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L'odyssée d'Adam Ellsworth - Partie 1
L'odyssée d'Adam Ellsworth - Partie 1
L'odyssée d'Adam Ellsworth - Partie 1
Livre électronique246 pages3 heures

L'odyssée d'Adam Ellsworth - Partie 1

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À propos de ce livre électronique

Nous sommes en 2086.

L’être humain a, depuis maintenant une cinquantaine d’années, perdu son droit à sa Terre. L’envahisseur venu d’ailleurs, les Eols, l’aura brusquement repoussée en réclusion. Les humains ont été forcés à vivre en petites communautés divisées et éloignées les unes des autres, dans une crainte constante. La crainte de l’envahisseur venu des étoiles, mais surtout des bandits, des esclavagistes, des pillards et bien sûr, des maraudeurs. Le monde d’aujourd’hui, hostile et dangereux, n’a plus rien à voir avec le précédent.

Un matin, l’écrasement d’un vaisseau Eol à proximité du village d’un jeune homme, Adam Ellsworth, viendra bouleverser sa vie ainsi que celles des siens à tout jamais.
LangueFrançais
Date de sortie22 juil. 2013
ISBN9782896839841
L'odyssée d'Adam Ellsworth - Partie 1

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    Aperçu du livre

    L'odyssée d'Adam Ellsworth - Partie 1 - Pierre-Olivier Lavoie

    www.laburbain.com

    Chapitre 1

    Le changement

    L e jeune homme ouvrit les yeux, dérangé par une chaude et agaçante lueur dorée qui lui chatouillait la joue. Irrité, il jeta un œil vers la droite de son lit, en direction de sa table de chevet, sur laquelle se trouvait son vieux réveille-matin antique. Le cadran usé et crasseux indiquait 6 h 35.

    — Pas encore, grogna-t-il avec mauvaise humeur.

    Levant les yeux vers ce qui restait du plafond, retenu par des poutres de bois craquelées et vieillies, il vit sans surprise que la couverture qui masquait habituellement le trou d’un mètre de circonférence était décrochée d’un côté et pendait maintenant dans le vide, simplement retenue par un clou. Le jet de lumière transperçait donc la pièce sans aucun filtre et, par conséquent, tombait de plein fouet sur le visage du jeune homme. C’était la troisième fois en une semaine que cette satanée toile tombait et qu’Adam se retrouvait éveillé à une heure aussi matinale, bien avant l’heure où son cadran aurait habituellement sonné, c’est-à-dire 9 h 30.

    Résigné à ne plus dormir, Adam se redressa en position assise sur son lit, laissant ses orteils toucher le plancher de bois frais et poussiéreux de sa chambre. Massant son cou endolori par une nuit qui avait sans doute été passée dans une position assez inconfortable, le jeune homme fit le tour de la pièce de son regard endormi, sa mâchoire entrouverte dans un bâillement tardif.

    Devant son lit, qui était en réalité trois matelas empilés les uns sur les autres, se trouvait un vieux meuble dont les poignées des quatre tiroirs avaient probablement été arrachées par ses précédents propriétaires. Le meuble, que sa mère avait acheté d’une caravane de marchands qui passait par leur village, n’avait rien d’extraordinaire, mais au moins, il gardait ses vêtements dans un endroit propre. C’était probablement le seul endroit réellement propre de sa chambre, d’ailleurs. Sur le meuble se trouvait sa fidèle lampe à l’huile, une lanterne qu’Adam possédait depuis aussi loin qu’il se souvenait.

    Juste au-dessus du meuble en question se trouvait le trou d’un mètre de circonférence, habituellement couvert par une vieille couverture trouée durant les saisons chaudes et par une plaque de tôle durant les saisons froides. Mise à part une lueur quasi aveuglante qui annonçait une journée ensoleillée, Adam ne pouvait pas voir grand-chose à travers le trou du plafond à deux versants de sa chambre.

    Son humeur s’était adoucie ; il se dit qu’il allait plutôt profiter de la matinée pour aller récolter les légumes de leur champ afin de pouvoir profiter du reste de sa journée. Adam se leva donc de son lit et saisit le pantalon qui gisait au sol, au pied de son lit. Après avoir bouclé sa ceinture, enfilé son t-shirt rouge, ses bas de laine et ses bottillons, le jeune homme ouvrit la porte de sa chambre.

    Celle-ci grinça aussi fort qu’elle le pouvait, comme d’habitude, avisant sa famille qu’il venait de quitter sa chambre. Adam traversa le corridor poussiéreux de l’étage, passant devant les portes fermées des chambres respectives de sa mère, Eileen, et de sa sœur de 21 ans, Abigail. Il avait toujours considéré celle-ci comme la proie idéale pour ses conneries.

    En silence, Adam descendit l’escalier et se retrouva dans la cuisine, où trônait une table de bois qu’il avait, en compagnie de son ami Dmitry, récupérée d’un campement abandonné sous une autoroute avoisinante voilà quelques années. Le jeune homme se rapprocha du comptoir et ouvrit la valve du robinet, qui se mit à trembler doucement et sous laquelle il plaça une carafe à café. Dans quelques minutes, l’eau finirait par s’en écouler, depuis le réservoir de leur village. Leur quantité d’eau étant limitée par l’ordinateur du réservoir, il n’y avait donc aucun risque de gaspillage.

    Poussant la porte qui donnait accès à leur cour arrière, Adam sortit à l’extérieur et traversa la pelouse en direction de la petite cabane qui se trouvait tout au fond de la cour. Le soleil encore chaud du mois de septembre caressait ses cheveux blonds en bataille et réchauffait ses joues recouvertes d’une barbe d’une semaine. Dans le ciel, on pouvait encore voir les traces des aurores boréales rosées de la nuit d’avant. On les appelait ainsi, mais en fait, elles avaient fait leur apparition avec l’envahisseur.

    Ouvrant la porte de la latrine, le jeune homme prit une bonne inspiration et s’offrit son habituel soulagement matinal. Il en sortit 30 secondes plus tard et revint à la maison. Seulement, il s’arrêta au beau milieu de la pelouse afin de regarder l’horizon. Il venait d’entendre un son bien particulier : un bourdonnement discret mais vibrant et distinctif.

    Au loin, juste au-dessus du soleil montant, trois frelons approchaient ; communément appelés « buzzers », ces vaisseaux Eols ne ressemblaient en rien à l’insecte en question, mais ils avaient hérité de ce nom à cause du bourdonnement qu’ils émettaient. Leur vrombissement discret n’était pas fort, mais il pouvait résonner dans le ciel à des kilo­mètres à la ronde. Ces machines Eols volaient généralement à basse altitude, environ à une trentaine de mètres du sol, et on pouvait les voir une fois par semaine, le mardi matin.

    Personne ne savait pourquoi ces engins survolaient les villages et comtés avoisinants, mais une chose était certaine : leur brève visite n’était pas appréciée. En effet, la plupart des humains détestaient les Eols et leur vouaient une haine ouvertement raciste. Seulement, Adam était l’un de ceux qui ne portaient aucun jugement envers ces êtres. Peut-être était-ce grâce à sa mère, qui lui avait appris de ne pas perdre son temps et son énergie à haïr, ou peut-être était-ce à cause de sa nature curieuse et naïve.

    C’est donc avec un mélange de fascination et de curiosité qu’il observa les trois vaisseaux, pas plus gros que la taille d’un autobus scolaire, traverser le ciel à basse altitude, en formation en V. Lorsque les trois engins disparurent de son champ de vision, masqués par la toiture de sa vieille maison, Adam continua sa marche jusqu’à l’intérieur.

    — Déjà levé, mon grand ? lui demanda sa mère, qui se tenait sur le perron arrière, adossée au cadre de porte.

    — Ouais, répondit-il de sa voix encore enrouée.

    — C’est encore la couverture qui ne tient plus ? demanda-t-elle ensuite, un petit sourire en coin.

    — Comme d’habitude, répondit Adam. Ça fait trois fois cette semaine.

    Elle sourit et hocha la tête avec compassion, avant de retourner à l’intérieur.

    — Allez, viens, dit sa mère, je vais te faire ton café.

    Même s’il n’aimait pas l’idée que sa mère soit debout si tôt, puisqu’elle se remettait encore d’une longue fièvre qu’elle avait eu bien du mal à combattre, Adam avait toujours apprécié que sa mère lui prépare un petit quelque chose le matin, que ce soit son café, ses céréales ou un bon jus. C’était d’ailleurs son moment favori de la journée, durant lequel il pouvait profiter de la vie et déconnecter son cerveau.

    — Je m’excuse de t’avoir réveillée, lui dit-il une fois installé sur l’une des quatre chaises à la table.

    — Oh, ce n’est pas toi qui m’as réveillée, répondit Eileen d’une voix douce alors qu’elle faisait couler l’eau chaude dans la carafe depuis le robinet. Ce sont les frelons.

    — Tu les as entendus ? s’étonna le jeune homme. Il me semblait que tu ne les entendais pas.

    — Malheureusement, cette fois, oui, répondit-elle en faisant couler l’eau depuis la carafe dans un pot qui contenait un filtre rempli de café moulu. Leurs vibrations font trembler ma table de chevet. Je pense que l’une de ses pattes est plus courte.

    — Je pourrais te la réparer demain, proposa Adam. Il me faudra cependant remplacer la patte entièrement, donc je devrai passer voir le charpentier, monsieur Fisher, en fin de journée.

    — Ce n’est pas grave, lâcha-t-elle en faisant un geste de la main comme si elle chassait une mouche invisible. Lorsque je serai à bout, je la changerai simplement de pièce.

    Une fois le café servi, la mère d’Adam vint s’asseoir en face de lui. On appelait le liquide « café », mais en réalité, c’était plutôt une infusion de marc de café qu’ils réutilisaient régulièrement. Le visage de sa mère, cerné et marqué par la fatigue, laissait transparaître une force de caractère incomparable et un sourire aussi vrai qu’apaisant. Ses yeux étaient bleus, comme ceux d’Adam, et ses cheveux blancs comme neige étaient attachés en queue de cheval derrière sa tête. Ayant tout juste 58 ans, Eileen avait mené une vie paisible aux côtés de son époux, avant que celui-ci décède d’une défaillance cardiaque, alors qu’Adam n’avait que 4 ans et qu’Abigail n’était qu’un bambin.

    Adam savait que sa mère n’avait qu’environ 8 ans lorsque les Eols étaient arrivés sur Terre, 50 ans plus tôt, et que la vie des hommes et des femmes avait changé pour toujours. Contrairement à la plupart des gens, Eileen n’avait pas passé son temps à maudire les Eols et avait plutôt tenté de voir le bon côté des choses : la fin des guerres politiques et religieuses qui avaient empoisonné l’ère humaine depuis bien trop longtemps.

    Adam avait souvent entendu des âneries au sujet de sa mère, surtout par leurs voisins, disant que cette dernière était stupide, faible et trop naïve de trouver le moyen, malgré tout, de vivre paisiblement. Adam, lui, percevait cela comme une démonstration de force de caractère incroyable et il s’était, dès un très jeune âge, convaincu à voir les choses de la même façon.

    À quoi bon perdre son temps à détester ? Il valait mieux essayer de profiter de la vie au maximum au lieu de se plaindre du fait qu’autrefois elle était meilleure. Et puis, la vie d’autrefois, Adam ne l’avait jamais connue. Pour lui, la vie était celle qu’il menait actuellement, car c’était la seule qu’il connaissait. Et en toute honnêteté, c’était ainsi qu’il aimait la vie. Simple et passive.

    — Que comptais-tu faire aujourd’hui ? lui demanda Eileen en prenant une gorgée de café.

    — Je vais m’occuper de la récolte, cette fois, lui fit savoir Adam. Et non, ajouta-t-il avant qu’elle ne dise quoi que ce soit, je ne veux pas que tu m’aides ; je préfèrerais que tu restes ici et que tu récupères. Tu as besoin de repos, maman.

    Le visage d’Eileen s’adoucit, visiblement reconnaissante de la décision de son fils.

    — C’est très gentil, Adam, lui dit-elle, mais tu ne pourras pas ramasser toutes les pommes de terre et les carottes par toi-même avant la tombée de la nuit. Ce n’est pas grave, j’irai terminer la récolte demain.

    — Inutile, lui dit-il après avoir avalé une gorgée de café. Je veux amener Abigail avec moi. À nous deux, nous aurons terminé avant la fin de l’après-midi. Je comptais ensuite aller me balader dans les environs et je reviendrai à temps pour le souper.

    Eileen resta silencieuse et observa son fils avec un tendre sourire.

    — Je ne sais pas ce que nous ferions sans toi, mon grand, lui dit-elle.

    Envoyant un clin d’œil à sa mère, Adam engloutit sa tasse de café d’un seul trait, déposa sa tasse et se leva d’un bond.

    — Bon, je vais aller la tirer du lit, déclara-t-il en retournant à l’escalier qu’il monta rapidement et bruyamment.

    — Ne sois pas trop dur avec elle, entendit-il sa mère lui dire.

    C’est avec un manque total de délicatesse qu’Adam ouvrit la porte de la chambre de sa sœur à grande volée, faisant virevolter au passage la poussière qui s’était déposée au sol.

    — Debout, espèce de lâche ! envoya-t-il à l’endormie.

    Celle-ci était emmitouflée sous une masse de couvertures, de vêtements et d’oreillers, gisant sur un grand lit en bois muni d’un vieux matelas défoncé. Elle lui répondit d’un grognement irrité et se tourna dans l’autre sens.

    — Je vais chercher la récolte de légumes de la saison et tu viens m’aider.

    Encore une fois, Abigail ne répondit que par le grognement incompréhensible d’une phrase quelconque. Le jeune homme s’avança tranquillement vers le lit de sa sœur, balayant la pièce du regard.

    La chambre d’Abigail était très similaire à la sienne, surtout en proportions, puisqu’elle était dans l’autre versant du toit. Elle possédait elle aussi une table de chevet ainsi qu’une commode, qui avait cependant encore toutes ses poignées. Contrairement à la chambre d’Adam, celle d’Abigail ne possédait pas de trou dans le plafond et comprenait même un petit poêle à bois. C’est d’ailleurs dans cette chambre qu’ils dormaient tous les trois durant les saisons froides.

    Une fois arrivé auprès du lit de sa sœur, Adam opta pour une approche moins brute et plus sournoise.

    — Tu préfères que maman fasse la récolte toute seule ? demanda-t-il d’une voix calme.

    — Comment ça, faire la récolte toute seule ? grommela Abigail, le visage enfoncé à travers ses oreillers.

    — Parce que si tu décides de rester au lit, c’est elle qui va aller chercher les légumes à notre place. Tu veux vraiment la faire forcer ? Tu sais comme moi qu’elle se remet à peine de sa fièvre…

    — Bon, ça va, répondit Abigail d’un ton morose en levant sa tête de son oreiller. Quoi ? Il est 7 h 03 !?

    Masquée par une tignasse blonde et frisée, Abigail observait son frère avec mauvaise humeur de ses yeux du même bleu que les siens.

    — Les buzzers viennent de passer, dit-il à sa sœur. C’est leur son qui a réveillé maman. Allez, plus tôt c’est fait, plus vite tu pourras vaquer à tes belles occupations, non ? continua Adam d’un air joueur. Comme aller battre des cils pour ce gars que tu trouves de ton goût.

    — Je te hais, marmonna-t-elle d’une voix faible en massant son visage. Sors de ma chambre, tu m’épuises déjà. Je te rejoins en bas.

    C’est avec un sourire mesquin que le jeune homme rebroussa chemin et dévala l’escalier, afin d’aller attendre sa sœur à la cuisine.

    À peine 10 minutes plus tard, Adam refermait la porte de la maison derrière lui en compagnie de sa sœur, toujours endormie et de mauvaise humeur.

    — À 25 ans, grommela-t-elle, je te croyais plus mature.

    — Arrête de te plaindre, Abby, rétorqua Adam alors qu’ils descendaient les trois petites marches du perron.

    En réalité, ce n’était pas la première fois qu’on lui lançait une remarque du genre. Adam était, en effet, reconnu pour son irresponsabilité et sa nonchalance de gamin.

    Tous deux équipés de leur sac à dos, le duo traversa la place publique, qui se trouvait pratiquement devant la porte de leur maison. En fait, la Nouvelle-Lorette ne comportait qu’une vingtaine de maisons et d’abris, tous construits étroitement autour d’un même point : la place publique. C’était là que les gens se rencontraient et bavassaient, surtout les personnes plus âgées.

    — Je croyais qu’ils étaient censés retirer ces filets, dit Abigail après avoir baillé fortement. Ils servent à rien, de toute façon…

    Levant les yeux vers le haut, Adam vit les rayons du soleil filtrer à travers les filets de brouillage radar militaires qui couvraient la plupart des espaces entre les maisons et les abris. En effet, le conseil du village avait suggéré qu’on retire ces filets, les jugeant inutiles. Seulement, cette décision ne rejoignait pas l’unanimité, car la plupart des gens, surtout les plus âgés, les voyaient comme leur seul et maigre moyen de défense.

    — J’ai entendu dire qu’ils ne les retireront pas de si tôt, répondit Adam en fixant toujours les filets. Les gens d’ici ont encore peur, Abigail.

    — De qui, des Eols ? dit-elle avec mépris.

    — Non, les Eols se foutent de notre présence, répondit-il avec honnêteté. Ces filets sont pour les maraudeurs, et tu le sais.

    La mention des maraudeurs rendit Abigail silencieuse. C’était le nom que l’on donnait aux groupes d’humains qui attaquaient les campements pour le simple plaisir de piller et de tuer. Ces derniers utilisaient souvent des équipe-ments électroniques comme des senseurs et des radars afin de détecter la présence de métaux. Plus un village possé-dait de métaux, tels le fer, l’argent ou l’or, plus il était à risque de se faire attaquer.

    C’était donc l’utilité des filets : indiquer aux détecteurs des maraudeurs que ce village ne contenait rien qui valait la peine d’être pillé. Cependant, aucun maraudeur ne s’était aventuré à leurs portes depuis maintenant 10 ans. Certes, on voyait régulièrement quelques patrouilles qui restaient généralement à l’écart, probablement encouragés en ce sens par les mitrailleuses installées autour du village ; mais rien de plus.

    — Pourquoi tu souris comme ça ? lui demanda sa sœur alors qu’ils marchaient tous deux vers la sortie ouest du village.

    — Parce qu’on va récolter nos légumes, voilà pourquoi, lui répondit le jeune homme.

    Silencieuse, Abigail observa son grand frère avec une expression tordue au visage.

    — T’es bizarre, tu sais ?

    Adam lui sourit et lui envoya un clin d’œil complice.

    Les périodes de récolte étaient, pour Adam, bien loin d’être des corvées. Au contraire, cela lui donnait la possibilité de s’aventurer en dehors des limites du village sans trop de risque, puisque le chemin pour se rendre jusqu’aux champs était généralement surveillé par quelques miliciens armés. C’était son petit moment excitant de la journée. Seulement, ce matin, aucun d’eux ne semblait présent, probablement à cause de l’heure matinale. Contrairement à sa sœur, qui était visiblement craintive et déjà nerveuse, Adam ne s’en faisait pas avec le manque de miliciens patrouilleurs, car sa sœur et lui ne s’éloigneraient pas très loin, de toute manière.

    — Comment tu fais pour être aussi calme ? lui demanda sa sœur à mi-voix, comme si elle craignait d’être entendue.

    — Qu’est-ce que tu veux qu’il nous arrive ? lui renvoya Adam d’une voix nonchalante. Les champs ont été patrouillés toute la nuit par les gardes du village. Je parie qu’il y en a encore un ou deux sur place.

    C’était vrai ; le village était protégé 24 heures sur 24, ainsi que ses champs avoisinants, par les gardes désignés du village. S’ils avaient des raisons d’avoir des craintes, ils auraient déjà été avertis, de toute façon.

    Marchant à travers l’une des trois rues de leur petit village, toujours sous les filets de brouillage radar, Adam et sa sœur passèrent devant la maison des Laurel, l’une des dernières familles québécoises natives de la ville. La maison était habitée par un couple de vieillards, Line et Claude Laurel, qui avaient vu, tout comme Eileen, l’arrivée des Eols et les changements apportés. Ils étaient très appréciés et généralement vus comme les sages du village ainsi que les chefs du conseil. Malgré son âge avancé, Line était une sage-femme, aidant les autres femmes à leurs accouchements tandis que son conjoint, Claude, était celui qui avait établi les règles du village, ainsi que la logistique et l’installation de leur système de défense.

    D’ailleurs, Claude était sur son perron, son gobelet de café à la main, observant de son regard fatigué la ville qu’il avait protégée depuis toujours. Ses cheveux entièrement gris étaient frisotés et son visage ridé était couvert d’une barbe naissante. Ses yeux noirs, sévères et perçants, se posèrent sur Adam et sa sœur, avant qu’il ne les salue d’un hochement de tête. C’était un homme qui ne parlait pas beaucoup, préférant souvent le silence aux paroles, mais lorsqu’il en faisait usage, c’était toujours avec grande sagesse.

    Adam et sa sœur répondirent

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