Coup de foudre: nouvelle
Par Ken Kalfus
3.5/5
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À propos de ce livre électronique
Mêlant intelligence, sens de l'humour distinctif et ambitions littéraires, Coup de foudre nous montre Kalfus en pleine possession de ses moyens.
Ken Kalfus
ken kalfus is the author of a novel, The Commissariat of Enlightenment, and the short story collections Thirst, which won the Salon Book Award, and Pu-239 and Other Russian Fantasies, which was a finalist for the PEN/Faulkner Award.
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Avis sur Coup de foudre
3 notations1 avis
- Évaluation : 4 sur 5 étoiles4/5Mr. Kalfus may be a brilliant writer of the Hitchcock variety, maybe. That said, I find myself disappointed when story after story leaves one wondering what happened. In one story there is a discovery in a closet that leads to an arrest, what was in the closet? My mind comes up with countless possibilities... but I'll never know. Same type of unresolved information presents itself in other stories as well. I'm left wanting, is that the mark of literary genius??? I'm not sure, if so our author qualifies!
Aperçu du livre
Coup de foudre - Ken Kalfus
XI
COUP DE FOUDRE
I.
Mariama, tu ne liras jamais cette lettre : si je l’envoyais, notre règlement au civil en serait invalidé et le procureur rouvrirait le dossier pénal. Je n’ai aucune raison de l’envoyer, car je ne te demanderai jamais pardon. Ma faute était trop grande, je m’en suis sorti et j’ai trop de plaisir à rester libre. De plus on raconte que tu es analphabète. Néanmoins il faut admettre qu’il y a un certain avantage moral à reconnaître nos erreurs, même en privé, pour se repentir, pour chercher à rectifier notre comportement. Plus on fait ses comptes de manière honnête, complète et exacte, plus on en tire de bienfaits. En l’occurrence, j’agis donc comme toujours pour mon propre compte.
Si je pouvais te parler, mon intention principale serait de te convaincre que je ne suis pas un malade mental, même si je reconnais qu’il n’est pas tout à fait évident que je n’en sois pas un (écrire cette lettre que je ne pourrai jamais envoyer témoignerait en ma défaveur quant à cette hypothèse sur ma santé mentale). Je t’avoue que je n’ai pas tous mes esprits ces jours-ci, jours de honte. Je n’avais certainement pas tous mes esprits au moment de notre rencontre. Bien que j’aie été conscient de ce que je faisais, j’étais emprisonné dans une sorte de tunnel psychologique dans lequel j’étais incapable de percevoir le monde extérieur, les contraintes qui d’ordinaire s’appliquent aux rapports sociaux. J’avais été enfermé dans ce tunnel, plus concrètement, dans cet état d’esprit fortement nerveux et hagard depuis plusieurs jours. Mes pensées glissaient le long des parois parfaitement lisses du tunnel, passant sans entrave d’une statistique du système financier mondial à l’autre. D’une femme à l’autre, aussi. Je ne peux pas, cependant, prétendre que je n’étais pas moi-même. Plus je me rappelle clairement ces actions et ces circonstances, plus je suis convaincu que cet instant atroce a révélé ma nature profonde. C’est cette nature que j’aurais été contraint de contenir, d’écraser, d’étrangler, ou de décapiter, dès l’instant où j’aurais annoncé ma candidature.
Avant cet instant, Mariama, tu n’appartenais pas aux dizaines de millions de personnes qui dans le monde entier identifiaient le nom de David Léon Landau à une maîtrise brillante de la finance, mise au service du peuple. Après avoir appris qui j’étais, plus tard ce jour-là, mon nom ne t’évoquait toujours rien, bien que, il y a quelques années, j’aie fait partie de l’équipe qui a formulé les termes d’un prêt à bas taux d’intérêt, qui permit de réaliser une usine de traitement d’eau dans les collines guinéennes de Fouta-Djalon, pas loin de ton lieu de naissance. J’aime à penser que tes lèvres furent un jour rafraîchies par l’eau fraîche qui gargouillait de la canalisation du village, et qu’assoiffée, tu t’en étais désaltérée avec plaisir. Tu en avais peut-être fait couler un peu sur ton menton. A ce moment-là, tu aurais peut-être même réfléchi au miracle de ce fluide, source de vie et de plénitude.
Source de vie et de plénitude: dans les instants qui précédaient notre rencontre je prenais une douche, réglée à la plus haute pression et à une température très élevée, ce qui embuait complètement la salle de bains follement démesurée de l’hôtel new-yorkais. L’intensité de la douche ne calmait en rien mon érection, nourrie par une trop grande dépendance au Viagra la veille et l’avant-veille (j’éviterai à l’avenir de t’infliger mes érections, sauf quand je ne peux vraiment pas m’en empêcher). Je ne pensais pas au sexe, non, je ruminais l’ensemble des problèmes qui paraissaient définir ma vie ce matin-là. Le premier d’entre eux était la crise de la dette européenne et mon rendez-vous essentiel du lendemain avec la chancelière allemande réfractaire. Je m’inquiétais aussi d’un SMS que j’avais reçu ce matin-là de la part d’un ami à Paris, qui laissait entendre que mes adversaires politiques avaient accédé à mes courriels. Seulement deux jours plus tôt, à Washington, un autre ami m’avait fait parvenir un avertissement urgent, stipulant que les services de renseignement français m’espionnaient. Un avertissement, nous l’apprîmes plus tard, qui fut secrètement enregistré. Je tournai alors mon visage vers l’eau comme vers un récurage libérateur.
II.
Si tu t’es intéressée aux détails de ton propre procès (et il est fort possible que tu ne l’aies pas fait) tu auras appris que le jeudi soir précédant notre rencontre j’ai participé à ce que les journaux ont dénommé une « fête libertine », à l’hôtel W de Washington, accompagné de trois de mes amis et de quelques femmes. Après qu’elles sont parties, nous sommes retournés à la salle à manger de la suite d’hôtel, dont la table n’avait pas encore été débarrassée depuis le dîner, et où nous échangeâmes nos impressions, accompagnés d’une bouteille de calvados rare, distillée en 1865 et mise en bouteille en 1912. Cette eau-de-vie, qui a traversé trois fois l’Atlantique, était une coutume post-coït, un gage de notre amitié et de la chasse que nous avions donnée ensemble. Nous parlâmes peu, surtout pour faire des commentaires à voix basse sur ce que nous avions partagé. Nous levâmes nos verres aux qualités particulières des femmes avec lesquelles nous avions été : le rire contagieux de l’une, les fesses rotondes d’une autre. Avec bonne humeur, du zèle, et un sens de l’innovation parfois étonnant, elles s’adonnèrent, sur nous, comme entre elles, à des préliminaires sexuels, avant de nous prendre comme amants quelque part dans les chambres ténébreuses et les alcôves de la suite. Plus d’une centaine de pommes avaient servi pour la bouteille brune aux larges hanches; les pommes étaient aussi acidulées et fraîches qu’au moment de leur cueillette.
Mon ami Philippe, un commissaire de police en France, pencha son verre vide vers la bouteille, qui