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Tempête déchaînée
Tempête déchaînée
Tempête déchaînée
Livre électronique440 pages6 heures

Tempête déchaînée

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À propos de ce livre électronique

Dans les profondeurs de l’océan…

Huit mois ont passé depuis que Tempête Maguire a embrassé la sirène en elle pour se joindre au clan de sa mère. Comme future reine des mers, Tempête domine l’océan entier et découvre des pouvoirs magiques qu’elle n’aurait jamais cru posséder. Mais plus encore, elle a Kona, le prince selkie dont la passion et les pouvoirs l’embrasent.

Sur terre…

Mais lorsque Tempête apprend que son frère est gravement blessé, elle se précipite à
ses côtés. Une fois encore, elle devra faire un choix. Son père et ses frères survivent
difficilement à son absence et l’attachement profond qu’elle ressentait pour son ancienne
flamme, Mark, n’a fait que grandir avec le temps.

Prisonnière entre deux mondes…

Mais il n’y a pas que la vie de Tempête en jeu. Tiamat, la sorcière des mers, brûle toujours du désir de contrôler toute vie dans les profondeurs de l’océan et seule Tempête possède les pouvoirs requis pour l’affronter. Sous l’océan, une guerre sanglante se prépare. Tempête se trouve de nouveau déchirée — entre Kona et Mark, entre l’océan et la terre — et pourrait, cette fois-ci, ne pas survivre à son choix.
LangueFrançais
Date de sortie3 déc. 2014
ISBN9782897521479
Tempête déchaînée
Auteur

Tracy Deebs

Tracy Deebs is a New York Times and USA Today bestselling and criticially-acclaimed author who writes under many pseudonyms, including young adult novels about surfing mermaids and technological armaggeddon.

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    Aperçu du livre

    Tempête déchaînée - Tracy Deebs

    Première partie

    Initiation

    La terre est chère à la mer, comme l’océan au rivage¹.

    Lucy Larcom

    1. N.d.T.: Traduction libre.

    Chapitre 1

    Je ne savais pas ce que je faisais là.

    Ni ce que j’espérais y accomplir.

    Je ne savais même pas comment j’avais pu me retrouver dans ces eaux sombres et froides alors que j’aurais dû être à des milliers de kilomètres au cœur de l’océan Pacifique.

    Le fait que je ne devais pas être là ne signifiait pas que je ne voulais pas y être. Parce que je le voulais.

    Je voulais savoir.

    Je voulais voir.

    Je voulais sentir ce que j’avais déjà possédé, même un bref moment.

    Le besoin de me rassurer en les sachant en sécurité et heureux me tenaillait chaque jour un peu plus. J’étais partie d’ici huit mois auparavant parce que je devais le faire. Parce que je ne pouvais pas ne pas partir.

    Choisir la mer avait été aussi essentiel pour moi à ce moment-là que les battements de mon cœur. Ça l’était encore. En faisant ce choix, j’avais dû laisser beaucoup de choses derrière moi.

    Trop, peut-être ; parmi elles, d’énormes morceaux de ce cœur qui battait toujours.

    Je ne pus résister plus longtemps à la tentation. De quelques coups de queue, je levai les bras au-dessus de ma tête et commençai à nager tout droit vers le haut. En l’espace de quelques instants, j’avais fait surface. Quelle ne fut pas ma déception lorsque je vis ce qui se trouvait devant moi !

    Le ciel était noir et sans fin, les étoiles parsemaient le paysage comme une nuée de lucioles. Lorsque j’étais humaine, ce ciel était mon préféré, surtout pour les promenades sur le sable.

    Mais aujourd’hui, la plage était complètement déserte, le seul mouvement était celui des vagues fracassant la rive sous les grandes lumières jaunes des lampadaires bordant la rue voisine. Je regardai le plus loin possible dans chacune des directions, mais il faisait si noir que je n’arrivais pas à voir, malgré ma vision accrue. J’espérais voir quelque chose de familier — quelqu’un de familier —, mais il n’y avait rien. Juste le cycle sans fin de l’océan.

    J’avais fait tout ce voyage pour rien. Cette idée me transperçait le cœur, même si je me disais qu’il fallait que je retourne à Coral Straits, mon village sous les flots. Plus longtemps je flottais ici, plus je risquais d’être découverte par quelque âme solitaire marchant sur la plage, par un bateau qui passait ou par une autre créature marine. L’espace d’un instant, le visage de Tiamat m’apparut. Je tournai sur moi-même, m’attendant presque à voir la maléfique sorcière des mers ou un de ses sbires à mes trousses. Dieu sait qu’ils me suivaient depuis des mois déjà.

    Mais il n’y avait personne, rien que l’eau glacée qui effleurait mes épaules. Comme toujours.

    Je savais que ce n’était pas la bonne chose à faire, mais j’avais tant besoin de contacts humains, aussi superficiels fussent-ils, que les mises en garde ne comptaient plus. Je nageai plus près de la rive. Cela faisait si longtemps que je ne les avais pas vus. Des mois et des mois, les deux tiers d’une année humaine. Mon âme les appelait comme s’ils tenaient son salut entre leurs mains humaines, trop fragiles.

    Comme j’approchais, mon regard s’arrêta infailliblement sur la grande maison vitrée au bout de la rue. C’était la maison de mon père. Ma maison — enfin, ça l’avait été. Elle était aussi belle que dans mes souvenirs, mais aussi différente du château sous l’eau où je vivais dorénavant que de la fille qui avait plongé dans l’océan quelques mois plus tôt.

    La maison était plongée dans l’obscurité, les vitres de ses fenêtres reflétant l’océan omniprésent pendant que tous dormaient. La lampe que mon père avait laissé brûler à la suite de mon premier plongeon était maintenant éteinte. L’absence de lumière était bien plus éloquente que les paroles. Mon père avait fini d’espérer mon retour.

    Cette pensée fut un coup fatal sous lequel je chancelai comme un boxeur à la merci d’un adversaire trop fort. Même après tout ce temps et après tous les choix que j’avais faits, mes sentiments pour ma famille étaient trop forts pour que je les ignore.

    Mon père.

    Mon casse-pieds de frère, Rio.

    Et Moku, adorable Moku, le frère que j’avais élevé en l’absence de ma mère. La douceur de son sourire me faisait oublier tout le reste lorsque je fermais les yeux.

    Mais j’avais besoin de le voir — de les voir — en chair et en os.

    J’avais besoin de savoir qu’ils allaient bien.

    J’avais besoin de me prouver que j’avais pris la bonne décision en choisissant Kona et en embrassant le clan de ma mère, et ses valeurs. Peu m’importait que la vie d’une sirène ne ressemblât en rien à ce que j’avais imaginé.

    Je ne serais pas rassurée tant que je resterais ici et eux là-bas, à l’intérieur.

    Je flirtai de nouveau avec le danger. Je nageai encore un peu plus près. D’abord quelques mètres, puis 10, puis 20, puis 30. Et chacun des centimètres parcourus me faisait espérer le réveil de Moku.

    Je ne voulais pas qu’il sorte sur la plage — c’était dangereux, j’avais bien appris la leçon l’hiver dernier. J’aurais bien voulu qu’il allume la lumière de sa chambre et qu’il se dirige vers la fenêtre. « Laissez-moi juste entrevoir ses épaules maigrichonnes et ses cheveux en bataille. »

    Je souris en me demandant si la gardienne embauchée par mon père avait réussi à dompter ses boucles rebelles. Dieu sait que j’avais vite abandonné l’idée d’en faire quoi que ce soit bien avant mon départ.

    Je flottai ici de longues minutes, dans les eaux agitées du rivage de La Jolla, mais n’eus aucun signe de Moku. Aucune lumière ne s’alluma dans la maison et aucune silhouette ne sembla regarder vers l’océan. J’avais vraiment fait tout ce chemin pour rien.

    « C’était pourtant dans l’ordre des choses », me rappelai-je cruellement en replongeant dans l’océan et en m’efforçant de m’habituer à l’eau salée et à la douleur de cette première et brûlante gorgée. Ce n’était pas plus facile, même après tous ces mois. L’eau envahit mes poumons, et avant qu’ils cessent de fonctionner et que les branchies à l’arrière de mes oreilles se réveillent, je fus prise de terreur à l’idée que je me noyais.

    Quand allais-je apprivoiser cette vie de sirène ?

    Quand mon corps allait-il abandonner son douloureux combat pour conserver son humanité et finalement accepter ce qu’il était devenu ?

    Kona me disait toujours de prendre cela avec calme, que ça deviendrait facile. Au contraire, tout était de plus en plus difficile et compliqué. La sensation de brûlure quand je respirais sous l’eau était insoutenable.

    J’avais besoin de lâcher prise. Hailana, la reine des flots, m’avait fait remarquer l’autre jour que mon corps continuait de combattre le changement, car je gardais avec la terre des liens que je refusais de couper.

    Et sur ce point, je savais qu’elle avait raison. Je le ressentais de tout mon corps alors que je m’étendais sur les fonds marins qui n’avaient pas la profondeur qu’ils auraient dû avoir. Mon désir de voir ma famille me faisait nager dans des eaux trop peu profondes.

    Comment aurais-je dû abandonner ce que j’avais été durant de si longues années ? Quand je m’étais accrochée à Kona il y a de cela quelques mois — accrochée à mes sentiments pour lui et à toutes les images qu’il peignait de la vie que nous pourrions mener —, j’avais été certaine, malgré toutes les protestations que j’avais pu émettre auparavant, que ce bonheur remplacerait celui que j’avais connu avec ma famille et mes amis.

    « Et c’est le cas », me dis-je résolument. C’était vraiment le cas. J’avais Kona et la liberté de nager dans l’immensité de l’océan. J’avais des amis, des responsabilités, et encore plus de pouvoirs magiques que dans mes rêves. J’avais le clan de ma mère. Vouloir plus était ridicule et égoïste. Et il va sans dire, dangereux, alors que les amis de ma mère avaient tant besoin de moi.

    J’étais censée les sauver, les protéger de la plus maléfique des sorcières qui ait jamais vécu. Je devais même un jour devenir leur reine et remplacer ma mère. Douter n’était désormais plus une option.

    Et si tout était différent, plus difficile que ce que j’imaginais ? Et si être une sirène n’était pas du tout ce que j’attendais ? Mes doutes importaient peu. J’étais exactement là où je devais être.

    Ma mère l’avait fait durant plusieurs années ; elle avait renoncé à sa vie de sirène pour une vie sur terre. Si elle en avait été capable, je pouvais certainement réussir l’inverse.

    Et si cela me faisait souffrir de me trouver si près de ce qu’avait été ma vie, je savais que je pouvais faire taire la douleur… en ne revenant plus. Lorsque j’étais dans les profondeurs de l’océan, mon ancienne vie me semblait n’être qu’un rêve, rien de plus. Un rêve doux-amer, certes, mais nébuleux et irréel, facile à ignorer. Ce n’était qu’en revenant ici qu’il reprenait toute sa tangibilité.

    À cette idée, je me lançai comme une flèche dans l’eau. Je devais m’en aller. La douleur de ne plus appartenir à cette vie me transperçait le cœur.

    Pourtant, malgré le désir de m’enfuir qui l’emportait, je ne pus m’empêcher de jeter un dernier regard avant de replonger. Un dernier souvenir auquel m’accrocher lorsque je serais à des kilomètres d’ici et dans un monde tout à fait différent.

    Je refis surface et m’aperçus de mon erreur. Mon sens de l’orientation m’avait encore induite en erreur. Je m’étais rapprochée du rivage au lieu de m’en éloigner.

    Bon sang !

    Il était beaucoup plus difficile de résister à l’attrait lorsque je me trouvais si près. Il était si facile d’oublier ce que j’étais maintenant pour ne penser qu’à ce que j’aurais pu être.

    Je fermai les yeux, déterminée à faire taire cet appel. Je les tins fermés le plus longtemps que je pus et, lorsque je les ouvris, je constatai que le temps avait passé beaucoup plus vite que ce que j’avais imaginé. Les premiers signes de l’aube se manifestaient dans le ciel de la Californie du Sud que le soleil peignait de violet, de rose et de jaune.

    Je pouvais maintenant voir le sable, les rochers et les algues délavées qui s’alignaient sur la plage. Je voulais sentir les grains de sable rugueux entre mes doigts, m’en recouvrir pour sentir le poids et la chaleur de la matière, comme lorsque j’étais enfant et que mon père m’y enterrait jusqu’au cou.

    J’y étais presque maintenant, j’étais si près que mes orteils effleuraient le fond de l’océan même lorsque ma tête en émergeait. Le sable froid et répugnant s’écrasait entre mes orteils alors que les vagues se fracassaient sur mes épaules, et je fis de mon mieux pour garder l’équilibre dans la furie de l’océan à l’aube. Comme j’enfonçais mes pieds dans le sol pour ne pas tomber, je compris ce que j’avais fait.

    Pour la première fois, j’avais mué sans m’en rendre compte. Pour la première fois, ma queue s’était transformée en jambes sans effort. Malgré tous les pouvoirs que m’avait légués ma mère, la transformation ne s’était jamais faite facilement. Le passage de l’humaine à la sirène prenait généralement de longues et angoissantes minutes.

    C’était normal. C’est ce que me répétaient Kona, ma reine et tous les autres. Ils m’assuraient qu’avec du temps et de l’entraînement, tout deviendrait plus facile et rapide. « Que diraient-ils, maintenant ? » me demandai-je alors que je franchissais les derniers mètres de ces eaux peu profondes pour atteindre le rivage. Seraient-ils fiers de ce changement soudain ou en seraient-ils alarmés ?

    Je ne savais pas et, alors que les voix résonnaient dans l’air encore froid du matin, je m’en moquais.

    Parce qu’ils étaient bien là.

    Je retirai une culotte de bikini de mon petit sac à dos imperméable et l’enfilai en me trémoussant, tout en m’étirant pour bien apercevoir la plage.

    D’abord, je ne vis personne. Je pouvais seulement les entendre. Un rire, un cri, le murmure agité des gens s’apprêtant à faire ce qu’ils aimaient. Mais je connaissais ces voix et ces rires. Ils appartenaient à…

    Scooter déambulait sur la plage, sa planche de surf adorée sous le bras, ses longs cheveux en désordre balayés par le vent léger.

    Tony apparut ensuite, sa peau bronzée chatoyante sous les premiers rayons du soleil matinal.

    Puis, ce fut le tour de Bach et Logan, mes meilleurs amis dans cette ancienne vie. Dieu sait qu’ils étaient beaux ! Cela me prit toute ma volonté pour ne pas courir les embrasser. Logan avait son plus beau sourire, et je sentis mes propres lèvres esquisser un sourire en retour, même si je ne pouvais savoir ce qui le faisait sourire.

    Quelque chose d’étrange arriva ensuite. Une vague d’énergie douce me traversa, une vague que je ne sentais habituellement que sous l’eau. Je commençai à m’illuminer, une pulsation de chaleur me transperçant à chacune de mes respirations. Mes jambes se mirent à trembler et mon cœur à s’emballer tandis que la panique m’envahissait. Tiamat m’aurait-elle suivie ? Avais-je mis mes amis en danger d’une quelconque façon en venant ici ? Mais j’avais été si prudente…

    Je jetai un regard furtif autour de moi, effrayée par ma propre stupidité. Il n’y avait aucun signe de la sorcière des mers, mais elle était sournoise. Elle m’avait déjà piégée. Peut-être qu’elle…

    C’est alors que je le vis. Un peu à la traîne, un peu froissé. Il marchait derrière les autres, mais les rattrapait rapidement et réduisait l’espace qui les séparait.

    Mark.

    Le doux murmure en moi devint, en quelques secondes, un maelström. Mon pouvoir grandissant me traversait, j’arrivais tout juste à ne pas déchirer le ciel par la foudre. De fait, le vent se leva et je vis les garçons observer le ciel à la recherche des signes d’un orage qu’ils n’auraient pas entendu annoncer.

    Si seulement ils savaient.

    Je tremblai en tentant de maîtriser mon énergie et mes émotions. « Comment cela peut-il arriver ? » me demandai-je frénétiquement. Comment un seul regard posé sur lui pouvait-il me remuer autant ? Ces derniers mois, j’avais tenté d’oublier Mark. J’avais refusé de m’attarder sur ce que l’on avait vécu. Ou plus précisément, sur ce que j’avais abandonné. Maintenant, il se trouvait ici, juste devant moi, et j’en avais le souffle coupé. Tous les efforts que j’avais mis à contenir mes émotions, tout l’entraînement des derniers mois, tout s’était évaporé. Je m’étirai pour mieux le voir, même si je connaissais le danger de ce petit jeu.

    Je ne m’en souciai pas. À cet instant, tout ce qui comptait, c’était de le voir.

    Si la planche dans ses mains était neuve — et sympa —, Mark, lui, était exactement le même que dans mes souvenirs.

    Les mêmes cheveux blonds rebelles.

    Les mêmes yeux bruns chaleureux.

    La même mâchoire carrée et le même torse large et musclé sous sa combinaison de plongée vert fluo préférée.

    Le même sourire malicieux.

    Je fondis à sa vue, et fus plus que surprise de ne pas me mêler à cet océan qui m’avait tant pris. « Et tant donné », me rappelai-je.

    L’océan et Kona m’avaient tout donné, ces derniers mois. Mais jamais il n’avait été plus difficile qu’aujourd’hui de m’en souvenir quand mon regard, mon cœur, mon âme même étaient remplis de Mark.

    Que de Mark.

    J’inspirai profondément et pus presque sentir son doux parfum de musc. J’en avais envie, comme je désirais sentir ses bras autour de moi.

    « Ce sentiment va-t-il disparaître un jour ? me demandai-je amèrement. Mes sentiments pour lui vont-ils complètement s’évaporer ? Ou serai-je éternellement guidée par eux ? » Mark avait été si important dans ma vie et pendant si longtemps, que même après tout ce temps, je me sentais vide sans lui. Incomplète. Comme un surfeur sans sa planche ou comme un océan sans rivage.

    Même si ce n’était pas volontaire, je m’aperçus que je m’approchais de la plage. Pas assez près pour entendre ce qu’ils disaient, mais assez près pour bien voir le beau visage de Mark.

    Il était comme dans mes souvenirs.

    « Dieu qu’il m’a manqué. » Cette idée que j’avais tenue à l’écart, que j’avais refusé de reconnaître, me transporta comme un tsunami. Il m’avait tellement manqué que cela me faisait souffrir, me faisait rayonner.

    Il m’avait tellement manqué que j’avais entrepris ce voyage fou et dangereux uniquement pour le voir.

    Je m’étais dit que je le faisais pour visiter ma famille. Pour sentir la terre. Pour me rappeler ce que j’avais été. Mais ici, maintenant, en regardant Mark, je savais que je me mentais à moi-même. J’étais aussi venue pour le voir.

    À quel point pouvais-je être si stupide ? Et ridicule ? À quel point commettais-je une erreur ?

    Je fis un tour, puis replongeai rapidement dans l’eau, incapable de regarder le garçon que j’avais jadis aimé. J’avais fait un choix, après tout. Bien avant ma séparation officielle d’avec Mark, bien avant mon retour à l’océan pour poursuivre le travail de ma mère, j’avais choisi Kona. Le sublime et magnifique Kona, dont les yeux étaient si profonds et argentés que je pouvais m’y noyer et dont le sourire n’était pas malicieux, mais charmant, et dont l’odeur n’était pas celle capiteuse du musc, mais bien celle pure et fraîche d’une mer d’été.

    Et Mark avait également fait son choix : Chelsea, une meneuse de claques, pour l’amour du ciel, qui était si différente de moi. Peu importe ce que je lui avais raconté et ce que je m’étais fait croire, cela avait été une gifle en plein visage.

    Alors que je m’éloignais du rivage, je m’accrochais aux souvenirs et aux émotions qui me transportaient de nouveau. Cette terre ne m’appartenait plus. La mer, elle, n’était pas faite pour Mark. Je ne pouvais me permettre de l’oublier.

    Pendant que je jetais un regard sur la plage pour me rappeler le tableau qu’ils formaient, là debout, Mark se retourna et me regarda droit dans les yeux.

    Nos regards se croisèrent, dans l’immensité du sable et l’infinité de l’océan. Je vis soudain ses yeux d’un brun chocolat, grands ouverts par la surprise. Durant de longues secondes, il ne bougea pas et moi non plus. Puis, il jeta sa planche sur le sable et courut dans l’eau.

    Droit vers moi.

    Chapitre 2

    Paralysée un long moment, je plongeai enfin dans les profondeurs, prise de panique.

    « Nage, me cria mon cerveau. Éloigne-toi d’ici ! Éloigne-toi de lui. C’est trop dangereux ! Nage, nage, nage ! »

    Je commençai à creuser, le plus rapidement que je pus, la distance entre la plage et moi. Je n’avais pas fait beaucoup de chemin avant de prendre conscience, avec une certitude absolue, que je ne désirais plus suivre cet instinct de survie.

    Maintenir le statu quo n’était pas ce que je voulais.

    Non, ce que je voulais, c’était parler à Mark, entendre sa voix rugueuse, modelée par le surf et le sable, me demandant où diable j’avais été durant tous ces mois.

    Bien sûr, cela aurait pu n’être qu’un vœu pieux. Peut-être avait-il oublié ce que nous avions été l’un pour l’autre de la même façon que j’avais désespérément tenté d’enterrer son souvenir.

    Je sus, tout à coup, que je ne pouvais plus m’éloigner avant d’en être certaine. J’arrêtai de nager. Je me retournai. Je n’allais pas revenir, je n’étais pas si stupide, mais je voulais savoir ce que Mark allait faire. Mettrait-il mon apparition sur le compte de son imagination ? Ou se tiendrait-il les pieds dans l’océan à appeler mon nom, certain que ses yeux n’avaient pu le tromper ?

    C’était ce que j’espérais, même si c’était enfantin et égoïste. J’aurais dû être contente qu’il refasse sa vie avec Chelsea. J’avais refait la mienne avec Kona. Mais rien de ce que je pouvais me raconter ne me consolait. À cet instant, tout ce qui m’importait était de savoir si Mark s’était ennuyé de moi autant que je m’étais ennuyée de lui.

    — Tempête !

    Le vent me souffla la voix râleuse de Mark qui appelait mon nom.

    — Tempête Maguire, bon sang, je sais que tu es là !

    Je ne répondis pas. Je ne pouvais pas. Mon cœur s’était presque arrêté au son de sa voix. Au lieu de cela, je restai où j’étais, immergée dans l’océan jusqu’au menton, et regardai le corps puissant de Mark pataugeant dans l’eau. Il s’enfonça jusqu’aux cuisses, puis jusqu’à la taille et jusqu’au torse, criant toujours mon nom.

    Je me sentis alors terriblement mal, puis magnifiquement bien. Je n’avais pas été aussi désorientée depuis que j’avais fait le choix de devenir sirène. Je me languissais de courir vers lui, je résistais de tout mon corps à ses appels. Ma peau brûlait pour un seul effleurement de ses doigts.

    Comme je le regardais, pour imprimer son image dans ma mémoire, Mark plongea dans les profondeurs de l’eau. Il me cherchait, aussi déterminé aujourd’hui qu’il l’était il y a huit mois, alors que je m’étais presque noyée lors d’une routine matinale de surf. À l’époque où ma nouvelle vie débutait tout juste.

    J’observai anxieusement la surface, attendant qu’il remonte. Je comptais dans ma tête. Une minute passa, puis deux, et je tentais de me rassurer. Mark était un fantastique nageur, il pouvait retenir son souffle longtemps sous l’eau. Pas aussi longtemps que je pouvais le faire, mais il était humain et je ne l’avais jamais été. Jamais vraiment. Pas complètement.

    Je comptai jusqu’à 157 avant de voir Mark resurgir. J’étais trop loin pour bien le voir, mais sa combinaison verdoyante émergeait des vagues d’un azur opalescent. Je le vis aspirer l’air, goulée après goulée, et mes poumons eurent mal pour lui.

    J’attendis qu’il reprenne son souffle et retourne à la plage et à sa planche de surf qu’il avait négligemment jetée. Au lieu de cela, il disparut de nouveau dans l’eau.

    Et de nouveau, je me mis à compter, à attendre et à m’inquiéter.

    Chaque seconde s’étira. « Cent un, cent deux, cent trois. » Puis, je le vis, sa tête et ses épaules faisant surface. Il était maintenant plus près de moi, si près que je m’imaginai sa poitrine se soulever et s’abaisser.

    Je commençai à reculer. À m’immerger, à fuir. Mais je le regardai redescendre en acceptant que je n’irais nulle part. J’avais causé ce gâchis, je devais le résoudre.

    Mark était la personne la plus obstinée que je connaissais. Comme il était maintenant évident qu’il ne m’avait pas oubliée, je savais que si je disparaissais, il continuerait à me chercher tant que la fatigue ne se serait pas emparée de lui. Déjà, il était loin du rivage. Qui sait jusqu’où il pourrait nager avant de finalement déclarer forfait ? Et qui sait s’il aurait assez d’énergie pour revenir sur la plage ?

    Je plongeai sous l’eau et nageai vers l’endroit où je l’avais vu pour la dernière fois. « Quatre-vingt-quatorze, quatre-vingt-quinze, quatre-vingt-seize, quatre-vingt-dix sept. » Il devrait bientôt remonter pour respirer. Lorsque j’arrivai à 109, je me propulsai à la surface de quelques puissants coups de jambes.

    Il n’était pas encore là. Je replongeai, nageai encore un peu. Revins. Toujours pas de Mark.

    Je fus prise de panique. Était-il en difficulté ? Avait-il été emporté par le courant ? Se noyait-il à cause de moi ? Je regardai de nouveau vers le rivage et vis que tous les garçons avaient sauté à l’eau pour rattraper Mark. Ils étaient toujours loin, mais je savais qu’ils étaient de bons nageurs. Il ne me restait que peu de temps.

    M’enfonçant de nouveau, je cherchai dans l’eau la combinaison verte de Mark. Je ne la voyais pas, je ne le voyais pas. Mon Dieu, il était en train de se noyer. Il se…

    — Tempête !

    La voix était basse et grondante et si près de mon oreille que je ne pouvais me tromper.

    Je me retournai.

    — Mark !

    — Qu’es-tu…

    Je me jetai vers lui, le tirai presque sous l’eau en accrochant mes bras autour de son cou et en le serrant aussi fort que je pus. Il me serra en retour, son corps ferme pressé, des épaules à la taille, contre le mien, pendant que nos jambes faisaient des allers-retours pour nous garder à la surface.

    Il s’écarta.

    — Où étais-tu ? Je te cherche depuis des mois…

    Ma voix se noua dans ma gorge. Qu’étais-je censée lui répondre ? Que pouvais-je lui dire après tout ce temps ?

    — Bon sang, Tempête ! gronda-t-il. Réponds-moi.

    J’ouvris la bouche et mon esprit chercha rapidement une réponse. Une excuse. N’importe quoi. Avant que je puisse prendre une respiration, ses lèvres se collèrent aux miennes et tous mes efforts de réflexion se dissipèrent comme l’écume dans l’océan.

    Il avait le même goût, juste un peu plus sauvage. Et meilleur. Comme les citrons et les bonbons à la menthe, et comme mon moka du samedi matin.

    Il avait un goût familier — avec du mordant.

    Je savais que j’aurais dû l’arrêter. Je commençai même à le repousser, mais à la fin, tout ce que je pus faire, c’était enrouler mes bras autour de son cou et l’embrasser à mon tour, mue par toutes ces émotions que cette folle journée en montagnes russes avait éveillées en moi.

    Je ne pouvais faire autrement. L’une de ses mains tenait ma mâchoire et l’autre serrait avec possessivité le bas de mon dos. J’oubliai pendant une minute que nous ne nous appartenions plus.

    Embrasser Mark, être dans ses bras, me rappelait trop tout ce que j’avais abandonné pour devenir sirène et, pendant ces brèves secondes, je voulus tout récupérer.

    Je voulus le récupérer.

    Mais s’il y avait une chose que la vie et la mort de ma mère m’avaient enseignée, c’était qu’il n’était pas possible de revenir en arrière. Peu importe les choix que nous faisons, le chemin que nous empruntons, il faut le suivre, continuer la marche. Dans mon cas, la nage. Dans tous les cas, le retour à une ancienne vie était impossible.

    Je savais cela, je comprenais cela. En tout cas, c’était ce que je me disais. Malgré tout, je ne m’éloignai pas de Mark tout de suite. Non, je me serrai encore plus contre lui et lui fis cadeau, me fis cadeau, du plus parfait des baisers. J’étais certaine que cela allait être le dernier que nous partagerions et j’étais déterminée à m’accrocher le plus longtemps possible au premier garçon que j’avais aimé.

    Mais l’océan avait d’autres plans pour nous. Une énorme vague arriva, nous balayant sur son passage, ne nous laissant d’autres choix que de nous laisser aller pour ne pas nous noyer. Je me retirai immédiatement. Mark le fit plus lentement. Comme s’il se moquait d’être entraîné dans les profondeurs si cela voulait dire que nous serions de nouveau ensemble.

    Aussi douce que fût cette idée, elle ne put empêcher l’eau froide qui m’éclaboussa le visage de me rappeler à l’ordre. Il avait Chelsea et j’avais Kona. L’embrasser n’avait été qu’une erreur de plus. Je semblais en faire beaucoup, ces temps-ci.

    Je compris soudain que j’approchais dangereusement de l’endroit où j’étais il y a huit mois. Au pied du mur, je n’avais plus la chance de reculer. Et comme huit mois auparavant, je ne serais pas la seule à en souffrir.

    À cette pensée, je m’élançai en arrière, m’éloignant de Mark et de son regard inquiet et rempli de désir.

    — Ce n’est pas fini, Tempête, dit-il d’une voix grave, dangereuse et sexy. Tu ne peux pas te pointer ici, m’embrasser au beau milieu de l’océan, puis disparaître encore.

    — C’est toi qui m’as embrassée.

    La réponse était stupide, considérant que je m’étais littéralement enroulée autour de lui comme une algue. Mais je ne savais pas quoi lui dire. Quelle excuse donner pour expliquer ma disparition imminente ? Tout ce que je savais, c’était que je devais m’en aller. L’air se refermait sur moi, le rivage était bien trop proche pour être rassurant — surtout que Scooter et les autres ramaient droit vers nous sur leurs planches.

    Mark fronça les sourcils et m’adressa un petit sourire sardonique qui me toucha alors même que je me forçais à me retirer.

    — Est-ce l’excuse que tu te donnes ?

    — C’est la vérité, insistai-je. Maintenant, je dois partir.

    — Allons-y, alors. Je te raccompagne au rivage et nous pourrons parler.

    — Je ne reviendrai pas, Mark. Je crois que tu le sais.

    — Où vas-tu, alors, Tempête ?

    Ses yeux me fixèrent et il nagea vers moi.

    — Où peux-tu bien aller ?

    Le fait qu’il s’approche me galvanisa comme peu de choses auraient pu le faire. S’il revenait près de moi, s’il me touchait encore, je savais, sans l’ombre d’un doute, que je finirais dans ses bras. Je ne pouvais pas nous faire cela, à Kona, à Mark et à moi.

    Je devais lui dire la vérité pour qu’il comprenne pourquoi les choses ne pouvaient pas marcher entre nous. Mais je ne savais pas comment lui dire pour qu’il me croie.

    Je fis donc la seule chose que je pouvais faire. Je nageai près de lui, et de ma main, lui caressai la joue. Je me retournai, puis plongeai au plus profond, sachant qu’un seul mot de sa part pouvait réduire en miettes ma résolution vacillante.

    À la dernière seconde, je me sentis changer — si facilement encore une fois que j’en fus surprise — et mes jambes reprirent la forme d’une queue. Je n’étais peut-être pas capable de trouver les mots pour expliquer à Mark les raisons pour lesquelles nous ne pouvions être ensemble, mais cela ne voulait pas dire que je ne pouvais pas les lui montrer. Voilà pourquoi j’exposai, lentement, délibérément, le bout de ma queue à la surface de l’océan, battant l’eau et lui envoyant des gouttelettes au visage.

    Puis, je partis sans même essayer de trouver le bas de mon bikini, trop lâche pour rester et attendre sa réaction.

    Chapitre 3

    Ma tête était sur le point d’exploser alors que je nageais loin de Mark aussi rapidement que je le pouvais. « Ai-je vraiment fait ça ? me demandai-je. Lui ai-je vraiment montré ma queue ? »

    Maintenant, j’allais devoir en subir les conséquences, quelles qu’elles soient. Je pouvais seulement espérer que cela n’affecterait que moi, et non pas toute la communauté des sirènes qui travaillait si dur pour garder le secret.

    Que pensait Mark, maintenant ?

    Avait-il compris pourquoi j’avais fui, pourquoi nous ne pouvions être ensemble ?

    Ou était-il complètement abasourdi par ce qui venait d’arriver ?

    J’espérais réellement que ce n’était pas le cas. À la seule idée d’avoir pu le blesser, je nageai plus vite dans un effort d’échapper à mes pensées et à l’invisible attrait qui semblait grandir entre nous.

    Pourquoi sentais-je toujours ce lien perturbé entre Mark et moi ? Cet inexplicable sentiment de légitimité, même après tout ce qui s’était passé entre nous deux ?

    C’était stupide. Absolument ridicule, étant donné que je ne savais pas si Mark voulait toujours de moi, mainte-nant qu’il connaissait la vérité. Il m’avait embrassée, oui, et cela avait été merveilleux, intense, comme toujours. Mais j’étais assez intelligente pour savoir qu’un seul baiser ne voulait rien dire. D’autant plus qu’il était humain et moi… non.

    Voilà pourquoi je devais cesser de penser à lui. Cela n’avait été qu’un baiser, rien de plus. Il ne m’avait pas juré son amour, ni même son amitié. Je ferais bien de ne pas l’oublier.

    Je ne devais pas non plus oublier que les humains et les sirènes ne faisaient pas bon ménage. Mes parents en avaient été la preuve. Et même si ma mère avait dit qu’elle était partie pour protéger sa famille — et non pas parce qu’elle ne nous aimait plus, mon père, les garçons et moi —, cela n’avait pas d’importance, car le résultat était le même. Rio, Moku et moi avions grandi sans mère, et mon père avait vécu ces dernières années sans la femme qu’il aimait plus que tout au monde.

    Sachant cela, comment pouvais-je m’inquiéter, n’était-ce qu’un peu, de ce que Mark pouvait ressentir ? Notre relation avait été condamnée à l’échec dès le début ; j’avais été trop stupide pour m’en rendre compte. À l’époque, j’étais certaine que je pouvais rester humaine. Si seulement j’avais su combien mes choix étaient limités.

    « Non », me dis-je fermement, ma queue propulsant mon corps dans l’eau comme une torpille. Me rendre dingue pour Mark et un ridicule baiser n’allait me faire aucun bien. C’était fini entre nous. Il avait Chelsea et j’avais Kona, cela me suffisait amplement.

    J’aimais Kona, je l’adorais, je voulais passer chaque moment de ma vie avec lui. Il était parfait pour moi. Parfait pour Tempête qui était

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