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Hockey Player: Colin
Hockey Player: Colin
Hockey Player: Colin
Livre électronique443 pages10 heures

Hockey Player: Colin

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À propos de ce livre électronique

Alors que le championnat de hockey universitaire bat son plein, une mauvaise nouvelle s'abat sur Colin : ses parents décident de piocher dans ses économies pour financer le projet de son frère aîné. Abattu par la nouvelle, Colin voit déjà son avenir en ligue nationale compromis. Bien vite, il trouve un emploi dans un bowling, ce qui lui permet de financer ses études tout en jouant au hockey.

Il y rencontre Amanda, une jeune femme au caractère bien trempé qui, à première vue, le déteste. En réalité, elle est elle-même confrontée à des problèmes personnels qui empiètent sur sa vie professionnelle. Alors qu'elle doit subir une opération qui l'angoisse, elle se rend compte que sa relation avec sa meilleure amie n'est pas aussi idyllique qu'elle le pensait. Les masques tombent et elle remet en question les affinités qu'elle pouvait avoir avec les personnes qui l'entourent.

Colin et Amanda se rapprocheront par la force des choses, apprenant à se connaître, à s'aimer et à se soutenir au fil des semaines.
LangueFrançais
Date de sortie22 août 2023
ISBN9782322546718
Hockey Player: Colin
Auteur

E.M. Kimberley

Amatrice des romances sportives et universitaires, E.M. Kimberley signe sa première saga du genre avec Hockey Player.

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    Aperçu du livre

    Hockey Player - E.M. Kimberley

    novembre 2021

    Mortifié.

    Je suis mortifié.

    Je ne peux pas croire qu’Elizabeth m’ait surpris dans la salle de bains en train de… Je préfère ne pas y repenser. Je sors de la maison en trombe après avoir enfilé mon manteau. L’air glacial de la mi-novembre me cueille en plein visage et baisse instantanément ma température corporelle. Ce n’est pourtant pas assez, je crève toujours autant de chaud sous ma parka.

    S’il y a une chose à savoir sur moi — en plus de mon amour inconditionnel pour le hockey — c’est que j’ai tout le temps chaud. Si les conventions sociales le permettaient, je serais constamment à demi-nu. Mais pour le bien de tous — et pour éviter de me faire arrêter — je me plie aux lois établies et porte des vêtements.

    Mes pas font crisser la neige.

    La soirée est bien entamée et plusieurs étudiants se bousculent dans les rues mouvementées d’Ottawa. Une fête est organisée ce soir pour célébrer une quelconque victoire de notre équipe de natation, Elizabeth a dû s’en échapper avant la fin et venir retrouver Joseph dans l’espoir de mettre au clair leur dispute. Ces deux-là sont faits pour être ensemble, mais un accès de colère de Joseph les a séparé après son séjour à l’hôpital. Il leur faut un petit coup de pouce pour se rabibocher et, dans ma grande bonté, je serai le Cupidon qui leur viendra en aide.

    Après avoir effacé de ma mémoire ce qui s’est passé avec Elizabeth, cela va de soit.

    Bref, les rues sont bondées d’étudiants qui veulent faire la fête et je ne suis pas en reste : moi-même je me dirige vers l’une d’entre elles. J’ai reçu un message tout à l’heure de ma meilleure amie pour m’avertir de son arrivée en ville, c’est l’occasion parfaite pour oublier ma mésaventure.

    J’accélère le pas lorsque mon téléphone vibre dans ma poche, m’avertissant d’un nouveau message. Un coup d’œil sur l’écran m’apprend que Rachel est déjà arrivée sur le campus et qu’elle m’attend. Belle comme elle est, elle va attirer tous les regards sur elle. Cette perspective m’hérisse le poil et je suis à deux doigts de me mettre à courir pour arriver plus vite. Si je n’avais pas peur de glisser sur une plaque de verglas, je me serais déjà transformé en Forest Gump. Je me retiens à l’idée de me blesser et de dire au revoir à ma saison de hockey. Ce serait dommage de me casser une jambe et de devoir renoncer à mes rêves de sélection nationale… Notre prochain match est dans deux semaines, contre l’un de nos plus redoutables adversaires. Pour le moment, nous sommes à la deuxième place du classement universitaire. C’est bien, mais ce n’est pas excellent. La victoire nous ferait gagner trois points et, donc, une place. La saison a commencé le mois dernier, il nous faudra ensuite tenir la cadence jusqu’au mois de mars. Ensuite, si nous sommes qualifiés, il faudra laisser place aux Playoffs. Après cela, les recruteurs nationaux feront leur choix.

    Je frisonne à cette perspective. J’ai à la fois hâte et peur de l’arrivée de l’échéance. Je joue au hockey depuis que je sais marcher — peut-être même avant cela — et j’ai toujours voulu entrer en ligue nationale. Plus particulièrement dans l’équipe des Canadiens de Montréal car c’est là-bas que vit Rachel et j’espère sincèrement que, d’ici la fin de l’année, j’aurais enfin réussi à lui avouer ce que je ressens pour elle.

    Mes pas m’ont enfin conduit jusqu’au lieu de la fête. Depuis quelques minutes maintenant, j’entends le bruit sourd de la musique qui s’élève dans la rue, animant tout le quartier. Elle se fait de plus en plus forte à mesure que je me rapproche de la maison de Sam Bowell. À peine ai-je mis un pied dans la bâtisse que l’on m’accueille avec joie. Je salue les convives et me faufile dans la masse, mourant de chaud dans mon manteau d’hiver que je m’empresse de retirer pour me retrouver en t-shirt blanc. Je croise quelques-uns de mes coéquipiers — certains déjà bien occupés — dans ma quête de Sam et les salue d’un signe de tête.

    — Colin, mon ami, mon frère !

    Sam m’a trouvé et passe un bras autour de mes épaules en m’accueillant chaleureusement. Je déteste quand il m’appelle comme ça, car nous ne sommes ni amis, ni frères, mais ça lui fait plaisir et je bois gratis en échange donc tout le monde est content.

    — Salut Sam. Une idée de l’endroit où je peux déposer ça ? je demande en désignant mon manteau.

    — Dans ma piaule, vieux.

    Il extirpe une clé de sa poche et me la tend.

    — Pour éviter que n’importe qui y aille, ajoute-t-il avec un clin d’œil. Tu peux la garder pour la soirée.

    Son ton ne laisse aucune place à l’imagination. Il pense que je vais m’envoyer en l’air ce soir et me laisse sa chambre pour le faire. C’est à la fois flatteur et super bizarre. Il me laisse tout le temps sa chambre lorsque je viens et jamais je ne me suis servis de ses quartiers pour coucher avec une fille. J’évite toujours de le faire dans les fêtes sur le campus. Et la plupart du temps, je ne m’envoie en l’air qu’après une victoire. Ce qui n’est pas arrivé depuis… quelques jours.

    — Merci, réponds-je tout de même.

    Je grimpe les escaliers quatre à quatre, ouvre la porte à la volée et dépose mon manteau sur le lit. Après avoir refermé la porte à clé, je retourne dans le salon. Je consulte mon téléphone : rien. Je me mets donc en quête de Rachel parmi les fêtards. J’espère sincèrement qu’aucun mec ne lui a mis la main dessus pendant ce laps de temps…

    Du plus loin que je me souvienne, j’ai toujours été amoureux de Rachel, mais je n’ai jamais réussi à lui avouer mes sentiments. Mon arrivée à la fac a aussi marqué mon entrée dans la vie sexuellement active. Elle a toujours été en couple, donc je n’ai jamais eu l’occasion de lui déclarer ma flamme. N’étant pas un moine comme Joseph — bien que sa situation ait totalement changée depuis sa rencontre avec Elizabeth — j’ai profité de mes premières années d’université comme il se doit. Mais cette fois-ci, c’est ma chance : Rachel est célibataire.

    Elle a largué son débile de montréalais il y a quelques jours et j’ai bon espoir qu’elle se rende enfin compte que je suis là et que je me consume d’amour pour elle. J’en ai assez d’être le meilleur ami, je veux sortir de la friendzone. Mes années d’expérience en comédie romantique m’ont appris que c’était maintenant ou jamais. Bien sûr, je ne vais pas me jeter sur elle. Elle est encore affectée par cette relation — pour une raison que j’ignore parce que Marc est un débile profond — et je ne veux pas la brusquer. Je vais juste me montrer présent.

    Je remarque enfin une tête blonde familière parmi les danseurs. Je me dandine jusqu’à elle, essayant tant bien que mal de suivre le rythme de la musique. En dehors de la glace, je n’ai aucun sens du rythme et suis plutôt maladroit. La preuve en est, je pose à peine un pied parmi les danseurs que je bouscule une fille, renverse le verre d’un mec et manque me prendre les pieds dans le tapis. Bien sûr, tout le monde le remarque et je ne sais plus où me mettre…

    — Colintastrophe !

    Je grommelle, je déteste ce surnom que Rachel m’a attribué au fil des ans.

    — Contente de te voir, me crie-t-elle par-dessus la musique en se jetant dans mes bras.

    Super, elle est bourrée. Ce n’est pas ce soir que nous rattraperons le temps perdu.

    — Rassel, je la salue.

    Ce surnom — je ne savais pas prononcer son prénom quand j’étais petit — me vaut une tape sur l’épaule. Elle a plus de force qu’elle en a l’air et j’ai vraiment mal. Je grimace de douleur et l’attrape par le poignet. Je nous fais sortir de la foule et nous entraîne dans la chambre de Sam. Il faut bien qu’elle serve à quelque chose ce soir. Lorsque je referme la porte, les bruits de la fête s’atténuent un peu. Rachel s’effondre sur le lit, éparpillant ses longs cheveux blonds autour de sa tête comme une auréole. Mon cœur rate un battement. Elle se redresse sur ses coudes et plisse les yeux.

    — T’es en retard.

    — T’es bourrée, je réplique en haussant les épaules.

    — C’est pas vrai ! s’insurge-t-elle.

    Elle se redresse complètement et tangue.

    — OK, t’as peut-être raison.

    Elle se rallonge en gémissant et je souris. Je vais la rejoindre sur le lit après avoir enlevé mes chaussures. Je me cale contre la tête de lit et elle se hisse jusqu’à moi. Je la prends dans mes bras et hume son odeur. Derrière les effluves d’alcool, je décèle le parfum citronné qui la caractérise et qui me rappelle l’été. Elle sent toujours l’été et ses cheveux blonds éclairent toujours son visage comme le soleil.

    — T’étais où ?

    — J’ai été retenu à la maison, j’élude en haussant les épaules. Tu aurais pu venir me retrouver là-bas.

    — Tu sais bien que Lorenzo me met mal à l’aise.

    Je rigole, mon colocataire — et meilleur ami — met souvent les filles mal à l’aise avec son attitude d’homme des cavernes. Dans le fond, il est sympa, mais il faut réussir à passer outre ses attitudes de… gros con ? Ouais, c’est la bonne expression. Lorenzo est un gros con. Mais je l’adore, il me fait toujours mourir de rire et c’est un bon ami. Ainsi qu’un bon capitaine et un bon gardien.

    — Il n’est pas aussi méchant qu’il en a l’air, je réponds en haussant les épaules.

    — Je ne suis pas là pour parler de lui.

    Rachel se décolle de moi et me regarde en fronçant les sourcils.

    — Depuis quand tu gardes tes fringues ?

    — Depuis quand tu veux que j’enlève mes fringues ?

    — Depuis que je me gèle les miches, retire ton t-shirt Schultz, et plus vite que ça !

    Ses désirs étant des ordres, je me précipite pour le faire et elle se colle à moi. Dieu sait que j’aimerais qu’elle me demande de retirer mes fringues pour tout autre chose que se coller à moi pour se réchauffer. Je passe mes bras autour de ses épaules. Rachel se blottit contre moi en soupirant d’aise.

    — Tu restes jusque quand ?

    — Le week-end prochain.

    — Je vais devoir profiter de toi au maximum alors.

    — Ça fait longtemps qu’on a pas été dans la même ville tous les deux, tu penses réussir à me supporter une semaine entière ?

    — Je te supporterai toute une vie.

    — Beau parleur, ricane-t-elle en me donnant une tape sur le ventre.

    La vérité, c’est que je ne sais pas si je pourrais me passer d’elle un jour. Je ne comprends toujours pas pourquoi elle a voulu faire ses études à Montréal alors que nous avons le même cursus ici, à Ottawa. J’avoue que mon moral en a pris un coup lorsqu’elle est partie et que je me suis retrouvé tout seul, pour la première fois. Heureusement, je suis vite tombé sur Lorenzo, Narcisse et Joseph et mon entrée dans l’équipe de la fac a su soigner mon petit cœur meurtri.

    — Tu viendras m’encourager si on arrive en finale ?

    — Bien sûr, ça fait longtemps que je n’ai pas eu l’occasion de mettre mon t-shirt.

    — Celui que je t’ai offert à Noël dernier ?

    — Celui-là même ! J’arbore fièrement ton nom et le numéro 3 à tous les matchs où je vais.

    — Même à ceux de Montréal ?

    — Surtout à ceux de Montréal, m’apprend-elle en riant.

    — Alors pourquoi tu as déménagé là-bas ?

    Elle soupire alors que je remets la question sur le tapis. Ça fait trois ans qu’elle est partie maintenant, et pourtant je n’arrive pas à m’y faire.

    — Colin… Tu sais bien que j’avais besoin de changement.

    — Tu aurais pu changer un peu moins loin, dis-je en soupirant.

    Un coup sur la porte nous fait sursauter et nous rappelle que nous sommes à une fête. Là, dans les bras de Rachel, je l’avais presque oublié. Une voix étouffée nous demande ce qu’on fabrique là-dedans. Un des fêtards a dû nous voir monter et ne pas redescendre.

    — Super, je vais passer pour une énième de tes conquêtes !

    — Ça serait si grave ?

    — De quoi ?

    — De passer pour une de mes conquêtes.

    — Non, répond-elle en haussant les épaules. Ça serait juste super bizarre par contre, on se connaît depuis qu’on est petits. Beurk, ajoute-t-elle en grimaçant, je n’image pas un seul instant qu’on soit plus que des amis.

    Mon cœur se fêle un peu.

    — Ouais, ça serait super bizarre…

    Elle ne me répond pas et je comprends vite pourquoi. Allongée contre moi, Rachel vient de s’endormir et avec elle, elle a emporté mes espoirs de la conquérir.

    La semaine passée avec Rachel s’est écoulée à une vitesse folle. Entre mes cours et mes entraînements, je lui ai consacré tout mon temps libre. Il était hors-de-question que je la laisse seule un seul instant. J’ai profité de sa présence, me délectant de tous nos moments.

    Le retour à la réalité a été brutal. En rentrant de cours ou d’entraînement, je n’avais plus le plaisir de la voir dans ma chambre, dans notre salon ou à la table de la cuisine en train de faire ses devoirs. Malgré sa semaine de relâche, elle n’a pas passé un seul instant loin de ses livres de cours. Sa motivation a entraîné la mienne ; je n’ai jamais autant travaillé qu’en sa présence. Il faut dire que ce n’est pas ma priorité. Je veux un diplôme, certes, mais j’aimerais surtout être pris en ligue nationale. C’est pourquoi je me donne à fond lors des entraînements.

    Je passe justement devant la patinoire avant de me rendre en classe. C’est un détour sur mon trajet qui n’est pas nécessaire, mais que j’ai besoin de faire. Comme un rappel constant de ce qui m’attend après la fac, de ce qui m’anime réellement. C’est peut-être un peu bête, mais sans le hockey, je ne sais pas ce que je deviendrai. Je suis le seul sportif de ma famille, le seul pour qui c’est important. Même si nous sommes proches, ma famille ne comprend pas pourquoi je veux me lancer dans une carrière sportive qui pour eux ne donne aucune sécurité. Ils préfèreraient me voir m’enfermer dans un bureau pour le restant de mes jours. Peu importe que ça me rende heureux ou non… De fait, je me sens obligé de leur prouver que je peux réussir à devenir un grand joueur, que je serai connu à travers le pays et, pourquoi pas, à l’international.

    J’arrive devant mon bâtiment de cours et pousse la porte, faisant entrer avec moi une vague de froid. Les quelques étudiants qui sont dans le couloir me regardent d’un air mauvais. Comme si je pouvais contrôler la météo ! Je leur offre tout de même un regard contrit et avance vers mon auditorium. Là, je repère une place libre alors que l’endroit est déjà bondé — j’ai peut-être tendance à être en retard — et m’avance vers elle. J’ai la bonne surprise de découvrir que je suis installé à côté de Chrystal.

    — Salut !

    — Oh Colin, salut !

    Je souris devant son air surpris. De toute évidence, je la dérange alors qu’elle était plongée dans ses pensées. Elle ramène ses affaires vers elle, s’étant un peu étalée sur la table.

    — J’arrive juste à temps on dirait, dis-je en voyant notre professeur entrer.

    — Comme toujours, répond-elle en souriant.

    Elle ramène une mèche de ses cheveux gris derrière son oreille et se penche vers moi.

    — À vrai dire, tu me sauves, j’ai cru que Norman Ferroca allait venir s’installer à côté de moi.

    Je grimace.

    — Quelle horreur… Je suis ravi de te servir de rempart contre lui.

    — Et quelle muraille, renchérit-elle en me détaillant.

    Nous éclatons de rire et nous reprenons bien vite notre sérieux lorsque l’enseignant nous lance un regard mauvais. J’aime beaucoup Chrystal, c’est une fille pétillante sous ses airs timides. Nous partageons plusieurs cours en commun dans notre cursus et nous sommes rapprochés naturellement. Au contraire des autres filles qui soutiennent notre équipe, elle est naturelle en ma présence et ne semble pas intéressée. Ou alors, depuis deux ans que nous sommes dans la même classe, elle cache très bien son jeu.

    Pendant l’heure qui suit, nous écoutons attentivement le cours. Ou presque.

    Mon Dieu, j’ai l’impression que ça ne va jamais finir !

    Je lis en toute discrétion le mot que Chrystal m’a fait passer. Son écriture est soignée, tandis que la mienne ressemble à celle d’un enfant de cinq ans.

    Le pire dans toute cette histoire, c’est que je ne retiens rien de ce qu’il raconte…

    Qui le pourrait ??

    Tu sais qu’il radote le même cours depuis vingt ans ?

    Vingt ans ?? Tu es gentil avec lui, j’aurais plutôt dit depuis deux cents ans…

    Nous continuons un petit moment avant de nous reprendre et de nous concentrer un minimum sur ce qui est dit par le professeur. À la fin du cours, nous rangeons nos affaires en discutant.

    — Comment va Joseph ? J’ai appris qu’il s’était blessé.

    — Il va mieux, sa copine et lui se sont réconciliés — grâce à moi, je glisse.

    — Pourquoi ça ne m’étonne pas ?

    Ses yeux marrons brillent de malice. Après deux ans à se côtoyer régulièrement, nous avons appris à connaître quelques facettes de nos personnalités.

    — Je n’y peux rien, dis-je en haussant les épaules, je ne peux pas m’empêcher de venir en aide aux cœurs en peine.

    Même si je dis ça sur le ton de la plaisanterie, je vois une lueur triste passer dans les iris de Chrystal. Elle se ressaisit vite, comme si elle ne voulait pas me montrer que quelque chose ne va pas et déclare :

    — Tes amis ont de la chance de t’avoir.

    Nous nous dirigeons maintenant vers la sortie de l’auditorium, à présent désert.

    — Les tiens aussi.

    Chrystal se contente de me sourire et grimpe les quelques marches qui nous séparent de la sortie de l’auditorium. Sur notre chemin, nous croisons quelques filles qui nous jettent des coups d’œil interrogateur. Je les vois murmurer sur notre passage, je n’entends pas ce qu’elles disent, mais je vois l’attitude de Chrystal. Ses épaules se voûtent et elle baisse la tête, gênée. Je passe un bras amical autour de ses épaules.

    — Tu viens à notre match la semaine prochaine ?

    — Je ne sais pas, entre mes entraînements et le tutorat, je suis surchargée.

    — Pourquoi tu t’infliges autant de travail ?

    — J’aime bien, répond-elle en haussant les épaules.

    Nos chemins finissent par se séparer. Je la regarde s’éloigner quelques instants, m’assurant qu’elle a repris du poil de la bête. Depuis deux ans que l’on se connaît, je n’ai jamais osé aborder avec elle la question de son intégration dans la fac. Je la croise toujours seule, même si je sais qu’elle a des amis. Quand nous sommes tous les deux, je vois les regards des autres — surtout des filles — sur nous et je sens que ça la met mal à l’aise. Je ne sais pas pourquoi elle l’est, c’est une très belle fille. Ses longs cheveux sont teints en gris, encadrant un visage rond aux pommettes relevées. Elle a un sourire éclatant et communicatif, ses yeux marrons pétilles de malice et, une fois qu’on la connaît et qu’elle est sortie de sa coquille, elle a la langue bien pendue. C’est simple, parfois j’ai l’impression que c’est un mec. Pour rien au monde je n’échangerai notre amitié. Je me rends maintenant compte que je ne l’invite pas assez à passer du temps ensemble. Certes, elle est très occupée puisqu’elle fait partie d’une équipe universitaire et qu’elle donne des cours de soutien après les cours, mais je suis sûr qu’on pourrait dégager un peu de temps tous les deux.

    Fort de cette nouvelle résolution, je me dirige vers mon prochain cours. J’arrive comme toujours un peu en retard et m’excuse auprès du professeur qui, habitué à mes arrivées tardives, ne m’en tient pas rigueur et m’accueille d’un signe de tête en continuant l’introduction au cours du jour. Je m’installe sans un bruit et sors mes affaires.

    En plein milieu du cours, alors que je suis penché sur ma feuille pour prendre des notes sur une énième technique de management, mon téléphone se met à vibrer sur la table. Mon cœur fait un bond lorsque je constate que j’ai oublié de le couper, mais heureusement le bruit des claviers autour de moi étouffe le bruit le temps que je me saisisse de l’appareil pour le mettre en silencieux. Mes sourcils se froncent lorsque je remarque que c’est mon père qui essaie de me joindre. C’est étrange, il ne le fait jamais en pleine journée car il sait que je suis en cours et donc, indisponible. Je repose mon portable sur la table et reprends le fil du cours. Quelques secondes plus tard, le nom de mon père s’affiche à nouveau sur l’écran. Je décide de le retourner pour ne plus voir ses appels entrant. Je l’appellerai après la classe, même si la raison de son appel me tracasse. J’espère que ce n’est rien de grave.

    *

    Ce n’est qu’après mon entraînement que je pense à rappeler mon père. J’ai glissé mon portable dans ma poche directement après mon dernier cours de la matinée et n’ai pas pensé à l’en ressortir de la journée. Dans le calme de ma chambre, alors que mes colocataires sont en bas et préparent de quoi manger, je compose le numéro de mon père. Il décroche à la deuxième sonnerie.

    — Colin ? J’ai essayé de t’appeler toute la journée.

    — Ouais, désolé, j’étais en cours et mon entraînement a duré plus longtemps que prévu.

    Je finis de sécher mes cheveux, tenant ma serviette d’une main. Je bloque mon téléphone entre mon oreille et mon épaule le temps de faire tomber celle qui est autour de ma taille. J’enfile un caleçon et arpente ma chambre en écoutant mon père. Je ne sais jamais rester en place lorsque je suis au téléphone.

    — Il fallait que je te parle de quelque chose.

    Sa voix est hésitante, ce qui m’interpelle. D’ordinaire, il va toujours à l’essentiel.

    — Je… voilà, je ne vais pas y aller par quatre chemins.

    Je retrouve-là mon paternel qui va enfin me dire la raison de son appel.

    — Liam est à la maison.

    Douche froide. Mon frère ne vient jamais chez mes parents. Sauf pour Noël et Nouvel An. Ce sont les deux seuls moment de l’année où je dois me le farcir. Le reste du temps, nous faisons comme si nous n’existions pas l’un pour l’autre. D’ailleurs, quand je me présente à quelqu’un, je dis que je suis fils unique.

    — Ah.

    — Il s’est fait virer de sa boîte il y a quelques semaines, c’est juste le temps qu’il se retourne. Il a une idée pour se remettre sur les rails et…

    — Papa, je le coupe, en quoi ça me concerne ?

    — Je vais financer son idée.

    — OK, je réponds en fronçant les sourcils, ne comprenant toujours pas en quoi ça me concerne.

    Au bout du fil, j’entends mon père se racler la gorge. Ce n’est pas tout ce qu’il a à me dire et je le sens nerveux.

    — Papa ?

    — Colin… Je ne vais plus pouvoir payer tes frais.

    Si Rachel a fêlé mon cœur la semaine dernière en me faisant comprendre qu’il ne se passerait jamais rien entre nous — même si je compte bien lui faire ouvrir les yeux sur notre relation — mon père le brise avec cette phrase.

    — Mais… papa… si… si tu ne peux plus payer mes frais… Comment je vais faire ?

    Je me suis arrêté en plein milieu de ma chambre. Pour la première fois depuis des années, j’ai froid. Je suis frigorifié et un long frisson parcourt mon échine. Mes mains sont moites, j’ai l’impression de transpirer à grosses gouttes. Il ne peut pas être sérieux…

    — Ta mère et moi ne pouvons pas nous permettre de prendre un nouveau crédit, alors la seule solution pour aider ton frère, c’est de piocher dans nos économies pour tes études.

    — Mais, c’est absurde ! Liam est adulte, il peut très bien faire un prêt à son nom pour la quelconque lubie qu’il a en tête…

    — Ce n’est pas aussi simple…

    — Non, c’est plus simple de m’arracher mon avenir pour ce bon à rien, je crache d’un ton amer.

    — Colin, grogne mon père soudain en colère.

    Et la colère, elle monte aussi en moi. Pourquoi est-ce que je devrais m’incliner devant lui ? Pourquoi est-ce que mon abruti de frère devrait me voler ce qui m’appartiens ?

    — Tu comprendras quand tu auras des enfants, martèle-t-il.

    — Si avoir des enfants c’est privé l’un de son avenir pour avantager le raté de la bande, je préfère ne pas en avoir !

    Je raccroche avant qu’il n’ait le temps de répliquer et lance mon téléphone sur mon lit. Dans mon accès de colère, j’ai quand même la présence d’esprit ne pas l’éclater au sol. Après tout maintenant je n’ai plus les moyens de m’en payer un nouveau. Putain, je n’ai même plus les moyens de vivre dans cette baraque !

    — Fais chier, je jure à voix haute.

    Mon téléphone sonne. Cette fois-ci, c’est ma mère.

    — Quoi ? j’aboie en décrochant.

    — Quel plaisir de t’avoir au téléphone, me répond-elle d’un ton joyeux.

    Je soupire, ma mère apaise toujours les tensions entre mon père et moi, c’est ingrat de ma part d’être en colère contre elle.

    — Tu es d’accord avec lui ? je demande en me laissant tomber sur mon lit.

    — Mon chéri…

    — OK. C’est bon, je comprends. Après tout, le hockey c’est juste ma raison de vivre. On s’en fout que ce soit ma passion, c’est juste un sport débile.

    — Colin, on ne t’oblige pas à arrêter le hockey. Nous en avons beaucoup discuté avec ton père et Liam. Nous avons convenu qu’on le financerait et qu’il devrait nous rembourser dans six mois.

    Un rire amer m’échappe.

    — Pourquoi est-ce que je n’ai pas été convié à la conversation alors que ça me concerne ? Pourquoi vous avez fait ça dans mon dos ? Maman… on est censés être unis, non ?

    — Nous le sommes, mais parfois il y a des décisions qui doivent être prises rapidement et…

    — Et décider de mon avenir à ma place était important et vous n’aviez pas le temps de m’en faire part.

    — Ne prend pas les choses comme ça…

    — Mais putain maman, comment tu veux que je le prenne ? Vous êtes en train de me dire que je n’aurais plus les moyens de payer mon loyer ! Il est trop tard pour que j’aie une chambre sur le campus ! C’est quoi votre solution ?

    — Tu pourrais prendre un job étudiant, propose-t-elle sans relever mes jurons.

    J’en reste sans voix pendant quelques secondes. Elle se fout de ma gueule, non ? J’adore mes parents, mais dès qu’il s’agit de mon frère Liam, ils perdent tout sens commun.

    — Tu veux que je gère mes cours, mes entraînements, mes matchs et déplacements avec un job étudiant ?

    — Tout le monde le fait, mon chéri.

    Je peux l’entendre lever les yeux au ciel.

    — Ton cousin, Allan, travaille à mi-temps dans une boutique pour payer son cursus.

    — Allan n’est pas sportif de haut niveau maman…

    Dans son dos, j’entends mon père l’appeler pour passer à table. Ma mère coupe vite la conversation, après m’avoir assuré une dernière fois que tout allait bien se passer. Je serre mon téléphone et ma mâchoire, me retenant de pleurer de rage. Je suis dégoûté. C’est la saison la plus importante pour moi, celle où les recruteurs vont enfin s’intéresser à mon parcours et me sélectionner ou non pour entrer en ligue nationale. Et Liam me coupe l’herbe sous le pied…

    Je sors de ma chambre en claquant la porte. Je dévale les escaliers et arrive dans la cuisine. La table est déjà mise. Lorenzo, Narcisse et Joseph sont attablés. Elizabeth nous rejoint depuis le salon où elle regardait un documentaire sur un peintre qu’elle étudie en classe.

    — Colin, tout va bien ?

    — Super, je pète la forme.

    — Tu tires une gueule de dix pieds de long, mon pote, remarque Lorenzo en me désignant de sa fourchette. Qu’est-ce qui t’arrive ?

    — Rien, je grommelle en plantant rageusement ma fourchette dans un brocolis.

    Mes amis restent silencieux un moment, mais je sens bien leurs regards posés sur moi.

    — Comment sont les brocolis ? demande Narcisse.

    — Délicieux, ils fondent dans la bouche, répond Elizabeth.

    — J’adore ça, on dirait des petits arbres. J’ai l’impression d’être un géant quand j’en mange, renchérit Lorenzo.

    Soudain, je n’y tiens plus. Entre deux brocolis et deux morceaux de poulet, je lâche :

    — Mes parents me coupent les vivres.

    Les couverts tombent sur la table, les yeux s’arrondissent.

    — Attends, rembobine : quoi ?

    Je regarde Lorenzo. Il a posé un coude sur la table et fait un mouvement du poignet dans les airs, comme s’il cherchait à revenir en arrière et s’assurer qu’il a bien entendu. Je répète en détachant chaque syllabe.

    — Mais… C’est impossible, souffle Joseph.

    — Putain, avec Le Saint et toi en moins, on est dans une merde noire, crache Lorenzo.

    — Il n’y a aucune chance pour les faire changer d’avis ? demande Narcisse.

    — Non, je vais devoir me démerder.

    Joseph baisse les yeux sur son bras plâtré. Pour lui aussi la saison est finie. Une fois qu’on lui aura retiré son plâtre, il devra faire des séances de kiné et se remuscler. Il ne sera pas sur la glace avant un petit moment. Mais les enjeux ne sont pas les mêmes pour lui. Alors qu’il veut juste prendre du plaisir pendant ses années d’études, je veux intégrer les Canadiens de Montréal. Si mes pronostics sont pourris, ils ne voudront jamais de moi.

    — Qu’est-ce que tu vas faire ? demande alors Elizabeth. Je lève les yeux vers elle.

    — J’en sais rien.

    Et c’est ça, qui me fait le plus chier. Alors que j’ai toujours une solution pour tout, cette fois-ci, je ne vois rien pour me sortir de cette histoire.

    L’entraînement du lendemain est une catastrophe. Déjà que nous avons perdu l’un de nos meilleurs joueurs suite à la blessure de Joseph, si en plus je ne joue pas correctement…

    Le coach se rend vite compte que je n’ai pas la tête au jeu. Alors que nous sommes en binômes et essayons de nous voler respectivement le palet pour le mettre dans les buts protégés par Lorenzo, il m’interpelle :

    — Schultz ! Tu vas te bouger un peu, oui !

    — Oui coach, je réponds aussitôt.

    Mais malgré ma bonne volonté, je ne parviens pas à récupérer le palet gardé par mon adversaire, un premier année qui n’avait encore jamais mis les pieds sur la glace. Il s’est découvert cette passion pendant les stages que nous avons

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