G&H : D’où vient votre vocation militaire ?
Bruno Lepercq : Durant ma jeunesse, j’ai dévoré les livres de Péguy, de Psichari, de Bournazel, les vies de Gallieni et de Lyautey. Je rêvais d’être officier dans les compagnies sahariennes. Mon père avait fait une guerre de 14 magnifique, engagé à 17 ans! Quand Marseille est libérée en 1944, j’ai 11 ans et je suis très impressionné par la vision des troupes victorieuses de la 1re armée [française, commandée par de Lattre, NDLR]. Pour moi comme pour beaucoup de jeunes de ma génération, l’armée remplissait une mission fascinante. Elle ouvrait de vastes horizons dans l’empire, l’Afrique, Madagascar – qui me faisait particulièrement rêver –, l’Indochine. D’ailleurs, quand l’empire a disparu, ma vocation militaire l’a suivi. J’ai su très vite que je serais officier. Ma famille, très nombreuse – je suis le neuvième de quatorze enfants –, marquée par la foi et le sentiment du devoir, ne m’a pas dissuadé, bien au contraire. Mes parents ont fait un gros effort financier pour me scolariser chez les jésuites, jusqu’à ma préparation à Saint-Cyr, à « Ginette » [lycée privé Ste -Geneviève, à Versailles, NDLR].
Mais pourquoi la Légion ?
C’est dû à l’influence d’un homme à la forte personnalité, mon modèle, Louis Rambaud, commandant à la Légion, qui a épousé une de mes sœurs. La musique de la Légion me faisait un effet terrible déjà tout gosse. Mais pour arriver à porter la grenade à 7 flammes, ce n’était pas gagné. J’entre à Saint-Cyr en 1953, j’y demeure deux ans. Pour dire la vérité, je n’ai pas beaucoup aimé l’esprit tatillon, mesquin et étroitement disciplinaire qui y régnait. Par exemple, il fallait présenter tous les matins les chaussures cirées… jusque sous la semelle ! À l’équitation, des rênes tenues autrement que le stipulait le règlement vous valaient deux jours d’arrêts de rigueur. On se faisait insulter en permanence, pour rien. Je n’étais pas très bon en sport, notamment au mur dans le parcours du combattant. Bref, j’écope d’un mauvais classement de sortie. Ensuite, six mois d’école d’application d’infanterie à Saint-Maixent. Et là, je prends ma revanche: je sors dans les vingt premiers. J’avais tous les choix! J’ai hésité entre Légion et chasseurs alpins, mais la situation en Algérie m’a fait choisir la Légion qui y était lourdement engagée. On ne nous a d’ailleurs pas laissé terminer l’école d’application car, en Algérie, on avait grand besoin d’officiers.
est né en 1933. Entré à Saint-Cyr en 1953, il quitte l’armée en 1963 pour prendre un poste important dans la sidérurgie où il mène