Découvrez des millions d'e-books, de livres audio et bien plus encore avec un essai gratuit

Seulement $11.99/mois après la période d'essai. Annulez à tout moment.

Tempête naissante
Tempête naissante
Tempête naissante
Livre électronique404 pages5 heures

Tempête naissante

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

Sur la terre…

Tempête Maguire aime sa maison sur la côte californienne, surfer sur les vagues assassines, prendre soin de ses frères et de son père. Elle aime son petit ami de longue date, Mark. Mais le poids de son secret la pousse à répondre à l’appel de l’océan sans cesse plus marqué.

Parmi les vagues…

Le secret de Tempête? Elle est à moitié sirène, un héritage de sa mère absente qui est retournée dans l’océan voici de nombreuses années. Maintenant, Tempête doit faire son propre choix. Pour compliquer les choses, il y a Kona, un nouveau venu énigmatique dont les capacités surnaturelles évoquent une passion partagée et des secrets communs.

Au-delà de la mer…

Mais il y a plus en jeu que le coeur et l’identité de Tempête. Sa vie est peut-être aussi en danger. En effet, l’océan cache un mystérieux et sombre secret, un secret où se côtoient une histoire d’amour renversante et une aventure palpitante. Mais, un secret où personne, encore moins Tempête, n’est en sécurité.
LangueFrançais
Date de sortie3 déc. 2014
ISBN9782897521448
Tempête naissante
Auteur

Tracy Deebs

Tracy Deebs is a New York Times and USA Today bestselling and criticially-acclaimed author who writes under many pseudonyms, including young adult novels about surfing mermaids and technological armaggeddon.

Auteurs associés

Lié à Tempête naissante

Titres dans cette série (3)

Voir plus

Livres électroniques liés

Fantasy et magie pour enfants pour vous

Voir plus

Articles associés

Catégories liées

Avis sur Tempête naissante

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    Tempête naissante - Tracy Deebs

    Maman

    première partie

    Dilemme

    L’éternité commence et finit avec les marées de l’océan.

    Anonyme

    prologue

    J’avais 10 ans la première fois que je l’ai vue. Je m’en souviens clairement parce que ma mère est partie exactement 2 semaines plus tard, le jour de mes 11 ans.

    Nous étions à Hawaii à une compétition de surf. C’était du temps où mon père faisait encore de la compétition professionnelle et il était tard, assez tard pour que la lune soit suspendue dans le ciel telle une immense et attrayante boule de glace à la vanille française. Son éclat était plus que ce à quoi mon cœur de préadolescente pouvait résister. J’enfilai mon maillot de bain et sortis à l’instant où la gardienne s’était trouvée distraite par mes jeunes frères.

    Je suppose que toute explication raisonnable de cette nuit devrait commencer par le fait que je suis un bébé de l’eau. Je suis née dans l’eau, littéralement, du temps où c’était la chose branchée à faire. Un groupe de médecins avait déclaré que ça réduisait le traumatisme pour le bébé de naître dans l’eau tiède, comme s’il était encore dans le ventre de sa mère, et ça a dû fonctionner. Évidemment, je ne m’en souviens absolument pas, mais mon père m’a dit que je n’avais même pas pleuré. J’ai juste glissé dans l’eau comme si c’était naturel. D’une certaine manière, ça l’est encore, malgré ce qui m’est arrivé depuis toutes ces années.

    Après m’être faufilée à l’extérieur de la maison que mes parents avaient louée sur une bande assez obscure de l’île de Kauai, je me rendis vers l’océan. Mes parents participaient à une grande fête pour célébrer une autre victoire de mon père, et mes frères et moi étions bien trop difficiles à gérer pour la gardienne d’enfants incompétente que le service avait envoyée. Elle ne s’était même pas rendu compte que j’étais partie, jusqu’à ce que mes parents rentrent à la maison et posent des questions à mon sujet. Mais je ne la blâme pas. Ce n’était pas plus sa faute que la mienne.

    Même si j’avais passé ma vie à l’intérieur et à l’extérieur de l’eau — notre maison était à moins de 100 mètres de l’océan —, mes parents avaient une règle stricte : en aucune circonstance, je ne devais y aller seule. En aucune circonstance, je ne devais même pas penser à y aller seule. Mon père me répétait inlassablement que le Pacifique était cruel dans sa beauté. Cruel et hautement narcissique.

    J’avais toujours obéi jusqu’à ce soir d’octobre et n’avais jamais envisagé de lui désobéir. Mais cette nuit-là, quelque chose m’appelait. Rester à l’intérieur était un supplice, rester sèche l’était encore davantage. J’avais besoin d’être entourée par la puissance et la fougue de l’eau qui faisait déjà tellement partie de moi, même à l’époque.

    Je n’avais pas envisagé d’aller en profondeur, j’espérais que barboter jusqu’aux genoux ferait taire l’insidieux murmure, la voix insensée dans ma tête. Mais ce ne fut pas le cas, et bientôt, j’en eus jusqu’aux omoplates. L’eau était relativement chaude malgré le fait que c’était l’automne, mais je me souviens avoir eu froid.

    Si froid que mes dents claquaient.

    Si froid que j’en tremblais au point où j’avais l’impression que mes os claquaient les uns contre les autres.

    Je m’en souviens parce que c’était vraiment inhabituel. Avant cette nuit, l’eau m’avait toujours réchauffée.

    Mais je ne suis pas partie, je ne suis pas retournée à l’intérieur comme une personne normale aurait fait. Je ne pouvais pas. À cette époque, je ne savais pas ce que j’attendais. Je savais seulement qu’il y avait à l’intérieur de moi une obsession qui m’empêchait de bouger. Une obsession qui me tenait debout, un sacrifice humain qui s’offrait, alors que l’eau clapotait et tourbillonnait autour de moi.

    Étrangement, je n’étais pas apeurée ni nerveuse, n’éprouvant aucune des émotions qu’une fille de 10 ans pourrait s’attendre à ressentir dans ces moments-là. C’était étrange, mais je me sentais… engourdie. Comme si je sentais que je devais faire quelque chose, mais cette simple pensée — le fait qu’elle soit si catégorique — était simplement hors d’atteinte.

    Finalement, quand le murmure devint un cri dans ma tête, quand mon corps trembla avec un accès d’énergie si puissant qu’il m’éclaira de l’intérieur et me fit sentir comme si j’étais incandescente, je la vis. Elle était sombre, étrangement belle et nageait comme une sirène — comme ma mère —, son corps découpant la mer tel un scalpel à travers la chair.

    Elle m’encerclait comme un prédateur, son corps glissant de plus en plus près de moi à chaque longueur qu’elle faisait. J’essayai de détourner le regard, de me reculer en eau moins profonde, mais je ne pouvais pas bouger. Bien que je ne puisse pas vous la décrire en détail maintenant, à ce moment-là, tout en elle était hypnotique et j’étais envoûtée.

    Autour de moi, l’océan en furie se déchaînait. Un mur d’eau s’érigea juste devant moi, plus haut que la maison à deux étages que nous louions, même plus élevé que les falaises autour de notre petite crique isolée. Plus élevé que toutes les vagues que j’avais vues jusqu’ici.

    Le vent se leva et la vague commença à tourner autour de moi. Je me retrouvai directement dans l’œil d’un puissant cyclone de vent et d’eau. Puis, elle fut là avec moi, sa voix sifflant dans mes oreilles, ses longs doigts munis de griffes translucides agrippant mon maillot de bain et mon âme.

    Donne-toi à l’eau.

    Ces mots résonnaient en moi.

    Donne-toi à moi. Embrasse la puissance.

    Une partie de moi était encore assez consciente pour comprendre que c’était dangereux — qu’elle était dangereuse. Mais je ne pouvais pas l’écouter, je pouvais à peine reconnaître cette pensée alors que tout mon corps était follement attiré par ce qu’elle me promettait.

    C’était dans ces moments-là que je pouvais sentir le pouvoir en moi, le sentir croître jusqu’à ce que son immensité fut tout ce que je connaissais. Tout ce que je désirais.

    Les frissons s’estompèrent pour laisser la place à une sensation de chaleur, un but si fort qu’il éclipsait tout le reste.

    Ceci était mon destin. Elle était mon destin. Ensemble, nous pourrions accomplir des exploits inimaginables. Je tendis une main vers elle…

    — Tempête ! Tempête, non !

    La voix de ma mère venait de l’extérieur de l’ouragan d’eau, si faiblement que jamais je n’aurais pu l’entendre, si elle ne s’était pas insérée en moi.

    — Tempête ! hurla mon père.

    Viens avec moi ! ordonna la sorcière des eaux, ses longs cheveux rouges flottant derrière elle comme des traînées d’algues de dentelle. Viens maintenant.

    — Tiens bon, Tempête. Je suis presque là ! dit mon père.

    Le froid revint, réduisant l’étrange engourdissement qu’elle m’avait infligé et je sus qu’il approchait.

    J’essayai de me reculer, mais au lieu de toucher le mur d’eau, je sentis qu’on me tirait brusquement par les chevilles : une force inévitable m’attirait sous l’eau.

    Tu m’appartiens ! revendiqua la voix tandis qu’elle m’attirait de plus en plus profondément.

    Pour la première fois depuis que j’étais allée flâner sur la plage, la peur surpassa ma curiosité.

    — Papa ! criai-je.

    — Tempête !

    De puissantes mains saisirent mes bras, me tirant brusquement vers le rivage et, pendant un instant, je me sentis comme la corde dans le jeu dans lequel on tire chacun de son côté. Mais alors, l’emprise sur mes chevilles céda et ses griffes acérées raclèrent mes mollets tandis qu’elle essayait — en vain — de rester accrochée à moi.

    Je fus enfin libre et sur la terre, la tempête disparais-sant comme si elle n’avait jamais eu lieu, mon père me serrant fortement contre sa poitrine. Ma mère essaya de me dire que la sorcière était le fruit de mon imagination, que ma terreur de la tempête qui couvait avait augmenté ma peur de me retrouver piégée par les algues, mais même alors, je pense que je savais qu’elle mentait.

    Quatorze jours plus tard, ma mère avait disparu, avant même que je commence à saisir ce qui m’était arrivé. Il faudra des années avant que je comprenne enfin, et encore davantage avant que j’accepte que certaines choses étaient vraiment au-delà des mortels.

    Chapitre 1

    — Hé, Tempête, accélère ! me dit Mark, mon petit ami occasionnel, avec qui je me trouve en ce moment dans le creux des vagues. On va rater la grosse vague.

    — Pas la peine de t’énerver, lui répondis-je tandis que je ramais plus vite. On y est presque.

    Le système de radar de vague que j’avais en moi me révélait que nous avions encore quelques minutes avant que la vague atteigne son maximum, mais comme Mark, je voulais être certaine d’être dans la meilleure position pour l’attraper. C’était probablement la dernière que nous aurions le temps de prendre ce matin. Déjà, le ciel s’était éclairci, les bandes roses et lavande qui étaient ressorties avec l’aube reprenaient leur teinte bleue et gris acier habituelle des matins de février sur les côtes du Pacifique de la Californie du Sud.

    Les vagues produisaient des gouttelettes — glacées et légèrement salées — alors que nous les percutions. Une déferlante surgit devant moi, mais je la passai. Je cherchais à atteindre la plus grosse vague juste derrière elle, me concentrant sur celle-ci tel un requin sur une traînée de sang. Ce faisant, le ressentiment qui couvait en moi et que je ressentais souvent envers le Pacifique et son chant de sirène s’estompa.

    J’étais à peine consciente de Mark et de mes autres amis qui riaient et qui plaisantaient alors que nous nous préparions à attraper la grosse vague, mais ensuite, même elle avait disparu et il n’y avait plus que moi, ma planche et l’océan vaste et infini.

    La vague commença à s’élever et je me redressai vivement, souriant alors que ma planche réagissait comme si elle ne constituait qu’une partie de plus de mon corps. Et là, comme toujours depuis le premier jour où mon père m’avait fait ramer sur sa planche alors que je n’avais pas plus que quatre ans, nous ne fîmes qu’un : la mer, la planche et moi.

    — Ça a l’air bon, me cria Mark, et j’envoyai ma tête vers l’arrière, riant comme jamais je n’aurais osé le faire sur la terre.

    Mais ici, il m’était difficile de me retenir, encore plus de résister à l’attirance de l’eau et à la joie intense de chevaucher de vraies montagnes russes.

    La vague dans laquelle nous avions sauté n’était pas particulièrement grosse ni particulièrement compliquée : mais surfer dessus fut suffisant pour que je sois parcourue d’une profonde exaltation. Plus que suffisante pour me faire sentir puissante et compétente, et pendant quelques minutes, en mesure de décider d’une vie dont je perdais brusquement la maîtrise.

    L’eau déferla sous mes pieds et je me déplaçai un peu, cherchant la bonne position. Je savais ne pas être bien loin. L’ayant trouvée, je me mis à rire de nouveau. Je me préparai à affronter la vague…

    Mais jamais je ne l’attrapai.

    Au lieu de cela, je n’avais plus de force dans les jambes.

    Écartant mes bras, je m’efforçai de retrouver mes points d’appui. Les secondes passèrent — une, deux —, d’interminables moments de totale stupéfaction. Puis, je tombai, chutant dans les vagues telle une poupée de chiffon.

    Choquée — je ne me souvenais pas de la dernière fois où j’étais tombée en surf —, je battis vigoureusement des pieds, essayant de remonter à la surface.

    Je ne bougeais pas, ne pouvais pas bouger.

    Mes jambes étaient complètement molles, glissant dans l’eau, impuissantes, peu importe combien j’essayais frénétiquement de les bouger.

    Mon cœur pompait tel un piston à plein régime et j’essayais de ne pas paniquer. « Ce n’est pas grave », me dis-je, griffant l’eau de mes doigts crispés. Ce n’était pas la première fois que l’océan essayait de me retenir. Je savais quoi faire.

    Utilisant mes mains pour me retourner sur moi-même, je gardai mon visage tourné vers la surface et commençai la longue ascension vers l’air.

    Trente centimètres, puis soixante : c’était difficile d’avancer, mais je remontais. Je fus tout à coup soulagée. « Regarde, Tempête, me dis-je. Tu peux le faire. C’est juste une autre journée dans le… »

    Je fus happée par le contre-courant.

    Je restai figée pendant quelques instants cruciaux, mon cerveau et mon corps s’arrêtant tout simplement, malgré l’adrénaline qui me parcourait.

    Le contre-courant tournoyait et dansait autour de moi.

    M’attirait avec ses doigts avides.

    Me ballottait au hasard comme si je n’étais rien de plus que du bois flottant.

    Et je ne pouvais toujours pas bouger, toujours pas réagir.

    J’étais entraînée vers les profondeurs, dans les eaux plus froides, l’océan me broyant de tous les côtés alors qu’une vague après l’autre me fonçait dessus.

    Fonçait en moi.

    Et c’est là que la vérité m’apparut : j’étais piégée. Une victime de plus prisonnière de l’étreinte cruelle du Pacifique à l’aube.

    La panique explosa en moi, volant ainsi le peu d’air que j’avais réussi à prendre avant de tomber dans l’eau glacée. Mon cœur battait à tout rompre et mes poumons me faisaient souffrir comme si j’avais couru un marathon, directement vers le sommet de l’Himalaya.

    Comme je continuais de couler, son visage d’une beauté étrange flottait devant moi. Sa voix était dans ma tête, ses mains, sur mon corps. Je ne savais pas exactement qui elle était, mais une partie primitive de moi la reconnut. Je me souvenais d’elle.

    Ce fut l’alerte dont mon esprit léthargique avait besoin.

    « Concentre-toi, me dis-je d’un ton féroce. Utilise tes bras. Rame jusqu’à la surface ! »

    Mais mon corps refusait de faire ce que je lui disais. Je coulais rapidement, et plus je me débattais, plus la prise de l’océan se resserrait sur moi.

    Le courant me ballottait de tous les côtés, me renver-sait — encore et encore — jusqu’à ce que le haut et le bas soient pareils et que je n’aie plus aucune idée de la direction à prendre. Et je luttais encore, me frayant un passage à travers l’eau, déterminée à me libérer.

    Mais il était trop tard. Les choses devenaient grises, je manquais d’air.

    Pour la première fois de ma vie, j’avais réellement peur de l’océan.

    Peur de me perdre.

    Peur de mourir ici, alors que je m’étais juré, depuis l’âge de 11 ans, que je retrouverais toujours mon chemin vers la terre.

    La rage brûlait en moi. Je ne voulais pas mourir : pas ici, pas comme ça. Je ne voulais pas donner mon corps à ce Pacifique avide qui avait déjà tellement pris de moi.

    Je n’abandonnerais pas.

    Une fois de plus, j’essayai de bouger les pieds.

    Une fois de plus, mes jambes refusèrent de réagir.

    La peur me reprit, griffant mes entrailles comme un animal fou, volant ma concentration aussi certainement que l’océan me volait ma vie. Désespérée, dévastée, je me mis à pleurer, de gros sanglots saccadés qui assombrissaient de plus en plus mon environnement alors que j’aspirais l’eau dans mes poumons en manque d’air.

    « Papa, je suis désolée. Je ne voulais pas te quitter comme ça. Pas encore. Pas comme elle. »

    Les mots résonnaient en moi : une prière, un appel, un cri pour l’absolution alors que je m’abandonnais à l’eau et à quoi que ce soit de prévu pour moi.

    Cet abandon devait être ce que mon corps attendait — la fin de la lutte entre ce que voulait mon esprit et ce que mon corps savait —, car dès que j’abandonnai les rênes, dès que je cessai de me battre, une étrange force me prit en charge.

    Mes jambes fusionnèrent dans un lien qui était à la fois terrifiant et extrêmement familier : dans une parfaite harmonie comme si elles avaient attendu toute ma vie pour faire ça. Puis, quelques puissants coups de pieds, plus instinctifs que calculés, me propulsèrent directement à la surface de l’eau, dans les bras ouverts de Mark.

    — Mon Dieu, Tempête, ça va ?

    Ses yeux bruns affolés scrutèrent mon visage, puis ses mains un peu trop rudes et un peu trop tremblantes parcoururent mon corps.

    Je commençai à lui dire que j’allais bien, mais c’était faux. Peu importe combien je luttais pour respirer, mes poumons refusaient tout simplement de fonctionner. La même eau salée qui avait incité mon corps à agir avait aussi rempli mes poumons. Et elle me noyait encore, même si j’étais maintenant au-dessus de la surface.

    — Je l’ai ! cria Mark en agitant la main frénétiquement, avant de passer son bras musclé autour de moi et de commencer à me tirer.

    — C’est bon, chérie, je te tiens, répéta-t-il inlassablement pendant que ses puissants coups de pied, agissant comme des torpilles, nous propulsaient près de la rive. Je t’ai, maintenant.

    Essayant de lui rendre les choses plus faciles, je forçai mon corps à la mollesse malgré la terreur qui me parcourait encore. Dommage que je ne puisse aussi facilement forcer mes poumons remplis d’eau à accepter l’oxygène dont j’avais si désespérément besoin.

    J’allais me noyer, pas dans les profondeurs de l’océan, mais dans les bras de mon petit ami sur le trajet du retour vers la terre.

    La situation aurait été ironique, si elle n’avait pas été si effrayante.

    Environ à mi-chemin de la plage, mon corps perturbé finit par comprendre où il était et je me mis à tousser, mes poumons paralysés se débloquant en un spasme géant qui me secoua de l’intérieur.

    J’entendis Mark maugréer un juron, son bras se resserrant autour de ma taille alors que je tressautais contre lui.

    — Allez, Tempête, on y est presque. Reste avec moi encore une minute. Juste encore une…

    Puis, nous nous retrouvâmes dans les bas-fonds et quelqu’un me tira des bras de Mark, pataugeant jusqu’à la taille, puis à la hauteur des genoux. Je m’efforçai d’ouvrir les yeux malgré ma quinte de toux, pour voir qui me transportait, mais j’avais besoin de toutes mes forces pour respirer malgré la douleur.

    Et plus encore.

    Une partie de moi était consciente d’être déposée sur le sable, des mains douces qui me roulèrent sur le côté. Mais les profondes quintes de toux continuèrent à m’arracher la gorge. Une fois de plus, le monde autour de moi devint gris alors que je me battais pour faire entrer l’air dans mes poumons en feu.

    Un mélange de toutes sortes de jurons australiens originaux fendit l’air. C’était mon meilleur copain, Logan, qui m’avait portée sur les derniers mètres jusqu’au rivage. Et c’était sa main géante qui me frappait juste en dessous du milieu de mon dos.

    « Arrête, ne… »

    J’essayais de protester, mais rien ne sortait.

    J’essayais de combattre cette attaque bizarre et soudaine, mais j’étais trop faible pour faire quoi que ce soit en dehors de marmonner.

    Sa main me frappa dans le dos à plusieurs reprises jusqu’à ce que, enfin, je me mette à vomir. M’agenouillant péniblement, je tentai de cacher mon visage. Je suppose que j’étais encore assez consciente pour être gênée, mais Logan refusa de me laisser détourner la tête. Au moins, il avait cessé d’essayer de forer un trou dans mon dos avec sa main. À présent, la seule chose qui perturbait mon corps, c’étaient les spasmes qui vidaient l’eau de mes poumons.

    Je toussais et vomissais, vomissais et toussais pendant ce qui ressemblait à une éternité — je jure que j’ai dû avaler au moins trois litres d’eau, peut-être plus — avant de pouvoir prendre ma vraie première respiration.

    Quand je réussis enfin à respirer à pleins poumons, cela me brûla atrocement. J’essayai de ne pas avoir peur, me rappelant les ravages possibles de l’eau salée.

    Cette pensée ne m’aida pas beaucoup, d’autant plus que je commençais à me rappeler tout ce qui s’était passé quand j’étais sous l’eau.

    Allongeant mes jambes sur le sol, je fis l’inventaire de mon corps lessivé. Maintenant que j’étais de retour sur la terre, tout me semblait fonctionner normalement. Pourtant, ces minutes dans l’océan étaient gravées dans mon cerveau comme étant la réalité de ce que j’étais devenue l’espace d’un instant.

    Prise de panique une fois de plus, je baissai les yeux sur mes jambes, espérant de tout cœur que j’étais redevenue normale. Je l’étais. Mes deux jambes étaient parfaitement définies et distinctes, ce qui me rendit incroyablement heureuse. Quand j’essayai de les plier, elles répondirent sans problème, obéissant aux ordres de mon cerveau, comme si tout l’épisode dans l’eau n’était jamais arrivé.

    Je fus très soulagée à cette pensée réconfortante, du moins jusqu’à ce que la voix de Mark pénètre mon état hébété. Elle semblait plus sombre, apeurée et bouleversée que jamais auparavant.

    — Tempête, ça va ? Tempête ?

    Comme je ne répondis pas immédiatement, Mark s’accroupit près de moi, ses doigts s’enfonçant dans mes bras à m’en faire grimacer de douleur. Ce n’était pas de sa faute, il n’avait pas idée à quel point ma peau et ma chair en dessous étaient devenues sensibles. Si sensibles que quelques fois, je ressentais le moindre coup de vent comme des milliers de lanières de cuir qui me fouettaient, et le doux coton de mes vêtements m’irritait et me brûlait à chaque mouvement de mon corps.

    — Allez, Tempête, réponds-moi.

    Il me secoua un peu, mais je ne répondis toujours pas.

    Qu’est-ce que j’étais censée dire ? Que chaque jour qui passait, je devenais de plus en plus ce que je détestais ?

    Qu’à chaque respiration que je prenais, je me sentais devenir moins humaine et plus autre ?

    Que j’avais peur, une peur terrifiante, que dans une semaine, j’aie les doigts palmés, une queue écaillée et une envie irrésistible de sonder les profondeurs de l’océan ?

    Comme je pouvais à peine m’avouer ma peur à moi-même, j’avais conclu qu’un « Je vais bien » était aussi convaincant que sincère. Hé, c’était mieux que l’autre possibilité.

    N’importe quoi l’était.

    Chapitre 2

    — Hé, les gars, reculez. Donnez-lui une chance de respirer.

    Des mains douces décollèrent celles effrayées de Mark autour de mes bras, et tandis que je levais les yeux, je constatai que j’étais presque entièrement entourée. Tous mes amis étaient là : Mark et Logan, Bach (qui devait son nom au fait qu’il voguait sur les flots comme Jean-Sébastien composait la musique, admirablement bien), Scooter (ne me demandez pas pourquoi) et Tony.

    Il peut paraître étrange que je passe beaucoup de temps avec un groupe de garçons, mais c’est parce que la plupart de mes amies ne veulent pas se lever à 5 h du matin pour aller surfer deux heures avant l’école. Brianne et Mickey (mes meilleures amies) aiment mieux passer leur temps à dormir — et à se coiffer —, que faire du surf.

    — Je vais bien, Mark.

    D’une certaine manière, je trouvais ma voix tremblante.

    — Du moins, je pense que oui.

    Je lui adressai ce que j’espérais être un sourire rassurant, mais il n’avait pas l’air convaincu. Il n’essaya même pas de cacher la peur sur son visage livide.

    — Alors, que s’est-il passé là-bas ?

    Cette fois, c’était la voix rauque et légèrement sexy de Logan qui posait la question.

    — Ce n’est pas comme si tu avais fait une simple chute, Tempête, spécialement sur une déferlante comme ça.

    Je ne savais toujours pas quoi dire, je ne savais pas ce que je pouvais dire. Comment pouvais-je expliquer quelque chose que je n’étais même pas prête à comprendre moi-même ?

    Ce qui s’était passé là-bas était différent de tout ce qui m’était jamais arrivé auparavant. Logan l’avait dit lui-même : de nous tous, j’étais probablement la moins susceptible de piquer du nez comme une débutante.

    La moins susceptible, bon sang ! Je suis pratiquement certaine que j’avais neuf ans la dernière fois que j’étais tombée de ma planche, tête la première, dans les profondeurs de la mer bleue.

    Je savais que je ne pouvais leur révéler ce qui m’était réellement arrivé. Même si j’essayais, je savais qu’ils penseraient tous que j’étais cinglée. Je ne pouvais pas les blâmer. Une partie de moi aspirait à une telle folie.

    N’importe quoi pour rendre ceci moins embarrassant.

    Moins effrayant.

    Moins réel.

    M’éclaircissant la gorge — ce qui ne fut pas chose facile tellement elle me brûlait comme si j’avais avalé un plein verre de wasabi —, j’essayai de me rapprocher le plus près possible de la vérité.

    C’était le mieux que je pouvais faire, car je n’étais pas vraiment bonne pour mentir. Je pourrais tenter d’en tirer parti (surtout pour moi-même), mais en réalité, mentir en plein visage de quelqu’un que j’estimais… Non, ça m’était complètement impossible.

    — Je ne suis pas tout à fait certaine de ce qui s’est produit. Une minute tout allait bien, et ensuite, mes jambes ont flageolé et j’ai été happée par le contre-courant. Il m’a comme aspirée vers le bas.

    Ce n’était pas exactement la vérité, mais ce n’était pas non plus un mensonge.

    Encore une fois, son visage dansait devant mes yeux, mais je le repoussai, me disant que j’étais stupide. Mon esprit paniqué l’avait fait revenir d’un reste de cauchemars. Elle n’était pas plus réelle aujourd’hui qu’elle ne l’avait été il y a six ans, lorsque je m’étais empêtrée dans un lit d’algues à minuit. Et pourtant, elle avait semblé si réelle que je ne pouvais pas m’empêcher de me demander…

    Forçant un sourire, je scrutai les yeux de Mark et vis le reflet de la même peur, de la même colère et de la même adrénaline qui continuaient de me parcourir.

    — Hé, à propos, merci de m’avoir sauvé la vie. J’apprécie.

    Il ne dit rien, mais le regard furieux qu’il me lança me dit d’arrêter sur ma lancée.

    Je choisis de l’ignorer.

    — Trêve de plaisanterie, je vais bien, maintenant.

    Là, je vis tour à tour chaque paire d’yeux inquiets, puis je me relevai peu à peu. Ce fut un soulagement de voir que mon corps m’obéissait une fois de plus, un soulagement tel que j’aurais pu prétendre que ces moments effrayants, quand j’étais sûre que j’allais mourir, n’étaient jamais arrivés.

    Je cherchai ma planche du regard, ravie de la découvrir couchée, à l’écart, près de Scooter.

    — Merci d’avoir récupéré ma planche, mon vieux, lui dis-je en souriant.

    Il me fit un sourire de tombeur en retour, malgré que ses yeux verts montraient encore un peu d’inquiétude.

    — Tu te moques de moi ? Je ne pouvais pas la laisser, c’est une Brewer.

    La vénération dans sa voix quand il prononça le nom de Dick Brewer était une des nombreuses raisons pour lesquelles Scooter n’avait jamais gardé de petite amie plus de quelques semaines, et ce, malgré son magnifique visage, son allure attirante, les mèches plus claires à cause du soleil dans ses cheveux blonds et sa personnalité décontractée. Mais le fait est que pour lui, aucune fille ne comptait autant que d’attraper une vraie bonne vague.

    Bon, ça ne veut pas dire que je critiquais son admiration pour ma planche. Elle était vraiment super, surtout que mon père l’avait fait concevoir sur mesure pour mon seizième anniversaire par le meilleur et le plus original des gourous planchistes de tous les temps. Le fait qu’elle était pourpre et orange ainsi que parfaitement équilibrée et conçue ne faisait que la rendre encore plus géniale.

    L’idée que dans une semaine elle pourrait être complètement inutile me donna de nouveau le vertige.

    — Exact.

    Je hochai la tête dans sa direction, m’assurant de garder mon air sérieux comme je me dirigeais vers ma planche.

    — Mais merci quand même.

    — Tu penses que tu vas où ? demanda Mark tandis qu’il arrivait derrière moi.

    — À la maison.

    Je jetai un coup d’œil aux nuages.

    — On dirait qu’il va se mettre à pleuvoir. En plus, on va être en retard si on ne se dépêche pas.

    À ces mots, les garçons s’activèrent, exactement comme j’avais eu l’intention qu’ils le fassent. La plupart d’entre nous étaient déjà surveillés à cause de leurs retards, et bien que nous nous fichions de passer notre temps punis si cela signifiait d’aller attraper d’immenses vagues dans la matinée, c’était un sacrilège de gaspiller nos après-midi de surf pour toute autre raison.

    Même si cette raison était ma quasi-noyade dans d’étranges et inexplicables circonstances.

    Après s’être assurés pour une millionième fois que j’allais vraiment bien, le reste des garçons se dispersèrent, me laissant seule avec Mark sur la plage. Tandis que je regardais son visage soucieux, j’eus le sentiment profond qu’il n’allait pas être aussi facile de le convaincre que les autres. Alors, je fis ce que toute fille qui se respecte ferait, j’attrapai ma planche et fonçai.

    Ma maison était dans la rue juste en face de l’étendue de sable meuble sur laquelle nous étions, et soudain, je ne voulais rien d’autre que me retrouver à l’intérieur. Pour être aussi loin que possible de l’océan, de Mark et de ce qui était arrivé. Pour avoir quelques minutes seule, afin de comprendre ce qui s’était vraiment passé… et ce que j’allais en faire.

    — Hé, attends, cria Mark.

    Mais je continuai de marcher dans le sable avec de longues enjambées comme si je courais, ma planche cognant contre ma hanche et ma cuisse alors que je portais une charge lourde pour une fille, vers mon garage.

    J’allais pleurer, je le savais, et la dernière chose que je voulais faire, c’était craquer devant Mark. Je n’ai jamais, jamais, jamais pleuré en public et je n’allais pas commencer maintenant, pas même si dans ce cas, le « public » était le petit ami qui venait juste de me sauver la vie.

    Je savais que je lui devais beaucoup. Je savais qu’il méritait plus que de se retrouver abandonné sur la plage

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1