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La mariée écarlate
La mariée écarlate
La mariée écarlate
Livre électronique490 pages6 heures

La mariée écarlate

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À propos de ce livre électronique

L’École des courtisanes est fidèle à ses principes: transformer d’avenantes courtisanes
en épouses convenables. Mais le tout nouveau roman de la passionnante série ayant
pour cadre l’époque de la régence de Cheryl Ann Smith met en scène une dame
respectable dans le rôle d’une amante expérimentée — au coeur d’une pièce pleine de
revirements, de séduction et d’intrigues irrésistibles.

Simon Harrington, mauvais garçon notoire et troisième dans l’ordre de succession au titre
de son oncle, s’est enfin résigné à se ranger et à se trouver une noble épouse. Mais il tombe
alors sur une courtisane en danger dans une rue sombre de Londres, et sa vie prend une
tournure inattendue. Craignant pour la sécurité de la belle mystérieuse, il la conduit à l’école
pour courtisanes de sa cousine, où on enseigne aux femmes comment devenir des épouses
convenables. Il se trouve toutefois dans l’incapacité de simplement s’en aller.

Laura Prescott, fille d’un pauvre écuyer campagnard, a été promise au ténébreux comte de Westwick. Mais ce dernier, plutôt que de l’épouser, l’a trahie et l’a forcée à devenir sa
maîtresse. Lorsqu’elle a appris qu’il avait l’intention de la vendre aux enchères, elle s’est
enfuie, au péril de sa vie.

Simon sait qu’il doit ignorer les sentiments qu’il éprouve pour une femme aussi peu recommandable; autrement, il risque de déshonorer sa famille. Mais lorsqu’il s’avère que l’ancien amant de Laura a été assassiné durant la nuit où elle s’est échappée, les soupçons se portent directement sur elle. Il ne tient donc qu’à Simon de prouver son innocence — au prix de sa propre perte…
LangueFrançais
Date de sortie17 févr. 2017
ISBN9782897677831
La mariée écarlate
Auteur

Cheryl Ann Smith

Cheryl Ann Smith became hooked on romance at age fourteen when she stayed up all night to read The Flame and The Flower by Kathleen Woodiwiss. Her own writing journey happened much later, when one afternoon she ran out of books and decided to write her own. Previously, she has published five sexy Regency novels and one novella with Berkley in her School for Brides series. Visit Cheryl’s website at www.CherylAnnSmith.com or visit her on Facebook at Cheryl Ann Smith Author.

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    Aperçu du livre

    La mariée écarlate - Cheryl Ann Smith

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    Copyright © 2012 Cheryl Ann Smith

    Titre original anglais : School for Brides : The Scarlet Bride

    Copyright © 2017 Éditions AdA Inc. pour la traduction française

    Cette publication est publiée avec l'accord de Penguin Group, New York, NY.

    Tous droits réservés. Aucune partie de ce livre ne peut être reproduite sous quelque forme que ce soit sans la permission écrite de l’éditeur, sauf dans le cas d’une critique littéraire.

    Éditeur : François Doucet

    Traduction : Karine Mailhot-Sarrasin (CPRL)

    Révision linguistique : Féminin pluriel

    Correction d’épreuves : Nancy Coulombe, Féminin pluriel

    Montage de la couverture : Sylvie Valois

    Illustration de la couverture : Judy York

    Mise en pages : Sébastien Michaud

    ISBN livre : 978-2-89767-781-7

    ISBN PDF : 978-2-89767-782-4

    ISBN ePub : 978-2-89767-783-1

    Première impression : 2017

    Dépôt légal : 2017

    Bibliothèque et Archives nationales du Québec

    Bibliothèque et Archives Canada

    Éditions AdA Inc.

    1385, boul. Lionel-Boulet,

    Varennes (Québec) J3X 1P7, Canada

    Téléphone : 450 929-0296

    Télécopieur : 450 929-0220

    www.ada-inc.com

    info@ada-inc.com

    Diffusion

    Canada : Éditions AdA Inc.

    France : D.G. Diffusion

    Z.I. des Bogues

    31750 Escalquens — France

    Téléphone : 05.61.00.09.99

    Suisse : Transat — 23.42.77.40

    Belgique : D.G. Diffusion — 05.61.00.09.99

    Imprimé au Canada

    Participation de la SODEC.

    Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada (FLC) pour nos activités d’édition.

    Gouvernement du Québec — Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres — Gestion SODEC.

    Conversion au format ePub par:

    Lab Urbain

    www.laburbain.com

    Dédicace

    À Duane, Regan, Paige et Ethan.

    Avec tout mon amour.

    Chapitre 1

    S imon Harrington, une brute au mauvais caractère, à en croire Lady Jeanette Abbot, chevauchait sans but dans les rues désertes de Londres. La lumière des lampadaires se reflétait dans les flaques d’eau fraîchement formées par la même faible pluie qui dégoulinait sur sa veste et gouttait de la bordure de son chapeau pour couler en ruisselets froids sur sa nuque. Le désagrément allait bien avec son humeur ; son air grave était sur le point de devenir sombre.

    La maudite femme lui avait une fois de plus refusé sa main, le traitant de sauvage et arguant qu’il n’était pas digne d’elle malgré la fortune de sa famille. Elle avait montré brièvement toute une rangée de minuscules dents légèrement de travers, s’était éloignée de son genou posé au sol comme s’il souffrait d’une horrible maladie et lui avait poliment demandé de partir avant qu’elle le fasse mettre à la porte par ses valets.

    Maintenant que le cheval sur lequel il était assis déambulait librement dans les rues, il envisagea de laisser la bête le conduire jusqu’en Écosse, où personne ne connaîtrait son histoire et où les femmes portaient des culottes bien moins amidonnées. Son père ayant épousé une Irlandaise, la noblesse ne serait pas scandalisée s’il se mariait avec une Écossaise. Tous les Harrington de mauvaise réputation qui l’avaient précédé avaient déjà ouvert la voie vers le scandale.

    Malheureusement, en tant que fils aîné de sa branche de l’arbre généalogique, il devait choisir judicieusement son épouse. Si son oncle et son père décidaient de mourir subitement, il deviendrait comte et chef du clan tristement célèbre de goujats et de dépravés. Sans Lady Jeanette, il était peu probable qu’il arrive à faire entrer sa famille de pied ferme dans les bonnes grâces de la société. Le refus de ce soir portait certainement un dur coup aux plans qu’il avait soigneusement élaborés. Bien que quelques Harrington aient réussi à se hisser au sommet de la société, le sang irlandais de Simon et le fait qu’il n’avait pas de titre lui barraient pratiquement cette route. N’eût été sa sœur Brenna, il se serait bien moqué de ce que les gens pensaient de sa famille.

    — En Écosse, dans ce cas, euh… Cheval, ordonna Simon d’une voix rendue légèrement pâteuse par les multiples chopines qu’il s’était enfilées dans un pub malfamé quelque part près de Whitechapel.

    Il fallait vraiment qu’il donne un nom à cet animal, conclut-il en baissant les yeux sur les deux oreilles poilues qui s’étaient tendues vers l’arrière afin d’écouter ses ordres. Après tout, il y avait maintenant plus d’une semaine que le grand cheval gris lui appartenait. Le pur-sang avait besoin d’un nom majestueux pour se distinguer des autres bêtes moins coûteuses de moins bonne race.

    Mais la recherche d’un nom fut reportée à plus tard lorsqu’un son pitoyable porté par le vent l’incita à se redresser instantanément, dégrisé, et faillit le faire tomber de son cheval. Cheval lui-même faillit mourir de peur et voulut s’emballer. Scier du bridon fut le seul moyen de garder la maîtrise du hongre.

    C’était le cri d’un enfant en détresse. Un instant, non. Pas d’un enfant, mais plutôt d’une femme qui avait des ennuis. De graves ennuis, à en croire le deuxième cri, plus fort. Simon leva brusquement les rênes, faisant sursauter son cheval une fois de plus, et enfonça les genoux dans la bête pour la diriger vers l’endroit d’où provenait le bruit. À peine eut-il tourné le coin qu’il aperçut deux hommes robustes en livrée de valet aux prises avec une femme aux vêtements froissés. Elle semblait lutter pour sa vie ou peut-être uniquement pour sa vertu. En réalité, cela importait peu. Des ennuis restaient des ennuis et ils la surpassaient en nombre.

    Du moins, Simon interpréta la situation ainsi. Il ne perdit pas de temps à se poser davantage de questions. La demoiselle était en danger et, à en juger par l’aspect désert de la rue, il allait devoir lui servir de chevalier à l’armure mouillée.

    Elle se débattait vigoureusement contre deux paires de mains musclées tandis que les deux hommes s’efforçaient de lui faire lâcher un lampadaire auquel elle s’agrippait. Elle ne pleurait pas ; ses cris exprimaient plutôt le désespoir. Simon fut impressionné par sa détermination à l’emporter contre des forces qui lui étaient supérieures.

    — Non ! Je n’y retournerai pas ! hurla-t-elle lorsqu’ils finirent par lui faire lâcher un bras.

    Quelques secondes de plus et ils réussiraient à l’emmener dans le carrosse qui attendait.

    Simon ne perdit pas de temps. D’un coup de pied, il lança Cheval au galop et, au son du martèlement rapide des sabots, fonça sur les trois individus. Les deux hommes eurent à peine le temps de se remettre de leur surprise avant que l’un d’eux reçoive le genou de Simon en pleine poitrine. L’homme gémit de douleur lorsqu’il fut projeté dans les airs et atterrit maladroitement à la renverse sur les pavés. L’autre homme recula d’un bond pour éviter le cheval. Simon lui assena un coup de pied au visage, lui fracassant le nez.

    La femme vacilla, mais se cramponna à nouveau au poteau. Simon fit faire demi-tour à son cheval tandis que le premier des deux hommes secouait la tête et entreprenait de se relever. L’autre homme tenait son nez cassé en gémissant.

    Il n’y avait pas de temps à perdre. Il approcha doucement son cheval de la femme et lui tendit une main gantée.

    — Si vous n’avez pas l’intention de serrer le poteau dans vos bras pour le reste de la soirée, peut-être devriez-vous me permettre de vous secourir.

    Sous des cheveux châtain clair emmêlés et trempés, de grands yeux écarquillés le regardèrent. On pouvait voir à son expression qu’elle était troublée par la soudaine tournure des événements. Elle hésita pendant une fraction de seconde, puis glissa sa petite main dans celle de Simon. Elle leva un pied pour le poser sur le sien dans l’étrier et il la fit monter en croupe.

    — Tenez-vous bien, lui ordonna-t-il.

    Elle se cramponna à sa veste. Il talonna vivement son cheval, puis ils partirent.

    Des hurlements d’indignation suivirent, ainsi qu’une série de jurons qui illustraient le profond mécontentement des deux voyous. Simon sourit de toutes ses dents. Après la soirée qu’il venait de passer, il était absolument jouissif de savoir que, quelque part à Londres, deux hommes étaient encore moins heureux et plus contrariés que lui.

    Deux mains s’agrippèrent à Simon tandis que le cheval filait à toute allure dans les rues. La brise fraîche fit disparaître les derniers effets de la trop grande quantité de bière de mauvaise qualité qu’il avait ingérée. L’adrénaline du sauvetage activa sa circulation sanguine et débarrassa son esprit du brouillard causé par le whisky. Il n’arrêta son cheval que lorsqu’il fut certain de ne pas avoir été suivi.

    Le hongre agita la tête et renâcla.

    Simon jeta un coup d’œil par-dessus son épaule et vit que la femme s’était tournée pour regarder derrière eux. Elle avait manifestement perdu de son ardeur. Accrochée à la veste trempée de Simon, elle tremblait de tout son être. Il pensa lui offrir le vêtement, mais elle était beaucoup moins mouillée que lui. Pour l’instant, il valait mieux la laisser dans l’état où elle était.

    — Il faut partir, lui intima-t-elle avant de se retourner et d’enfoncer davantage ses doigts dans sa veste. Ils vont arriver, poursuivit-elle d’une voix si terrifiée que Simon en fut déconcerté.

    Il ne s’agissait pas d’une simple fugueuse.

    — Vous devez me dire ce qui s’est passé, répondit-il, résistant à l’envie de remettre son cheval en mouvement d’un coup de pied.

    Avant de s’empêtrer davantage dans cette histoire, il devait savoir si elle n’était pas plutôt une criminelle qu’une victime.

    — Nous n’avons pas le temps, l’implora-t-elle en le tirant par le bras. Si monsieur le comte me trouve, il me tuera.

    Monsieur le comte ? La tuer ? Ces paroles résonnèrent dans l’esprit de Simon.

    — Qui êtes-vous ? Qui est cet homme qui veut vous tuer ?

    — C’était mon entreteneur. J’étais sa courtisane, dit-elle, tellement secouée de tremblements incontrôlables que ses dents en claquaient. Je me suis enfuie.

    Simon voulut à nouveau lui offrir sa veste, mais il n’avait pas le temps d’enlever la laine mouillée. Elle lui lança un regard suppliant.

    — Je vous en prie, vous d-devez m-m’emmener en sécurité. J’ai de l’argent pour vous p-payer pour v-votre aide.

    Simon scruta son visage. Sur ses traits pâles, rien de suspect ne lui donna à réfléchir. Il n’y avait ni tromperie ni mensonge. Elle craignait réellement pour sa vie.

    — Je connais un endroit où vous serez protégée.

    D’un petit coup, il remit son cheval en marche. L’animal obéit docilement. Cheval avait probablement hâte d’échapper à ce froid brumeux.

    Simon se fraya rapidement un chemin dans les rues rendues glissantes par la pluie. Bien que la bordure de son chapeau lui protégeât les yeux de la pluie, il était difficile de ne pas s’égarer avec ce temps maussade.

    Heureusement, leur destination n’était pas loin. Il savait que cette visite à l’improviste ne ferait pas plaisir à Éva ni à Noëlle. Toutefois, sa mystérieuse passagère serait en sécurité là-bas. C’était la seule option. Il était hors de question de l’emmener à la résidence familiale ; arriver avec une courtisane sur les talons dépasserait assurément les limites de ce que sa mère considérait comme convenable.

    Comme la pluie qui s’intensifiait rendait les déplacements éprouvants, Simon prit plusieurs mauvaises fourches avant d’enfin trouver la bonne rue. Heureusement, il ne mit que quelques minutes à trouver l’adresse qu’il cherchait.

    La maison de ville était exactement comme dans ses souvenirs — banale, quelconque et sombre. La maisonnée était endormie. La femme était à présent pétrifiée et à moitié gelée. Simon décrocha ses doigts de sa veste et descendit de cheval d’un bond. Légère comme une plume, elle glissa mollement le long du corps de Simon lorsqu’il la souleva de derrière la selle. Ses orteils avaient à peine effleuré le sol que ses genoux se dérobèrent sous son poids.

    Inquiet, Simon l’attrapa par la taille et remarqua qu’elle avait le regard vide. Il la prit dans ses bras et la porta jusqu’à la maison de ville plongée dans l’obscurité.

    La porte était verrouillée. Il frappa plusieurs fois du bout de sa botte, secouant le panneau sur ses gonds. Peu après, la lumière d’une bougie vacilla de l’autre côté d’une fenêtre étroite.

    Un homme d’âge mûr dont les cheveux étaient couverts d’un bonnet de nuit entrouvrit prudemment la porte pour jeter un coup d’œil par la fente. Manifestement troublé par leur arrivée à cette heure tardive, il regarda d’abord Simon, puis la femme.

    — Je dois voir mademoiselle Éva, dit Simon.

    L’homme secoua la tête, l’air sévère et les yeux bouffis de sommeil.

    — Mademoiselle Éva n’est pas ici et mademoiselle Sophie dort. Allez-vous-en.

    Simon n’avait pas la patience de discuter plus longtemps. Il remonta sa demoiselle un peu plus haut contre son torse et effleura le domestique en forçant le passage.

    — Monsieur, vous ne pouvez pas entrer, bredouilla ce dernier, qui ferma violemment la porte avant de courir derrière Simon en faisant claquer ses pieds nus sur le parquet. Ce n’est pas convenable.

    Comme il ne connaissait pas la disposition des pièces, seule la lumière tamisée de la bougie permit à Simon d’avancer dans le couloir sans trébucher. Il trouva rapidement une pièce sombre avec un canapé près d’une cheminée éteinte.

    — Allez chercher Sophie, cracha Simon.

    — Que se passe-t-il ici ?

    Simon se tourna et vit dans l’ombre une femme blonde descendre l’escalier en hâte en serrant un peignoir autour d’elle d’un geste protecteur. Derrière elle, trois femmes étaient rassemblées en haut de l’escalier.

    — Comment osez-vous pénétrer de force dans cette maison ? Primm, allez chercher Thomas, lui ordonna-t-elle en jetant un coup d’œil au domestique.

    L’homme avança d’un pas. Il s’immobilisa en entendant la voix de Simon.

    — Mademoiselle Noëlle est ma cousine. J’ai besoin de votre aide.

    Sophie sursauta, puis s’immobilisa, hésitante.

    — Retournez vous coucher, finit-elle par dire d’un ton brusque en se tournant vers les femmes sur le palier à l’étage. Je m’en occupe.

    Simon ne perdit pas plus de temps. Il entra dans la pièce et posa doucement la courtisane sur le canapé. Sophie prit la bougie et alluma quelques appliques murales. Elle parla à Primm à voix basse, puis le domestique quitta la pièce.

    Lorsqu’ils furent seuls, Sophie lança un regard noir à Simon avant de s’approcher de la femme pour s’assurer qu’elle allait bien. Elle alla chercher une couverture sur un fauteuil à proximité et enveloppa la protégée de Simon dedans. Les yeux de la courtisane s’ouvrirent lentement lorsque Sophie posa une main chaude sur sa joue.

    — Vous êtes en sécurité, maintenant, dit doucement Sophie en écartant les cheveux mouillés du visage pâle de la courtisane. Reposez-vous.

    La femme se détendit lorsque Sophie s’éloigna. Elle fit signe à Simon de la suivre et ils se retirèrent dans un recoin de la petite pièce. Elle croisa les bras.

    — Dites-moi qui vous êtes et ce qui lui est arrivé, lui ordonna-t-elle d’un ton sévère en lui jetant un regard encore plus sévère.

    — Je suis Simon Harrington, répondit-il, puis il regarda vers le canapé et baissa le ton. Je suis navré pour l’intrusion, mais je n’avais nulle part où aller.

    — Qui est-ce ? s’enquit Sophie.

    — Je ne sais pas, dit-il en haussant les épaules. Elle était en danger et je l’ai secourue. Elle prétend être une courtisane qui craint pour sa vie. Mais je n’en sais pas plus.

    Sophie scruta son visage. Après un long moment, elle soupira.

    — Vous avez bien fait de la conduire ici. Vous pourrez vous expliquer avec mademoiselle Éva plus tard.

    Tandis qu’elle retournait vers le canapé, Simon grimaça. Se faire pardonner était le dernier de ses soucis. L’école appartenait à Éva et celle-ci protégeait férocement sa vie privée. Elle allait être furieuse en apprenant qu’il l’avait espionnée. Pire encore, il n’osait pas penser à la manière dont sa cousine Noëlle allait réagir à la nouvelle. Elle faisait du bénévolat à l’école et était tout aussi protectrice envers les jeunes femmes. En venant ici, il avait violé leur sanctuaire et les deux femmes allaient lui faire la peau.

    *

    Laura scruta le visage de l’inconnue et vit de la compassion dans les yeux méfiants de la femme. Elle n’avait aucune idée d’où elle se trouvait, mais elle soupçonna son sauveur de l’avoir conduite dans un endroit sûr.

    — Où suis-je ? demanda-t-elle d’une voix faible.

    Son corps frissonnait sous ses vêtements mouillés et elle avait du mal à s’empêcher de claquer des dents. Elle avait si froid qu’elle ne pouvait pas bouger et elle avait l’impression que ses membres étaient figés sur place.

    Sous une frange de cheveux blonds, la femme lui sourit et ses traits s’adoucirent légèrement.

    — Je m’appelle Sophie. Nous tenons une école qui vient en aide aux courtisanes.

    Laura balaya du regard le petit salon bleu bien ordonné. L’ironie de la situation lui donna envie de rire, mais elle n’en avait pas la force. Elle porta son attention sur le grand homme près de la cheminée. Son visage était caché dans l’ombre de son chapeau, mais elle sut à son allure trempée qu’il s’agissait de l’homme qui était intervenu pour la secourir.

    — Merci, dit-elle.

    Elle réussit même à le gratifier d’un sourire faible, mais reconnaissant. Sans lui, elle serait morte. Il aurait pu passer tout droit sans se mêler de ce qui ne le regardait pas. Mais il était venu à son secours, l’avait protégée et lui avait trouvé un endroit à l’abri de ses démons.

    — Vous m’avez réellement sauvé la vie.

    Il lui tira son chapeau noir et fit une petite révérence.

    — Je vous laisse maintenant entre de bonnes mains.

    Sans un mot de plus, il traversa la pièce et disparut par la porte ouverte.

    Laura se sentit légèrement perdue en l’absence de son sauveur. Pourtant, elle ne pouvait pas demander mieux que ce qu’il avait déjà fait pour elle.

    — Je suis navrée de vous causer tant d’ennuis, dit-elle doucement.

    Sophie lui tapota la main, puis se leva.

    — Ne vous en faites pas. Ici, nous avons l’habitude des malheurs des femmes, répondit-elle en resserrant le nœud à sa taille avant de jeter un bref coup d’œil à Laura. Quand avez-vous mangé pour la dernière fois ?

    Laura grimaça. Le poids de l’épuisement l’empêcha de répondre immédiatement.

    — Il y a deux jours. Je pense.

    Il était évident que Sophie avait envie de lui poser des questions sur son histoire, mais qu’elle tenait sagement sa langue. Laura en fut soulagée. Elle n’avait pas suffisamment d’énergie pour penser à son affreux calvaire et encore moins pour en parler. Elle avait besoin de repos, de nourriture et de vêtements secs. Demain, la tête froide et reposée, elle pourrait tout expliquer.

    Maintenant qu’elle était libre, plutôt mourir que retomber entre les griffes du comte de Westwick, cet ignoble pervers. Elle le tuerait avant.

    — Laissez-moi vous aider à vous lever.

    Sophie aida Laura à s’asseoir, puis à se lever. Sophie n’était pas grosse, mais elle possédait une force étonnante. Elle porta une bonne partie du poids de Laura tandis que les deux femmes traversaient le hall d’entrée et montaient l’escalier avec précaution vers une chambre à mi-chemin de l’étroit couloir. Sophie n’eut aucun mal à couvrir la distance sans bougie tout en soutenant une Laura aux jambes flageolantes.

    Elle la conduisit jusque dans une toute petite pièce éclairée par une seule bougie. De toute évidence, l’homme qui avait ouvert la porte avait préparé la chambre pour elle. Il y avait une chemise de nuit sur le lit ainsi qu’un plateau avec un chaud bouillon aromatique et des biscuits sur une table de chevet. Un frisson parcourut tout le corps de Laura, dont la robe mouillée moulait chaque courbe.

    — Laissez-moi vous aider à vous dévêtir.

    En silence, Sophie la déshabilla complètement avec des gestes rapides et efficaces. Une fois sa chemise et sa culotte enlevées, Laura entendit Sophie retenir son souffle. Elle sut exactement quand la femme les vit — des contusions noires et bleues sur sa peau, certaines vieilles et d’autres toujours fraîches. Elle en avait senti chaque coup.

    — Qui que soit la personne qui vous a fait ça, elle mérite d’être cravachée.

    — Ou pire, répondit Laura avec un sourire narquois.

    Leurs regards se croisèrent et se rivèrent l’un à l’autre. Sophie passa la chemise de nuit par-dessus la tête de Laura et l’aida à monter dans son lit. Laura sentit que cette inconnue la comprenait et qu’elle compatissait avec elle. Elle se demanda si elle avait vécu une histoire semblable.

    — Je ne sais pas comment vous vous appelez, dit Sophie en prenant le plateau et en le plaçant sur les genoux de Laura.

    L’odeur du bouillon fit gargouiller son estomac, qui se réjouissait à l’avance de ce simple repas. Pour l’heure, même les biscuits constitueraient un délicieux festin.

    Monsieur le comte lui avait volé beaucoup de choses — son innocence, sa dignité et presque sa vie. Mais il n’avait pas réussi à lui enlever la seule chose à laquelle elle s’était accrochée pendant tous ces mois de tourments et de torture qu’elle avait subis entre ses mains : son nom.

    — On m’appelait Sabine, répondit doucement Laura, qui sentit un mince filet d’espoir et de force grandir au plus profond de la femme battue qu’elle était.

    Elle sourit et regarda Sophie dans les yeux.

    — Mais vous pouvez m’appeler Laura.

    Chapitre 2

    S imon. Qu’as-tu fait ?

    Au ton virulent de sa cousine Noëlle, Simon se raidit. Il se détourna de la fenêtre et se vit cloué contre la vitre par le regard dur rempli de colère de ses yeux couleur d’ambre.

    S’attendant à affronter le courroux d’Éva à son arrivée à l’école des courtisanes le lendemain matin, il ne savait pas si la présence inattendue de Noëlle était un avantage ou un inconvénient.

    Durant leur enfance, Noëlle avait l’habitude de le mordre chaque fois qu’il la mettait en colère ou qu’il la taquinait trop. Il avait plusieurs cicatrices pour le prouver. Il espéra qu’elle avait passé l’âge des morsures.

    — Je ne m’attendais pas à te voir aujourd’hui, dit-il avec un soupir. Je te croyais dans le Kent.

    — Mon époux est dans le Kent pour affaires. Je suis restée à la maison, dit-elle entre ses dents. Ne change pas de sujet. Réponds à ma question.

    Que pouvait-il dire ? Lorsqu’il avait entendu la rumeur qui courait dans la famille, selon laquelle Noëlle avait découvert une nouvelle cousine, il avait voulu en savoir davantage. Malheureusement, toutes les pistes menaient à des culs-de-sac. La cousine Éva était un mystère. Cette information, ajoutée au fait que Noëlle gardait en grande partie secrète l’existence d’Éva, attisa encore davantage sa curiosité. La seule manière d’en apprendre plus était d’espionner Noëlle et de découvrir ce qu’elle cachait.

    Lors de son enquête, il avait découvert non seulement qu’Éva était une duchesse, mais aussi qu’elle se déguisait en vieille fille afin de gérer une école qui venait en aide aux courtisanes. Sa plus grande surprise fut de découvrir que Noëlle donnait secrètement un coup de main à Éva avec les courtisanes.

    — J’imagine que je te dois des explications, commença-t-il, mais elle lui coupa la parole.

    — Comment as-tu pu me faire ça ? Éva avait confiance en moi pour garder son secret, dit Noëlle, qui traversa la pièce d’un pas raide, puis leva les yeux vers lui, une main sur la hanche et l’autre devant elle à la hauteur du torse de Simon, un doigt pointé vers son cœur. Comment as-tu appris l’existence de cet endroit ? Je n’en ai parlé à personne d’autre qu’à Gavin et j’ai entièrement confiance en mon époux.

    Parmi tous les cousins et toutes les cousines de Simon, Noëlle se rapprochait davantage d’une sœur à ses yeux. Bien qu’elle fût de plusieurs années sa cadette, il avait toujours senti un lien particulier avec elle parce qu’ils étaient tous deux les fauteurs de trouble de la famille. En grandissant, elle s’était mise à défier les conventions autant que possible et à juger les gens non pas à leur fortune, mais à leur personnalité. Et, grands dieux, elle avait même épousé un commerçant.

    Simon admirait son indépendance et s'était rapidement lié d’amitié avec son époux, Gavin Blackwell.

    — Je ne t’ai pas vraiment suivie, répondit-il en se grattant la nuque. J’ai suivi ta mystérieuse cousine Éva un après-midi après l’avoir vue quitter ta maison de ville. J’avais entendu les rumeurs familiales à son sujet et j’ai voulu m’assurer qu’il s’agissait réellement d’une parente et non d’un imposteur déterminé à causer des ennuis, poursuivit-il, puis un sourire se peignit sur son visage. Je dois dire que j’ai été plutôt stupéfait d’apprendre que ma nouvelle cousine dirigeait une école destinée aux courtisanes rebelles.

    Noëlle plissa les yeux.

    — Que sais-tu d’autre à propos d’Éva ? demanda-t-elle sèchement. Depuis combien de temps nous espionnes-tu ?

    — Pas longtemps, je te le jure.

    La petite fille soupe au lait était de toute évidence devenue une adversaire redoutable. Simon voulait parler de sa courtisane, mais il savait que Noëlle ne se laisserait pas distraire avant qu’il ait répondu à toutes ses questions.

    — Je sais qu’il s’agit d’une duchesse.

    Les petites mains de Noëlle se fermèrent et elle serra les poings.

    — Quoi d’autre ?

    Il s’arma de courage. Noëlle était au bord de la furie.

    — Et qu’il pourrait s’agir de ta sœur bâtarde perdue depuis longtemps.

    — Ne l’appelle pas comme ça, cracha Noëlle tandis qu’un poing étonnamment dur entrait en contact avec le sternum de Simon. Ne la traite jamais de bâtarde, poursuivit-elle, de la colère plein les yeux, en prenant son élan pour le frapper à nouveau. Je me moque qu’elle soit la fille illégitime que mon père a eue avec sa maîtresse. C’est ma sœur et je ne te laisserai pas la dénigrer.

    Simon attrapa sa main. En dépit de l’ascendance douteuse d’Éva, son mauvais choix de mots lui donna l’impression d’être un véritable goujat. De toute évidence, Noëlle aimait Éva.

    — Je suis navré, Noëlle. Je n’aurais pas dû m’immiscer dans tes affaires, dit-il en posant la main de sa cousine sur son cœur et en lui tapotant le menton d’un doigt. Je trouve amusant d’être parent avec la duchesse entremetteuse, aussi inhabituel que soit son lien avec notre famille.

    Après ses excuses, Noëlle se calma un peu, passant de furieuse à simplement irritée lorsqu’elle arracha sa main à l’emprise de Simon. Ses excuses avaient en quelque sorte réglé à l’amiable la question d’Éva.

    — Mais t’acceptera-t-elle dans sa famille ? dit-elle en fronçant les sourcils. Je lui ai raconté à quel point tu peux être pénible. Ta dernière aventure ne t’attirera pas les bonnes grâces de ma sœur.

    Simon s’appuya sur ses talons et croisa les bras.

    — Tu as donc entendu parler du sauvetage de la courtisane ? J’aurais dû me douter que Sophie ne tairait pas mon rôle dans cette histoire.

    — Éva m’a envoyé un message ce matin après avoir reçu un message de Sophie. Je me suis précipitée ici avant Éva parce que je m’attendais à ce que ta nature chevaleresque l’emporte sur ton bon sens. Je savais que tu reviendrais pour voir comment va ta demoiselle en détresse.

    Noëlle se tourna et s’approcha d’un fauteuil. Elle se laissa tomber dedans et porta le bout de ses doigts à son front plissé.

    — Éva est furieuse. L’école ainsi que le rôle qu’elle y joue sont censés être son secret.

    — Mais elle va réellement protéger la courtisane ? demanda Simon.

    Après le calvaire qu’elle avait vécu, il avait été incapable d’arrêter de s’inquiéter pour sa sécurité.

    Noëlle leva brusquement les yeux.

    — Bien sûr que nous la protégerons. Je le lui ai assuré moi-même ce matin. Éva ne laisserait jamais tomber une courtisane en danger.

    Soulagé, Simon soupira. Bien qu’elle eût lutté vigoureusement contre les valets, cette femme était terrifiée. Quoi qu’elle eût enduré, il ne s’agissait pas d’une simple querelle avec un amant. Il l’avait crue lorsqu’elle avait dit que l’homme la tuerait.

    — Je dois remercier Éva pour son aide.

    Il croisa le regard de Noëlle et ses lèvres s’étirèrent en un sourire.

    — D’ailleurs, je crois qu’il est plus que temps de rencontrer cette mystérieuse duchesse qui est ma cousine.

    — Ce sera à tes propres risques, Simon. Ma sœur est enceinte et plus agressive qu’un loup blessé. Même si tu avais une bonne raison de le faire, tu as violé son sanctuaire sans y être invité. Elle ne te laissera pas t’en tirer sans te passer un savon bien mérité.

    Simon sourit de toutes ses dents. Pourquoi ne pouvait-il pas y avoir une seule demoiselle docile dans la famille Harrington ? Fallait-il vraiment qu’elles soient toutes aussi explosives ?

    — Je vais courir le risque, répondit-il en faisant un clin d’œil à Noëlle, qui pinça les lèvres d’un air désapprobateur. La joute verbale avec la duchesse agressive devrait me plaire.

    *

    Simon eut envie de retirer ses paroles lorsqu’il fut en face de la duchesse-sauveuse-de-courtisanes indignée. Ses yeux couleur d’ambre, tellement semblables à ceux de Noëlle, le transperçaient d’un regard glacial. Il supposa que toute tentative de charme se solderait par un échec lamentable.

    — C’est donc vous, Simon ? dit Éva, les traits tendus, en entrant dans le petit salon.

    Elle remonta ses lunettes sur son nez et le regarda fixement.

    — L’homme dont la visite nocturne a terrifié Sophie et mes courtisanes ?

    Il aimait les bonnes joutes verbales autant que n’importe qui, mais sa nouvelle cousine était enceinte et avait besoin qu’on prenne soin d’elle. Son sobre déguisement ne faisait qu’ajouter à son air sévère.

    Simon savait qu’elle se déguisait lorsqu’elle était à l’école et qu’elle prétendait être vieille fille afin de garder ses deux vies séparées l’une de l’autre. Toutefois, il savait aussi qu’il s’agissait, sous le terne costume, d’une véritable beauté.

    Les rumeurs au sujet de la magnifique nouvelle épouse du duc avaient fait le tour de l’Angleterre, bien que sa grossesse fût encore secrète. Pour l’instant. Ce n’était qu’une question de temps avant que ses jupes amples ne puissent plus camoufler la preuve de son état.

    Ce serait d’ailleurs difficile, pour une vieille fille, d’expliquer cela à ses courtisanes.

    — Je n’avais pas l’intention de les effrayer, dit-il, l’air contrit. Je craignais pour la vie de la courtisane. Je devais trouver un endroit où elle serait en sécurité.

    — Et comment avez-vous découvert l’existence de cette école ?

    — En suivant ma curiosité et mon désir de protéger ma famille, avoua-t-il. Je devais par moi-même en apprendre davantage sur vous.

    — Vous avez cru que je vous causerais des ennuis ?

    Il hocha lentement la tête.

    — Oui.

    Elle croisa les bras.

    — C’est Noëlle qui m’a trouvée. Je ne l’ai pas cherchée. Elle a insisté pour que nous apprenions à nous connaître.

    — Ça ne m’étonne pas. Noëlle n’est pas du genre à laisser un détail aussi insignifiant que les désirs des autres l’empêcher d’obtenir ce qu’elle veut.

    Pendant un long moment, il la regarda le regarder. Il s’était attendu à ce qu’elle soit beaucoup plus en colère. Oui, elle était contrariée. Et, non, elle n’était pas contente qu’il ait pris l’initiative de fourrer son nez d’aristocrate dans sa vie privée. Cependant, lorsqu’elle posa une main sur son ventre, il vit chez elle un certain contentement, un certain calme.

    — Et avez-vous découvert que je suis exactement ce à quoi vous vous attendiez ? L’avide fille bâtarde d’un de vos oncles décédé depuis longtemps venue salir le nom de la bonne famille Harrington ?

    Une deuxième main suivit la première de manière à protéger jalousement la vie qui grandissait en elle. Simon sut alors que cette épineuse duchesse ferait une mère aussi féroce que dévouée.

    — En toute honnêteté, vous n’êtes pas du tout comme je vous avais imaginée, admit-il. Je m’attendais à trouver une femme grossière de basse extraction et sans scrupules qui avait profité de Noëlle pour trouver le moyen de se dénicher un duc. J’ai plutôt découvert une femme qui se soucie réellement du bien-être de ses courtisanes et qui leur souhaite une vie meilleure.

    — Et mon mariage ? s’enquit-elle d’une voix tendue.

    — Une histoire d’amour, aux dires de tous, répondit-il.

    Il s’appuya sur ses talons et la regarda dans les yeux.

    — Je constate à quel point vous avez rendu joyeuses Noëlle et sa sœur, Margaret. Comment pourrais-je m’opposer à leur bonheur ?

    Il vit les yeux d’Éva se remplir de larmes avant qu’elle se détourne. Bien qu’il eût très peu d’expérience avec les femmes enceintes, il savait que leurs émotions étaient chaotiques et changeantes.

    — Ce sont mes sœurs qui m’ont apporté une grande joie.

    Elle s’essuya le visage d’une main, renifla et se retourna, à nouveau maîtresse d’elle-même. Elle le regarda de la tête aux pieds et grimaça.

    — En revanche, je ne sais pas exactement quoi penser de vous.

    — Je peux être pénible, répondit Simon en fronçant les sourcils.

    — C’est ce que j’ai cru comprendre.

    Il arbora un grand sourire.

    — Bienvenue dans la famille.

    La grimace se transforma en un regard exaspéré.

    — Je ne suis pas certaine que le fait de me considérer comme une parente soit une si bonne idée. Mon histoire est plutôt scandaleuse. Sans ma sœur et mon époux, j’aurais été très heureuse de vivre toute ma vie avec ma mère pour seule compagnie.

    — Dans ce cas, nous devrions laisser les choses suivre leur cours naturellement, un parent à la fois, reconnut Simon.

    Il enleva une peluche sur sa veste noire. Il avait l’impression que sa famille accueillerait chaleureusement la duchesse. Avec la longue lignée de dépravés et de goujats de la famille Harrington, la fille illégitime de son oncle et d’une ancienne courtisane ne provoquerait pas un gros scandale.

    Par ailleurs, un lien de parenté avec la duchesse Évangeline pourrait peut-être élever le statut de la sœur de Simon, Brenna, aux yeux

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