Covid-19 40-45: Sans vaccin
Par Charles Boucaud
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Avis sur Covid-19 40-45
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Aperçu du livre
Covid-19 40-45 - Charles Boucaud
Chapitre premier
C’était pire en 40, l’endémie était inhumaine et humaine. Je veux dire qu’elle était manipulée par des hommes inhumains. Nous ne savions pas ce que nous allions devoir supporter, pendant combien de temps, ni même l’issue de cela, la mort peut-être ? Le traitement nous semblait incalculable tant la douleur était subite et grande. Les adultes et vieillards étaient les premières victimes en cherchant le moyen de nous épargner, à nous autres enfants, le contact de cette pandémie. Quatre ans, elle aura duré, en laissant des cicatrices que le monde, même actuellement, ne peut oublier. Les traitements auront mis quatre ans à se concrétiser et là encore, il aura fallu la coopération presque mondiale pour l’éradiquer. À l’époque, il existait une solution, elle était matérielle, et on nous en avait privés… finance et politique obligent. Aujourd’hui, c’est différent, ils s’expliquent, bizarrement, un peu comme Pétain. Faut chercher. Et quand des chercheurs cherchent, cela peut demander un certain temps, et cela s’explique. C’est le cas aujourd’hui, rien ne peut s’improviser. Les finances et les politiques ne peuvent rien en matière de santé.
Et la santé n’a pas de prix, elle choisira son camp, sans distinction aucune. L’âge, le sexe, la fortune ne sont pas ses critères de choix. À l’époque, pas comme aujourd’hui, on a connu les masques, ce qui nous faisait mieux comprendre la gravité de ce qui allait nous arriver. Nos anciens avaient connu les gaz et on pouvait mieux s’imaginer ce qui nous attendait. Notre confinement n’avait rien de comparable et reste pour nous une leçon qui nous oblige à penser qu’aujourd’hui, c’est moins grave.
J’avais à peine cinq ans lorsque la guerre s’est déclarée. Pourtant je m’en souviens comme si c’était hier. Oh, non pas de la déclaration, ni même des premiers jours, et encore moins qui elle opposait. Ce dont je me rappelle, et c’est à partir de cet évènement que ma mémoire s’est enclenchée, je me revois, juché avec mes sœurs, à l’arrière d’une camionnette sur un amoncellement de matelas et couvertures. Le vent nous fouettait le visage, et nous étions assez excités, sans comprendre ce que voulait dire le mot « exode ».
La camionnette montait péniblement la rue Gambetta, et en arrivant au petit jardin de la Motte, en regardant vers l’Évêché, j’aperçus quelques prêtres, aux fenêtres, qui nous saluaient. Puis nous avons tourné vers la rue Desfossés, juste avant le commissariat de police qui me semblait désert. Ensuite, je me suis réveillé à ce que j’apprendrai plus tard être Melesse. Une enivrante odeur de foin séché ainsi que le jacassement de la basse-cour ont eu raison de mon sommeil.
Quelle ne fut pas ma surprise, en me levant, de marcher dans une demi-obscurité, sur un véritable tapis de foin, guidé par les rais lumineux que laissaient filtrer les planches disjointes de la porte. En ouvrant cette dernière, le sol humide m’apparaissait à plusieurs mètres en contrebas, et en apercevant l’échelle de bois, je compris que nous avions passé la nuit dans un grenier à foin.
Les premiers soldats allemands, dans leur uniforme de drap couleur vert de gris, qui prirent position dans la cour de la ferme où nous nous étions réfugiés, m’ont flanqué une belle trouille. Leur mine patibulaire, leur accoutrement, et surtout le long interrogatoire que subit mon père, firent qu’une espèce d’inquiétude germa en moi. Après leur départ, mon père prit la décision que nous rentrerions à Rennes retrouver notre appartement, au troisième étage sous les toits.
Nous n’avions qu’une seule fenêtre qui donnait sur la rue, celle par laquelle ma grande sœur Jeannette était tombée accidentellement et s’en était sortie miraculeusement avec six mois d’hôpital et de plâtre. Elle n’avait dû sa vie qu’à la présence de fils téléphoniques, qui avaient en partie diminué la brutalité de l’impact sur les pavés. C’est, du moins, ce que laissait entendre ma mère lorsqu’elle racontait la chute de celle qui est devenue, par la suite, ma marraine.
Notre humble demeure, une très grande pièce où ma mère avait réussi à caser son lit métallique, le lit-cage de mes sœurs, le mien métallique aussi, un fourneau en fonte sur lequel nous cuisinions, une de ces anciennes tables de toilette avec le dessus en marbre et une commode à trois tiroirs. Au milieu de la pièce se trouvait une table ronde, en bois, comme on les faisait autrefois, avec les deux rallonges, et recouverte d’une toile cirée aux couleurs baroques.
De la fenêtre, nous pouvions, en nous penchant, apercevoir la rue du docteur Régnault, la nôtre, qui prenait de la rue Saint-Georges à la rue de Corbin. En tournant la tête vers la gauche, j’apercevais le bâtiment qui abritait le quartier général de la 3e Région militaire avec ses trois étages. Sans doute n’y avais-je jamais prêté attention ou bien le déclic s’est-il opéré lors de l’exode, toujours est-il qu’aujourd’hui, il existait et prenait une certaine dimension pour moi.
Il était tout près, environ vingt mètres, et j’entendais des ordres vociférés dans une espèce de jargon bizarre que je n’arrivais pas comprendre. Et soudain, deux de ces soldats que j’avais aperçus la veille à la ferme de Melesse prirent position au pied de la rue du Dr Régnault. Je ne comprenais pas. Que faisaient ces soldats dans ma rue ? Dans mon pays ? C’est autant de questions auxquelles mes parents ont tenté de répondre, mais sur le moment je ne comprenais pas et ne le pouvais.
Les jours passèrent avant que je me hasarde, d’abord à ne pas baisser les yeux devant les sentinelles, puis à chercher à entrevoir, par le grand portail ouvert occasionnellement, ce qu’il se passait dans cette grande cour. La partie du bâtiment qui donnait sur notre rue, comportait un rez-de-chaussée surélevé d’environ trois marches, avec une entrée sur sa droite, qui servait, je l’ai su plus tard, à acheminer les vivres vers la cuisine qui se trouvait dans ce secteur. Un jour, des fenêtres ouvertes du rez-de-chaussée, j’aperçus, la chose la plus incroyable qu’il m’ait été permis de voir en vrai, en chair et en os. Un homme tout noir, puis d’autres encore. Ils étaient au moins cinq ou six.
Je n’ai pas pris le temps de les compter, juste celui de prendre mes jambes à mon cou.
Les explications de ma mère m’ont un peu rassuré et elle m’a même encouragé à les saluer en me disant qu’ils étaient français, qu’on les avait mobilisés pour défendre la France et qu’ils étaient prisonniers des Allemands comme beaucoup de nos militaires français. C’est ainsi que j’ai appris l’existence d’Africains qui, selon mes parents, étaient des gens comme nous, qui avaient une famille avec des enfants, comme nous, mais noirs. Ce n’est qu’au bout d’un certain temps, temps nécessaire pour que les sentinelles s’habituent à notre présence dans la rue, devant le portail, que le sourire de ces Africains, qui sans doute se moquaient gentiment de moi, m’encouragea à les saluer et à m’approcher de leurs fenêtres.
Après les banalités