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Les cités d'écorce: Pulception
Les cités d'écorce: Pulception
Les cités d'écorce: Pulception
Livre électronique300 pages4 heures

Les cités d'écorce: Pulception

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À propos de ce livre électronique

Futur de l'humanité terrestre, six cent ans après un cataclysme responsable de l’extinction massive de la vie. Une forêt dense recouvre alors les continents, où survivent quelques micro-néo sociétés humaines qui se sont adaptées au contact des insectes, des arachnides et des végétaux, tous évolués, qui prédominent.

Au cœur de cette nouvelle jungle vont se jouer les combats pour l’eau, la paix, et la rencontre entre l’hypersensible ManthaO, amnésique, et KyleW le Cimien, bio-implanté. Pour cela, ils vont devoir se retrouver, s’allier à des entités vivantes improbables, se perdre et regagner un fil d’espoir.

Heureusement, ils ne seront pas seuls, encore leur faudra-t-il différencier leurs amis de leurs ennemis…

Ne pas sous-estimer la puissance des arbres.


LangueFrançais
ÉditeurPublishroom
Date de sortie12 janv. 2024
ISBN9782386250156
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    Aperçu du livre

    Les cités d'écorce - Léonie Bird

    Première partie

    Germination

    SORENt chapitre 1

    J’ai le ventre qui me chatouille tiens… C’est toujours comme ça quand je sens que l’ambiance va tourner au jus de chenille ! Quand je repense au dernier repas qu’on a avalé chez le vieux NilsV avant d’embarquer en catastrophe : de tièdes galettes de farine de châtaignes farcies aux larves de criquets croustillantes suivies d’une compote de fruits des cimes saupoudrée de cannelle… Simple, mais un pur régal ! Je me demande bien, d’ailleurs, comment cet IrwinS a pu en reprendre trois fois, vu sa taille de souche et son état rachitique… Il a beau se dire diplomate de Florida venu à notre secours, il n’en demeure pas moins mystérieux, l’aveugle. Il s’est bien vite rapproché de ShaniB aussi !

    3h27 du matin exactement… Et je suis suspendu entre tout et rien aux commandes d’un aérostat somnolent en direction de la ville que j’ai fuie voilà cinq mois : Giantrees, troisième cité d’écorce… maudite depuis notre insurrection contre ces parasites d’exploitants, frelons vérolés, assassins ! Ils distillent l’eau de la Source au compte-goutte à nous, les Pionniers de la Grande Forêt ! Impossible de boire l’eau de ruissellement des arbres, trop impropre à la santé. Alors j’ai foncé tête baissée aux côtés des Insurgés, traversé un « océan » – semblable à une forêt et vaste comme un continent d’eau. Puis nous avons découvert tout un peuple d’humains très différents, plantés sur leurs « gyres », dans une situation aussi épineuse qu’ici ! On les a aidés eux aussi, puis on est revenu en laissant la moitié des nôtres là-bas !

    Me voilà maintenant affublé du même uniforme que ces dangereux crétins qui ont enlevé MilaL avant-hier. J’ai les jambes douloureuses parce que j’ai reniflé, à mon insu, les particules chimiques toxiques disséminées par un Noyer vicieux, sans parler de mon estomac, trop creux pour rester silencieux ! Bonne sève, et mon KyleW qui va ramener sa fraise parce que ce scarabée blond de Shan a cru bon de « tester » un bouton du tableau de bord… C’est ça, la curiosité féminine ?! Le pire, c’est que j’aurais peut-être bien fait comme elle !

    Je vais tâcher de la jouer diplomate, comme le jour où KyleW a « entendu » mes pensées. J’aurais jamais cru qu’un bio-implanté acquerrait cette faculté ! Ah, pas loupé, le voilà… Pourvu que Shan se taise…

    MANTHAo chapitre 2

    Je suis bouleversée, et plus encore… Comment s’endormir dans ces conditions ! Tout se bouscule dans ma tête… Zac dit être le père de ma mère Nilam – dont je n’ai aucun souvenir – parachutée à quinze ans à proximité de Bluforest. Est-ce la découverte de mon grand-père sur le gyre, ou de la banque de graines dans l’arrière-bureau d’Artus qui m’a empêchée de m’immuniser contre la drogue amnésique ? Pourquoi pas le cumul des deux ?…

    Les yeux grand ouverts, tournés vers les hublots de ma chambre qui laissent filtrer quelques rayons de lune, je me retourne pour la énième fois dans mon lit. Zac a invité notre groupe à dormir sur place pour éviter de retraverser de jour le lendemain, et attirer l’attention trop tôt. Cette immersion au cœur du troisième gyre nous permettra de réaliser l’ampleur de la situation dès demain.

    Paul, en tant que représentant gyrien, a assuré à notre hôte qu’il ferait son possible pour émettre des solutions afin d’enrayer les différents processus malsains instaurés par ce tyran d’Artus. Je me demande bien comment… Il devra quand même s’en remettre par la suite aux décisions du nouveau conseil des deux autres complexes. Nous devrions rejoindre le nôtre dès demain soir pour reconstituer une seconde dose de drogue en vue de maintenir dans son amnésie cet enfoiré destitué. L’annulation de « l’écran mirage » n’a pas été abordé.

    La douche me fit un effet de pur nectar, mais mes pieds me font encore mal d’avoir tant marché sans leurs bottes habituelles… Et ma gorge aussi. Je me représente mentalement chasser la sensation de la poigne d’Alyo.

    Vaincue par la fatigue, mes cils s’abaissent enfin, je peux percevoir ma respiration. Le visage de KyleW apparaît soudain dans mon esprit somnolant : il me susurre « petite liane » en souriant, mais ses yeux sont tristes… « Reviens-moi » sont ses paroles suivantes, presque implorantes… mais elles ne me font ni chaud, ni froid, et me traversent comme une brise légère… Ma raison m’impose de lui répondre par phéror…

    Je sombre, mais un autre visage provoque comme un crépitement incontrôlable dans ma poitrine : le regard vert aux cils clairs, posé et taquin, encadré par des mèches rousses… Celui-ci, bien réel dans mes souvenirs, suffit à m’apaiser. Je m’endors enfin.

    KYLEw chapitre 3

    - Ok, c’est plus sérieux que ce que je pensais. SorenT ?

    - KyleW, contrairement à toi, j’arrivais pas à dormir, réagit mon ami à peine désappointé, alors je suis revenu tenir compagnie à la demoiselle. J’en ai profité pour parfaire mon apprentissage de l’aérostat et j’ai… inspecté le menu de l’ordinateur de bord. Tu connaissais celui qui s’intitule « Défense » ?

    J’analyse l’expression de mon ami, sans trouver le moindre indice d’humour.

    La Cimienne se racle la gorge et retourne se tasser dans son siège. Dans mon champ de vision, je perçois loin au-dehors, devant nous, une lueur enflammée, vive et brève, qui me fait pivoter la tête : une explosion en bas, au cœur de la forêt !

    - C’était quoi ça ? je lâche hébétée.

    - L’application du sous-menu « Défense ». Un… missile, ou dans le même genre. Cet aérostat est équipé comme un engin de guerre en fait, NedA ne nous en avait rien dit. Ils sont construits où les aérostats de Giantrees ? M’étonnerait pas que les Exploitants aient leurs parts dans les chantiers…

    Je le dévisage et son flegme me donne envie de le secouer comme un Prunier !

    - Passe en mimétisme, vite ! j’ordonne d’une voix blanche.

    - C’est fait.

    Fébrilement, je vérifie notre position sur une carte virtuelle. Evaluant notre objectif d’arrimage et le lieu approximatif de l’explosion inopinée, je réalise qu’elle se trouverait à moins de quarante kilomètres des premiers avant-postes connus de Giantrees, selon les espions d’IrwinS !

    - Bravo ! Notre approche incognito est optimale on dirait ! On change de cap : remonte au nord, en espérant très fort qu’ils n’ont pas eu le temps de réagir.

    - C’est ma faute, KyleW, j’ai voulu tester un bouton, pensant que c’était sans danger, avance ShaniB d’une toute petite voix piteuse.

    - Laisse faire, Shan, relève l’autre d’un ton rassurant, au moins on sait ce qu’on a à bord maintenant. KyleW, regarde, c’est là, et c’est une bonne nouvelle.

    Il a une drôle de façon de retourner les situations mal parties celui-là ! Je bouts à l’intérieur pendant qu’il pianote sur l’écran tactile. Puis il glisse tout en bas de la liste du menu « Sécurité », resté dissimulé par sa longueur dépassant la hauteur de l’écran… L’onglet « Défense » révèle un schéma d’aérostat où sont positionnées huit formes allongées réparties en symétrie tout autour de l’engin. L’une d’elles, en rouge, se situe vraisemblablement tout près de la cabine que je partage avec deux autres gars et SorenT.

    Des armes secrètes, invisibles de l’extérieur en plus ! C’est en effet une nouvelle prometteuse et bienvenue, pourvu qu’elle ne nous fasse pas défaut. Sacré NedA, je lui en dirai deux mots si je le revois. ShaniB s’est rapprochée pour expliquer son geste.

    Une demi-heure passe dans un silence pesant. J’ai repris mon poste et ai congédié mes deux amis à leur couchette. Nous devons survoler la zone de l’explosion maintenant. Dehors, la nuit est claire, mais je ne distingue aucune fumée, ni trou béant dans la forêt. Notre bifurcation nous vaudra une heure de retard, j’ai donc entrepris de vérifier toutes les fins de menus.

    Des pas derrière moi, suivi d’un « Avance ! » péremptoire. Mais à qui parle-t-on comme ça ? Je me retourne en me levant pour en distinguer l’origine : l’apparition de LuciaW en tenue de Cimienne me laisse sans voix. Elle me dévisage en croisant les bras. Le Cimien derrière elle la tient en joug.

    - Qu’est-ce que tu fais là, t’es folle ou quoi ? je lui envoie en niant à qui je m’adresse.

    - KyleW, on l’a trouvée planquée dans un propulseur quand on les vérifiait. On en fait quoi ?

    - Laisse tomber, c’est… ma mère, merci – le Cimien s’éloigne les yeux au plafond. Alors ?

    - J’ai décidé de vous aider.

    - Mais tu l’as déjà fait, par les renseignements que…

    - C’est insuffisant à mes yeux. J’ai voulu apporter quelque chose que personne n’a.

    - Ben voyons ! Et on peut savoir quoi ?

    Elle regarde tout autour d’elle avant de répondre tout bas.

    - Une arme personnelle.

    La femme à qui je parle, au regard buté, n’est plus ma mère, mais une dangereuse inconnue !

    - Tu portes une arme maintenant ?

    - J’ai toujours aimé les armes, et ce depuis mon passage au centre d’entraînement de Giantrees. Avant ta naissance, j’avais une vie, mon chéri, dont je ne t’ai jamais parlé. Mais ce n’est pas le sujet.

    - Je veux la voir.

    Une lueur amusée traverse ses pupilles. Elle me montre son gant droit un peu plus volumineux que le gauche. Je le touche et sens comme un mécanisme à l’intérieur. Je la regarde en hochant la tête.

    - Ça fait quoi ?

    - Ça tue sans blessure. Arrêt cardiaque. C’est un prototype d’arme génique classée.

    - Précise.

    - Elle ne fonctionne qu’en présence de mes gènes, donc aucun intérêt pour un allié potentiel de s’en servir à ma place. Pas plus qu’un ennemi. Pas rentable quoi. Sauf pour moi. Je ne pourrai même pas te la léguer. Je suis montée pour renforcer ton équipe. Tu n’aurais jamais voulu si je te l’avais demandé. Laisse-moi regagner… ta confiance.

    Je suis abasourdi ! C’était donc pour ça ! Ma nuque me démange subitement, je la soulage nerveusement.

    - As-tu déjà tué avec ?

    - Ça ne te regarde pas, me dit-elle droit dans les yeux.

    - Ok. C’est hors de question que tu participes à l’assaut, LuciaW ! Tu restes dans l’aérostat.

    - C’est ce qu’on verra !

    Soudain, tous les écrans et les voyants lumineux s’éteignent d’un coup. Mon copilote jure entre ses dents et je réfléchis à toute vitesse pour contrer mon affolement qui s’amplifie dans ma poitrine, on est dans le noir complet, mais l’aérostat continue son vol en plein ciel comme si de rien n’était ! Quelqu’un émerge dans l’habitacle en vociférant : le bio-médecin.

    - Où est KyleW, bonne sève ! Qu’est-ce qu’il se passe ?

    - Il est là ! j’affirme sans détour. J’ignore encore ce qui ne va pas, les commandes ne répondent plus pour l’instant, mais nous ne tombons pas, alors pas de panique DarenK !

    Par contre, notre cap se modifie on dirait. Et on perd de l’altitude. C’est pas bon. NilsV m’avait parlé de ces éventuelles pertes de contrôle d’un aérostat il y a un moment déjà… J’y suis, une vieille brouilleuse ! Mais qui ?

    Au bout d’un quart d’heure dans la plus complète ignorance de notre situation, notre équipe s’est déjà rassemblée dans l’habitacle, à tâtons, et la tension des échanges est palpable. Seul l’écran tactile se rallume, vide, et une voix masculine peu amène se fait entendre.

    - Salut, traîtres à la solde des exploitants de Giantrees. Avec le feu d’artifice qu’on a reçu, vous êtes faits comme des mouches ! On a piraté l’ordinateur de votre appareil, il est réquisitionné, bandes de punaises ! Quand on vous le dira, descendez en laissant vos joujoux à l’intérieur, sans faire d’histoire, et tout ira bien. Nous sommes armés et si vous tentez de fuir, bonne chance ! Ici, c’est la forêt et ses petits habitants qui font la loi. Bon séjour parmi nous !

    Mais qui sont ces… pirates pour s’opposer aux exploitants, de façon aussi virulente que nous ? Ils nous prennent pour des gardiens, bien sûr. Le missile ne leur a pas plu, normal. Mais la situation s’avère moins catastrophique que ce que j’imaginais. Il suffira de s’expliquer et notre mission devrait continuer son chemin.

    MANTHAo chapitre 4

    Un « toc-toc » à la porte me tire du sommeil matinal.

    - ManthaO, fait une voix électronique accueillante, le petit déjeuner n’attend plus que toi.

    Roy. Ce n’est pas tous les jours que l’on se fait réveiller par une intelligence artificielle ! Lentement, mes paupières se soulèvent. La petite chambre est baignée par une lumière si tiède et si consistante que je ressens l’envie de flotter dedans – chose que je n’ai jamais expérimenté de ma vie ! Tomber, oui, mais flotter… Je ne sais même pas nager… ni où !

    - Je viens, je réponds en bougonnant.

    En même temps, mon estomac se manifeste. Je repousse le drap et m’assoie sur le bord du lit. J’entends des voix derrière la porte, dont celle de Zac – mon grand-père de deux cent ans – ce qui m’encourage à m’habiller rapidement. J’arrive dans le petit couloir menant à la grande salle commune, la porte de la salle d’eau se met à tanguer ! Je me force à m’adosser au mur quelques instants, les mains sur mes tempes. J’ai dû me lever trop vite. Voilà qu’une nausée me saisit, il ne manquait plus que ça !

    Le bruit d’une porte qui s’ouvre. Des pieds nus et bruns, dépassant d’un pantalon souple et de couleur grège, me passent devant sans un mot, sans une respiration. NatanO m’en veut toujours de l’avoir poussé dans le vide fictif. J’avais imaginé que découvrir notre grand-père materne0l vivant, en face de lui, l’aurait décoincé, un peu. Peut-être que j’y suis allée un peu fort avec mon frère.

    Je me redresse et fait un pas en direction du lavabo, mais le sol semble se dérober. Deux mains attrapent alors fermement ma taille.

    - Qu’est-ce qui t’arrive ? me souffle mon frère en me retenant, sur un ton agacé, comme s’il avait été contraint de faire ce geste.

    - Rien, un vertige… je vais me rafraîchir au lavabo, merci, je bredouille, encore surprise.

    Il me quitte et je n’ose pas me regarder dans le miroir. Je m’asperge d’eau fraîche et me redresse de toute ma hauteur en inspirant profondément, si bien que plusieurs gouttes dégoulinent dans mon cou, jusqu’à mon nombril. Je frisonne… et finis par m’essuyer. Lorsque je rouvre les yeux, les vertiges et les nausées se sont estompés.

    Je me dirige près de la table basse. Les conversations vont déjà bon train : Paul et ElysP ont un échange animé. NatanO, debout avec une tartine à la main, écoute attentivement les propos entre Zac et Roy campés devant le mur. Intriguée, j’attrape moi aussi une tartine de ce moelleux pain brun et m’apprête à rejoindre ces derniers. J’intercepte le regard de Paul, bien réveillé et pensif, mais c’est ElysP qui m’interpelle :

    - Bien dormi ?

    - Comme une souche ! Et toi ?

    Mais son attention s’est déjà tournée vers Paul. M’approchant du mur à mon tour, je découvre la grande photographie d’un… oiseau ? Immense, ses larges ailes noires, son long bec et ses longues pattes rouges, il semble planer en plein ciel. Je tends l’oreille.

    - Autant l’autre ne fait pas de doute, c’est une cigogne noire, explique Roy, autant celui-ci est plus délicat à identifier, vu la distance à laquelle tu l’as photographié, Zac. A sa silhouette, il doit faire partie de la famille des Larinae…

    - Oh, alors ce serait une mouette ou un goéland ? tente Zac.

    - Voire un albatros, rectifie l’humanoïde.

    - Et cheux-chi, tout en blanc ? s’enquiert mon frère la bouche pleine.

    - J’ai toujours pensé que c’étaient des oies, non, Roy ? renchérit le photographe amateur.

    - En effet, confirme Roy. Le bout noir de leurs ailes est caractéristique. De la famille des Anatidae, on les appelle aussi des oies des neiges…

    - Mais… où les as-tu aperçus, tous ces oiseaux mythiques, Zac, à proximité du gyre ? je les interromps, curieuse.

    - Bonjour ManthaO, s’exclame mon grand-père avec engouement, une étincelle dans les yeux en croisant les miens.

    - Pardon… bonjour !

    - Je les ai photographiés en volant, en livrant les bébés sur les différents continents, voilà, précise-t-il. Je suis devenu pilote, je vous expliquerai tout à l’heure.

    Pilote de quoi ? Sensiblement, une sorte de passage s’ouvre dans ma tête…

    - Puisque vous êtes tous là, maintenant, annonce Zac de sa voix artificielle mais chaleureuse, voici mes suggestions de ce matin. Après entretien avec votre intelligence artificielle, j’ai deux bonnes nouvelles, enfin… Roy, je te laisse la parole.

    - Merci Zac. Mes algorithmes ont travaillé toute la nuit, et continuent de le faire. Grâce aux relevés effectués hier en venant, je suis sur le point de trouver le moyen de désactiver l’écran mirage qui maintient ce gyre dans la clandestinité et ses habitants en danger. Pour cela, je dois me connecter à un endroit précis de votre pôle technique pour finir le travail. La seconde bonne nouvelle concerne Oki. J’ai envoyé le même type de message codé que j’ai reçu de Zac aux trois autres androïdes actifs, chose inattendue, elle m’a répondu, ce qui signifie…

    - Qu’elle est à nouveau opérationnelle ! s’écrit Paul. Bien joué !

    - Ceci va me permettre d’annuler toutes les livraisons d’enfants à compter de ce jour ! s’exclame Zac à son tour, rayonnant. Ils vont grandir auprès de leur mère à présent, ici. De trois mille habitants, nous allons passer à quatre mille d’ici quelques mois, dont un quart de nourrissons !

    Nous sommes médusés !

    - Zac, je suis d’accord que c’est une situation odieuse pour les Gyriennes, s’inquiète ElysP, mais… et celles qui attendent d’adopter leur bébé, elles vont le vivre comment ?

    - On négociera, ou l’enfant leur parviendra, rassure-toi.

    - Et pour le troc, renchérit mon frère, je veux dire, par quoi comptes-tu remplacer les bébés pour approvisionner le complexe ?

    - Mon petit NatanO, c’est une très bonne question, et j’ai ma petite idée… rétorque mon grand-père en roulant des yeux remplis de mystères.

    ***

    Nous débouchons dans l’épicycle du troisième gyre, à l’air libre empli de ses senteurs nouvelles, et que le soleil commence à inonder de lumière sur la droite. Comme le matin où…

    Tiens, ce spectacle me rappelle que je dois parler à KyleW par phérhormones… qu’est-ce que… ?

    Levant les yeux vers la coupole du complexe circulaire, je stoppe net mes pas. Le spectacle est irréel, toute une forêt semble dominer de trente mètres au moins le dernier étage. J’attrape le premier bras qui passe à ma portée et le retient – taches de rousseur sous des poils roux.

    - Qu’est-ce que tu vois là-haut, qui dépasse du mur sur tout le pourtour droit ?

    Suivant mon regard, Paul se campe à côté de moi, les mains sur les hanches, la bouche ouverte. Il passe sa langue sur sa lèvre inférieure. Ses cils papillonnent en scintillant au soleil. Ses yeux étonnés parcourent les frondaisons de différents verts, puis se tournent vers moi.

    - Aux odeurs inhabituelles qui flottent ici, une… forêt, non virtuelle !

    Lui aussi a remarqué les parfums de l’air ? Je l’observe un instant en me mordant la joue : c’est évident, il n’en a vu qu’à travers l’omnivers, je l’avais oublié. Paul se déplace de quelques pas en avant, s’arrête et croise les bras.

    - Et ces sculptures sphériques, là-bas, c’est pas mal non plus, viens voir.

    Dans mon champ de vision, les autres se sont rapprochés de nous à leur tour, intrigués par notre retard. Zac s’avance l’air amusé.

    - Cette verdure représente notre richesse, et la fin de votre visite aussi. Elle couvre presque la moitié des toits du gyre, hors de la coupole électromagnétique. C’est la seule initiative saine et durable qu’Artus a réalisée au début de son élection.

    - Mais… s’interroge une ElysP dubitative, comment fait-elle pour pousser ?

    - Les trois derniers étages ont été condamnés pour être remplis de terre propice à la germination et à l’épanouissement de nombreuses variétés de plantes et d’arbres. Nous avons adopté la permaculture, comme à l’ancienne. Certaines zones, comme les jardins potagers, nécessitent un arrosage régulier, mais le reste se développe tout seul et très bien. Nous cultivons aussi des plantes qui soignent. Joon en parlerait mieux que moi.

    - Et la pollinisation, elle s’effectue comment, à la main ? ironise la bio-médecin.

    Zac la jauge un instant, visiblement surpris par les questions pertinentes de la jeune femme.

    - Nous avons nos ruches et leurs abeilles depuis que ce complexe existe, ainsi que quelques autres insectes pollinisateurs : guêpes, bourdons, cétoines dorées et quelques papillons. Nos jardiniers veillent sur eux comme des louves sur leurs petits !

    Des quoi ?… Sans un mot, Pionniers et gyriens se regardent rapidement en haussant les épaules ou les sourcils. Seule ElysP affiche un visage émerveillé.

    - Bon… Allons-y, termine Zac enthousiaste.

    J’observe alors les fameuses sculptures : au nombre de trois, une grosse et deux petites, elles s’alignent sur l’autre partie du toit, en respectant le même écart. D’un gris mat iridescent par endroits, on les croirait posées là pour raison esthétique. Mais, en remarquant à proximité une flèche pointant vers les étoiles…

    - Paul, ce ne sont pas des sculptures, je lui confie, ça vole !

    Il me détaille dans un demi-sourire, comme s’il ne m’avait pas entendue, et se gratte la barbe.

    - C’est dans un des petits engins sphériques que vous apercevez là-bas que Nilam a quitté définitivement ce gyre, intervient l’ancien, avec un minimum d’équipement de survie pour tenter réaliser sa vie, que vous connaissez.

    - Ah ! je fais d’une voix triomphante à l’attention de Paul qui dévisage maintenant Zac. Alors une sphère identique se cacherait quelque part dans notre forêt ?

    - Eh non ! Il dément. Je n’ai pas pu laisser cette liberté à Nilam, Artus s’en serait rendu compte. Je l’ai programmée pour qu’elle revienne toute seule ici dès que ma fille l’aurait quittée.

    - Comment fonctionnent-ils, ces engins formidables ? demande Paul.

    - Ils se pilotent de manière intuitive, possèdent un écran mirage et fonctionnent entièrement à l’énergie solaire et à l’eau salée. Ils sont increvables, mais privés de soleil plus de trois jours, et ils restent au sol. Recouvert de cellules bactério-solaires, ils nécessitent vingt-quatre

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