De quel milieu social êtesvous originaire?
Je suis né en 1932 dans un milieu aisé, puisque mon père était stomatologue, le seul de Hanoï. J’ai fait mes études au lycée Albert-Sarraut, un excellent établissement. Nous nous entendions très bien avec les Français. Nous jouions dans la rue ensemble. Je pense que la France a beaucoup fait en Indochine. J’en garde de bons souvenirs.
En 1940, les Japonais occupent l’Indochine. Comment viton cela à l’âge de huit ans?
La vie s’est déroulée à peu près normalement pour nous, mais à partir de 1944, il y a eu une famine dans le Nord qui a fait deux millions de morts, et l’on avait juste de quoi bouffer. À l’époque, j’étais boyscout et après chaque repas, nous allions chez nos voisins demander un bol de riz à distribuer aux nécessiteux. Il n’était pas rare, le matin en ouvrant sa porte, de voir un ou deux cadavres. Les Japonais, on ne les fréquentait pas, mais on les voyait, patrouillant dans les rues, les officiers portant leurs katanas. Ils m’ont impressionné par leur discipline. Parfois, on voyait une épouse japonaise qui marchait cinq pas derrière son mari. Papa avait des officiers japonais comme clients. Après leur reddition de l’été 1945, ils sont restés, car les alliés leur ont demandé de maintenir l’ordre et la discipline.
En 1945, vous avez treize ans. Quelle est l’ambiance à Hanoï?
Le lycée Sarraut rouvre. Les enseignants français de métropole sont là, mais il en manque; alors on comble avec des militaires du Corps expéditionnaire. L’administration française se réinstalle. Il y a un couvre-feu pendant quelques semaines, puis la vie reprend son cours normalement. Pas d’attentats à Hanoï. En général, la population n’était pas pour le Vietminh. En 1952, j’intègre l’école militaire de santé, à Hanoï, après mon bachot, afin d’avoir un salaire et j’en sors médecin-lieutenant d’active en 1958. En 1955, je suis breveté para en compagnie de légionnaires allemands. Je me souviens avoir été réprimandé, car au retour d’un exercice, les gars ont chanté le Horst-Wessel-Lied [l’hymne du parti nazi, ndlr] avec moi marchant en tête et ne comprenant rien aux paroles!
En 1958, vous êtes intégré comme capitaine médecin parachutiste dans l’armée de la république du Vietnam (voir encadré). Comment ça se passe?
En 1958, à ma sortie de l’école, j’ai signé un contrat de dix ans dans l’armée, et j’ai rejoint le 1 bataillon parachutiste. Il y avait une brigade à Nous avons d’abord fait de la gendarmerie, mais les combats ont commencé en 1959. Des embuscades pour l’essentiel, mais dès 1960, c’est monté de plusieurs crans.
