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L'INTÉGRALE - Le Chant de l'Arbre-Mère - roman-série de science-fiction
L'INTÉGRALE - Le Chant de l'Arbre-Mère - roman-série de science-fiction
L'INTÉGRALE - Le Chant de l'Arbre-Mère - roman-série de science-fiction
Livre électronique333 pages4 heures

L'INTÉGRALE - Le Chant de l'Arbre-Mère - roman-série de science-fiction

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À propos de ce livre électronique

Cet ebook est la version INTÉGRALE du roman-série "Le Chant de l'Arbre-Mère".

4éme de couverture:
Lorsque les colons d’Altar, planète excentrée de l’empire dranag, signalent la découverte d’une espèce extra-humaine non répertoriée, le Markus IV et son IA — Lealbeth® — sont envoyés sur place.

Pour cette mission, le commandant Suraya Manariva sera épaulé par une équipe aux talents multiples : deux experts en biologie et sciences comportementale des non-humains, un jeune minéralogiste, un mercenaire révoqué des commandos de choc, une pilote chevronnée et une escouade de robots de combat seront de la partie.

L’étrange disparition des colons d’Altar avant même l’atterrissage du Markus complique bientôt la donne : entre tenter de retrouver les altarites, découvrir l’identité des non-humains et sauver son équipage, Suraya devra faire un choix…

En sera-t-elle capable ?

LangueFrançais
Date de sortie3 janv. 2016
ISBN9791095623021
L'INTÉGRALE - Le Chant de l'Arbre-Mère - roman-série de science-fiction

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    Aperçu du livre

    L'INTÉGRALE - Le Chant de l'Arbre-Mère - roman-série de science-fiction - Pascal Bléval

    COLLECTION SCIENCE-FICTION

    LE CHANT DE L’ARBRE-MÈRE

    PASCAL BLÉVAL

    img1.jpg

    Texte - © Pascal Bléval 2015

    Logo Éditions Imaginaria - © 2015 Jop

    Illustration en couverture - © Cyrille Thery 2015

    Illustrations des personnages - © RGDraw 2015

    Le saviez-vous ?

    Vous pourriez recevoir gratuitement, directement dans votre boîte mail, certaines de mes prochaines publications ou participer aux jeux-concours que j'organise occasionnellement.

    Pour cela, rien de plus simple. Flashez le QR code ci-dessous ou entrez l’url suivante :

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    img2.png

    Il ne me reste plus, à présent, qu’à vous souhaiter « Bonne lecture ! »

    SOMMAIRE

    Galerie des personnages

    Prologue

    Chapitre 1 : Altar

    Chapitre 2 : Réflexions

    Chapitre 3 : Atterrissage

    Chapitre 4 : Expédition

    Chapitre 5 : Rencontres

    Chapitre 6 : Malaise

    Chapitre 7 : Analyses

    Chapitre 8 : Course-poursuite

    Chapitre 9 : Conséquences

    Chapitre 10 : Contrecoup

    Chapitre 11 : Cérémonie

    Chapitre 12 : Jalousie

    Chapitre 13 : Entraînement

    Chapitre 14 : Doutes

    Chapitre 15 : Souterrains

    Chapitre 16 : Fauves

    Chapitre 17 : Découvertes

    Chapitre 18 : Désaccords

    Chapitre 19 : Déconvenues

    Chapitre 20 : Dépression

    Chapitre 21 : Défense

    Chapitre 22 : Décollage

    Chapitre 23 : Départ

    Chapitre 24 : Démonstration

    Chapitre 25 : Coma

    Chapitre 26 : Descente

    Chapitre 27 : Carrefour

    Chapitre 28 : Initiation

    Chapitre 29 : Sauvetage

    Chapitre 30 : Transbordement

    Épilogue

    Remerciements

    L’auteur : Pascal Bléval

    Extrait - À paraître

    Ailleurs dans l’Univers, du même auteur :

    Galerie des personnages

    img3.jpg

    Version intégrale du roman-série

    « LE CHANT DE L’ARBRE-MÈRE »

    PASCAL BLÉVAL

    Prologue

    Le 15 janvier de l’an 1275 de l’ère spatiale, an de grâce 3564 du calendrier terrien.

    7 heures du matin, planète Dran, capitale de l’Empire dranag.

    Le soleil se levait à peine au-dessus de Damaran, capitale de la planète Dran. Il balayait de ses rayons rouges un horizon de tours de verre et d’acier, accrochant des reflets enflammés à leurs façades réfléchissantes. En marge de la cité s’étendait une caserne où étaient regroupés les services de liaison interarmées des forces dranags. Elle était ceinte d’une vaste muraille de plastobéton gris et rehaussée de miradors et de barbelés, tranchant avec l’esthétique vaporeuse, toute en courbes et en déliés, des immeubles d’habitation environnants. Dans la cour principale, l’entraînement matinal battait son plein.

    Léon Ménard, estafette du ministère de la Défense, céda le passage à plusieurs colonnes de soldats. Lorsqu’il parvint au réfectoire central, il était un peu plus de sept heures vingt. Il montra une nouvelle fois son ordre de mission. Quelques instants plus tard, il franchissait les doubles portes battantes du bâtiment abritant la cantine.

    À l’intérieur, près d’une centaine de militaires étaient occupés à mastiquer en silence. Léon sortit son e-feuillet de mission et visionna une dernière fois les photos des personnes qu’il cherchait : le commandant Suraya Manariva et le sous-lieutenant Lana Jovrain. Puis, il balaya la salle du regard et reconnut rapidement Suraya à sa chevelure rousse. Elle était assise à la table des officiers et faisait face à une séduisante blonde. Elles avaient toutes deux opté pour le carré militaire de rigueur, même si le règlement avait eu tendance à s’assouplir sur ce point, ces dernières années.

    Elles sont ensemble. Parfait. D’une pierre deux coups, songea Léon avec un sourire en coin.

    Il se dirigea vers les deux femmes, qui ne firent pas mine de remarquer son approche. Elles avaient tout de suite repéré son uniforme noir aux épaulettes rouges, synonyme d’ennuis en perspective et de mission frappée du sceau « secret défense ». Suraya Manariva et Lana Jovrain ne levèrent la tête que lorsque Léon se racla la gorge pour la troisième fois, avec insistance.

    — Bonjour commandant Manariva, sous-lieutenant Jovrain. Je suis l’estafette Léon Ménard. J’ai été chargé de vous transmettre un pli scellé.

    — Nous mangeons, Ménard, lui dit Suraya. Ça ne peut pas attendre ?

    — J’ai bien peur que ce soit impossible. Mes responsables se sont appesantis sur l’urgence de la situation, voyez-vous.

    Suraya plaqua sa cuillère sur la table et fixa Léon. Ce dernier, qui souriait d’un air narquois, s’empressa d’adopter une attitude neutre. Lana observait sa supérieure hiérarchique.

    Les deux femmes étaient l’exact opposé l’une de l’autre. Lana avait tout de la coureuse de fond, aux muscles fins. Son visage aux traits délicats était d’un ovale parfait. Enfin, elle avait appris à masquer ses émotions et attendrait de savoir par où soufflait le vent avant d’intervenir. De son côté, Suraya n’était pas réputée pour sa patience. Ses traits massifs et carrés étaient très expressifs et sa contrariété était le plus souvent visible comme le nez au milieu du visage.

    — Je n’apprécie pas trop le ton que vous employez, estafette Ménard, dit-elle finalement. De quoi s’agit-il ?

    Léon tendit le pli à Suraya, qui l’ouvrit puis le parcourut en silence. Elle le passa ensuite à Lana et se leva. Elle avait beau être de petite taille, pour une dranag, elle en imposait même aux plus musclés des hommes de troupe de sa caserne. Le sous-lieutenant Jovrain quitta la table à son tour après avoir lu le document et rabattit sa casquette sur sa chevelure blonde. Elle dépassait Léon d’une bonne tête. Celui-ci – qui n’avait pourtant jamais eu à rougir de sa taille au sein de sa division – recula d’un pas, indécis. Les deux femmes se contentèrent de lui passer devant pour sortir du réfectoire et il les suivit, soulagé.

    Une vingtaine de minutes plus tard, au terme d’un trajet effectué dans un silence de mort, dans un véhicule de surface affrété par le ministère de la Recolonisation, les portes du bureau du ministre Mash Vanck se refermèrent sur les deux femmes. Le général Garmont, dont dépendaient les troupes de l’interarmées dranag, était présent lui aussi…

    Chapitre 1 : Altar

    Cinquante-neuf jours plus tard, le 15 mars 1275

    À bord de la frégate long-courrier Markus IV

    Les ventouses accrochées aux membres et au torse de Suraya se détachèrent lorsque le commandant ouvrit les yeux. Elle se sentait un peu nauséeuse, mais se leva et se rhabilla. Pendant ce temps, le capitaine Nathalia Tcherpova, le médecin de bord du Markus, consultait les résultats des premières analyses.

    La veille, le Markus IV était parvenu au terme de son trajet de deux mois à destination de la planète Altar et Lana, qui tenait les commandes, s’était aussitôt placée en orbite basse. Mais peu après sa sortie de stase, Suraya avait fait un malaise. Elle s’était réveillée à l’infirmerie une heure plus tard, surveillée de près par Nathalia.

    — Alors ?

    — Je ne vois rien d’alarmant dans les rapports du robmédic. C’est sans doute lié à notre bref passage dans le non-espace. Il se peut que ce soit bénin, mais pour en être tout à fait sûre, je vous planifie des visites de routine. Si les symptômes persistent ou s’aggravent, je vous programmerai des examens plus poussés.

    — Bien, docteur.

    Nathalia Tcherpova hocha la tête, les lèvres pincées. Quelques mèches de sa longue chevelure d’un blond presque blanc se détachèrent de son chignon et lui balayèrent le visage. Elle souffla dessus d’un air exaspéré avant de se recoiffer sous le regard amusé de Suraya. Nathalia était encore peu marquée par le passage du temps : seuls son cou et ses mains trahissaient son âge avancé.

    — Je ne vois pas trace d’antécédents dans votre suivi médical. Est-ce vraiment la première fois que cela vous arrive ? demanda encore Nathalia.

    — Je ne comprends pas la question. Est-ce qu’il y a un problème ?

    Nathalia fronça les sourcils.

    — C’est à surveiller. Ce genre de pépin vous tombe presque toujours sur le dos en troupeau. Je vous suggère d’écouter votre corps avec la plus grande attention, les prochains jours. En tout cas, je vous dis à demain pour des examens complémentaires.

    — C’est entendu.

    Nathalia se détourna. Suraya haussa les épaules puis quitta le labo pour se rendre au poste de commande du Markus. Lana Jovrain s’y trouvait, en compagnie de l’enseigne Vince Chevron.

    Suraya n’arrivait pas à se faire à l’idée que le jeune homme – qui n’avait pas encore soumis sa thèse et venait de fêter ses vingt ans – était déjà considéré comme un géologue expert dans son domaine. Comme la plupart des conscrits, il avait passé le brevet de pilotage au cours des premiers mois de son service militaire. Il serait libéré de ses obligations dans un peu plus de dix semaines et cette mission était certainement la dernière à laquelle il participerait avant de retourner à la vie civile. En attendant, malgré son mètre quatre-vingt, il se contentait de flotter dans son uniforme kaki – porté par-dessus une chemise aux couleurs vives – en observant tout et tous d’un air attentif. Il avait un visage coupé au couteau, des réflexes vifs, et il se défendait plutôt bien au tir. Une carrière de sniper lui tendait les bras, selon son capitaine de régiment, auquel Suraya avait parlé juste avant d’embarquer sur le Markus. De plus, il apprenait vite. Ce serait une perte pour l’armée, le jour où il la quitterait.

    À moins qu’il ne s’engage pour de bon, songea Suraya avec espoir.

    Un calme studieux régnait dans la pièce. Lana enseignait à Vince les rudiments du maniement de leur frégate et il semblait s’en sortir avec les honneurs, pour un débutant. Autour d’eux gravitaient plusieurs écrans holo, en trois dimensions, qui retransmettaient des images de l’espace. Sur l’un d’eux apparaissait Altar, en gros plan. Cette petite boule à dominante jaune sable était également parsemée de vastes forêts. En revanche, elle ne comptait que peu d’océans. Enfin, la composition de l’atmosphère était plus qu’adéquate en vue de la colonisation d’Altar par l’Homme.

    La planète était unique à plus d’un titre : située à la frontière entre l’Empire dranag et la République terrienne, elle occupait un emplacement qu’on aurait pu croire stratégique. Mais la pauvreté de son sol avait ramené Altar au rang de simple avant-poste de seconde zone. Terraformée un bon millier d’années plus tôt, la colonie avait connu son heure de gloire lors de la phase dite de l’E/E ou « Expansion Exponentielle ». À cette époque, souvent qualifiée « d’âge d’or spatial », même les projets les moins rentables trouvaient facilement des sources de financement.

    Mais la « Guerre des Mondes » opposant l’Empire dranag et la République terrienne près de six siècles auparavant avait précipité la chute des liaisons spatiales dans le secteur d’Altar. Très vite, la planète avait été coupée de tout contact avec le reste de la galaxie. La population locale, qui n’avait jamais atteint la taille critique nécessaire à sa survie en complète autonomie, avait rapidement décliné. Les statisticiens dranags estimaient que les derniers descendants des colons altarites s’étaient éteints vers la fin du premier millénaire de l’ère spatiale, c’est à dire il y a deux à trois siècles.

    Tout cela apparaissait dans le rapport qui avait été remis à Suraya. Cela, et bien d’autres choses encore… Notamment, que l’un des membres du programme de recolonisation altarite aurait fait une rencontre du « troisième type » – terme communément utilisé pour décrire la découverte d’une espèce non-humaine –, le 14 janvier dernier. Dès le lendemain, le soleil à peine levé, l’estafette Léon Ménard avait été envoyé auprès du commandant Manariva et du sous-lieutenant Jovrain. Que l’interarmées soit impliqué démontrait l’importance géostratégique d’Altar aux yeux de l’empereur dranag.

    Pour autant, les raisons de la recolonisation ne figuraient nulle part. D’un autre côté, elles étaient faciles à deviner. Altar était située à proximité immédiate du cœur de la République terrienne, ce qui en faisait une cible de choix pour les deux camps si la guerre larvée opposant terriens et dranags devait soudain se transformer en conflit ouvert et officiel. Dans ces conditions, implanter sur Altar un système de défense orbital appuyé par une colonie au sol revêtait soudain une importance capitale aux yeux de l’Empire dranag.

    Suraya secoua la tête pour se remettre les idées en place et revenir au présent. Elle s’aperçut que Vince et Lana s’étaient écartés l’un de l’autre et l’observaient, gênés. Elle regarda autour d’elle et se rendit compte qu’elle avait sans doute eu une nouvelle absence : elle se trouvait toujours au poste de commande, mais ne se souvenait plus de ce qu’elle était venue y faire. La voix synthétique de Lealbeth[R] – l’IA du Markus – tomba du plafond :

    — Bonjour, commandant Manariva, comment vous sentez-vous aujourd’hui ?

    — Tout va bien, je te remercie.

    — Ne me remerciez pas : c’est le sous-lieutenant Lana qui s’inquiète.

    L’intéressée piqua un fard et jeta un regard assassin à la plus proche caméra : elles étaient les yeux et les oreilles de Lealbeth[R] au sein du Markus. Suraya eut un léger sourire. L’intervention de l’IA venait de lui rappeler pourquoi elle s’était rendue au poste de commande : elle voulait parler à Lana. Elle se tourna vers Vince, qui continuait de la fixer d’un air interrogateur :

    — Vous pouvez disposer, enseigne Chevron.

    Vince s’esquiva, non sans avoir adressé un discret signe de tête en direction de Lana. Dès que la porte se fut refermée sur lui, Suraya reprit :

    — Lealbeth[R], peux-tu nous laisser seules, Jovrain et moi ?

    — Vous vous rappelez sans doute que je ne peux pas réellement quitter la pièce ni le vaisseau, s’excusa l’IA.

    — Cela voulait dire : ferme ceux de tes réseaux com’ qui sont branchés sur la pièce où je me trouve.

    — Ah, je vois ! Aucun souci, c’est comme si c’était fait.

    Le silence se fit. Suraya s’approcha de Lana, qui était restée assise à son poste de pilotage.

    — Je suis désolée, commença Lana. Je ne pensais pas que Lealbeth[R]…

    — Oublions ça, coupa Suraya. Il n’y a aucun problème. En tout cas, vous semblez bien vous entendre, Chevron et toi.

    — Il assimile tout ce que j’ai à lui apprendre à une vitesse impressionnante. Quelques séances supplémentaires et il serait sans doute capable de mener à bien les principales manœuvres d’urgence. Je me sentirai moins seule aux commandes de ce coucou.

    — Ce vaisseau est l’un des derniers-nés de la marine dranag et tu appelles ça un « coucou » ? releva Suraya sur un ton amusé.

    — C’est une façon de parler, commandant Manariva, se défendit Lana.

    — Bon, si tu le dis. Au fait : nous sommes entre nous, même Leabeth[R] n’écoute plus. Tu peux te détendre un peu. Concernant Chevron, entraîne-le si ça te rassure, consentit Suraya. Ceci dit, l’IA de bord est censée être capable de se passer de présence humaine. Mais trêve de parlote : tu as réussi à reprendre contact avec Altar ?

    — Pas encore, mais je ne désespère pas. En revanche, j’ai pu rétablir le faisceau-com’ vers Dran.

    — Alors ? Quelles nouvelles ?

    — Ils sont comme nous : ils n’ont pas reçu la moindre nouvelle en provenance des colons altarites depuis trois bonnes semaines.

    Suraya fixa Lana avec de grands yeux ébahis.

    — Et ils ne s’inquiètent pas plus que ça ? On n’est au courant que depuis notre sortie du non-espace, il y a moins de trente heures, si je ne me trompe pas, et j’imagine déjà le pire.

    — Tu connais l’adage mieux que moi, Suraya : « rien n’étonne un rond-de-cuir ». Ceci étant dit, nos instruments ont confirmé la présence d’un très fort vent solaire tandis que nous nous trouvions dans le non-espace, un peu avant d’arriver dans le quadrant d’Altar. Il se pourrait que l’antenne relais du satellite déployée par les colons ait grillé.

    — Envoie un drone à la recherche de ce satellite. Cela devrait nous permettre d’y voir plus clair.

    — C’est déjà fait. Le contact visuel devrait être établi dans les prochaines minutes.

    — Parfait.

    Suraya était mécontente de la tournure des événements. On passait vraiment de Charybde en Scylla.

    — En gros, résuma-t-elle, il est impossible de savoir ce qui nous attend, en bas. En trois semaines, il peut s’être produit n’importe quoi.

    — J’essaye de rester optimiste, réagit Lana. Par contre, j’ai pensé que notre passager-surprise aimerait être tenu au courant.

    — Hank Turner ? Le free-lance ? Hors de question.

    Suraya secoua la tête. En plus d’une équipe de xénoscientifiques – composée de trois experts reconnus dans les domaines de l’étude des races, des végétaux, des minéraux et autres phénomènes non-humains –, on lui avait imposé la présence d’un mercenaire. Elle avait consulté son dossier avec la plus grande attention et ce qu’elle en avait lu ne l’avait pas fait rêver.

    Ex membre des commandos de choc spécialisés dans la lutte contre le terrorisme, il avait été révoqué pour insubordination. Depuis, il louait ses services aux agences de sécurité de Dran et à quelques-unes des personnalités politiques et du showbiz parmi les plus en vue.

    Au début, Suraya n’avait pas compris pourquoi le mercenaire avait été enregistré à bord du Markus IV, sans pour autant avoir été incorporé à l’équipage à proprement parler. Rapidement, elle avait appris que son frère – Frédéric Turner, lui-même un ancien militaire – était le principal dirigeant de la colonie basée sur Altar. Hank avait tout simplement voulu rejoindre son frère et tout le monde avait dit amen. L’absence quasi totale de liaisons commerciales reliant Altar à l’empire dranag avait fait le reste : l’unique solution envisageable avait été de l’accepter à bord du Markus.

    Il faut croire qu’il a conservé de puissants appuis au sein de l’intelligentsia militaire, sur Dran ou ailleurs, songea Suraya, pour la millième fois depuis leur départ.

    Lana se rencogna dans son fauteuil, surprise par la réaction de sa supérieure.

    — C’est que… il me paraîtrait logique de…

    Suraya la coupa d’un geste catégorique, le visage fermé.

    — Nous serons encore en orbite autour d’Altar pendant une vingtaine d’heures et nous ignorons tout de la situation, en bas. Il sera toujours temps, une fois que nous aurons atterri, de sortir notre invité de son caisson de stase.

    — Tout de même…

    — Monsieur Turner souffre de phobie de l’espace. Le réveiller avant d’avoir posé le vaisseau sur le plancher des vaches reviendrait à s’enfermer volontairement dans la cage d’un lion affamé et à s’amuser à l’asticoter avec un bâton après s’être roulé dans le sang frais d’une antilope. Personnellement, je n’y tiens pas, mais je te remercie de l’avoir suggéré.

    Cette dernière n’insista pas. Cela faisait quelques années que Suraya et elle avaient dépassé le stade d’une relation hiérarchique classique et elle se permettait parfois – mais toujours en privé – de remettre en question les ordres de sa supérieure. D’un autre côté, elle la sentait tendue, depuis leur départ de Dran, et elle préféra ne pas en rajouter.

    Un écran holo se matérialisa entre les deux femmes, brisant le silence qui s’était installé. Un objet stellaire de couleur rouge se détachait nettement sur fond de ciel étoilé. Sa coque était parsemée d’impacts en tout genre et ses panneaux solaires partiellement brûlés, mais ses antennes de communication paraissaient à peu près intactes. Lana se retourna vers sa console et entra une série d’instructions à l’intention de Lealbeth[R]. Celle-ci lui répondit aussitôt par écrit. Quelques instants plus tard, Lana commençait le téléchargement des données contenues dans le satellite.

    — Il faudra sans doute un peu de temps pour décoder les informations récoltées. Seules les dernières transmissions semblent avoir été effectuées en clair. Je te les envoie sur ton implant com’, Su.

    — Très bien, merci. Préviens-moi dès que tu auras pu avancer, OK ?

    Lana hocha la tête. Concentrée sur son travail, elle ne s’aperçut même pas que Suraya venait de quitter la pièce.

    ***

    Le claquement des chaussures de Suraya résonnait dans le hangar du Markus. Elle s’était fixée comme contrainte une vérification quotidienne des véhicules de surface et des robots qui avaient été embarqués au moment du départ, sur Dran. Elle laissa son regard dériver sur les silhouettes profilées des cinq robots-sentinelles-LR5, dits « fers de lance », qui avaient été affectés à la mission « Altar ». Solidement bâtis, dotés d’un épais blindage ainsi que de champs de force quasiment à toute épreuve, ils étaient avant tout à taille humaine. Suraya avait déjà assisté au déploiement de ces terrifiantes machines de guerre sur le terrain et ne doutait pas de leur efficacité. Leur principal atout était une grande manœuvrabilité, couplée à une puissance de feu colossale.

    À leurs côtés, les quatre robots de type goliath-VX12 faisaient figure de géants patauds. Ils étaient davantage faits pour la manutention que pour le sprint et cela se voyait à leur stature : ils touchaient presque le plafond – ils surplombaient Suraya de trois bons mètres – et ils pouvaient porter des charges de plusieurs dizaines de tonnes.

    Enfin, dissimulés dans leurs niches, elles-mêmes réparties à travers tout le Markus, une trentaine de droïdes de maintenance – de la taille de chiots, pour les plus grands d’entre eux – complétaient les troupes robotisées.

    Suraya était inquiète : l’escouade de sentinelles sous ses ordres était réduite à un strict minimum, étant donné la gravité potentielle de la situation. Manifestement, le général Garmont avait compté sur le contingent présent sur Altar pour venir en complément des effectifs du Markus. Problème : la colonie ne répondait plus… Et les cinq motos antigravité dont Suraya disposait, même si elles étaient équipées d’armes lasers, ne risquaient pas de changer la donne.

    Sa visite de routine achevée, Suraya ressortit du hangar et se dirigea vers sa cabine. Le Markus pouvait accueillir une trentaine de passagers, voire plus en se serrant un peu. Ils n’étaient que sept, y compris le mercenaire Hank Turner, toujours enfermé dans son caisson cryogénique à cette heure. Du coup, il était plutôt rare de croiser quelqu’un dans les coursives et le silence qui y régnait était parfois oppressant.

    Un sifflement suraigu fit sursauter Suraya, qui releva la tête. Elle se trouvait face à une porte en iris – qui venait de s’ouvrir, à son approche –, au-dessus de laquelle avait été magnétisé un simple panonceau de plastobois. Le professeur Northon, spécialiste en comportement non humain et grand adepte des blagues potaches, avait inscrit dessus en lettres capitales et au feutre indélébile : « TAVERNE ». La pièce n’avait pourtant rien d’une taverne des temps médiévaux de l’antique planète Terre. Le mobilier se composait en tout et pour tout d’une grande table en métal et d’une colonne abritant un synthétiseur alimentaire. Cet appareil permettait à l’équipage d’associer des ingrédients de base, lyophilisés, pour en faire des plats complets, mais également des boissons, du pain et autres viennoiseries.

    La porte s’effaça devant Suraya et un doux arôme vint chatouiller ses narines. Le professeur Northon l’accueillit avec un large sourire et lui fit signe de s’asseoir à côté de lui. Elle accepta l’invitation de bonne grâce : elle appréciait beaucoup ce vieux monsieur aux manières désuètes, au langage parfois coloré et aux longs cheveux blancs. Il avait tout du séducteur sur le retour, qui avait su conserver le charme de ses jeunes années. Ses grands yeux naïfs, marqués des rides du rire, lui donnaient un air innocent, un peu enfantin. Il en jouait d’ailleurs avec un succès certain auprès de la gent féminine.

    — Seriez-vous parvenu à produire du café, professeur ?

    — Voyons, commandant Manariva. Je vous ai dit que vous pouviez m’appeler Grégory, ou Greg. Quand vous me donnez du « professeur », je prends à chaque fois un méchant coup de vieux. Faites un effort, que diable !

    Le tout déclamé sur un ton badin, empreint d’autodérision. Suraya se laissa aller en arrière contre le dossier de sa chaise et soupira. Grégory se releva pour composer un code sur le synthétiseur. Une tasse se matérialisa dans le caisson en plastoverre et un liquide fumant s’y déversa. Grégory sortit la tasse et la tendit à Suraya. Celle-ci en huma les effluves avec délice. Elle trempa ensuite ses lèvres dans le breuvage, puis absorba avec prudence une petite gorgée. Elle nota la présence d’une saveur étrangère, qu’elle ne reconnut pas.

    — C’est vraiment très bon ! dit-elle aussitôt. Mais il n’y a pas que du café, n’est-ce pas ?

    — C’est tout à fait exact. J’y ai ajouté un soupçon d’écorce de mivre. Depuis le temps que j’en prends, la caféine ne me fait plus beaucoup d’effet. La mivre, en revanche, me donne toujours un sacré coup de fouet. Pas vous ?

    Grégory adressa un clin d’œil à Suraya, qui sourit.

    — C’est moi ou vous êtes en train d’essayer de me séduire, professeur ?

    — Allons, vous n’y pensez pas, je

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