Surtout, ne pas se tromper. Prononcer les bonnes paroles. Garder intact ce bénéfice inattendu que lui donnait le temps. Vaincu par ses craintes, il ne sut quoi dire. Ce fut Auriane qui parla.

    — J’ai faim…

    Ulysse s’assit à peine un peu plus loin, sans parvenir à la regarder en face. Et là, alors qu’elle l’écoutait enfin, il put s’adresser à elle.

    — Auriane… Je suis… Je ne sais pas comment…

    Devant ses hésitations, Auriane faillit l’interrompre mais se retint. C’était déjà assez compliqué pour lui sans qu’elle y ajoute son grain de sel… Elle attendit qu’il y arrive.

    Le plus dur fut de se lancer. Une fois qu’Ulysse parvint à énoncer une première phrase à peu près construite, le reste coula tout seul. Il n’essaya pas de justifier ce qu’il avait fait. Il ne lui parla que de lui et de ce qu’il ressentait. Il se retrouva à essayer de mettre des mots sur les liens étrangement forts qui l’unissaient à Solim.

    Solim avait risqué sa propre vie pour sauver celle d’Ulysse. Dans les pires moments qu’Ulysse avait connu, c’est Solim qui lui était venu en aide. Jamais Ulysse n’avait attendu quoique ce soit de Solim. Jamais il ne lui serait venu à l’idée de demander l’appui de ce formateur le plus souvent sarcastique et dédaigneux à son égard. Mais la situation avait évoluée ainsi, sans que ni l’un ni l’autre n’ait consciemment souhaité lui donner cette tournure. La relation qu’ils avaient mise en place entre eux, ils l’avaient choisie. Elle était née de la découverte mutuelle de ce qu’ils étaient quand l’écart d’âge, de situation, d’aspiration était aboli et que la rivalité qui les opposait n’avait plus lieu d’être… La peur, l’angoisse, l’urgence qu’ils avaient ressenties n’avaient laissé place à aucun faux-semblant. Ce qu’ils avaient pu échanger en marge de l’épreuve qu’Ulysse traversait, ce qu’ils avaient pu se dire lors de ces courts répits pendant lesquels ils s’étaient retrouvés, chacun d’eux l’avaient puisé au plus profond de lui. C’était un lien très puissant qu’ils avaient tissé pendant ces jours terriblement éprouvants.

    Ce qu’Ulysse voulait qu’Auriane entende, c’est qu’au moment où il s’était retrouvé seul face à un Solim laminé et meurtri, il s’était découvert prêt à tout, absolument tout, pour le sauver. Il n’avait pas à s’en excuser, c’était comme ça… Irraisonné… Plus fort que lui.

    Il se tut, la gorge serrée. Jusque-là, c’était la colère d’Auriane qui avait été à la fois son phare et son moteur. C’est par rapport à cette colère qu’il avait avancé, pensé, agi... Et, alors qu’Auriane l’écoutait calmement sans rien dire, il réalisa qu’il n’avait pas été capable de sauver Solim. Il fut submergé par une lame de désespoir.

    Auriane ne le regardait pas et ne s’aperçut pas tout de suite qu’il pleurait. Quand elle s’en rendit compte, elle ne bougea pas. Elle n’eut aucun geste d’empathie… Le silence s’éternisa. Hier, elle lui avait demandé jusqu’où il était prêt à aller… où il avait placé la limite qu’il ne voulait pas franchir… Il l’avait placée loin… Très loin…

    — En fait, tu m’as sacrifiée à lui…

    Ulysse releva la tête et renifla.

    — Tu n’es pas encore morte…

    Il sut tout de suite que ce n’était pas ce qu’il aurait dû dire. Auriane ne se fâcha pas, mais elle se leva et partit. Il crut qu’elle allait à nouveau marcher droit devant elle et se traita d’imbécile. Mais elle s’éloigna à peine. Elle se dirigea vers des taillis et coupa plusieurs longues tiges d’une plante, une de celles qu’ils avaient cherchées pour Solim. Elle en retira les feuilles délicatement une à une pour constituer de longues cordelettes. Elle en apprécia la solidité en les étirant vivement l’une après l’autre entre ses deux poings. Puis elle revint en arrière sur le chemin qu’ils avaient suivi, jusqu’au long talus sableux qu’ils avaient longé un peu plus tôt.

    Le talus était percé de plusieurs trous, des petites galeries qui s’enfonçaient à l’intérieur. Auriane observa attentivement les orifices et choisit celui qui se trouvait le plus bas, caché par la végétation. En diagonale au-dessus, elle planta profondément une longue branche souple. Elle y attacha une des cordelettes et fabriqua à l’autre bout une boucle qui nécessita de compliqués tours et retours. Un anneau pendait maintenant un peu au-dessus du sol juste devant le trou. Par deux fois, elle recommença la même opération un peu plus loin.

    — On va rester là. On est trop fatigués et il faut qu’on mange.

    Ulysse ne comprenait pas mais ne posa pas de question. Un peu avant le talus, il se rappelait être passé près d’un surplomb rocheux qui pouvait offrir un abri. Auriane devait se le rappeler aussi puisque sans se concerter, ils se dirigèrent dans cette direction.

    — J’ai froid…

    Ulysse lui proposa d’enfiler son thermato.

    — Tu rigoles ? Tu transpires là-dedans et tu ne t’es pas lavé depuis des jours…

    — Là-dedans, je fais tout ce que j’ai à faire et je ne m’occupe de rien.

    — Justement. C’est dégueulasse.

    — Là-dedans, mon corps est tout le temps parfaitement propre. Le thermato me nettoie, se nettoie et recycle tous mes liquides corporels en une réserve d’eau potable… entre autre…

    — Oui… eh bien c’est dégueulasse quand même. Je n’ai pas encore suffisamment froid.

    — Ni suffisamment soif… Je te signale que c’est la seule eau qu’on ait…

    — Si. J’ai vraiment très soif. Mais je trouverai bien une flaque propre avec tout ce qui est tombé cette nuit.

    — Comme tu veux.

    Elle but quand même l’eau qu’il lui proposait. Sous le rocher, il faisait un peu moins froid que partout ailleurs car ils étaient à l’abri du vent. Un lit de sable leur offrit un espace confortable et sec où ils s’allongèrent tous les deux. Un peu plus tard, Auriane se colla contre Ulysse qui l’enserra de ses bras pour essayer de lui tenir chaud. À la tombée du jour, ils n’avaient toujours pas bougé.

    Auriane se réveilla la première. Elle se dégagea délicatement des bras qui l’enserraient et sortit. Ulysse dormait profondément. Derrière lui, elle attrapa le sac. C’était le sac que son père utilisait chaque fois qu’il partait se balader. Normalement, au fond d’une des poches, elle devait trouver un canif. Elle le trouva. Un beau Laguiole, bien aiguisé. Dans la même poche il y avait aussi un briquet protégé dans un plastique. Auriane ramassa du bois mort et fit un feu. La chaleur la réconforta. Elle se perdit dans la contemplation des flammes en pensant aux collets qu’elle avait placés et au lapin qu’elle ferait griller…

    Il n’y eut pas de lapin. Auriane avait retenu la manière de poser les collets, mais elle ne connaissait rien au mode de vie des lapins. Soit ce n’était ni la saison ni l’heure… soit elle avait fait trop de bruit ou laissé trop de traces olfactives, soit les terriers des lapins possèdent plusieurs accès… ou bien celui-là était inoccupé… Quoiqu’il en soit, aucun lapin ne fut assez bête pour s'étrangler à cet endroit ce jour-là.

    Quand il se réveilla, Ulysse se précipita sur le feu et l’éteignit l’éparpillant vivement les braises.

    — Qu’est-ce-que tu fais ? Ça va pas, non ?

    Il s’accroupit en face d’Auriane et la prit par les épaules.

    — Je crois que tu n’as pas bien saisi la situation, Auriane. Ici, je suis un fugitif. Ici, on me recherche. Un feu, où qu’il soit, d’où qu’il provienne, sera détecté rapidement… si ce n’est pas déjà fait… Au mieux, on croira à un incendie. Peut-être qu’on enverra des gardiens verbaliser les inconscients qui font brûler des choses sans autorisation. Mais si des siols entendent parler d’un feu dans un secteur où il n’y a pratiquement personne, ils peuvent soupçonner la présence d’un fuyard et ils viendront voir de quoi il s’agit.

    Maintenant, Auriane avait peur. Voyant sa mine effrayée, Ulysse relativisa ses propos.

    — Ce ne sont pas des magiciens. Ils ne sont pas tout-puissants. Et je sais de quels moyens ils disposent. Je saurai nous protéger, Auriane.

    Les lèvres d’Auriane dessinèrent une moue sceptique.

    — Tu m’en as déjà fait d’autres, des belles promesses que tu n’as pas su tenir…

    Ulysse eut envie de répondre qu’il faisait ce qu’il pouvait et que ce n’était déjà pas si mal, mais il se retint, jugeant plus sage de ne créer aucune polémique avant de reprendre leur marche. Il fit disparaitre les traces de feu, puis se contenta de dire :

    — On repart, Auriane.

    Ils s’éloignèrent dans le noir.

    16

    ---Serdhif---

    Ils avaient continué d’avancer une bonne partie de la nuit. Ils approchaient de la ville. Ulysse n’avait aucun mal à se représenter le terrain et donc à éviter les difficultés en anticipant leur itinéraire. Ils avaient fait des haltes régulières et parfois dormi un peu. Ils avaient avancé presque sans se parler, mais côte à côte quand le terrain le permettait…

    Ulysse avait quand même essayé de donner un peu d’espoir à Auriane. Il avait parlé des solutions envisageables pour tenter de la renvoyer chez elle. Elle l’avait écouté sans rien dire, incapable de contrer cet espoir insidieux qui l’envahissait… Elle ne pouvait pas ne pas y croire ! Elle ne pouvait pas… Il devait y avoir une solution. C’était impossible qu’elle reste ici !… Elle n’avait posé aucune question. Elle n’avait fait aucun commentaire. Elle avait laissé Ulysse se dépatouiller dans ses explications… Il avait fini par se taire.

    Depuis longtemps ils voyaient au loin l’immense halo de lumière qui indiquait l’emplacement de Serdhif. Auriane demanda à Ulysse pourquoi ils ne se téléportaient pas. Ulysse commença à lui expliquer les règles compliquées qui régissaient les déplacements dans son monde.

    En ville, on ne pouvait se transférer que d’une porte à une autre. Il y en avait partout, jamais très loin les unes des autres. Ailleurs, des protections empêchaient la matérialisation. Il existait des portes privées, mais elles étaient rares et leur utilisation était restreinte et contraignante. Généralement, les portes étaient publiques et accessibles à tous.

    À plusieurs endroits sur la périphérie de la ville se trouvaient des plateformes de transfert. Alors que les portes n’accueillaient qu’un individu à la fois, les plateformes étaient de grands espaces d’envoi, ou de matérialisation, sur lesquelles pouvaient se presser des centaines de personnes.

    D’une plateforme on pouvait se téléporter vers une porte de la même ville ou vers une autre plateforme, quel que soit son emplacement sur la planète. Les portes et les plateformes voyaient passer une foule de gens en permanence. Un contrôle continu existait mais pour peu que l’on ne fasse l’objet d’aucune recherche, on passait facilement inaperçu.

    Par contre, la téléportation libre n’était pas très libre, justement. Se transférer n’importe où en ne partant ni d’une porte ni d’une plateforme était

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