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Se Fier Aux Ténèbres
Se Fier Aux Ténèbres
Se Fier Aux Ténèbres
Livre électronique457 pages6 heures

Se Fier Aux Ténèbres

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À propos de ce livre électronique

Il n'y a pas de honte à préférer la vie à la mort, surtout si la revanche se présente en votre faveur. Pour une fois, la guerre se fait synonyme de renaissance, même si elle doit venir d'un long cauchemar.

Le Capitaine Ella Dorsh est une dure, bourrée de talent... qui est dans la merde.

Elle sait que l’ennemi mène la danse et que la guerre va très vite éclore en surface, mais que les humains ne sont pas encore prêts.

Le Royaume d’En-Dessous s’est appauvri et sa population d'elfes noirs a bien l’intention de conquérir le monde et d’y établir son règne. Ella et les autres membres des “Divisions Ressuscitées” constituent la seule véritable chance de l'humanité de pouvoir combattre l’ennemi sur son propre terrain : des elfes affrontant leurs propres congénères, permettant ainsi de  sauver de précieuses vies humaines. Néanmoins, les choses ne sont jamais aussi simples qu’elles en ont l’air et les ténèbres cachent bien plus de secrets encore que ce qu’Ella ne se l'imagine.

L’histoire se situe dans notre monde dans un futur proche, et comporte des éléments touchant aux genres de la dystopie et de la science-fiction, ainsi qu’une héroïne balaise qui va vous mettre la pâtée !

Ce roman raconte l’histoire de soldats Elfes entraînés de force dans un complot bien trop importants pour qu'on puisse l'ignorer, par de dangereux secrets qui changeront à jamais le cours de l’Histoire et de la Vie.

LangueFrançais
ÉditeurEva Fairwald
Date de sortie9 nov. 2016
ISBN9781507162057
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    Aperçu du livre

    Se Fier Aux Ténèbres - Eva Fairwald

    1

    — Capitaine Ella Dorsh, de la 5e Division Ressuscitée, au rapport, Monsieur.

    — Asseyez-vous capitaine. J’ai une nouvelle mission pour votre division. 

    — Bien, Monsieur. 

    Ella obéit et prit un siège en face du Colonel Sean Leash.

    — J’ai entendu parler de vous ces dernières années, Capitaine, et en bien, surtout sur la coordination de votre équipe durant votre dernière opération. Vous avez un CV impressionnant et une détermination et un courage à l’origine d’exceptionnels résultats.

    Le Colonel Leash lissa sa moustache brune et posa les mains sur la table.

    — C’est pourquoi j’ai décidé de vous choisir, vous et votre équipe, pour ce travail.

    — Je vous remercie au nom de mes hommes, Monsieur. 

    Le Colonel Leash sourit, mais son expression s’assombrit quand il ressentit le poids de son regard et réalisa que ces hommes dont elle parlait... N’étaient aucunement des hommes.

    — La guerre est à nos portes. Nous ne parvenons plus à bloquer les forces des souterrains, ils ont trouvé d’autres moyens pour conquérir le monde et il nous faut les affronter sur notre propre terrain. Votre division sera détachée de la patrouille souterraine pour être réorientée sur une autre tâche : traquer et éliminer les éclaireurs Elfes sur notre territoire. Ils sortent en petits groupes pour installer des caméras et d’autres dispositifs afin de pouvoir épier nos mouvements et préparer leur invasion. Il faut les arrêter. 

    Ella prit une grande inspiration : le bureau du colonel sentait le scotch et les cigares. La guerre était plus proche que ce qu’elle croyait, si son supérieur ressentait le besoin de noyer ses peurs dans l’alcool et le tabac avant de rencontrer son meilleur capitaine.

    — Traquer et éliminer. Aucun problème, Monsieur. 

    — Capturez leurs leaders, tuez le reste. Suivez-les dans le sous-sol si nécessaire, et débarrassez-vous de chacun d’entre eux. 

    — Bien, Monsieur. 

    Le Colonel Leash ouvrit le tiroir du haut, prit une petite boîte en métal et la posa sur la table.

    — Ceci contient les ordres et les informations nécessaires pour vous et vos... 

    Le colonel toussa.

    —  ... Soldats. 

    Il voulait dire hommes, mais le mot sonnait faux et son cerveau ne parvint pas à transformer sa pensée en acte. Ce projet se poursuivait depuis pratiquement trente ans maintenant, mais le colonel ne s’y était toujours pas fait. Il n’avait jamais voulu prendre part à cela, mais les ordres étaient les ordres et le devoir devait toujours primer sur tout le reste.

    Ella prit la boîte et l’ouvrit : dix-neuf pilules blanches et une noire l’y attendaient. Elle prit la pilule noire, l’avala, puis referma le couvercle et rangea le reste de la boîte dans le sac qui pendait de sa ceinture.

    Elle ferma les yeux pendant quelques secondes, pendant que son corps transformait les informations en données lisibles. Un picotement au bout de ses doigts lui indiqua que tout était prêt. Ella appuya sur un point lumineux à l’arrière de son poignet gauche et une image apparut entre le Colonel Leash et elle : un elfe noir, mâle, à la peau rosâtre pâle et aux yeux d’ambre. Rien de différent de ce qu’elle voyait tous les jours, et pas non plus si éloigné de sa propre image.

    — Nous ne connaissons toujours pas son nom mais il s’agit de celui qui a réussi à passer notre surveillance hier soir ; nos sources nous indiquent que ce doit être un leader, un capitaine, dans tous les cas, c’est un gradé. Nous pensons qu’il n’est pas seul et, comme il porte l’emblème du Grand Arbre sur son uniforme, il doit être du coin. Cette image a été prise à Richbarrow hier à 22h24, il a eu depuis la nuit entière pour opérer. Dieu seul sait où il se cache maintenant. 

    — Je le trouverai et vous le rapporterai, Monsieur. 

    Le Colonel Leash se leva et Ella se mit au garde-à-vous.

    — Très bien Capitaine Dorsh. Rompez. 

    Ella s’inclina et quitta le bureau. Elle s’en alla à grandes enjambées à l’ascenseur qui l’emmena au rez-de-chaussée. L’uniforme formel était trop serré et n’était pas conçu pour pouvoir soutenir ne serait-ce que la moitié de son équipement de combat. Elle n’avait donc pris que son sabre à double lame, à la fois laser et épée, et se sentait nue sans le contact des dagues dans son dos ou des pistolets contre ses cuisses. Les pinces à cheveux lui écorchaient le cuir chevelu, le col lui pinçait le cou et la veste ne lui accordait aucune liberté de mouvement. Pourquoi le colonel ne s’était-il pas contenté de lui envoyer les nouveaux ordres ? Il lui était inutile de se déplacer en personne pour rencontrer un homme qui de toute évidence se sentait mal à l’aise en sa présence. Ella et ses semblables avaient prouvé leur loyauté un nombre incalculable de fois. Bien qu’elle appréciât l’odeur de la peur chez les gens qui la regardaient, elle ne l’aimait pas chez ses supérieurs. Comment pourrait-elle respecter quelqu’un qui essayait de faire la guerre ; quand il n’arrivait même pas à commander ses propres troupes sans être mal à l’aise ?

    Les portes coulissantes s’ouvrirent, Ella franchit le hall et quitta finalement le bâtiment. Un SUV noir avec des vitres teintées l’attendait, où elle était impatiente d’entrer pour rentrer la base. Le soldat au volant n’avait pas attendu qu’elle sorte de l’atrium pour démarrer.

    — C’était rapide Cap’, qu’est-ce qu... 

    — Tais-toi et conduit. 

    Ella claqua la portière et le soldat enfonça l’accélérateur.

    — Il a recommencé, hein ? 

    — Ouais, je veux dire, ce n’est pas vraiment qu’il a les jetons mais t’as l’impression qu’il est en permanence en équilibre sur le bord d’une falaise, et puis, son bureau...  

    Ella retira sa veste, défit sa cravate et ouvrit les trois premiers boutons de sa chemise.

    — ... Il pue l’alcool et le cigare. Sérieux. C’est comme ça qu’on reçoit les gens ? Surtout quand on sait que les gens en question ont des sens hyper développés ? 

    — J’imagine que non. 

    — T’imagines ? Putain, je croyais que t’étais plus futé que ça ! 

    Les gratte-ciels entouraient le SUV comme des champs de verre, au milieu d’une foule qui filait à toute vitesse sur les trottoirs. Ross s’arrêta à un feu rouge et lui jeta un coup d’œil : les yeux d’Ella luisaient de rage, et ses cheveux étaient tombés sur ses épaules, des pétales de rose dorés sur un uniforme noir.

    — Non, ce ne sont pas des façons, Cap’. 

    — Evidemment que non. 

    Ella était absolument superbe quand elle ne portait pas l’uniforme ordinaire, avec ses cheveux lâchés et plus que tout... avec une chemise ouverte qui dévoilait son décolleté, mais Alvin Ross était plus futé que ça. Cela faisait depuis longtemps qu’il essayait de lorgner sur son corps pendant les douches communes et il était devenu assez rapide pour ne pas se faire prendre en train de faire une fixette sur son capitaine. Selon lui il aurait dû recevoir une médaille pour cela, il l’espionnait depuis des années maintenant, mais il devait admettre qu’être son meilleur ami l’avait placé dans une situation quelque peu privilégiée.

    — Donc c’est quoi la prochaine mission ? demanda-t-il.

    — Je te donnerai la pilule quand on rentrera à la base, en tout cas, pour faire bref : on en a terminé avec ces conneries de patrouille, on part en solo pour traquer quelques intrus. 

    — Cool, rien que nous ? 

    — Ouais. On est les meilleurs. 

    — Et on nique le reste ? 

    — T’as déjà niqué la moitié de la population femelle de la base, Ross. Tu devrais te reposer de temps en temps. 

    — Mais l’autre moitié attend toujours mon approbation, je suis à la bourre sur les inscriptions. 

    — Sérieusement ? 

    Ella pouffa de rire.

    — Peut-être qu’il est temps pour toi de faire de même. La base est grande, tu sais ? Et tu peux être sacrément charmante quand tu veux. 

    — Ouais et tu serais le premier sur la liste, hein ? 

    — Je suis toujours là pour toi, Ella. 

    — Je suis une combattante, je suis responsable de mon équipe, j’ai pas le temps pour ça. 

    — Bien sûr, Cap’, tu t’occupes bien de nous, mais certains pourraient aussi s’occuper très bien de toi... 

    — Je te hais. 

    — Mais oui, bien sûr. On te croit. 

    — Pourquoi est-ce que je me contente pas de te flinguer. 

    — Pendant que je conduis ? 

    — J’attendrai que tu dormes... 

    — Bah alors pour me trouver t’auras qu’à suivre les fringues par terre ! 

    — T’es dégoûtant, Ross ! Dégoûtant ! 

    Ross lui fit un tel clin d’œil et un si grand sourire qu’Ella ne put faire autrement que de rire et oublier son entretien avec le Colonel Leash. Cela s’était plutôt bien passé après tout ; leurs supérieurs leur confiaient un nouveau travail qui consistait en un peu plus qu’en de simples patrouilles. Ils étaient coincés ici depuis pratiquement deux ans déjà et c’était tellement ennuyeux qu’Ella avait dû transformer leur mission en un jeu pour maintenir la concentration et l’esprit de compétition de son équipe. Ross, bien sûr, était classé second derrière elle, et tout le monde se démenait pour essayer d’apercevoir un ennemi avant au moins l’un des deux. Jour après jour, nuit après nuit, on chargeait un groupe, parfois le sien, de fouiller les tunnels qui menaient au Royaume-d'En-Dessous, où vivaient et conspiraient les elfes noirs. Ils avaient réussi à survivre et à présent leur royaume ne leur suffisait plus. Les elfes noirs voulaient conquérir la Terre et détruire la race humaine, pour prendre le contrôle de tout, et étendre leur règne à la surface toute entière de la planète. Les humains faisaient de leur mieux pour les tenir à distance dans les souterrains. Ella et les autres soldats condamnaient les routes et les tunnels aussi profondément que possible et tuaient un maximum d’elfes. La lumière du soleil ne manquait pas à Ella, elle était trop forte pour elle de toute façon, mais elle avait l’impression que son travail en dessous ne servait à rien. Elle avait dernièrement emmené son escouade si loin dans les tunnels, qu’elle avait eu la certitude d’y dénicher des preuves des préparatifs d’un départ en guerre imminent des elfes dans le monde extérieur, mais elle n’y avait rien trouvé, seulement la déception. Elle pensait que les elfes noirs ne les maintenaient occupés à certains endroits qu’en guise de diversion. Elle avait partagé cette idée avec le Colonel Leash et n’avait reçu que le silence en guise de réponse, parce qu’en dehors de cela il n’y avait guère eu d’autres signes d’activité... jusqu’à maintenant.

    Pendant qu’Ella traquait l’ombre et le gravier dans les ténèbres, l’ennemi était parvenu à surgir à la surface à un autre endroit et elle était plus que prête à affronter le danger. Chaque elfe qu’elle massacrait était un humain qu’elle aidait à rester en vie ; c’était le moins qu’elle pouvait faire après tout ce que la gentillesse des hommes avait fait pour elle. Cette fois, le seul inconvénient de l’opération était la présence possible de civils sur le terrain ; Ella n’était pas vraiment une personne sociable mais elle avait Ross pour ça. L’entraînement militaire avait transformé la maigrelette enfant qu’on avait trouvé en pleine nuit en combattante, et Ella n’avait jamais réussi à acquérir la chaleur et la sympathie typique des humains, à quelques rares exceptions. Sa famille d’accueil l’avait sincèrement aimée, mais elle avait ressenti un certain soulagement quand on l’avait envoyée à la base et que l’entraînement avait commencé.

    Des intrus ; un nouveau signe de la guerre à venir.

    C’était un nouveau défi. Elle tenta de se souvenir du visage de sa cible mais il n’avait rien de particulier à part l’emblème du Grand Arbre.

    D’aussi loin qu’elle puisse se souvenir, elle avait toujours été fascinée par cet arbre et elle avait même rêvé qu’elle le touchait. Le Grand Arbre était fait de marbre noir incrusté de feuilles d’argent et de fruits d’or et les elfes noirs le gardaient caché au sein du Royaume-d'En-Dessous. Ce qui était étrange, c’était que les songes d’Ella lui semblaient si réels que parfois, à son réveil, ils lui paraissaient être plus que des rêves, de véritables souvenirs.

    Les docteurs de la base lui avaient dit que c’était une possibilité, parce qu’elle avait déjà cinq ans quand les humains l’avaient trouvée errant dans la neige.

    Elle ne se souvenait pas beaucoup de cette période. Les lieux, les visages et les voix des autres elfes baignaient dans un flou dénué de sens, mais aujourd’hui encore elle demeurait apte à parler la langue elfique auprès de ses compagnons et les couloirs sombres ne lui faisaient aucunement peur. Ce petit quelque chose qu’elle n’avait pas oublié de son passé lui permettait de conserver une certaine vigilance : les elfes n’étaient pas des vers de terre. Les tunnels ne servaient que de coursives, car les elfes disposaient de cités et de palais dans un Royaume-d'En-Dessous riche et prospère, ou tout du moins, qui l’avait été par le passé. Les hommes tentaient de nier ce fait, mais c’était loin d’être un secret jalousement gardé. Ou peut-être que ce n’était tout simplement plus le cas ; Ella ne s’était jamais assez approchée pour pouvoir vérifier. Ses professeurs lui avaient expliqué que si les elfes noirs se lançaient dorénavant à la conquête du monde, c’était en raison d’un grand appauvrissement des souterrains.

    Les gouvernements ne souhaitaient pas faire paniquer le peuple, alors ils leur avaient fait croire que les elfes n’étaient qu’une bande de sauvages couverts de boue, mais la vérité se répandait rapidement. Le mythe des hommes qui écrasaient les elfes à coups de hache ne suffisait pas à maintenir le silence chez les masses. Les elfes noirs étaient prêts à revenir et les gens n’étaient pas aveugles au point de rater les signes de leur présence. Des empreintes de pas, des silhouettes qui se déplaçaient dans le noir, des yeux brillants qui s’attachaient sur le monde des humains, des murmures, des éclairs de lumière dans la nuit, des cadavres et des gens qui disparaissaient...

    — Qu’est-ce que c’est que ça ?   Demanda Ross en s’arrêtant.

    Il fit un signe vers quelque chose qui se trouvait de l’autre côté du chemin, là où étaient installées une scène et une foule qui portait des drapeaux, des bannières et des affiches, la plus grande disant : mort aux envahisseurs. Quelques jeeps et vans étaient garés près de la scène et des sentinelles gardaient le parking.

    — On dirait une campagne de recrutement, dit Ella.

    — Un peu trop tard maintenant. 

    — Mal gérer son temps, c’est comme baiser une pute et les hommes adorent ça.   

    — J’ai toujours adoré les femmes qui parlaient comme de vraies dames.   

    — C’est pour ça qu’aucune de tes vraies dames n’est prête à recevoir une promotion. 

    — Touché... 

    Ella reboutonna sa chemise, rattacha sa cravate et enfila une paire de lunettes de soleil.

    — Jetons un œil, dit-elle.

    Ella et Ross descendirent du SUV et marchèrent vers la scène. Un homme tenait un microphone et s’exprimait sous les cris et les applaudissements de la foule.

    — La guerre approche, mes chers concitoyens ! Nous ne pouvons plus l’ignorer. Les elfes noirs sont sur le point de déferler hors des sous-sols en masse pour tous nous massacrer ! Ils veulent nos biens et se venger pour ce qui s’est produit dans le passé. On dit que l’histoire se répète et c’est notre devoir de s’assurer qu’elle le fasse. Les courageux hommes du passé se sont battus contre ces créatures perfides et les ont piégées dans les souterrains... là où est leur place ! Ils doivent y rester : nous ne pouvons pas tolérer leur présence sur notre territoire ! 

    Ella et Ross ne passèrent pas inaperçus, et un garde les approcha dès qu’ils traversèrent la route, avant que la multitude ne puisse se rendre compte que deux de ces créatures perfides se promenaient sur leur territoire.

    — Ce n’est pas le meilleur moment pour faire une apparition publique, remarqua-t-il.

    — Capitaine. Capitaine Ella Dorsh, à la tête de la 5ème Division des Ressuscités, Assauts Spécialisés dans les Opérations Terrestres et Souterraines, et voici le Lieutenant Alvin Ross. 

    L’homme recula et se mit au garde-à-vous, tout ceux qui s’y connaissaient ne serait-ce qu’un peu sur les Ressuscités avaient au moins une fois entendu parler du Capitaine Dorsh.

    — C’est un honneur de vous rencontrer en personne, Capitaine Dorsh. Je suis le soldat... 

    — Qu’est-ce qui se passe ici ? 

    Ross dissimula un sourire en faisant mine de tousser ; l’habitude qu’Ella avait d’interrompre les gens en plein discours avait tendance à accélérer n’importe quel procédé.

    — Recrutement, répondit-il. Le discours est pratiquement fini, il est sur le point de parler des Divisions Ressuscitées et de vous. Les gens sont en colère, et, quand ils s’engagent, ils doivent apprendre que savoir se fier aux ténèbres fait partie du marché. 

    Ella sourit, abaissant ses lunettes et s’avança d’un pas vers le soldat.

    — Et pourquoi vous fiez-vous aux ténèbres ? siffla-t-elle.

    Les yeux d’Ella le firent frémir, la lumière du soleil frappant leur surface et transformant les iris d’ambre en d’étincelants cercles d’or. Elle sentit sa peur sous l’aftershave et sourit. Tant pis pour sa foi envers les ténèbres, songea-t-elle.

    — Parce que vous êtes une ressuscitée, Capitaine Dorsh. Nous vous avons sauvée et maintenant vous nous sauvez de votre propre espèce. Je... Nous nous fions à vous parce que vous êtes en mesure de nous aider à découvrir les points faibles des ennemis plus vite, vous parlez leur langue, vous connaissez leur façon de penser... 

    — Ça suffit, soldat. Bonne chance avec le recrutement, nous avons effectivement besoin de nouveaux hommes. 

    Jusqu’à ce qu’ils meurent comme des rats dans les galeries et qu’on en ait besoin d’autres, avait-elle envie d’ajouter.

    — Merci, Capitaine Dorsh. 

    Ella remit ses lunettes de soleil en place, et se retourna au pas au SUV : entendre un discours sur l’importance de se fier aux ténèbres ne faisait pas partie de son agenda.

    2

    ––––––––

    — Les humains ont vraiment un mode de pensée tordu. Ils ne considèrent les choses comme étant la réalité qu’à partir du moment où on peut les exposer en plein jour au vu et au su de tous. Si c’est pas le cas, tout va bien, mais évidemment, si quelque chose devient assez fort pouvoir se montrer en public, c’est qu’il est déjà trop tard. Et puisque maintenant les elfes noirs sont enfin décidés à sortir de la terre, leur menace passe enfin pour authentique et tangible, comme la guerre, grommela Ella.

    —  Ils ont toujours été comme ça... même si pour le coup, ils sont à la bourre.

    Ella replaça sa tête sur l’appuie-tête et essaya de se détendre.

    —  La guerre est là depuis des années.

    —  Pour nous oui, mais pas pour eux, Cap.

    —  Je pense qu’en fait elle ne s’est jamais vraiment arrêtée. Ce que je veux dire, c’est que d’accord vers la fin du Moyen-Âge les hommes ont peut-être réussi à repousser les elfes sous la surface de la Terre pour de bon, par contre je doute qu’ils se soient contentés de s’y planquer bien sagement pour à peine se réveiller il y a quelques années. Ça cache quelque chose.

    —  Je pense aussi, mais enfin tout ça, ce sont des informations classifiées. On n’en saura jamais rien.

    — Les recrues d’aujourd’hui ne seront pas prêtes pour le combat de demain et ça par contre ce n’est pas une métaphore.

    — Je sais, de toute façon ce dont nous avons besoin c’est de plus de gens de notre espèce, au moins jusqu’à ce que la guerre se déclare officiellement aussi sur notre terrain. Les humains ne sont pas très doués sous terre et ils manquent de vitesse que ce soit en déplacement ou en combat... et c’est sous terre en gros qu’on est pour le moment.

    — Pour le moment.

    La cité de New York disparut derrière le SUV et la campagne remplaça les taxis et les gratte-ciels. Des champs tapissés de pailles d’or et d’arbres couronnés de feuilles de feu encadraient maintenant la route sous le soleil du matin, qui faisait briller leur véhicule tel un diamant noir sur une cordelette d’argent.

    Ella, Ross et les autres elfes noirs élevés par des humains n’avaient jamais rien connu d’autre que l’entraînement et le combat. Ils étaient tous des orphelins abandonnés dans le monde extérieur par leurs familles et sauvés par les hommes. On les appelait des ressuscités, parce que les hommes avaient pris soin d’eux et les avaient ramenés à la vie quand ils auraient dû être condamnés à mourir de froid et de faim. L’armée avait rapidement démarré un programme d’éducation visant à donner des cours particuliers aux enfants Elfes. Mais ils avaient un tel potentiel qu’on ne pouvait laisser perdre qu’on transforma très vite ce même programme en une académie militaire. On comptait dix Divisions Ressuscitées dans cette région et de nouveaux enfants continuaient à arriver de façon sporadique ; abandons qu’Ella ne pouvait s’expliquer qu’en tant que conséquences de la guerre.

    Cela leur prit une heure pour atteindre la base, dont les silhouettes lointaines des bâtiments courts sur pattes les firent déjà se sentir chez eux. Ella se réveilla juste à temps pour passer le premier poste de contrôle de sécurité et, quand Ross arrêta le SUV dans le hangar de la 5ème Division, son capitaine dût lutter férocement contre l’envie d’en sortir en courant pour aller crier à tout le monde la bonne nouvelle depuis le toit. Bon, cela dit... Une nouvelle relativement bonne. Bonne pour ceux qui vont au combat, en tout cas, songea-t-elle.

    Le bruit de la fermeture d’une porte résonna dans le hangar où une odeur d’essence, de pneus et de boue les accueillit. Ella et Ross montèrent sur la plateforme de sécurité où leurs scanners corporels, lecteurs d’empreinte digitales et testeur sanguin se chargèrent de vérifier leurs identités. Quelques secondes plus tard les écrans tournèrent au vert et le sol s’ouvrit, faisant descendre la plateforme sur laquelle ils se trouvaient pour les emmener jusqu’au second sous-sol, loin du soleil et hors de la vue du reste du monde.

    — Content de vous revoir Capitaine Dorsh, je vois que le Lieutenant Ross s’est débrouillé pour plutôt bien conduire, dit une voix.

    — Si bien que ça m’a endormie, fit Ella.

    Une grande porte s’ouvrit et ils s’avancèrent à l’intérieur d’un couloir exclusivement éclairé par des lumières pâles installées au sol. Leurs yeux accueillirent la soudaine obscurité avec gratitude et leur peau se mit à émettre une subtile lueur fluorescente.

    — Je ne fais que mon travail, mais personne n’a l’air d’apprécier mes services dans le coin, se plaignit Ross.

    — L’escouade d’assaut s’est déjà réunie à l’intérieur de la salle de réunion, capitaine, reprit la voix qui les suivait dans le couloir.

    — Dis-leur de se mettre en rang et de me mettre sur haut-parleur dès que j’arrive. J’ai une surprise pour tout le monde.

    —  Bien, capitaine.

    —  Alertez les gars de la logistique, de l’arsenal et de l’approvisionnement ; je veux que tous les équipements aériens, terrestres et souterrains aient été vérifiés et soient prêts à l’action pour 17h15.

    —  Bien, capitaine.

    Ella et Ross s’en allèrent pratiquement au pas de course et, quand la porte automatique de la salle de réunion s’ouvrit, leurs joues avaient rougi et leur peau lilas pratiquement viré au rose. La troupe se mit au garde à vous et se mit en rangs parfaits derrière une grande table ovale, Ross prenant place auprès de ses compagnons pour attendre les nouveaux ordres.

    —  Bon, fit Ella en se dressant devant ses troupes. Patrouiller dans les tunnels, c’est pour les gosses. Nous, on en a terminé avec ça, on sort en solo à l’extérieur, et on va faire avancer cette guerre.

    Ella posa la boîte en métal contenant les pilules sur la table.

    —  Prenez en une et faites passer, ordonna-t-elle.

    Ross prit la première pilule puis Ella fit circuler la boîte autour de la table jusqu’à ce que la dernière ait atteint sa destination. Toutes les informations dont les ressuscités auraient besoin se trouvaient à présent stockées dans leurs cerveaux et prêtes à s’afficher sur leurs ordinateurs, si nécessaire. Clichés de la cible, informations sur sa taille, son poids, sur les armes qu’il portait, sur sa localisation, morphologie de la région, conditions climatiques et ordres, tout venait d’être intégré à leur mémoire et serait prêt à se combiner à l’expérience du terrain et à d’autres éventuelles indications.

    — On est tout bon, capitaine, indiqua le soldat qui avait avalé la dernière capsule.

    — Bien.

    Ella posa la main droite sur un carré bleu sur le côté de la table et un grand hologramme de l’intrus qu’on avait détecté plus tôt s’afficha en flottant dans les airs en face d’eux.

    — Alors, voici la cible.

    L’image 3D se transforma en une vidéo qui montrait l’elfe noir tirant sur la caméra.

    — Comme vous pouvez le voir, il a mis la caméra de surveillance hors service, donc on sait pas combien ils étaient à le suivre, mais il s’agit probablement d’un petit groupe. Il ne s’est même pas enquiquiné à se cacher le visage ; ce qui montre qu’il sait qu’on ne risque pas de le confondre avec l’un d’entre nous, qu’il a du cran et qu’il a pas peur des défis. Alors, les gars, faudra bien qu’on garde les yeux ouverts. Ces intrus ont effacé leurs traces derrière eux et on ne dispose pas de témoins pour le moment. Notre boulot sera de capturer celui-ci et de tuer tous les autres. Il devra rester en vie et en mesure de parler. C’est clair ? Des questions ?

    Personne ne pipa mot et Ella sourit comme un loup affamé prêt à sauter sur sa proie, dévoilant sous ses lèvres violettes deux belles rangées de dents blanches.

    — Préparez votre barda. Reposez-vous un peu. La chasse est ouverte.

    — Bien, capitaine !

    — On se retrouve au hangar à 17h30. Rompez ! Lieutenant Ross, avec moi.

    — Bien, capitaine.

    — On file direct à la salle de contrôle et on envoie nos explorateurs.

    — Des observateurs ?

    — Et aussi des leurres.

    — Cela devient de plus en plus intéressant.

    Ella appuya sur un bouton sur son poignet et parla.

    — Dave, tu nous écoutes ?

    — Oui, capitaine, confirma la voix.

    — On vient te voir.

    — D’accord, capitaine.

    Ella et Ross ressortirent de la salle de réunion et prirent un ascenseur jusqu’au dernier sous-sol, étage tout entier occupé par la salle de contrôle et par le laboratoire. Un lecteur analysa les empreintes du Capitaine Dorsh avant même qu’elle n’eut le temps de presser le cinquième bouton, puis l’ascenseur descendit si rapidement que le mouvement en fut à peine perceptible. Une autre plateforme de sécurité les attendait à l’entrée de la salle de contrôle ; des systèmes automatiques procédèrent à un scannage de leurs corps puis confirmèrent leurs identités. Les lourdes portes s’ouvrirent alors et se refermèrent à l’instant où les capteurs de pression détectèrent une pression trahissant l’arrivée complète du corps de Ross sur le palier.

    — Content de vous voir ici-bas, mon capitaine, mon lieutenant, les accueillit la voix.

    — Vous avez récupéré toutes les données que j’avais dans la main ?

    — Oui, capitaine. La salle est prête à l’élaboration de la future manœuvre.

    Un autre jeu de portes s’ouvrit pour les laisser passer et ils se retrouvèrent soudainement dans une grande pièce circulaire, éclairée uniquement par les pâles lumières du sol et par la lumière dégagée par des écrans de différentes tailles, affichant divers graphiques en trois dimensions, schémas, clichés, reconstructions et autres représentations. Un ressuscité était assis au milieu d’un nuage d’images avec un casque audio dissimulé dans ses longues oreilles pointues, une télécommande pendant de son cou et de grosses lunettes au nez : le corps derrière la voix, le Spécialiste Dave Walsh, expert en IT, Planification et Logistique. Ses assistants rôdaient le long des bords de la salle, presque invisibles et semblant pratiquement faire partie de l’équipement.

    — Excellent, dit Ella.

    Dave voulut se lever pour se mettre au garde-à-vous, mais Ella posa une main sur son épaule et le maintint sur place ; elle n’était pas une adoratrice du protocole, en particulier quand cela retardait les choses.

    — J’ai repositionné notre satellite dès que j’ai reçu la position exacte ; c’est à peine à quatre-vingt-dix-sept kilomètres d’ici, indiqua-t-il en désignant une grande photo de l’endroit vu du ciel. Je suggère qu’on envoie nos briseurs de réseaux et quelques observateurs, capitaine. Cela dit, je ne suis pas sûr de comprendre ce que vous avez en tête pour les leurres.

    — On va y venir. Déployez dix unités d’observateurs aériens et dix souterrains en plus d’une autre unité de briseurs de réseaux et activez le scanner thermique du satellite.

    — Bien, capitaine.

    — Je veux savoir de quel trou à rat ils sortent et où ils se cachent. Cette zone n’était pas comprise dans le planning des patrouilles ce mois-ci et je suis sûre qu’ils ont remarqué.

    — Scanner activé, capitaine.

    Un clavier holographique apparut directement en dessous des doigts de Dave, où il inséra quelques codes, faisant se déplacer sur le côté toutes les autres images de la pièce pour laisser la place à des émissions directes en provenance des observateurs, petits drones équipés de caméras camouflés sous forme d’abeille et munis d’une aiguille afin de pouvoir voler des échantillons de sang.

    — 3,2,1 : en vol. Les dix fenêtres les plus hautes représentent nos observateurs aériens. Les souterrains suivront dans cinq minutes avec leur propre équipement, ainsi que les briseurs de réseaux.

    Ella se retourna, observa la carte et pointa un doigt sur quelques arbres ; endroit où la carte s’agrandit toute seule.

    — A mon avis ils se cachent dans Forest Creek. Ils sont peut-être bien équipés, mais la lumière du soleil reste un souci majeur pour eux, même en portant des visières. Récupérez-moi toutes les images de la région des dernières soixante-douze heures.

    — Bien, capitaine.

    — Le tunnel le plus proche est l’A45, intervint Ross.

    — Oui, le plus petit c’est C1 et le plus gros R24, ajouta Dave.

    — Ça fait trop de galeries à fouiller, on déterminera où placer nos observateurs souterrains après une première vérification des données des aériens. On les gardera bien planqués et ensuite on les séparera pour pouvoir surveiller un périmètre plus spécifique, pendant qu’on enverra les observateurs aériens fouiner partout aux alentours, répondit Ella.

    — Sur votre gauche, capitaine, annonça Dave en indiquant une série de nouveaux clichés qui semblaient apparaître de nulle part.

    — Ça nous laisse quelques heures pour découvrir quelque chose et décider d’une stratégie, dit Ross.

    — Ouais. Il sera vital d’être précis parce que s’ils retournent sous terre j’ai peur qu’on les perde, fit Ella.

    — Et nos avions espions à caméra thermique ? Ils nous permettraient de voir de plus près. L’avion et le drone sont tous les deux en mesure de quitter la base en moins de dix minutes et d’arriver à destination avant les observateurs, remarqua Dave.

    — Ça pourrait les alerter. On n’a pas l’habitude de voir des avions là-bas, que ce soit des drones ou des jouets, s’ils les voient, ils réaliseront qu’on en sait plus que ce qu’ils croient et là adieu la surprise, dit Ella.

    — D’avoir les jetons ça pourrait leur faire faire quelque chose de stupide, dit Ross, et on les attraperait plus vite.

    — Ou ils iront se cacher au milieu des civils. Creek Town est juste en bord de forêt. Je ne veux pas faire de provocation.

    — J’ai le chercheur en pleine analyse des images, capitaine.

    — Bien. Combien de temps avant que les autres atteignent leur destination ? demanda Ella.

    — Le vent s’est levé, les aériens devraient prendre à peu près une heure, et leur chargement une heure dix.

    — Ce qui nous fait assez de temps pour nous y rendre en étant préparés, dit Ross.

    — Les scans du satellite à vision thermale arrivent sur votre droite, capitaine, dit Dave.

    Les images commencèrent à se former comme il venait de l’annoncer et des clichés et retransmissions directes recréant l’endroit ciblé entourèrent les ressuscités.

    — Et si on envoyait la caméra thermique sous une autre forme ? proposa Ross. Une qui ne ressemblerait pas

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