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Actualités en droit alimentaire: Les enjeux de ses évolutions
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Actualités en droit alimentaire: Les enjeux de ses évolutions
Livre électronique530 pages5 heures

Actualités en droit alimentaire: Les enjeux de ses évolutions

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À propos de ce livre électronique

Les Éditions Anthemis vous proposent un retour complet sur l’actualité du droit alimentaire

Depuis de nombreuses années, les inquiétudes en matière alimentaire occupent une place de plus en plus importante dans notre quotidien. Plus précisément, c’est le lien entre nos habitudes alimentaires et notre santé qui a cristallisé les nombreuses questions que se posent les consommateurs, au regard notamment des dangers de l’obésité, de la composition des aliments (lasagnes « 100 % pur boeuf »), ou encore des risques de l’aspartame (dans les sodas light).

Cette évolution s’est traduite par des règles très détaillées adoptées au niveau de l’Union européenne.

Le présent ouvrage vise à examiner les principaux développements intervenus récemment, ainsi que des thèmes cruciaux tels que notamment la sécurité alimentaire, la responsabilité, l’information et la publicité, l’EFSA et les OGM.

Cet ouvrage s’adresse à un large public : avocats, juristes d’entreprise, praticiens et à toute personne intéressée par le droit alimentaire.

Un ouvrage écrit par des professionnels et destinés à tous

A PROPOS DES ÉDITIONS ANTHEMIS

Anthemis est une maison d’édition spécialisée dans l’édition professionnelle, soucieuse de mettre à la disposition du plus grand nombre de praticiens des ouvrages de qualité. Elle s’adresse à tous les professionnels qui ont besoin d’une information fiable en droit, en économie ou en médecine.
LangueFrançais
ÉditeurAnthemis
Date de sortie4 mai 2016
ISBN9782874558733
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    Aperçu du livre

    Actualités en droit alimentaire - Collectif

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    Cette version numérique de l’ouvrage a été réalisée par Communications sprl (Limal) pour le © Anthemis s.a.

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    La version en ligne de cet ouvrage est disponible sur la bibliothèque digitale Jurisquare à l’adresse www.jurisquare.be.

    © 2014, Anthemis s.a.

    Place Albert I, 9 B-1300 Limal

    Tél. 32 (0)10 42 02 90 – info@anthemis.be – www.anthemis.be

    ISBN : 978-2-87455-873-3

    Toutes reproductions ou adaptations totales ou partielles de ce livre, par quelque procédé que ce soit et notamment par photocopie, réservées pour tous pays.

    Mise en page : Communications s.p.r.l.

    Sommaire

    Préface

    Alberto

    Alemanno

    La sécurité des denrées alimentaires et la responsabilité des acteurs en droit de l’Union européenne

    Christophe

    Verdure

    L’information sur les denrées alimentaires : vers une « réglementarisation » de l’information volontaire ?

    Aude

    Mahy

    Les alicaments : aliments ou médicaments ?

    Edern

    Thébaud

    L’action de l’Union européenne dans la lutte contre l’obésité

    Marine

    Friant-Perrot

    et Amandine

    Garde

    La valeur des avis scientifiques de l’EFSA

    Citlali

    Pintado

    L’harmonisation des règles relatives à la mise sur le marché, à la dissémination, aux transferts internationaux et à l’utilisation des OGM

    Point de rencontre des forces centrifuges et centripètes du droit dérivé

    Nicolas

    de Sadeleer

    Préface

    Ce recueil dirigé par Ellen Van Nieuwenhuyze et Christophe Verdure revisite et examine certains développements du droit et de la politique alimentaire européenne en rassemblant les points de vue de plusieurs académiques et praticiens. Bien qu’il ne soit pas possible de rendre compte de la diversité et de la richesse des commentaires que le lecteur trouvera dans les pages qui suivent, j’aimerais succinctement contextualiser ces contributions à l’égard de développements plus généraux touchant à cette discipline émergente qu’est le droit alimentaire européen. L’objectif déclaré de l’ouvrage est d’examiner l’avenir des réglementations alimentaires au sein de l’Union européenne (UE), par le biais d’une analyse détaillée d’une sélection de sujets. Les contributeurs semblent bien conscients des nombreux défis que rencontre aujourd’hui le droit alimentaire, tels que ceux qui résultent des liens étroits entre produits alimentaires, méthodes d’agriculture et modes de consommation. Il semble particulièrement urgent d’élargir le champ d’action des réglementations alimentaires, en déplaçant l’attention du produit vers ses méthodes de production et son impact sur l’environnement.

    Le droit alimentaire implique, à l’instar de l’ordre juridique européen, une interaction complexe d’acteurs différents au sein de systèmes de gouvernance supranationaux qui sont historiquement déterminés, mais aussi relativement jeunes et constamment en évolution. Il ne s’agit pas seulement des institutions européennes, y compris l’EFSA – l’Autorité européenne de sécurité des aliments –, mais aussi des autorités centrales et locales des États membres. Partant, cette structure émergente – généralement présentée comme un réseau – suppose plusieurs couches de responsabilité pour le développement et l’administration du droit alimentaire européen. Cependant, il n’y a pas beaucoup plus que dix ans, en dépit de l’existence d’un important corpus de législation européenne, il manquait à l’UE un régime de sécurité alimentaire cohérent, scientifiquement fondé et coordonné. De nos jours, le droit européen de l’alimentation n’a pas seulement acquis son autonomie au sein du droit européen et vis-à-vis d’autres disciplines (tels que le droit administratif ou le droit agricole), mais – et ce, à l’instar de ce que le droit alimentaire a connu au-delà de l’UE – a atteint une maturité, tant au sein du monde académique que dans la pratique. Ainsi de plus en plus d’universités dispensent des cours de droit alimentaire et nombreux sont les cabinets d’avocats qui offrent leurs conseils juridiques à l’industrie alimentaire¹.

    Par conséquent, cet ouvrage ne rend pas seulement compte de ce processus progressif d’autonomisation et du développement du droit alimentaire en Europe, mais illustre également comment ce corps de droit émergent reste une discipline en constante évolution, aussi bien en tant que domaine d’étude qu’en tant que champ de pratique. Le concept de droit alimentaire, défini par la législation alimentaire générale (LAG)² comme regroupant « les dispositions législatives, réglementaires et administratives régissant les denrées alimentaires en général et leur sécurité en particulier, au niveau communautaire ou national »³, semble évoluer sans cesse et est aujourd’hui en cours de révision par la Commission européenne et sa Direction générale de la santé et des consommateurs (DG SANCO). Contrairement à la vision classique du droit alimentaire qui le considère comme un ensemble de règles relatives à la sécurité alimentaire – tel qu’examiné par Christophe Verdure dans sa contribution sur les régimes de responsabilités –, l’étude et la pratique le conçoivent comme une discipline plus large. Dès à présent, le droit alimentaire comporte également un nombre croissant de mesures législatives qui poursuivent des objectifs de qualité⁴, tels que les systèmes de qualité relatifs aux indications géographiques⁵ ou la production biologique⁶. Pareillement, pendant l’adoption d’importantes législations telles que le règlement relatif aux allégations nutritionnelles et de santé⁷ – qui fait l’objet d’une partie de la contribution d’Aude Mahy –, les limites du droit alimentaire européen ont été largement étendues afin d’englober également les aspects nutritionnels des aliments⁸. En outre, à la lumière du déplacement continu des aspects de sécurité vers la qualité – et maintenant vers le nutritionnel – et les objectifs de modes de vie, il semble de plus en plus accepté que le droit alimentaire recourt, pour atteindre ces objectifs, à un ensemble de mécanismes différents de ceux que l’on qualifie communément de « direction et de contrôle (command-and-control) ». C’est assurément le cas – tel qu’illustré par le chapitre d’Amandine Garde et de Marine Friant-Perrot – de la nouvelle politique européenne qui vise à prévenir l’obésité. Cette politique se réfère non seulement au paradigme de l’information du consommateur, qui vise à autonomiser les consommateurs dans leurs choix alimentaires – ce qui est également expliqué par Aude Mahy –, mais aussi à d’autres approches réglementaires, tels que l’autorégulation⁹. Cet effort a récemment été mis à l’épreuve par la création d’une plateforme multi-parties dont l’objectif est d’amener l’industrie et les États membres à s’accorder sur des engagements volontaires, portant notamment sur la reformulation des aliments ou les restrictions de commercialisation. Bien qu’elles ne tombent pas formellement dans le champ de la définition du droit alimentaire tel que prévu par la LAG, la somme de ces initiatives caractérise clairement les transformations dont fait l’objet le droit alimentaire européen. En ce qui concerne les États membres, ils s’exercent à des mécanismes de marché au niveau national, tels que la Hongrie qui recourt à une taxation des produits caloriques de type « fat tax »¹⁰ ou d’autres initiatives européennes inspirées de recherches comportementales¹¹. Il n’est dès lors par surprenant que, suite à l’évolution et l’expansion du droit alimentaire européen, l’EFSA ait été dotée – ainsi que l’illustre avec justesse Citlali Pintado – de nouvelles responsabilités qui étaient assumées par les organes nationaux en charge de l’évaluation du risque, notamment en ce qui concerne les organismes génétiquement modifiés (OGM) et les additifs alimentaires. En même temps, elle a également pris la charge de conduire des évaluations de l’impact des OGM sur l’environnement et, tel que prévu pour le cas des pesticides, d’évaluer les risques et les bénéfices¹². Nicolas de Sadeleer offre quant à lui une excellente analyse des défis que pose la réglementation existante des aliments OGM au sein du marché intérieur UE. En outre, étant donné que l’UE a progressivement pris en compte les impacts de l’obésité et des maladies causées par les régimes alimentaires sur la santé, le travail de l’EFSA dans les domaines du conseil diététique et de la nutrition a considérablement évolué et comprend aujourd’hui les profils nutritionnels, les valeurs de références alimentaires ainsi que les allégations nutritionnelles et de santé.

    Enfin, tel que l’expose Edern Thébaud, les développements technologiques concernant les alicaments requièrent une meilleure démarcation entre les aliments et les produits pharmaceutiques.

    En examinant quelques-uns des sujets les plus en vogue en droit alimentaire européen – tout en ayant aussi l’œil sur le rôle institutionnel joué par l’EFSA –, cet ouvrage présente les visions prospectives d’experts en droit alimentaire sur les futurs développements scientifiques et réglementaires au sein de l’Union européenne. Je vous souhaite une agréable lecture.

    Alberto Alemanno

    Professeur, Chaire Jean Monnet en droit européen

    et régulation du risque, HEC Paris

    Global Clinical Professor, NYU School of Law

    1 À titre exemplaire, la Harvard Food Law and Policy Clinic et la Harvard Food Law Society ont préparé un guide de carrière disponible à l’adresse http://blogs.law.harvard.edu/foodpolicyinitiative/careers-in-food-law-and-policy/guide/.

    2 Règlement (CE) no 178/2002 du Parlement Européen et du Conseil du 28 janvier 2002 établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l’Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires (J.O., 1er février 2002, L 31/1).

    3 Ibid., art. 3, 1).

    4 Règlement (UE) no 1151/2012 du Parlement Européen et du Conseil du 21 novembre 2012 relatif aux systèmes de qualité applicables aux produits agricoles et aux denrées alimentaires (J.O., 14 décembre 2012, L 343, p. 1).

    5 Règlement (CE) no 510/2006 du Conseil du 20 mars 2006 relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d’origine des produits agricoles et des denrées alimentaires (J.O., 31 mars 2006, L 93, pp. 12–25) ; règlement (CE) no 509/2006 du Conseil du 20 mars 2006 relatif aux spécialités traditionnelles garanties des produits agricoles et des denrées alimentaires (J.O., 31 mars 2006, L 93, pp. 1–11).

    6 Règlement (CE) no 834/2007 du Conseil du 28 juin 2007 relatif à la production biologique et à l’étiquetage des produits biologiques et abrogeant le règlement (CEE) no 2092/91 (J.O., 20 juillet 2007, L189).

    7 Règlement (CE) no 1924/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 concernant les allégations nutritionnelles et de santé portant sur les denrées alimentaires (J.O., 30 décembre 2006, L 404/9).

    8 A. 

    Alemanno

    et A. 

    Garde

    , « The Emergence of an EU Lifestyle Policy : The Case of Alcohol, Tobacco and Unhealthy Diets’ », Common Market Law Review, vol. 50, no 6, 2013.

    9 Accord Interinstitutionnel – « Mieux légiférer » (J.O., 31 décembre 2003, C 321, pp. 1–5).

    10 A. 

    Alemanno

    et I. 

    Carreno

    , « Fat Taxes in the European Union between Fiscal Austerity and the Fight Against Obesity », European Journal of Risk Regulation, vol. 2, no 4, 2011.

    11 A. 

    Alemanno

    et al., « Nudging Healthy Lifestyles – Informing Regulatory Governance with Behavioural Research », European Journal of Risk Regulation, vol. 3, no 1, 2012.

    12 S. 

    Gabbi

    , « Scientific regulatory cooperation within the EU : on the relationship between EFSA and national food authorities », in A. 

    Alemanno

    et S. 

    Gabbi

    (dir.), Foundations of EU Food Law, Ashgate, 2014.

    La sécurité des denrées alimentaires et la responsabilité des acteurs en droit de l’Union européenne

    Christophe Verdure*

    Docteur en sciences juridiques

    Avocat au barreau de Bruxelles

    Chargé de cours invité à l’Université catholique de Louvain

    Chargé de cours associé à l’Université du Luxembourg

    * L’auteur peut être contacté à l’adresse verdure@euridis.be.

    Introduction

    Depuis plus de vingt ans, le secteur alimentaire a connu une profonde mutation, consécutive aux diverses crises alimentaires qui se sont succédées, parmi lesquelles les plus retentissantes furent l’épizootie de la « vache folle » en 1996¹, la crise de la dioxine en 1999² et l’épidémie de fièvre aphteuse en 2001³.

    La réforme du cadre juridique, initiée en conséquence et cristallisée par le règlement (CE) no 178/2002, a permis de préciser les principes transversaux qui jalonnent désormais l’ensemble du domaine alimentaire. Ce règlement cadre a été progressivement complété par une kyrielle de réglementations sectorielles, relatives aux questions de droit alimentaire les plus diverses.

    Plus de dix ans après l’adoption du règlement (CE) no 178/2002, l’heure du bilan s’est avéré très positif, tant sur l’implication des nouveaux acteurs⁴ que sur les réponses apportées aux crises qui sont intervenues par la suite⁵. Il aura fallu une « fraude alimentaire »⁶, avec la lasagne « 100% pur bœuf » (composée de cheval), pour tenter d’ébranler, sans succès, le régime mis ainsi en place.

    Si le marché intérieur a suscité l’adoption de cette réforme, ce n’est pas tant pour permettre aux denrées alimentaires de circuler, que pour favoriser la circulation de denrées alimentaires sûres et saines⁷. Le règlement (CE) no 178/2002 précise d’ailleurs que la libre circulation des denrées alimentaires⁸ ne « peut être réalisée que si la sécurité des denrées alimentaires et des aliments pour animaux ne diffèrent pas de manière significative d’un État membre à l’autre »⁹.

    La question de la sécurité est ainsi centrale et fera l’objet de la première partie de la présente contribution. Il conviendra, dans un premier temps, de retracer les différentes étapes de l’émergence d’un principe de sécurité générale des produits alimentaires. Dans un second temps, il sera examiné si le futur paquet « sécurité des produits », initié par la Commission européenne en 2013, emportera des modifications spécifiques.

    La seconde partie de cette contribution examinera le corollaire de la sécurité des denrées alimentaires, à savoir la responsabilité qui peut en découler. Les régimes spécifiques de droit de l’Union européenne qui existent et leur lien avec le règlement (CE) no 178/2002 seront plus particulièrement examinés.

    Section 1

    La sécurité des produits alimentaires en droit de l’Union européenne

    § 1. De lege lata : l’émergence de la sécurité des produits alimentaires en droit de l’Union européenne

    A. La directive 92/59/CE : la première étape d’une sécurité des produits

    La sécurité des produits constitue de longue date une préoccupation essentielle du législateur de l’UE. Adoptée dans le prolongement de la Communication de la Commission relative à une nouvelle impulsion pour la politique des consommateurs¹⁰, la directive 92/59/CEE¹¹ avait pour objectif, en réalisant une harmonisation des législations nationales éparses, la mise sur le marché de produits « sûrs »¹².

    Cette garantie de sécurité des produits était en réalité issue de « l’inquiétude suscitée par l’idée du marché intérieur, en particulier en raison de la généralisation en découlant des principes de l’équivalence et de la reconnaissance mutuelle des réglementations et normes des autres états membres »¹³.

    Bien que le choix de sa base légale fut discuté¹⁴, la directive 92/59/CEE a permis d’établir un principe de base, à savoir que seuls des produits sûrs pouvaient être mis sur le marché. Cette assertion nécessite plusieurs commentaires.

    En premier lieu, le champ d’application ratione materiae n’était pas défini de manière claire. En effet, la définition du produit, contenue à l’article 2 de la directive 92/59/CE, surtout de la tautologie et concernait avant tout les caractéristiques extrinsèques de ce dernier. Le produit était ainsi défini comme « tout produit destiné aux consommateurs ou susceptibles d’être utilisé par les consommateurs, fourni dans le cadre d’une activité commerciale, à titre onéreux ou gratuit, qu’il soit à l’état neuf, d’occasion ou reconditionné »¹⁵.

    La doctrine avait estimé que, « sans que cela soit explicitement formulé par le texte de la directive, celle-ci vise tout produit meuble ou immeuble, industriel, artisanal ou agricole y compris les éléments dont il se compose tels que les matières premières, les substances, les composants et les semi-produits »¹⁶. Les produits alimentaires y étaient ainsi soumis. Cette solution nous paraît d’autant plus logique que la directive 92/59/CEE constitue une législation horizontale ayant pour objet de couvrir l’ensemble des produits.

    En deuxième lieu, bien que son champ d’application englobe prima facie de très nombreuses catégories de produits, la directive 92/59/CEE ne s’applique qu’à défaut de texte plus précis encadrant des catégories déterminées de produits¹⁷. Ainsi, son application est, par définition, supplétive, garantissant une sécurité « générale » des produits, tel que le prévoit son intitulé, et non une sécurité « spécifique ».

    Il a d’ailleurs fallu attendre l’adoption du règlement (CE) no 258/97 relatif aux nouveaux aliments et aux nouveaux ingrédients alimentaires¹⁸ pour que des règles spécifiques de sécurité soient initiées dans le domaine alimentaire.

    En troisième lieu, si le produit est au centre de la directive 92/59/CEE, c’est surtout sa qualification en produit sûr ou, son antithèse, en produit dangereux, qui en constitue la pierre angulaire. Le « produit sûr » est défini par cette directive comme « tout produit qui, dans des conditions d’utilisation normales ou raisonnablement prévisibles, y compris de durée, ne présente aucun risque ou seulement des risques réduits à un niveau bas compatibles avec l’utilisation du produit et considérés comme acceptables dans le respect d’un niveau de protection élevé pour la santé et la sécurité des personnes, compte tenu, en particulier, des éléments suivants :

    – des caractéristiques du produit, notamment sa composition, son emballage, ses conditions d’assemblage et d’entretien ;

    – de l’effet du produit sur d’autres produits au cas où on peut raisonnablement prévoir l’utilisation du premier avec les seconds ;

    – de la présentation du produit, de son étiquetage, des instructions éventuelles concernant son utilisation et son élimination ainsi que de toute autre indication ou information émanant du producteur ;

    – des catégories de consommateurs se trouvant dans des conditions de risque grave au regard de l’utilisation du produit, en particulier des enfants »¹⁹.

    Le corollaire de cette définition est que tout produit qui ne répond pas aux critères qu’elle édicte est qualifié de « produit dangereux »²⁰.

    Enfin, en marge de la question du champ d’application, la directive 92/59/CEE a surtout eu pour avancée l’instauration²¹ du système d’alerte rapide (ci-après « SCAR »), à propos duquel le Tribunal de l’Union européenne avait eu l’occasion de préciser qu’il « confère aux seules autorités nationales, et non à la Commission, la responsabilité d’établir s’il existe un risque grave et immédiat pour la santé et la sécurité des consommateurs »²² et que « la responsabilité de la Commission dans le cadre du SCAR est limitée à la circulation des informations en tant que telles »²³.

    Eu égard à l’expérience acquise dans l’application de cette directive²⁴, et compte tenu des difficultés relatives à sa mise en œuvre et à son application, la directive 92/59/CEE a été abrogée et remplacée par la directive 2001/95/CE²⁵.

    B. La directive 2001/95/CE : l’affinement des concepts

    1. Contexte de l’adoption

    L’adoption de la directive 2001/95/CE s’est inscrite dans le prolongement de la directive 92/59/CEE, tout en veillant à tenir compte des difficultés relevées dans le rapport de la Commission sur l’application de celle-ci.

    L’approche de la directive 2001/95/CE demeure classique, dès lors qu’elle constitue « une législation communautaire horizontale instaurant une obligation générale de sécurité des produits, et comportant des dispositions relatives aux obligations générales des producteurs et des distributeurs, au contrôle de l’application des prescriptions de la Communauté en matière de sécurité des produits et à l’échange rapide d’informations, ainsi qu’à une action au niveau communautaire dans certains cas »²⁶.

    Une question a toutefois suscité certaines interrogations, à savoir le choix de sa base légale, et ce d’autant plus que le premier considérant de la directive 2001/95/CE estimait la refonte de la directive précédente nécessaire au regard notamment « des changements introduits dans le traité, en particulier dans les articles 152, concernant la santé publique, et 153, concernant la protection des consommateurs, et à la lumière du principe de précaution ».

    Nonobstant l’émergence de ces deux dispositions, la directive 2001/95/CE a exclusivement été adoptée sur la base de l’article 95 CE (devenu article 114 TFUE), ce qui témoigne de l’objectif principal qui la sous-tend, à savoir le marché intérieur. En effet, il est opportun de rappeler que la base légale déterminée par le législateur de l’Union reflète la « philosophie même de l’acte »²⁷. Il ne peut ainsi dépendre de la seule conviction d’une institution²⁸ et ne peut être adopté en se référant à la base juridique retenue pour l’adoption d’autres actes de l’UE présentant, le cas échéant, des caractéristiques similaires²⁹.

    Si le législateur de l’UE a choisi exclusivement l’article 95 CE comme base légale, c’est que l’objectif d’harmonisation primait. Par ailleurs, lorsque deux dispositions peuvent être le soubassement de son intervention, le législateur de l’UE doit se fonder sur des éléments objectifs, susceptibles d’un contrôle juridictionnel, parmi lesquels se trouvent le but et le contenu de l’acte, pour choisir la base légale de ce dernier³⁰. Si l’une des finalités de l’acte est identifiable comme principale tandis que l’autre n’est qu’accessoire, l’acte devra être fondé sur la seule base juridique concernant la finalité principale³¹.

    Au regard de l’objectif unique poursuivi, la volonté première du législateur était d’harmoniser les diverses législations éparses qui nuisent aux échanges commerciaux et causent des distorsions dans la concurrence. En outre, le législateur de l’UE vise à prévenir et gérer des risques dans le but de protéger la santé et la sécurité des consommateurs³². La directive 2001/95/CE « préconise une approche préventive à la matérialisation de risques connus, laquelle repose sur l’autorégulation des secteurs d’activités économiques par le biais de la normalisation »³³.

    2. Le produit sûr

    À l’instar de la directive 92/59/CEE, la pierre angulaire de la directive 2001/95/CE est la notion de « produit sûr », à telle enseigne que les producteurs « sont tenus de ne mettre sur le marché »³⁴ que de tels produits.

    La notion de produit sensu stricto est définie comme « tout produit qui – également dans le cadre d’une prestation de services – est destiné aux consommateurs ou susceptible, dans des conditions raisonnablement prévisibles, d’être utilisé par les consommateurs, même s’il ne leur est pas destiné, et qui est fourni ou mis à disposition dans le cadre d’une activité commerciale, à titre onéreux ou gratuit, qu’il soit à l’état neuf, d’occasion ou reconditionné »³⁵. À cet égard, le législateur n’est pas davantage intervenu, au regard de l’ancienne directive, pour exclure éventuellement certaines catégories de bien. Aussi, l’interprétation la plus large doit être maintenue, ce qui a pour conséquence d’englober les produits alimentaires. Toutefois, les aliments pour animaux ne sont pas couverts³⁶, ce qui s’avère logique, dès lors que la directive 2001/95/CE vise avant tout les consommateurs et les produits qui leur sont destinés ou susceptibles d’être utilisés par eux.

    Plus précisément, le « produit sûr » est, quant à lui, défini comme celui, qui, « dans des conditions d’utilisation normales ou raisonnablement prévisibles, y compris de durée et, le cas échéant, de mise en service, d’installation et de besoin d’entretien, ne présente aucun risque ou seulement des risques réduits à un niveau bas compatibles avec l’utilisation du produit et considérés comme acceptables dans le respect d’un niveau élevé de la santé et de la sécurité des personnes »³⁷.

    La directive 2001/95/CE établit à cet égard une série de critères pour faciliter l’appréciation du caractère sûr d’un produit. Une disctinction intervient alors entre les deux présomptions instituées et les critères d’évaluation devant être suivis. Le critère de démarcation relève en réalité du degré de vérification qui interviendra. Ainsi, un produit sera considéré comme sûr lorsqu’il est conforme au droit national de l’État où il est commercialisé, en l’absence de dispositions spécifiques relatives à la sécurité au niveau de l’Union européenne³⁸. En d’autres termes, à défaut d’harmonisation, et pour autant que les dispositions de l’État de commercialisation soient respectées, le produit fabriqué dans un État membre (autre que celui de commercialisation) devra être reconnu comme étant sûr par l’État membre de commercialisation. Il s’agit d’une application du principe de reconnaissance mutuelle.

    Ensuite, à défaut de normes nationales, un produit conforme aux « normes nationales non obligatoires » transposant des normes techniques européennes sera présumé conforme à la directive 2001/95/CE. Ces normes techniques constituent « la formulation, à un moment déterminé, des règles du savoir-faire, susceptibles de s’appliquer à une activité donnée »³⁹.

    En marge de ces deux présomptions, la directive 2001/95/CE prévoit une série de critères qui permettront d’évaluer, dans des circonstances autres que celles instituant les présomptions, la conformité d’un produit à l’obligation générale de sécurité. Parmi ces critères⁴⁰, pris en considération « quand ils existent »⁴¹, se retrouve « l’état actuel des connaissances et de la technique ». Ce critère s’avère très pertinent dans un secteur en constante évolution. En outre, il fait écho à l’exonération pour risque de développement institué dans le cadre de la directive 85/374/CEE sur les produits défectueux⁴² (voy. infra).

    L’articulation entre la directive 2001/95/CE et la directive 85/374/CEE, qui s’avère évidente⁴³, dès lors que toutes deux visent les produits sûrs mis sur le marché, bien qu’à deux moments différents (mise sur le marché et survenance d’un dommage), est ainsi confortée.

    3. Les acteurs

    La directive 2001/95/CE vise en premier lieu les producteurs qui « sont tenus de ne mettre sur le marché que des produits sûrs »⁴⁴. Les producteurs sont définis comme ceux qui, étant établis dans l’Union européenne, fabriquent le produit. Sont assimilés aux producteurs, toutes les autres personnes « qui se présentent comme fabricant en apposant sur le produit son nom, sa marque ou un autre signe distinctif, ou celui qui procède au reconditionnement »⁴⁵.

    Ce texte y assimile également celui qui reconditionne le produit ou qui se présente en tant que fabriquant du produit, alors qu’il y appose son nom, une marque de commerce ou encore un signe distinctif permettant de l’identifier. Si le producteur n’est pas établi sur le territoire de l’Union, son représentant ou, à défaut, l’importateur, sera assimilé au producteur. Enfin, les autres professionnels de la chaîne de commercialisation pourront être assimilés aux producteurs, « dans la mesure où leurs activités peuvent affecter les caractéristiques de sécurité d’un produit »⁴⁶.

    Les producteurs doivent fournir aux consommateurs les informations utiles qui leur permettent d’évaluer les risques inhérents à un produit pendant sa durée d’utilisation normale ou raisonnablement prévisible, lorsque ceux-ci ne sont pas immédiatement perceptibles sans un avertissement adéquat, et de s’en prémunir⁴⁷.

    Cette obligation d’information s’étend également après la vente, dès lors que l’article 5, § 1, de la directive 2001/95/CE dispose que « [l]orsque les producteurs et les distributeurs savent ou doivent savoir, sur la base des informations en leur possession et en tant que professionnels, qu’un produit qu’ils ont mis sur le marché présente pour le consommateur des risques incompatibles avec l’obligation générale de sécurité, ils en informent immédiatement les autorités compétentes des États membres […], en précisant notamment les actions engagées afin de prévenir les risques pour les consommateurs ».

    Par ailleurs, la nature du produit en cause détermine la portée de la connaissance qui doit peser sur les producteurs. En ce sens, l’article 5, § 1, al. 3, de la directive 2001/95/CE « leur permet de prendre toutes les autres mesures utiles pour réaliser leur devoir d’information en engageant des actions proportionnelles (telles que le marquage, la réalisation d’essais, l’examen des plaintes, le retrait, la mise en garde et le rappel), et en coopérant étroitement avec les autorités compétentes en vue de prévenir ces risques »⁴⁸.

    Enfin, relevons que les États membres ont l’obligation de s’assurer que les producteurs et les distributeurs respectent les obligations qui leur incombent⁴⁹ et disposent de plusieurs moyens pour y parvenir, notamment en édictant des sanctions « efficaces, proportionnées et dissuasives »⁵⁰.

    4. Le système d’alerte rapide et l’échange d’informations

    Le caractère sûr d’un produit n’endigue pas la possibilité pour les autorités compétentes d’un État membre de prendre des mesures opportunes pour restreindre la mise sur le marché ou demander le retrait du marché ou son rappel si, malgré la conformité du produit aux critères édictés par la directive, il se révèle dangereux. Aussi, dans le cadre des présomptions de conformité instituées, est-il possible de préciser que celles-ci sont réfagables.

    Parmi les mesures qui peuvent être adoptées par les autorités compétentes, celles-ci varieront selon la gravité du risque. L’article 8 de la directive 2001/95/CE en énumère plusieurs, de la vérification de la sécurité au retrait du marché. Il va de soi que toute décision intervenant dans ce cadre doit s’exercer dans le respect du droit primaire et notamment des dispositions relatives à la libre circulation des marchandises, ce qui implique in fine un éventuel contrôle de proportionnalité de l’entrave⁵¹. L’article 8, § 2, al. 1, de la directive 2001/95/CE relève également l’importance du principe de précaution qui doit être « dûment » pris en compte.

    Lorsque des mesures spécifiques sont prises, les États membres doivent notifier leur décision à la Commission via le système d’information rapide RAPEX, lequel vise à permettre une diffusion des informations liées à un potentiel de risque élevé⁵². La Commission informe les autres États membres de la mesure prise par l’État concerné, ou informe ce dernier qu’elle considère que cette décision n’est pas conforme au droit de l’Union européenne⁵³.

    Enfin, la Commission peut, de sa propre initiative, si elle a connaissance d’un risque grave et après consultation avec les États membres, arrêter une décision conformément à la procédure de comitologie⁵⁴ en enjoignant aux États membres de prendre les mesures nécessaires visées à l’article 8 de la directive 2001/95/CE.

    C. Le règlement (CE) no 178/2002 : un régime spécifique de sécurité pour les denrées alimentaires

    Le règlement (CE) no 178/2002 a institué un nouveau système de sécurité alimentaire au niveau de l’Union européenne. Pour ce faire, il contient des principes, des obligations et des prescriptions qui ont été intégrés dans toute législation alimentaire, qu’elle soit nationale ou de l’Union européenne, depuis le premier janvier 2007⁵⁵.

    Ces règles de sécurité concernent toutes les étapes de la production, de la transformation et de la distribution des denrées alimentaires, ainsi que des aliments destinés ou donnés à des animaux producteurs de denrées alimentaires⁵⁶.

    1. Les principes généraux de la législation alimentaire

    Le règlement (CE) no 178/2002 établit des « principes généraux » sur lesquels doit reposer la législation alimentaire. Ces principes forment un « cadre général de nature horizontale »⁵⁷, lequel est une émanation de l’approche globalisée, plutôt que sectorielle, du règlement. Ces principes sont de quatre ordres.

    En premier lieu, le règlement renseigne les divers objectifs poursuivis par la législation alimentaire⁵⁸. Celle-ci se doit de poursuivre au moins un objectif de protection (de la vie et de la santé humaine, des intérêts des consommateurs et, le cas échéant, de la santé et du bien-être des animaux, de la santé des plantes et de l’environnement) et un objectif tenant à la libre circulation des produits alimentaires. Le législateur est également invité à prendre en considération les normes internationales pertinentes dans l’élaboration ou l’adaptation des législations⁵⁹. Cette dernière considération revêt une importance majeure, dès lors que le système européen ne peut se concevoir de manière isolée. Il s’intègre en effet dans un ensemble régulatoire plus vaste, géré par des institutions et des normes internationales, à l’élaboration duquel l’Union européenne participe activement⁶⁰.

    En deuxième lieu, si les circonstances ou la nature de la mesure s’y prêtent, la législation alimentaire doit se fonder sur un principe d’analyse des risques⁶¹. Ce principe permet d’atteindre un haut niveau de protection de la santé par des mesures efficaces, proportionnées et ciblées, adoptées en vue de réduire, d’éliminer ou d’éviter un risque pour la santé⁶².

    Le risque est une notion centrale dans la réglementation, qui se réfère à une « fonction de la probabilité et de la gravité d’un effet néfaste sur la santé, du fait de la présence d’un danger »⁶³.

    L’analyse des risques comporte trois volets. Tout d’abord, une évaluation scientifique des risques qui doit être menée en toute indépendance, objectivité et transparence⁶⁴, dans la logique

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