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Les comportements dans le domaine de la santé
Les comportements dans le domaine de la santé
Les comportements dans le domaine de la santé
Livre électronique469 pages5 heures

Les comportements dans le domaine de la santé

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À propos de ce livre électronique

Étonnamment, ce n’est pas nécessairement pour se sentir mieux qu’on arrête de fumer. En fait, il est rare que l’on adopte un comportement lié à la santé uniquement pour des raisons de santé. Ce serait plutôt une action que l’on accomplit au même titre que d’autres, comme voter aux élections, acheter un ordinateur ou composter son potager.
Selon l’auteur, les raisons de bien-être n’expliquent pas à elles seules que des gens adoptent, maintiennent ou abandonnent des comportements de santé. Malheureusement, les professionnels de ce milieu commettent souvent l’erreur d’axer leurs interventions éducatives en brandissant le spectre de la peur ou en limitant leurs initiatives à la seule présentation des bénéfices pour la santé qu’il y aurait à adopter le « bon » comportement.
Cet ouvrage qui s’adresse aux professionnels de la santé, couvre les principales théories de prédiction et du changement des comportements, tout en fournissant un guide pour le développement d’outils d’évaluation.

Gaston Godin est professeur à l’Université Laval et spécialiste de la santé communautaire, notamment en sciences du comportement.
LangueFrançais
Date de sortie1 mars 2013
ISBN9782760631533
Les comportements dans le domaine de la santé

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    Aperçu du livre

    Les comportements dans le domaine de la santé - Gaston Godin

    LES COMPORTEMENTS DANS LE DOMAINE DE LA SANTÉ

    Sous la direction

    Gaston Godin

    LES COMPORTEMENTS DANS

    LE DOMAINE DE LA SANTÉ

    Comprendre pour mieux intervenir

    Les Presses de l'Université de Montréal

    Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

    Vedette principale au titre :

    Les comportements dans le domaine de la santé : comprendre pour mieux intervenir

    Comprend des réf. bibliogr.

    ISBN 978-2-7606-2779-6

    1. Habitudes sanitaires. 2. Malades - Modification du comportement. 3. Éducation des patients. 4. Prédiction (Psychologie). I. Godin, Gaston.

    RA776.9.A36 2012 613 C2012-941056-X

    Dépôt légal : 4e trimestre 2012

    Bibliothèque et Archives nationales du Québec

    © Les Presses de l’Université de Montréal, 2012

    ISBN (papier) 978-2-7606-2779-6

    ISBN (epub) 978-2-7606-3153-3

    ISBN (pdf) 978-2-7606-3154-0

    Nous tenons à remercier le Réseau de recherche en santé des populations du Québec du Fonds de la recherche en santé du Québec (FRSQ) pour le soutien financier accordé à la publication de cet ouvrage.

    Les Presses de l’Université de Montréal reconnaissent l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada pour leurs activités d’édition.

    Les Presses de l’Université de Montréal remercient de leur soutien financier le Conseil des Arts du Canada et la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC).

    Version ePub réalisée par:

    www.Amomis.com

    Amomis.com

    Introduction

    L’efficacité des interventions est un défi important pour tous les intervenants dans le domaine de la santé, et cela est d’autant plus vrai lorsque ces interventions visent à changer des comportements. Le sujet de préoccupation est le changement des comportements dans le domaine de la santé. Il y a présentement suffisamment de preuves scientifiques pour justifier l’approche de développement des interventions éducatives que nous avons et qui repose sur deux prémisses : 1) comprendre pour agir ; 2) planifier pour intervenir. Ces prémisses nous servent donc de guide dans l’élaboration des divers chapitres de ce livre.

    Toutefois, il y a lieu de préciser certains points. D’abord, la définition du terme « comportement ». De façon générale, un comportement est avant tout une action observable. Dans le cas d’un comportement en lien avec la santé, il faut préciser que ce ne sont pas les motifs personnels d’adoption qui le sous-tendent mais plutôt ses répercussions qui le lient à la santé. Par exemple, personne ne fume la cigarette pour des raisons de santé. Cependant, le tabagisme est un comportement ayant des conséquences majeures sur la santé. En fait, les comportements liés à la santé sont avant tout des comportements sociaux au même titre que d’autres comportement, tels agir comme bénévole pour une collecte de fonds, voter aux élections, acheter un ordinateur ou composter. Ainsi, pour les besoins du présent ouvrage, nous adopterons la définition suivante : « Un comportement lié à la santé est une action faite par un individu et ayant une influence positive ou négative sur la santé. » Cela implique que peu importent les motifs personnels qui leur sont sous-jacents, toutes les actions suivantes sont des exemples de comportements liés à la santé : conduire son automobile sous l’influence de l’alcool, faire du jogging, se brosser les dents, utiliser un condom lors de relations sexuelles à risque, fumer la cigarette, etc.

    Il est important de souligner que cette définition propose une vision sociale et culturelle des comportements liés à la santé et, de ce fait, s’éloigne de la seule perspective sanitaire. Soyons clairs, notre définition fait en sorte que l’on pourrait même affirmer qu’en principe il n’y a pas de comportements de santé, mais qu’il y a des comportements sociaux que des preuves scientifiques lient avec la santé. Prenons l’exemple de l’usage de la cigarette. On ne peut pas nier que l’usage du tabac a d’abord été un comportement social lié aux valeurs culturelles en place. Pensons à divers pays où l’usage du tabac s’inscrit dans un rituel culturel. Même ici au Québec, c’était le cas jusqu’au milieu du XXe siècle. Cependant, les données épidémiologiques cumulées depuis ce temps ont mis en évidence que ce comportement social était dangereux pour la santé en raison de son association démontrée entre autres avec le cancer du poumon. On considère donc maintenant ce comportement comme lié à la santé.

    En ce sens, notre définition permet d’éviter le piège de penser que les comportements liés à la santé ne sont adoptés que pour des raisons de santé. Plusieurs professionnels de la santé commettent encore cette erreur de croire que des raisons de santé expliquent le maintien, l’adoption ou l’abandon de comportements liés à la santé. Dans cette perspective, ils développent leurs interventions éducatives soit en brandissant le spectre de la peur soit en limitant leurs interventions à la seule présentation des bénéfices pour la santé d’adopter le « bon » comportement. L’expression suivante est souvent le reflet de cela : « Si les gens savaient quels sont les méfaits de leurs habitudes de vie, ils adopteraient les bons comportements. » Ainsi, on fera la promotion de l’activité physique en faisant craindre la maladie coronarienne, de même qu’on fera la promotion de l’abandon du tabac en exposant la perspective d’un cancer à l’aide d’images morbides percutantes de poumons malades. Ou encore on encouragera une saine alimentation pour éviter les nombreux problèmes associés à l’obésité. Une telle direction dans le choix des contenus des messages éducatifs dénote la très forte prépondérance accordée aux croyances des professionnels plutôt qu’aux motivations des personnes concernées par les interventions. En somme, lorsque seule la perspective sanitaire est adoptée, c’est comme si le professionnel de la santé concluait que ses motifs d’intervention (soit améliorer la santé, prévenir la maladie) étaient les mêmes que ceux guidant l’adoption des comportements dans la population visée par l’intervention. Malheureusement, les choses ne se passent pas ainsi et, le plus souvent, ce sont les motifs sociaux plutôt que ceux liés à la santé qui dictent le comportement des personnes. Par exemple, à l’arrivée du printemps, les personnes qui ont un léger surplus de poids seront plus motivées à adopter une activité physique ou une alimentation moins riche en calories afin d’améliorer leur image plutôt que pour éviter un problème de santé.

    En conséquence, nous réitérons notre position initiale : comprendre pour agir et planifier pour intervenir. Ainsi, le développement d’une intervention éducative ou dirigée vers l’individu et visant le changement planifié d’un comportement lié à la santé devrait s’appuyer sur une identification préalable des facteurs explicatifs du phénomène d’intérêt, pour une population définie, dans un contexte donné. Par la suite, cette compréhension permettra de choisir la méthode d’intervention la plus appropriée. De plus, lorsqu’une intervention de nature éducative est jugée pertinente, son contenu sera mieux adapté aux caractéristiques de la population ciblée.

    Dans le changement planifié des comportements, la compréhension des phénomènes passe par des théories éprouvées qui deviennent des outils au service de la pratique. Aussi, en lien avec la définition que nous avons adoptée, la sélection d’une ou de plusieurs théories reste une étape importante dans le processus d’identification des facteurs psychosociaux guidant l’adoption des comportements et le développement des interventions. Pour faciliter cette tâche, nous reprenons la nomenclature de Sutton (2003) qui a divisé les théories en deux grandes catégories : prédiction et changement. Pour l’une et l’autre on retrouve dans la littérature des théories dites générales, issues de la psychologie sociale, et d’autres spécifiques au domaine de la santé.

    Les théories présentées dans le chapitre 1 permettent surtout de comprendre les facteurs en jeu dans la genèse d’un comportement (théories de prédiction). Il s’agit du modèle des croyances relatives à la santé, de la théorie du comportement planifié et de la théorie des comportements interpersonnels. Il est à noter que la présentation de la théorie du comportement planifié est précédée d’explications relatives à la théorie de l’action raisonnée compte tenu de son rôle de précurseur. Dans le chapitre 2, suivront les théories du changement de comportement, soit la théorie sociale cognitive, le modèle transthéorique, la théorie de l’autodétermination et les modèles des phases de l’action et du processus d’action en santé. Finalement, les fondements théoriques de la technique d’activation des intentions seront présentés dans le chapitre 3.

    Dans la deuxième partie du volume, on présentera une approche de planification que nous privilégions (intervention mapping) et des stratégies d’intervention (computer tailoring, effet question-comportement). Dans la troisième partie, on retrouvera la présentation de diverses applications d’études de prédiction de l’adoption des comportements de santé dans la population et des comportements cliniques par les travailleurs de la santé. Finalement, la quatrième partie sera consacrée à des aspects méthodologiques, soit ceux concernant le développement de questionnaires utilisés pour la mesure des variables provenant des théories présentées dans cet ouvrage. Ces questionnaires sont utilisés à la fois lors des études de prédiction et d’évaluation des interventions éducatives.

    Dans le présent ouvrage, plusieurs éléments ont été mis en place pour faciliter l’acquisition des connaissances. 1. Des encadrés proposent des exemples concrets des concepts clés. 2. Toutes les théories présentées sont illustrées sous forme de figures ou de tableaux synthèses. 3. Les termes qui apparaissent en caractères gras dans l’ouvrage sont définis dans un glossaire présenté à la fin du livre. 4. Un résumé sous forme de points est présenté à la fin de chaque chapitre. 5. Enfin, le lecteur qui désire approfondir ses connaissances trouvera une liste de lectures complémentaires à la fin de chaque chapitre.

    Gaston Godin

    PREMIÈRE PARTIE

    LES THÉORIES

    1

    Les théories de prédiction

    Gaston Godin et Lydi-Anne Vézina-Im

    Université Laval


    1. Le modèle des croyances relatives à la santé

    Domaines d’application, efficacité et limites

    Implications pratiques

    2. Les théories de l’action raisonnée et du comportement planifié

    Domaines d’application, efficacité et limites

    Développements

    Implications pratiques

    3. La théorie des comportements interpersonnels

    Domaines d’application, efficacité et limites

    Implications pratiques

    4. Le modèle intégrateur

    Conclusion

    Résumé

    Lectures suggérées


    Avant d’aborder plus en détail chacune des principales théories, examinons d’abord ce qu’est une théorie. Dans le domaine qui nous intéresse, on pourrait dire qu’une théorie représente la conception qu’à un auteur des causes d’adoption d’un comportement. Les théories découlent habituellement d’observations empiriques et expérimentales, et les auteurs justifient les liens proposés entre le comportement et ses déterminants en s’appuyant sur des prémisses spécifiques. En résumé, une théorie, c’est la vision qu’a un auteur de la réalité. Ainsi, pour un auteur donné, X pourrait être la cause de C, alors que pour un autre auteur l’influence de ce facteur X sur C serait par l’entremise de Z. Chacune de ces deux théories pourrait être illustrée sous la forme d’un modèle représentant les liens entre ces variables : X → C ; X → Z → C. Évidemment, ces deux théories reposeraient sur des prémisses qui leurs sont propres et distinctes.

    Les théories exposées dans ce chapitre (générales et spécifiques au domaine de la santé) sont dites de prédiction, puisqu’elles visent à prédire si un comportement sera adopté ou non. En ce sens, elles permettent d’obtenir des informations quant aux motifs d’adoption des comportements. Il faut souligner que cette information sera utile non seulement pour guider le développement des interventions visant le changement comportemental, mais également pour l’évaluation de l’effet de celles-ci. Dans le cadre de ce chapitre, il n’est pas possible de couvrir toutes les théories de prédiction. Nous choisissons d’exposer les plus courantes (populaires) ainsi que celles bénéficiant d’un certain consensus parmi les chercheurs du domaine. Nous présentons d’abord une théorie spécifique au domaine de la santé, soit le modèle des croyances relatives à la santé. Par la suite, nous présentons des théories générales, soit la théorie de l’action raisonnée et la théorie du comportement planifié ainsi que la théorie des comportements interpersonnels. Enfin, nous proposons un modèle intégrateur résumant notre vision des variables qui définissent la motivation et le comportement dans le domaine de la santé.

    1. LE MODÈLE DES CROYANCES RELATIVES À LA SANTÉ

    Ce modèle est probablement celui qui est le plus présent, non seulement chez les professionnels de la santé, mais également dans le discours social entretenu quant aux motifs invoqués pour expliquer pourquoi les bons comportements ne sont pas adoptés. Les propos suivants illustrent ce modèle : « Ah, si les gens savaient quels sont les dangers liés à la cigarette, à l’inactivité physique, à une mauvaise alimentation, aux mauvaises habitudes de vie, ils adopteraient les bons comportements ! » Malheureusement, comme nous le verrons plus loin dans ce chapitre, la complexité des motifs sous-jacents à l’adoption des comportements va bien au-delà des connaissances et de la perception des risques.

    Le modèle des croyances relatives à la santé (Health Belief Model ; HBM) a fait son apparition vers 1950. À l’origine, il a été formulé afin d’expliquer pourquoi les gens acceptaient ou non de passer un test de dépistage des maladies asymptomatiques (par exemple, le cancer des poumons). Par la suite, le modèle a été utilisé pour comprendre les comportements associés à la prévention des maladies (par exemple, la vaccination) et à l’adhésion aux prescriptions médicales. Les applications concernant l’étude des comportements liés à la santé (par exemple, les habitudes de vie) sont apparues plus tard, soit vers la fin des années 1970.

    Le HBM suppose qu’un individu est susceptible de poser des gestes pour prévenir une maladie ou une condition désagréable s’il possède des connaissances minimales en matière de santé et s’il considère la santé comme une dimension importante dans sa vie (voir figure 1.1). Ce sont des préalables sans lesquels le modèle ne s’applique pas. Pour les auteurs de ce modèle, les comportements d’intérêt se limitent à ceux ayant un lien avec la santé (ou la maladie). Les autres comportements n’ont aucune pertinence pour ce modèle. Cela explique pourquoi les seuls déterminants de la décision d’agir sont la perception d’une menace à la santé et la croyance en l’efficacité de l’action à entreprendre pour réduire ou pour faire disparaître cette menace.

    La perception d’une menace à la santé est définie par deux croyances spécifiques : l’individu peut d’une part se considérer comme potentiellement vulnérable à une maladie ou à une condition défavorable pertinente et, d’autre part, il peut percevoir l’apparition éventuelle d’un état désagréable comme dangereux et pouvant avoir des conséquences graves sur certains aspects de sa vie. La croyance en l’efficacité de l’action devant la menace provient de l’évaluation des avantages et des inconvénients associés à l’adoption des actions préventives recommandées. De plus, certaines variables (démographiques, sociopsychologiques) influencent les perceptions de l’individu, et certains événements incitant à l’action peuvent éveiller chez lui la perception d’une menace pour sa santé.

    À la description originale du modèle des croyances relatives à la santé il s’est ajouté une autre variable. En effet, à la fin des années 1980, Rosenstock et ses collaborateurs (1988) ont intégré le concept d’efficacité personnelle au modèle, cette variable étant un emprunt à la théorie sociale cognitive de Bandura (voir le chapitre 2). La première raison de l’ajout de cette variable est la capacité qu’elle a à prédire les comportements, ce qui augmente inévitablement la performance du modèle des croyances relatives à la santé dans les études de prédiction.

    ENCADRÉ 1.1

    Application du modèle des croyances relatives à la santé

    Selon le modèle des croyances relatives à la santé, une personne devrait prendre la décision de faire de l’activité physique régulièrement si elle comprend que la sédentarité représente une menace pour sa santé (par exemple, un risque de maladie coronarienne), et qu’elle évalue que la pratique régulière d’une activité physique permettrait de diminuer ce risque. La perception d’une menace pour sa santé pourrait être le résultat de la croyance en sa vulnérabilité à la maladie coronarienne, de la croyance en la gravité des conséquences qu’aurait une maladie coronarienne sur sa conditions de vie et/ou de l’apparition d’événements qui éveilleraient cette perception de la menace (par exemple, ressentir des symptômes, avoir un ami sédentaire qui aurait récemment fait un infarctus du myocarde). De plus, cette personne devrait avoir la conviction que la pratique régulière d’une activité physique permet de diminuer son risque de développer cette maladie, après avoir évalué les avantages et les coûts qui y sont associés. De plus, puisque la force des perceptions précédentes varierait selon les caractéristiques individuelles, il est fort possible que les personnes de plus de 50 ans de même que les hommes soient plus enclins à agir sur ces perceptions, compte tenu de leur plus grande vulnérabilité à la maladie coronarienne. Enfin, étant donné l’ajout du concept d’efficacité personnelle, les personnes qui auraient le sentiment d’être capables de pratiquer une activité physique de manière régulière investiraient plus d’efforts pour surmonter les difficultés et les barrières rencontrées dans leur tentative de changement comportemental.

    Domaines d’application, efficacité et limites

    Le modèle des croyances relatives à la santé a été appliqué à l’étude d’une multitude de comportements, tels que l’adhésion aux régimes thérapeutiques prescrits, le recours à des services médicaux, le dépistage des maladies, l’adoption de pratiques sexuelles sécuritaires et l’adoption volontaire de comportements sains. Sans entrer dans le détail, il ressort des études publiées que le modèle est plus approprié pour l’étude des comportements réalisés dans un contexte clinique, car l’étude des comportements sains se prête mal aux hypothèses soutenues par le modèle. Cela peut expliquer pourquoi certaines méta-analyses indiquent que le modèle des croyances relatives à la santé est efficace pour prédire l’adoption des comportements, tandis que d’autres auteurs ont trouvé une relation plutôt faible entre les construits du modèle et les comportements étudiés. À cet égard, notons que selon Abraham et Sheeran (2005), certaines méta-analyses de ce modèle comportent des lacunes importantes, car certains auteurs ont limité leur analyse aux études confirmant l’effet significatif des différentes variables du modèle lors de la prédiction de comportements à l’étude. Cette approche ne permet pas de préciser quelle est la taille de l’effet (effect size), les variations associées à la taille d’échantillon, ni la nature des relations entre les variables du modèle et le comportement (bivariée ou multivariée).

    Plus récemment, la méta-analyse de Daddario (2007) sur la gestion du poids corporel permet de mieux saisir la complexité d’analyse des résultats du HBM. Ainsi, parmi les cinq études considérées dans cette méta-analyse, seulement deux ont rapporté un certain degré d’efficacité du modèle des croyances relatives à la santé pour prédire et changer des comportements liés à la gestion du poids corporel (c’est-à-dire, le maintien d’un poids santé ou la perte de poids pour les personnes en surpoids). Un des problèmes identifiés à l’application de ce modèle à la problématique du poids est la nécessité que la personne croie à son risque de devenir obèse (perception d’une menace) et en l’efficacité du moyen proposé pour favoriser une perte de poids. En résumé, les résultats de diverses études nous imposent d’être prudents avant d’affirmer que ce modèle est efficace pour prédire les comportements de santé.

    La principale limitation du modèle est qu’il conçoit les actions préventives des individus sous l’angle exclusif des croyances liées à la santé ou à la maladie, sans considérer les autres motifs associés aux comportements. Ainsi, même si des personnes d’un certain âge, ou des personnes qui ont déjà fait un infarctus du myocarde pratiquent des activités physiques régulièrement afin de diminuer leur risque de maladie coronarienne ou leur risque d’un second infarctus du myocarde, plusieurs individus ont adopté le même comportement pour des motifs d’un autre ordre. Certaines personnes cherchent ainsi à améliorer leur apparence physique ou encore à rencontrer d’autres personnes. De plus, selon les prémisses du modèle, il faudrait conclure que les plus jeunes (les adolescents) sont actifs afin de diminuer les risques qu’entraîne la sédentarité. Cela est peu probable et permet de supposer que le modèle des croyances liées à la santé est limité, car il ne peut s’appliquer dans toutes les situations.

    Implications pratiques

    Davantage approprié pour expliquer la prise de décision dans un contexte clinique (le dépistage, l’adhésion au traitement), ce modèle permet d’identifier et de clarifier les perceptions des individus ciblés quant aux risques possibles et aux solutions envisagées. Selon les résultats obtenus, il pourra être nécessaire d’insister davantage sur certains points, en donnant par exemple de l’information, ce qui permettra à l’individu de percevoir divers aspects du problème.

    Ainsi, selon le modèle, il est pertinent de donner de l’information pour permettre aux individus de :

    Savoir si leur cas présente des risques (par exemple, information sur sa vulnérabilité aux maladies coronariennes);

    Prendre conscience que le problème pourrait être sérieux (par exemple, information concernant la sévérité des effets négatifs des maladies coronariennes sur sa santé et sur sa qualité de vie, sur le plan social, familial et économique);

    Savoir qu’il y a des actions efficaces pour contrer le problème (par exemple, l’activité physique, le contrôle de l’hypertension, l’abandon du tabac, etc.);

    Identifier des stratégies pour la gestion des difficultés qui pourraient nuire à l’adoption des comportements souhaités.

    Le modèle des croyances relatives à la santé est présent dans plusieurs interventions visant le changement des comportements. On n’a qu’à penser à tous les messages qui font appel à notre perception des risques et à notre vulnérabilité individuelle, comme par exemple ceux produits régulièrement par la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) et l’affichage de photos morbides explicites sur les paquets de cigarettes. Avec ce type de messages, il y a bien sûr des risques de dérapage. En effet, ceux-ci font inévitablement appel à la peur pour avoir un impact percutant sur les perceptions. Or, selon les travaux de Leventhal (1965, 1971), utiliser la peur peut avoir un effet pervers, car un message qui crée une peur trop forte conduit la personne sur la voie de l’évitement (contrôle de la peur) plutôt que sur celle du changement, c’est-à-dire celle de l’adaptation (contrôle du danger). En effet, l’évitement amène la personne à gérer la peur plutôt que le danger. C’est l’adaptation qui amène à la gestion du danger, car la personne accepte d’adopter le comportement souhaité.

    2. LES THÉORIES DE L’ACTION RAISONNÉE ET DU COMPORTEMENT PLANIFIÉ

    Pour bien comprendre la contribution originale de Fishbein et Ajzen, il faut se reporter dans les années 1960 au cours desquelles il existait une importante controverse concernant le rôle des attitudes dans la prédiction d’un comportement. Plusieurs auteurs affirmaient que les attitudes ne contribuaient pas à la prédiction d’un comportement, alors que d’autres adoptaient la thèse opposée. Ajzen et Fishbein (1977) ont réalisé une importante revue de la littérature scientifique sur le sujet et ont dégagé que, dans les faits, l’attitude était un bon déterminant du comportement lorsque sa mesure impliquait la personne dans l’action visée, alors qu’elle demeurait un piètre déterminant lorsqu’elle était mesurée de façon générale et impersonnelle. Par exemple, notre attitude envers notre pratique d’activités physiques est un bon déterminant de notre comportement, alors que notre attitude envers l’activité physique en général est non spécifique au comportement adopté. La raison est que l’objet d’attitude n’est pas le même. Dans le premier cas, l’objet d’attitude est ma pratique d’activités physiques, alors que dans le deuxième cas l’objet d’attitude est l’activité physique en général.

    Il est facile de prédire que l’attitude envers l’activité physique est habituellement positive dans la population générale, même si une importante proportion de celle-ci est sédentaire. D’où ce manque de spécificité et la faiblesse de prédiction de l’attitude lorsqu’elle est mesurée de façon générale. À l’opposé, dans le contexte où l’objet d’attitude est notre propre comportement (notre action), il est plus probable que cette attitude soit alignée sur notre action. En résumé, nous pouvons avoir une attitude très positive envers l’activité physique en général, mais avoir une attitude beaucoup plus nuancée lorsqu’elle implique notre pratique personnelle de l’activité physique. Bref, il importe d’amener la personne à se prononcer sur son comportement personnel plutôt que sur un comportement général et impersonnel, car les réponses d’un individu pourraient varier selon qu’il se sente plus ou moins impliqué dans la définition du comportement.

    Selon Ajzen et Fishbein (1980), la prédiction du comportement sera d’autant plus exacte que le contexte dans lequel il se déroule et le moment où il peut se réaliser auront été spécifiés. C’est en considérant ces observations qu’ils ont énoncé les conditions devant prévaloir pour la prédiction des comportements à partir des cognitions. Ils ont alors proposé que les variables cognitives doivent correspondre en termes d’action, d’objet, de contexte et de temps. Prenons l’exemple du condom pour illustrer ces dimensions. Ici, l’action fait référence à un verbe (utiliser) qui sera dirigé vers un objet (le condom) dans un contexte donné (par exemple, avec un nouveau ou une nouvelle partenaire) pour un laps de temps précisé (par exemple, au cours des trois prochains mois). Dans cet exemple, l’importance du contexte est manifeste. En effet, une personne peut avoir l’intention d’utiliser un condom lors de rapports sexuels avec un nouveau ou une nouvelle partenaire sans pour autant avoir cette intention dans ses rapports sexuels avec son ou sa partenaire régulière. Concernant la dimension temporelle, prenons l’exemple de la cigarette. Ainsi, la forte majorité des fumeurs exprimeraient leur intention de cesser de fumer si l’aspect temporel était lointain, alors que peu auraient cette intention si elle impliquait une action immédiate.

    Ces prémisses étant posées, voyons maintenant en détail les particularités de ces deux théories, car la théorie du comportement planifié (TCP) proposée par Ajzen (1991) est une extension des précédents travaux réalisés par Fishbein lors du développement de la théorie de l’action raisonnée (TAR).

    Selon la théorie de l’action raisonnée (Fishbein et Ajzen, 1975), l’adoption d’un comportement volitif repose exclusivement sur la motivation (intention), laquelle, à son tour, canalise les attitudes et les normes sociales perçues envers l’adoption de ce comportement. Les attitudes regroupent, d’une part, les réponses cognitives et émotionnelles qui surgissent spontanément à la pensée d’adopter un comportement et, d’autre part, l’évaluation subjective des conséquences qui en résultent. La norme subjective informe sur l’importance que l’individu accorde à l’opinion des gens qui lui sont significatifs quant à l’adoption d’un comportement donné. Ces normes incluent son désir de se conformer à l’opinion de ces personnes. De plus, cette théorie a comme prémisse que l’attitude et la norme subjective sont chacune définies par des croyances nommées respectivement croyances comportementales et croyances normatives. Chacune de ces catégories de croyances est pondérée d’une part par l’évaluation des conséquences et d’autre part par la motivation à se conformer. Les liens qui unissent ces sous-composantes de l’attitude (Aact) et de la norme subjective (SN) sont les suivants :

    Aact = Σ (b × e)

    Où b = croyances comportementales

    Et e = évaluation des conséquences

    SN = Σ (nb × mc)

    Où nb = croyances normatives

    Et mc = motivation à se conformer

    Nous verrons plus en détail au chapitre sur la mesure (chapitre 9) comment identifier et mesurer ces croyances. En bref, le cas suivant illustre ces concepts : un jeune adulte est hésitant à porter un casque protecteur lorsqu’il fait du vélo (intention neutre). Il y a bien quelques avantages à le faire, mais il perçoit aussi un certain nombre d’inconvénients (attitude ambivalente). De plus, sa copine ne lui a jamais exprimé explicitement son opinion à ce sujet de telle sorte qu’il ne perçoit pas de pressions particulières pour adopter le port du casque à vélo. On peut facilement conclure que notre jeune adulte ne portera pas un casque protecteur à moins qu’une modification ne soit apportée à l’une ou l’autre des composantes de l’intention.

    Bien qu’intéressante, la théorie de l’action raisonnée n’inclut que les comportements volitifs. Il y a cependant plusieurs situations et contextes qui font que notre contrôle volontaire est limité. Par exemple, il est peu probable qu’une jeune mère monoparentale avec peu de moyens financiers fasse de l’exercice physique après sa journée de travail si elle n’a pas accès à un service de garde gratuit. De même, on peut imaginer les limites au contrôle personnel lorsque notre comportement implique la collaboration d’une autre personne, comme par exemple pour l’usage d’un condom lors d’un rapport sexuel avec un nouveau ou une nouvelle partenaire. C’est pour pallier cette lacune qu’Ajzen a ajouté la perception du contrôle comportemental à la théorie de l’action raisonnée, devenue par la suite la théorie du comportement planifié (voir figure 1.2). Cette composante reflète la capacité d’un individu à adopter un comportement, dans un contexte général ou lorsque le contrôle volitif est limité. Tout comme pour la théorie de l’action raisonnée, Ajzen a identifié une structure de croyances sous-jacente à la perception du contrôle comportemental (PBC), les croyances de contrôle. Il a aussi défini que la PBC repose sur les croyances de contrôle et l’importance des facteurs de contrôle. La relation est illustrée de la façon suivante :

    PBC = Σ (c × p)

    Où c = croyances de contrôle

    Et p = importance des facteurs de contrôle

    Ces composantes seront aussi vues en détail au chapitre 9. Tout comme les attitudes et la norme subjective, la perception du contrôle comportemental peut influencer l’intention. Par contre, elle peut aussi agir directement sur le comportement lorsque ce dernier échappe au contrôle volitif. Ajzen a toutefois précisé que cette relation directe entre la perception du contrôle et le comportement sera valide seulement si le jugement de la personne correspond à la réalité. Si la perception et le contrôle réel diffèrent trop fortement, la perception du contrôle comportemental sera un piètre déterminant du comportement.

    Il faut aussi noter que l’importance de ces cognitions pour la prédiction de l’intention

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