Capitaine Pisse-Vinaigre

Par Philippe Roy

Fin de la Grande Guerre. Un capitaine d’infanterie, grièvement blessé au combat, se réveille dans un sanatorium où le tient enfermé un homme qui se prétend son ami. Les souvenirs lui reviennent peu à peu, mêlés à ceux d’un autre homme, un soldat qu’il a conduit au peloton d’exécution, et de visions fulgurantes d’un monde étrange, tissé par des araignées, où un marchand énigmatique lui propose un pacte.

Mais ce pacte, qui doit lui permettre de retrouver la femme qu’il aime, s’adresse-t-il au capitaine ou à Eugène, le soldat-poète? Cette présence dans la tête de l’officier, est-elle une menace? Pour le capitaine Pisse-Vinaigre, la guerre ne fait que commencer.

• Langue: Français
• Éditeur: Philippe Roy
• Date de sortie: 30 oct. 2015
• ISBN: 9781311996657

Philippe Roy

Philippe Roy est un écrivain spécialisé dans les genres de la science-fiction et du fantastique. Depuis 1995, il a publié dans diverses revues littéraires, telles que Imagine..., Moebius et Solaris.Convaincu de l’avenir de la diffusion numérique des livres, il dirige la maison d’édition les Chemins Obscurs.

Aperçu du livre

Capitaine Pisse-Vinaigre

Nouvelle fantastique

Par Philippe Roy

© Philippe Roy, 2015. Tous droits réservés.

Cette nouvelle a été d’abord publiée dans le magazine Solaris, numéro 190, sous la direction de Joël Champetier.

Éditions les Chemins Oscurs.

À la mémoire de Joël Champetier. Le capitaine te doit beaucoup.

Capitaine Pisse-Vinaigre

Philippe ROY

Les étoiles se rapprochent alors que je m’enfonce dans la boue. Jamais je ne les ai vues d’aussi près. Si j’arrivais à lever le bras, je pourrais en saisir une poignée. Je ne peux pas me lever, alors c’est le paradis qui descend vers moi.

Je ne peux tourner la tête ; impossible de voir à quel point je suis enfoncé. J’ai l’impression de sentir la boue sur mes joues. Peut-être que c’est la boue qui me tient couché là, incapable de remuer un muscle. Ma poitrine se débat, tente de retenir un peu de vie. Elle devrait se résigner, je crois.

C’est beau, les étoiles qui dansent. Pourquoi ne m’emportent-elles pas ? Si elles continuent à traîner, je vais finir par mourir avant d’aller au paradis.

Où sont les autres ?

Qu’est-ce que c’est que ce silence ? Ce n’est pas normal. Je n’ai pas connu le silence depuis Esmeralda, quand elle feignait d’écouter mes exposés philosophiques, quand je lui lisais, transi, mes poèmes, quand j’attendais bêtement une réponse.

Depuis, le bruit n’a jamais cessé. Souvent fracassant, il ne descend jamais au-dessous du niveau des râles et des plaintes. L’obus m’a sans doute crevé les oreilles. Pourtant, j’entends le sifflement de ma respiration. Et la musique.

C’est un orchestre encore lointain. Les timbales étirent leur roulement et font trembler le sol qui m’engloutit. J’entends des envolées grinçantes et des chœurs tragiques qui mêlent leurs plaintes. Leurs envolées soudaines se taisent un moment, reprennent leur souffle, puis repartent de plus belle. C’est beau, c’est haletant, c’est la musique du ciel. Et les étoiles sont énormes maintenant.

Un homme marche près de moi. Sa respiration lourde me parvient malgré la musique assourdissante. Ami ou ennemi ? Je le vois. Alfred Rémi, un homme de ma compagnie. Il est hébété, il a le regard vide, mais c’est un spectacle glorieux, impossible, qu’un homme debout en pleine lumière. Est-ce donc la fin des combats ? Je suis content pour lui. Il a une fiancée qui l’attend, et toute une famille qui lui garde en Provence un coin de table et un verre de vin. Moi, qui m’attend ?

Esmeralda.

— Esmeralda.

Je suis certain de connaître le type assis face à moi. Il est dos à la baie vitrée ; la lumière auréole sa silhouette et enflamme ses cheveux. Comment se nomme-t-il ? Pourquoi soupire-t-il ?

— Ça va, Maurice ? Tu m’entends ?

Je m’appelle Maurice ? Son ton est familier. Je regarde autour de moi, l’air de